2. Étude du passé mais données du présent

L’archéologie voulant être l’étude du passé à partir de sources matérielles (à la différence de l’histoire qui se base sur des sources écrites), on imagine du même coup que ce que l’on retire des fouilles sont des données du passé. Mais ceci est faux, ce sont des données présentes c’est-à-dire du présent. En fait tout au long de leur passage dans le sol, les données se sont modifiées, altérées et l’on ne retrouve jamais ce que l’homme de l’époque a jeté, perdu ou déposé, mais quelque chose de modifié, quelque chose que nous recevons aujourd’hui. Ce ne sont pas des témoins du passé mais des indicateurs dans le sens où ce que l’archéologue découvre est un fragment (même si l’objet est intact), une information résiduelle de l’activité humaine et non pas l’activité elle-même. […], l’archéologue ne récolte qu’une information qui a été plus ou moins tronquée par des phénomènes variés, connus ou non ; même si ses méthodes de collecte sont d’une grande finesse et d’une fiabilité certaine, son information ne représente qu’une parcelle, souvent très modeste et pas obligatoirement significative de la réalité ancienne ; […] (Delporte, 1984, p. 19).

C’est d’abord Carl-Alex Moberg qui, en 1980 dans son Introduction en archéologie (Moberg, 1980), a essayé d’expliciter ce passage entre un groupe observable au moment de son existence et ce que l’archéologue étudie. Depuis, plusieurs archéologues dont Gardin (Gallay, 1986, p126) 3 , Delporte (Delporte, 1984) et Gallay (Gallay, 1986) ont repris cette démarche.

La constitution des vestiges archéologiques s’élabore suivant quatre phases chronologiques :

Comme on peut le voir P3 ne peut pas être représentatif de la population de référence P0. Certains éléments de P0 sont définitivement perdus (faits sociaux), les interprétations peuvent donc être diverses et dépendent des découvertes passées mais surtout futures, qui pourront les confirmer ou les démentir. En effet l’archéologie n’est pas une science de l’expérimentation (ses informations sont des fragments de la population étudiée) mais une science de l’érudition dont les sources périssables doivent être additionnées et cumulées pour pouvoir aboutir à la validation ou la réfutation des hypothèses émises. C’est pour cela qu’il est incorrect de dire que les données archéologiques sont des éléments du passé. Ce sont des éléments du présent.

Notes
3.

Je ne peux pas donner ici les éléments bibliographiques concernant les écrits de J.-C. Gardin sur ce sujet car les références que Gallay donne dans son livre ne sont pas assez claires pour me permettre de retrouver le texte de référence de Gardin.

4.

J'emploie ici le vocabulaire utilisé par Gallay (Gallay, 1986, p 127 à 154) qui reprend dans un premier temps les terminologies de Gardin, population parente P0, population observable P1, population observée P2, population étudiée P3, suivies de ses terminologies propres, objet matériel, vestige archéologique conservé, vestige archéologique observé, vestige archéologique étudié.