3.5. Formation et salaire

Les chômeurs licenciés qui adhèrent à une convention de conversion ont la possibilité de suivre une formation. En investissant en capital humain, les individus peuvent obtenir des salaires plus élevés (Becker, 1962, Mincer, 1958). Les travailleurs licenciés qui acceptent de participer au programme subissent un coût d’opportunité lié à la perte de salaire s’ils avaient recherché un emploi tout de suite. Par rapport aux adhérents qui n’investissent pas dans une formation, ils sont supposés avoir une intensité de la recherche plus faible, ce qui peut réduire le nombre d’opportunités d’emploi. Cependant, un effet supplémentaire peut s’ajouter à celui-ci, si les individus ayant suivi une formation deviennent plus exigeants en termes d’emploi et de ce fait manifestent des salaires de réserve plus élevés. Par ailleurs, la formation peut également signaler aux employeurs la motivation des participants, ce qui peut augmenter leur probabilité de trouver un emploi. Ceci ajoute un effet de la formation, opposé aux deux précédents, jouant à la hausse sur les salaires.

Dans le cas des licenciés économiques, la formation peut leur permettre de se reconvertir dans un nouveau secteur d’activité ou de se former à un nouveau métier. Le principe du « learning by doing » suggère l’importance de rester en emploi pour que le salarié puisse réactualiser ses compétences par rapport au changement technologique. Ceci n’est pas possible pour les chômeurs (Coles et Masters, 2000). Le licenciement économique touche généralement une population dont les qualifications sont souvent obsolètes sur le marché du travail actuel. L’éducation constitue un déterminant essentiel des performances individuelles sur le marché du travail en termes de rémunération. Au niveau macro-économique, il est souvent considéré que l’éducation (à travers la formation) contribue à l’amélioration des performances économiques collectives en favorisant la croissance et l’emploi (Burdett et Smith, 2002). D’un côté, une amélioration des perspectives d’emploi accroît le rendement salarial de l’éducation et encourage de ce fait les investissements éducatifs individuels. D’un autre côté, une augmentation de l’effort éducatif agrégé accroît la productivité moyenne de la main-d’œuvre et favorise la conception et la diffusion du progrès technique, ce qui stimule la création d’emploi. L’éducation accélère la croissance et avec elle le rythme d’obsolescence des compétences, avec pour conséquence une réduction de l’âge limite d’employabilité. Elle peut donc aviver les phénomènes d’exclusion dont peuvent être victimes les chômeurs plus âgés (Decreuse et Granier, 2002). Au niveau micro-économique, les choix de formation privés obéissent à une double motivation. D’une part, bénéficier du flux de revenu le plus élevé possible; d’autre part, demeurer employable le plus longtemps possible.

L’analyse de l’impact de la formation sur les salaires va nous permettre d’affiner les résultats relatifs au changement de secteur d’activité ou d’occupation pour les licenciés économiques. L’analyse précédente a permis de mettre en évidence que la passage par une convention de conversion permettait en moyenne de réduire les écarts de salaire entre les licenciés économiques opérant un changement de secteur d’activité et les autres. On peut penser que la formation peut préparer les individus à une reconversion et ainsi réduire les pertes salariales imputables à un tel événement. Encore une fois, nous centrons l’analyse sur le salaire du nouvel emploi obtenu et n’estimons pas les pertes salariales directement associées au licenciement en comparant l’ancien et le nouveau salaire. La section suivante présente la démarche économétrique adoptée dans ce cadre d’analyse.