Traditionnellement, sont distingués comme appartenant au système de la ponctuation une dizaine de signes : le point, le point d'interrogation, le point d'exclamation, les points de suspension, la virgule, le point virgule, les deux points, les guillemets, les parenthèses, les tirets. Il est toutefois à noter que dans cette catégorie pourraient être ajoutés les espaces (segmentation en mots), les majuscules de début de phrase, les retours et sauts de lignes, les alinéas et nombre d'autres attributs de mise en forme du texte qui contribuent à la structuration du texte 170 . Notons que certaines de ces formes peuvent être employées à d'autres fonctions. Anis et al. (1988) nomment l'ensemble de ces formes des topogrammes lorsqu'elles sont utilisées pour organiser un texte dans sa séquentialité et pour donner des indications énonciatives (modalités de phrases,…) tandis que les éléments – le point d'interrogation, le point d'exclamation, les points de suspension – qui peuvent être employés sans support, seuls ou combinés "pour exprimer de manière elliptique des valeurs sémantiques proches de celles qu'ils expriment dans leur usage normal" 171 sont dénommés topogrammes détournés. Un autre sous-ensemble de ces formes est utilisé pour d'autres fonctions : signalement des abréviations, écriture des nombres décimaux…
Les signes de ponctuation appartiennent strictement au code écrit et n'entretiennent pas un rapport simple avec la structure intonative de l'oral. Ils forment un système de signes graphiques qui contribuent à l'organisation de la séquentialité d'un texte, à sa segmentation en unités.
Ainsi, la virgule permet de former des groupes syntagmatiques, en marquant une frontière entre des termes de même fonction dans la coordination, ou en isolant les groupes fonctionnels en incise ou en détachement. Le point virgule, les deux points et la virgule peuvent séparer des sous phrases liées par une relation sémantique. Le point est utilisé pour segmenter le texte en phrases simples ou complexes essentiellement, cependant des auteurs signalent des usages littéraires contemporains dans lesquels l'encadrement d'unités linguistiques non autonomes par des points et donc détachement d'un élément de phrase a fonction de mise en relief. Les points de suspension sont donnés par la norme comme segmentant le texte en phrases avec prolongement sémantique. Il s'apparente à une sorte de troncation du matériel signifiant ouvrant sur de l'implicite ou sur du non pertinent (par ex. citation tronquée). Les points de suspension sont beaucoup utilisés à l'écrit dans le discours rapporté direct pour marquer par une sorte de métaphore iconique – l'espace physique représente une dimension temporelle – le débit, le rythme dans la chaîne parlée comme signe des émotions qui en sont la cause.
Le point d'interrogation marque les phrases interrogatives directes, il est des moins ambivalents parmi les signes de ponctuation. Avec le point d'interrogation, le point d'exclamation est rattaché au plan énonciatif. Ses valeurs sont si diverses qu'il est difficile d'en donner la liste : surprise, étonnement, perplexité, injonction…
Ces signes de ponctuation sont utilisés à l'écrit d'une façon singulière dans le discours rapporté direct, pour mimer en particulier des pauses de l'oral causées par des réalités diverses. La ponctuation n'étant pas clairement fixée par la norme, l'usage en dispose assez variablement.
Dans nos corpus, l'utilisation de signes de ponctuation est déviante au plan de la forme et de la fonction. Au plan de la forme, on note que les signes peuvent être employés seuls, ou bien en combinaisons, excepté pour la virgule et le deux points. Nous avons relevé 112 types différents de combinaisons de signes de ponctuation traditionnels, ces unités étant elles aussi la cible du redoublement de caractères, qui peuvent être regroupés en quelques classes du point de vue de la forme.
Seuls 26,5 % des interventions sont marquées par au moins un signe de ponctuation ayant des fonctions syntagmatiques ou discursives. 5,06 % des interventions comportent une virgule effectivement utilisée comme signe de ponctuation. Pour expliquer cette faible apparition, on pourrait objecter que la ponctuation devrait intervenir dans une grande partie des cas en fin d'intervention, et que par conséquent elle est implicite. Cependant, à l'écrit comme à l'oral, la syntaxe d'une phrase interrogative peut être la même que celle d'une phrase assertive et il n'est dans ce cas à l'écrit pas d'autre moyen de désambiguïser que d'utiliser le point d'interrogation. On observera d'autre part, qu'une intervention n'est pas toujours un énoncé fini.
Du point de vue de la fonction de ces signes dans les interventions, on ne retiendra que celles qui sont remarquables.
La majorité des interventions marquées par un point d'interrogation ont une structure ambiguë du point de vue du type de phrase. Et un grand nombre de ces structures, ambiguës quant au type de phrase, ne sont pas marquées par un point d'interrogation.
Des interventions constituées uniquement de signes de ponctuation servent à marquer des réactions non verbales telles que l'étonnement, la perplexité…
‘Extrait du Corpus P6’ ‘*PA1: jleur demande si ils font tourner l' adsl sur macosx il me reponde aplé france telecom’ ‘%add: PI7’ ‘*PI7: qmdr’ ‘%add: PA1’ ‘*PI7: mdr’ ‘%add: PA1’ ‘*PI7: ba qu'es t'a a leur poser des question con aussi :)’ ‘%add: PA1’ ‘*PA1: ...’ ‘%add: PI7’En ce qui concerne les points, nous parlons de suite de points plutôt que de points de suspension dans la mesure où ces unités comportent de deux à n points. Les emplois de suites de points se partagent les valeurs de points et celles de points de suspension décrits par la norme. On peut supposer que des stratégies de facilitation du décodage amènent les locuteurs à utiliser deux points de suite plutôt qu'un seul, ou encore qu'il s'agit d'erreurs de frappe. Les suites de points ont aussi une fonction suspensive ainsi que le montrent les exemples suivants :
‘Extrait du Corpus F4’ ‘*PAM: JE BOSSE MOI nan mais ho lol’ ‘%add: PAG’ ‘*PAM: fau pas croire ’ ‘%add: PAG’ ‘(2)’ ‘*PAG: PAM ben c'est ce qu'on fait.... on croit pas’ ‘%add: PAM’ ‘Extrait du Corpus F3 ’ ‘*PZZ: PCK doit aller chez l'ophtalmo depuis .. 2 ans’Dans les IRC, pour se signaler comme présent dans un canal, un participant peut utiliser la commande away 172 . Certains utilisent des ponctuations pour signaler qu'ils sont de retour devant leur clavier et disponibles. L'envoi d'un message constitué d'un point seulement, par exemple, a l'avantage de faire apparaître le surnom de son émetteur dans l'espace d'activité du canal i. e. la zone sur laquelle se concentre le plus l'attention de tous les locuteurs participants et lui permet donc de susciter probablement plus de réactions à son égard. Mais les caractères de ponctuation employés comme phatiques ne relèvent que d'un phénomène marginal.
Dans nos corpus, l'usage du deux points et du point virgule sont presque exclusivement réservés à la composition d'unités particulières : les frimousses, dont nous traitons à la section suivante. La restriction s'applique au deux points qui est quelquefois utilisé pour signaler que ce qui suit découle de ce qui précède, il fonctionne alors comme un présentatif, un introducteur d'explication.
‘Extrait du Corpus P6 ’ ‘*PCO: PE7 se casse: il a cours de math!’ ‘Extrait du Corpus P3 ’ ‘*PZZ: PAS fait une vois voix effemine efféminée: ouiiiiiiii’Enfin, on remarque à travers les corpus un faible marquage du discours rapporté direct. Les locuteurs se citent assez souvent les uns les autres et cela revêt une forme particulière, dans des cas précis. Si les paroles à rapporter ont été proférées dans la même session, le locuteur citant utilise une petite série de commandes qui permet de recopier les paroles à rapporter (le texte est rigoureusement le même) ainsi que le surnom de leur émetteur.
‘Extrait du Corpus F3’ ‘*PCA marchez bien sur els clous’ ‘(7)’ ‘*PED <PCA> marchez bien sur els clous’Dans l'exemple ci-dessus, le locuteur répète seulement les paroles d'un autre, mais le plus souvent, un énoncé original est lié à la citation, par exemple le locuteur citant estime que le locuteur à qui il s'adresse ne saura pas à laquelle des interventions il réfère, ainsi qu'il en est le cas dans l'extrait présenté ci-dessous.
‘Extrait du Corpus F5’ ‘*PBE: c'est quoi l'extension des domaines marocains...tunisiens?’ ‘*PBE: .ma ?’ ‘(10)’ ‘*PAX: <PBE> c'est quoi l'extension des domaines marocains...tunisiens?----------que veux-tu dire?’ ‘%add: PBE’Il s'insère alors le plus souvent un groupe de caractères séparateurs, ainsi qu'on peut l'observer dans l'exemple précédent, entre la citation et la partie originale de l'énoncé. Ce groupe de caractères peut être une série de tirets, une série d'espaces, ou des caractères combinés pour former une flèche ayant alors de surcroît une fonction de monstration.
‘Extrait du Corpus F8’ ‘*PAV: <PEK> donne moi un voice <------ encore un qui croit que je suis à son service’Dans le cas où la quantité de parole à rapporter est minime, ou lorsque les paroles à rapporter sont temporellement éloignées, cette fonctionnalité n'est pas utilisée (le texte est modifié).
Catach (1980)
Anis et al. (1988:143)
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