5.1.4.3. Redoublement de caractères

Ce phénomène ne concerne pas seulement les unités linguistiques, nous le verrons à la section suivante. Les unités linguistiques affectées par ce procédé sont à 43% des interjections et onomatopées, à 7% des noms propres de personnes et enfin dans de plus faibles proportions des noms, des verbes, des adjectifs, des adverbes et des pronoms.

Il est possible de distinguer deux cas différents : le redoublement de consonnes et le redoublement de voyelles. Il semble en effet difficile de relier dans le groupe des consonnes le redoublement de lettres correspondant à des occlusives orales ou de lettres "muettes" à une quelconque manifestation phonétique courante en français, tandis que le second pourrait être rapproché du phénomène à caractère prosodique rapidement décrit plus haut. 43% des unités affectées par ce phénomène présentent un redoublement de voyelles, 31% un redoublement de consonnes non muettes dont 90% ont le trait [+continu] 153 , 11% un redoublement de consonnes "muettes", 1% sont affectées par les deux premiers types de redoublement et 3% par le premier et le troisième type et enfin 14% présentent un redoublement de syllabes 154 .

On peut alors faire l'hypothèse que l'utilisation du redoublement de caractères est en partie un moyen pour un locuteur de démarquer visuellement son intervention de celles des autres locuteurs, cela intervenant essentiellement sur les noms propres de personne; et en partie un moyen de représenter des caractéristiques phonétiques des énoncés.

Si l'on se positionne dans cette deuxième perspective, le redoublement de caractères indiquerait la durée d'un segment. Rossi et al. (1981:50) rappellent que "les variations temporelles sont régies par de multiples facteurs qui correspondent à des niveaux d'analyse différents (paralinguistiques, intrinsèques et co-intrinsèques, linguistiques) et qui font de la durée un paramètre très difficile à interpréter". Si on écarte les variations temporelles intrinsèques et co-intrinsèques, pour le français, la durée est un paramètre impliqué dans le débit (émotions, attitudes, phonostyles, types de discours…), l'accentuation et le rythme (fonction démarcative, expressive, émotive) et l'intonation 155 .

Dans nos corpus, l'interprétation de ce phénomène semble dépendre de l'unité à laquelle il est attaché et véhicule essentiellement de l'expressivité et des émotions. Dans l'exemple suivant, la réponse du locuteur est affectée d'un redoublement de caractère qui véhicule une sorte d'excitation du locuteur.

‘Extrait du Corpus F7’ ‘*PHQ: a va ?’ ‘%add: PBG’ ‘*PBG: ouiiiiii super merci et toi’ ‘%add: PHQ’

Ce type est à rapprocher de celui qui se porte sur les noms propres vocatifs en séquence d'ouverture, qui exprime l'excitation que suscite chez un locuteur l'arrivée d'un participant particulier. En revanche, le redoublement dans l'exemple suivant, renforce le dégoût exprimé par l'interjection.

‘Extrait du Corpus F3’ ‘*PCA: bahhhhhhhhhhhhhhhh !!!!!!!!!!!!!!!!!!! du foot’

L'extrait ci-dessous, lui, présente le soulignement d'un item et pourrait être rapproché de l'accent d'insistance.

‘Extrait du Corpus F8’ ‘*PDY: faut pas deconner, c'est pas ignooooooble de demander des explications’

Cette pratique du redoublement, bien que réprouvée par la netiquette à l'article flood, ne fait pas l'objet de réprobation de la part des opérateurs dans nos corpus.

Notes
153.

Nous incluons là les occlusives nasales bien qu'elles ne puissent appartenir strictement à cette classe n'étant continues que dans la cavité nasale.

154.

Il s'agit à quelques exceptions près d'interjections.

155.

Hirst & Di Cristo (1998:1-44) ; Di Cristo (1998:195-218).