5.1.2. Abréviations

En premier lieu, ce qui frappe dans la matérialité de la communication IRC est l'abondance des abréviations. Ce fait pourrait s'expliquer par les contraintes temporelles générées par le dispositif. Le temps nécessaire à la production d'un message est en effet plus lent à l'écrit qu'à l'oral : la vitesse de frappe la plus élevée n'approche pas le débit d'élocution moyen (150 à 200 mots à la minute selon Levelt 1989, 1993). Rappelons que l'accessibilité d'un message à son (ou ses) destinataire(s) n'a lieu que lorsque le locuteur émetteur a validé l'envoi du message. Pour être pertinentes les interventions réactives doivent être temporellement proches de leur source donc d'une longueur limitée. Du point de vue du décodage, le traitement à l'oral est presque simultané à la production, il est donc en somme conditionné par le débit de production, tandis qu'à l'écrit les stimuli sont traités indépendamment de leur production 122 . L'écart entre la vitesse de production et la vitesse de traitement devrait donc engendrer des stratégies d'équilibrage qui en augmentant la vitesse de production ont pour conséquence de ralentir le temps de traitement. Une stratégie pour réduire le temps de production est la réduction de la forme.

La langue contemporaine utilise des procédés d'abréviation que ce soit à l'écrit ou à l'oral. Sous le terme d'abréviation on rassemble des phénomènes de réduction de la forme d'une unité lexicale à l'exception des réductions imposées par la phonologie, "elle consiste à manifester une unité linguistique par un signifiant qui, amputé d'un ou plusieurs éléments, conserve le signifié de l'unité de départ" 123 . Ce phénomène, à l'oral, est réputé concourir à la néologie lexicale. Il économise la quantité de matériel signifiant nécessaire à la référence. On s'attend donc à ce qu'il se produise sur des unités relativement longues et fréquentes et/ou d'usage courant 124 . La fréquence des unités lexicales dépend des situations référentielles. Les unités lexicales affectées par l'abréviation sont caractéristiques, entre autres 125 , de la variation diastratique.

Nous considérerons trois types d'abréviation, conformément à l'attitude générale : l'abréviation proprement dite, en ajoutant un point sur ses spécificités à l'écrit, la siglaison et l'abréviation en acronymes.

Notes
122.

Les données chiffrées pour les vitesses de production et de traitement à l'écrit et à l'oral varient énormément notamment en fonction des stimuli, toutefois on peut dire globalement que la vitesse de traitement de stimuli oraux est inférieure à la vitesse de traitement de stimuli écrits comparables, et que la vitesse de production d'énoncé oraux est supérieure à la vitesse de production d'énoncés écrits comparables. L'écart entre les vitesses de traitement et de production est plus important pour l'écrit que pour l'oral.

123.

Arrivé, Gadet, Galmiche (1986)

124.

La distinction entre le caractère fréquent et courant concerne respectivement le nombre élevé d'occurrences d'un terme, et l'appartenance d'un item au vocabulaire de base, ou commun.

125.

Le parler "jeune", par exemple, en est aussi fortement empreint.