5.1. Code verbal

Cette section présente le versant verbal dans le code écrit des IRC, la section suivante se consacrera aux émoticones. Nous tentons de dégager ce qui dans l'utilisation du matériau dactylographié se présente comme appartenant spécifiquement à ce type d'interaction communicative.

5.1.1. Orthographe

On a coutume de considérer l'orthographe comme une institution, née d'un besoin technique pour une lecture efficace, l'écrit présentant une moindre tolérance à l'ambiguïté que l'oral, les négociations sur le code étant potentiellement moins immédiates. Les normes de l'écrit sont pourtant quotidiennement malmenées 118 sans catastrophe.

Étant donné les caractéristiques spécifiques du code IRC, dont nous n'avons jusqu'ici donné que quelques aperçus, il est très difficile de se prononcer à propos de l'orthographe. Les graphies rencontrées dans le corpus sont plus que souvent déviantes. Dans nos corpus, 26,42% des unités linguistiques présentent au moins un écart à la norme. Nous faisons l'hypothèse ici qu'il s'agit majoritairement d'une tendance volontaire et contrôlée à tenter de représenter l'oral tel qu'il est prononcé, proféré. Le non respect manifeste de la norme est peut-être, comme le suggèrent certains puristes, une stratégie pour masquer la non maîtrise du code écrit, mais il est hasardeux de prendre position sur cette question. Il est certes une part des graphies déviantes qui ne s'expliquent pas autrement que par la notion de faute d'orthographe ou erreur de frappe – ces deux types n'ayant évidemment pas le même statut. Les premières portent soit sur des morphogrammes grammaticaux et lexicaux, soit sur des logogrammes 119 , lettres historiques et étymologiques. Nous nous contenterons sur ce point, notre intérêt n'étant pas de quantifier le degré d'acquisition de la norme, de signaler que les déviances qui répondent à la notion de faute sont bien plus importantes sur les morphogrammes, mais les stratégies d'évitement des difficultés de l'autre catégorie ne pouvant être contrôlées il ne peut s'en tirer de conclusion autre que hâtive. Pour ce qui concerne les erreurs de frappe nous avons compté les substitutions de caractères proches sur le clavier, les inversions de caractères, les espaces et apostrophes mal placées, phénomènes illustrés dans les quelques exemples suivants, et mis en relief par l'attribut gras.

‘Extrait du Corpus P6’ ‘*PH3: ca ba PI7 ?’ ‘Extrait du Corpus P3’ ‘*PAS: plein de ptits ballins qui se gonflent’

'b' et 'v' d'une part et 'i' et 'o' d'autre part sont proches sur le clavier français 120 , ce qui laisse penser qu'il ne s'agit dans ces cas que d'erreurs de frappe – substitution de caractères. On peut se faire la même remarque au sujet des exemples suivants, dans lesquels à l'intérieur d'une unité, ou en frontière d'unités, des caractères – ici marqués en gras – ont été inversés.

‘Extrait du Corpus P7’ ‘*PAK: bah jvais alelr la faire changer de la banque aujourdhui’ ‘Extrait du Corpus P7’ ‘*PDS: j' aodre l'anglais mdr’ ‘*PCA: ce'st vrai koi’ ‘Extrait du Corpus F7’ ‘*PBP: alors PEI la demi finale d ela coupe de france ? 121

De plus, l'utilisation des caractères comportant un accent ou une cédille – i. e. tous ceux qui ne se présentent pas sur les claviers prévus pour l'anglais – étant toujours problématique entre plateformes différentes, nous n'avons pas prêté attention à leur substitution par des caractères simples, cela étant depuis longtemps recommandé par la netiquette.

Parmi les déviances restantes, nous avons considéré deux catégories : d'une part une catégorie dans laquelle les déviances peuvent s'expliquer par les contraintes temporelles imposées par le dispositif, et d'autre part une catégorie rassemblant les déviances liées à une volonté de représentation de la matérialité de la chaîne parlée. Nous essayons ci-après de caractériser les autres déviances.

Notes
118.

Lucci et al. (1994).

119.

Au sens de Catach (1995), les logogrammes sont ensemble d'unités graphiques formant des "images de mots". La fonction essentielle des logogrammes est de distinguer formellement des homophones. Les morphogrammes grammaticaux sont les indications de flexion, tandis que les morphogrammes lexicaux sont des éléments dont le rôle est de conserver une identité formelle à des unités lexicales de même "famille".

120.

Nous avons évidemment été obligés également de considérer les erreurs pour un clavier anglais.

121.

Dans cet exemple, un caractère espace et le 'e' ont été inversés.