2.3. Première caractérisation de la communication IRC

Dans un premier temps, nous tenterons de dégager les spécificités que crée le dispositif de communication par rapport aux autres dispositifs connus, ceux-ci nous permettent en première approximation de constituer une caractérisation de la communication linguistique propre aux IRC.

La communication IRC est synchrone, c'est-à-dire que les participants à l'échange linguistique sont engagés dans le même temps ainsi qu'ils le seraient dans une conversation en face à face, mais comme dans les conversations téléphoniques, les participants peuvent se trouver dans des espaces distants et dans des temporalités relatives différentes.

La communication est basée sur l'écrit : les participants utilisent des caractères. Si la conversation téléphonique ampute la situation de communication prototypique des caractéristiques visuelles et de l'espace partagé, dans les IRC, les participants ne peuvent pas non plus bénéficier des informations véhiculées par la prosodie : l'intonation, le rythme, l'accentuation, le débit, la mélodie...

Du point de vue du nombre de participants, les IRC se rapprochent de la conversation en face à face laquelle, contrairement à la conversation téléphonique, engage couramment plus de deux locuteurs. Les interventions des locuteurs n'étant repérables que par la forme écrite de leur surnom qui précède le message interventif en lui-même, et les interventions de divers locuteurs se succédant assez rapidement, la charge cognitive nécessaire pour suivre la conversation semble plus importante. D'autre part un locuteur peut être engagé dans des conversations différentes, qui peuvent se jouer dans le même canal ou dans plusieurs canaux. Le dispositif permet toutefois de consulter facilement la trace des interventions et des événements survenus sur un canal.

Dans les situations de communication courantes, on note la variation que fait surgir le fait que les locuteurs engagés dans un échange linguistique se connaissent ou non et ont des statuts différents. Dans les communications sur IRC, on rencontre plusieurs cas de figure simultanément. Les participants peuvent ne pas se connaître, se connaître virtuellement, se connaître réellement. Hormis ce dernier cas, on ne sait de l'autre que ce qu'il en dit et ce qu'il est dans l'espace virtuel. Ainsi que nous l'avons mentionné, le dispositif lui-même confère un statut aux participants. Des rapports de places peuvent en découler.

La communication linguistique synchrone orale impose une gestion particulière des tours de parole. Ici, les chevauchements, les interruptions revêtent une forme particulière qui n'a rien de comparable à celle de la conversation en face à face ou au téléphone puisqu'un utilisateur, sauf problème technique ou intervention musclée d'un opérateur, a la pleine maîtrise de la longueur de son intervention. Cette dernière est toutefois contrainte par le fait que tant que le locuteur émetteur n'a pas signifié l'envoi du message, il n'est pas visible des autres utilisateurs. Pour être pertinentes les interventions réactives doivent être temporellement proches de leur source donc d'une longueur limitée. La stratégie employée pour pallier les délais imposés est alors parfois de découper les interventions.

Il découle de cette première caractérisation les points pour lesquels nous pouvons faire l'hypothèse qu'ils se manifesteront de façon spécifique et donneront à observer des stratégies particulières.

Ainsi en premier lieu, le code écrit, plus spécifiquement destiné à l'échange asynchrone, devrait manifester des spécificités. Les caractéristiques lexicales et syntaxiques du corpus devraient également se rapprocher de celles de la conversation en face à face. On devrait également noter des particularités quant aux repérages déictiques et aux formes d'adresses, qui devraient apparaître explicitement plus que dans tout autre type d'échange puisque les indices para- et extra- linguistiques ne sont pas accessibles directement aux interlocuteurs. Enfin, les stratégies de gestion des tours de parole et de construction de la conversation devraient différer de celles de la conversation en face à face.