Chapitre 4 : Convention de conversion et qualité du reclassement

Les résultats empiriques du chapitre précédent ont mis en évidence que le passage par une convention de conversion permettait de réduire la durée moyenne de chômage des bénéficiaires par rapport aux autres licenciés économiques. Toutefois, ce résultat est amoindri par le fait que ces bénéficiaires sont à l’origine les licenciés ayant le plus de chances de retrouver un emploi (les plus qualifiés, les moins anciens). Cependant, la durée de chômage n’est pas le seul indicateur d’efficacité d’un tel dispositif, bien que sa réduction soit l’objectif prioritaire des conventions de conversion. D’autres dimensions doivent être analysées pour évaluer la qualité de la réinsertion des adhérents. Ainsi, le statut du contrat, sa stabilité (sa durée) constituent au même titre que les salaires du nouvel emploi, des indicateurs de la qualité du reclassement après passage par une convention de conversion.

Les travailleurs déplacés sortis du chômage retrouvent rarement un emploi comparable au précédent. Aux Etats-Unis, les pertes salariales encourues par les travailleurs déplacés sont évalués entre 10 et 30% (Ruhm, 1991, Kletzer, 1998). Pour l’Europe, les résultats sont plus mitigés : les pertes salariales sont selon les études soit inexistantes (Abbring et al., 2002, Bender et al., 2002), soit très faibles - environ 10% - (Albaek et al., 2002, Borland et al., 2002) 90 .

La principale explication à de telles différences est d’ordre institutionnelle et place au premier plan le système d’indemnités de chômage et/ou d’indemnités de licenciement en vigueur sur les marchés du travail européen. Ces garanties de revenus permettent aux chômeurs licenciés de chercher un emploi correspondant à leur exigences salariales et d’augmenter la qualité de l’appariement. Margolis (2000) montre ainsi que la plupart des salariés licenciés occupaient un contrat à durée indéterminée et avaient des niveaux d’ancienneté élevés. Ce type de chômeurs peut décider de poursuivre leur prospection plutôt que d’accepter une offre en dessous des conditions statutaires et salariales de leur ancien emploi. Suivre une formation au sein d’un programme actif peut accentuer cet effet.

Ce chapitre 91 a pour objectif de mesurer l’impact du passage par une convention de conversion sur la qualité de l’emploi retrouvé. Deux indicateurs de qualité seront ici considérés : la nature de l’issue après la sortie du dispositif (CDI, CDD ou une autre destination) et le salaire obtenu.

On détermine d’abord l’impact du dispositif en termes de conditions statutaires du nouvel emploi en distinguant les différentes issues. Le modèle estimé permet de considérer les cas où les individus ont quitté le dispositif avant son échéance. Il convient en effet d’évaluer la qualité du reclassement selon que les bénéficiaires ont terminé ou non le programme afin d’isoler l’impact du dispositif en lui-même. Pour ce faire, un modèle à risques concurrents dépendants est estimé. Les résultats montrent que le passage par le dispositif fait augmenter en moyenne de 8 points la probabilité de transition vers l’emploi en CDI des bénéficiaires.

Ensuite, on s’intéresse au salaire obtenu : il s’agit de déterminer si les conventions de conversion augmentent les salaires des adhérents. Dans ce cas, le modèle économétrique estimé permet de contrôler deux sources de biais éventuels : l’entrée dans le dispositif et l’accès à l’emploi. On examine par la suite le même modèle en prenant en compte la possibilité de formation. En revanche, et conformément aux résultats généralement obtenus quant à l’évaluation de l’impact des programmes actifs sur les revenus, l’effet sur les salaires est relativement faible. Les salaires des adhérents n’augmentent en moyenne au plus que de 1.5%.

Ce chapitre est organisé de la manière suivante. La première section justifie l’intérêt porté à la qualité de l’emploi retrouvé dans le cadre de l’examen des trajectoires individuelles des licenciés économiques. Le modèle économétrique et les résultats de l’estimation de la nature du contrat retrouvé - à l’issue d’une convention de conversion - sont exposés dans une deuxième section. La troisième section détaille l’analyse relative aux salaires comme indicateur de qualité du reclassement. Enfin, la dernière section conclut ce chapitre.

Notes
90.

L’étude de Couch (2001) constitue toutefois une exception : il estime que les revenus annuels des travailleurs déplacés allemands baissent de 13.5% l’année consécutive à la fermeture de l’établissement.

91.

Ce chapitre se fonde en partie sur des travaux en commun avec Denis Fougère et Julien Pouget.