1.1.1. Navigation hypertextuelle

Le service le plus connu d'Internet et qui a grandement participé à rendre Internet d'intérêt pour un large public est le dernier-né des services : le World Wide Web – plus couramment dénommé le Web, et pour lequel la commission générale de terminologie et de néologie 11 recommande le terme de "toile d'araignée mondiale 12 " – service inventé au CERN 13 en Suisse, développé pour être un outil de collaboration pour la communauté des scientifiques en physique des hautes énergies. Basé sur le principe de l'hypertexte, le Web permet la mise à disposition pour l'ensemble des internautes d'informations consultables en tout point du réseau de façon simple. Le concept d'hypertexte est ancien. En 1945, Vannevar Bush, conseiller du président Roosevelt, avait imaginé dans les pages d'un article – "As We May Think" 14  – un système destiné à améliorer les capacités cognitives. Ce système, MEMEX (Memory Extender), serait composé d'une mémoire dans laquelle seraient stockés les divers éléments d'information et d'un mécanisme permettant d'y accéder. Il repose sur l'indexation associative des éléments d'information, imitant les associations d'idées de l'esprit humain. En 1963, Douglas Engelbart – Université de Stanford – reprend ces idées et initie le système NLS (oN-Line System) proposant des ressources de communications synchrones et asynchrones, dont il publie les fondements dans l'article "A Conceptual Framework for the augmentation of Man's Intellect" 15 . Les termes d'hypertexte et d'hypermédia sont inventés par Theodor Holm Nelson en 1965, initiateur du projet Xanadu 16 et reçoivent la définition suivante :

‘"Un ensemble d'écrits ou d'illustrations interconnectés d'une façon complexe qui ne permet pas de le représenter correctement sur du papier. Il peut contenir des sommaires ou des cartes de son contenu et leurs interrelations ; il peut contenir des annotations, additions et notes de bas de page d'universitaires qui les ont examinés." 17

Un Hypertexte est un ensemble de données informatives numérisées qui peuvent se consulter et se lire selon des parcours divers 18 . La différence majeure qui l'oppose au texte est que le texte propose un parcours fixe tandis que les données d'un hypertexte sont réparties en éléments ou noeuds d'information marqués par des liens sémantiques, qui permettent de passer de l'un à l'autre lorsque l'utilisateur les active. Le terme mathématique d'hyperespace désigne un espace à n dimensions. L'hypertexte figure un espace à n dimensions dans lequel le lecteur se déplace en sélectionnant les liens qui l'intéressent créant sa vision personnelle, son point de vue de l'hypertexte. Les contraintes sémantiques de l'accès aux documents et aux connaissances ne sont pas levées mais l'informatique apporte rapidité, facilité, interactivité, recherche d'information automatisée...

Le principe de base d'un hypertexte réside dans la conception des liens entre les éléments d'information. À son degré de complexité le plus simple, l'hypertexte ne constitue rien d'autre qu'un tourne-page. On distingue en effet plusieurs types de structures d'hypertexte. Linéaire, la structure d'un hypertexte néglige justement l'intérêt de l'hypertexte. Les deux autres types de structure sont la structure hiérarchique (arborescente) et la structure en toile d'araignée. La tendance se dirige vers des systèmes d'information plus intelligents, l'essentiel de l'innovation se situant dans les types de liens. On peut en distinguer trois classes, les deux dernières étant le moteur du progrès en association avec la technique des pages dynamiques 19  :

  • les liens explicites : posés manuellement, ancrés dans un lieu précis d'un noeud (un mot, un paragraphe, une image) ;
  • les liens calculés sont posés par l'activation d'une ou plusieurs propriétés associées au noeud source et au noeud cible ;
  • les liens exécutables : programmes lancés lors de l'activation du lien.

Le Web peut être conçu comme un hypertexte distribué sur des machines géographiquement distantes ou comme un ensemble d'hypertextes locaux entre lesquels existent des liens. D'un point de vue technique, le Web est constitué de l'ensemble des serveurs HTTP 20 à accès ouvert de la planète qui mettent à disposition des pages HTML 21 lisibles avec un navigateur comportant le plus souvent un ou plusieurs liens qui peuvent pointer vers un endroit de la même page (local interne), vers une autre page du même site (local externe), vers une page d'un autre site (externe). Ce sont sans aucun doute l'interface graphique et la possibilité d'accéder rapidement à des informations liées en un seul clic qui ont fait le succès de ce service.

Notes
11.

Le programme d'action gouvernemental " Préparer l'entrée de la France dans la société de l'information ", en 1998, s'est allié les services de la commission générale de terminologie et de néologie pour élaborer des recommandations terminologiques à l'attention des différentes administrations –ainsi que l'orthographe académique fut imposée aux fonctionnaires en 1832–, l'argument étant que "L'existence d'une terminologie en français, claire et accessible, facilite l'appropriation des technologies de l'information et de la communication par le plus grand nombre." (Vocabulaire de l'informatique et de l'internet – Journal officiel du 16 mars 1999 http://www.culture.fr/culture/dglf/cogeter/16-03-99-internet.html).

12.

Simple traduction de la métaphore anglosaxone.

13.

Cf. Page du CERN, Organisation Européenne pour la Recherche Nucléaire : http://welcome.cern.ch/welcome/gateway.html, et Page du CERN à propos l'invention du Web : http://public.web.cern.ch/Public/ACHIEVEMENTS/web.html

14.

Vannevar Bush (1945) As We May Think – The Atlantic Monthly. http://www.isg.sfu.ca/~duchier/misc/vbush/vbush.shtml

15.

Engelbart (1963) "A Conceptual Framework for the Augmentation of Man's Intellect." Vistas in Information Handling. Ed. P.D. Howerton and D.C. Weeks. Washington, D.C.: Spartan Books.

16.

Nelson, T.H. (1978) "Dream Machines: New Freedoms Through Computer Screens–A Minority Report." Issued with "Computer Lib." South Bend IN: The Distributors. Et Nelson, T.H. (1990) "On the Xanadu Project", BYTE Magazine , Vol. 15, No. 9, Sep. 1990, pp. 298-299.

17.

"a body of written or pictorial material interconnected in a complex way that it could not be conveniently represented on paper. It may contain summaries or maps of its contents and their interrelations; it may contain annotations, additions and footnotes from scholars who have examined it.". Nelson, Ted. A File Structure for the Complex, The Changing and The Indeterminate, ACM 20th National Conference, 1965.

18.

Cf. Laufer & Scavetta (1992) et Bruillard (1997).

19.

Dont le contenu est calculé en fonction de paramètres utilisateurs.

20.

HyperText Transfer Protocol

21.

Hypertext Markup Language