Chapitre 6
Unités conversationnelles

Nous avons présenté, au chapitre 2, les caractéristiques du dispositif d'où sont issus nos corpus. Ces corpus présentent des discours produits dans des situations naturelles. Certes le medium est nouveau et utilisé par une faible proportion de locuteurs, il ne s'agit pourtant pas de situations artificielles telles qu'on les rencontrerait dans la mise en situation de locuteurs pour l'observation de leurs usages linguistiques. L'objet technique qui permet la communication linguistique conditionne la structure spatio-temporelle de l'activité communicative.

Nous avons vu, au chapitre 2, que les communications IRC se réalisent dans des canaux. Ces derniers ont des propriétés particulières (nom, sujet, statut public ou privé, modéré ou non modéré, nombre de participants) et il leur est associé un code de conduite particulier (netiquette). Les participants ont également des statuts dans le canal (opérateurs, voices, simples utilisateurs) qui leur donnent des autorisations particulières quant à l'envoi de messages et à l'utilisation de commandes. Enfin, l'activité d'un canal est constituée des messages (simples et actions) et des commandes des participants (entrées et sorties du canal, changements de surnom des participants, commandes des opérateurs sur les participants ou sur les propriétés du canal) 184 .L'espace d'activité d'un canal est un centre où s'enregistrent séquentiellement les interventions publiques (messages et commandes) des utilisateurs connectés. Rappelons que tout utilisateur connecté a accès à l'ensemble de l'activité publique du canal depuis son arrivée dans le canal 185 .

Nous essaierons ci-après de caractériser les spécificités de l'interaction induites par le dispositif.

En effet, une lecture même superficielle – si toutefois elle est possible – des différentes sessions d'enregistrement montre qu'il convient de porter une attention particulière à la façon dont les messages s'échangent entre les participants d'un canal, et implique un traitement particulier des corpus.

Depuis les années soixante-dix les interactions communicatives sont l'objet d'un champ de recherche transdisciplinaire, il existe donc différents courants qui sont en partie dessinés par les objectifs d'analyse 186 . Dans la diversité des interactions communicatives la linguistique, qui a tardivement manifesté l'intégration véritable de l'interaction à son champ d'étude, s'intéresse essentiellement aux interactions verbales. Kerbrat-Orecchioni (1996:7-8) dégage les paramètres nécessaires à l'établissement d'une typologie de ces dernières. Ce sont : le cadre spatio-temporel dans lequel s'inscrit l'interaction, la nature du canal, le nombre et la nature de ses participants, son but, son degré de formalité et son style. Il nous faut ici ajouter, que les propriétés du dispositif technique, sont également importantes à prendre en compte.

Dans un premier temps, nous essaierons de proposer une caractérisation du type d'interaction en présence duquel nous sommes, à la lumière des paramètres mentionnés ci-dessus. Puis nous entrerons plus profondément dans l'analyse en observant ce qui se joue pour le réglage de l'alternance des tours de parole. Notre intérêt se portera ensuite sur les différentes unités qu'il est possible de dégager dans nos corpus en référence au modèle d'analyse proposé par l'école de Genève. Enfin, nous observerons quelques caractéristiques particulières qu'entretiennent les différentes interactions au sein d'une même session d'enregistrement.

Notes
184.

Cf. chapitre 3.

185.

L'activité du canal s'affiche séquentiellement dans une fenêtre, que nous avons appelé fenêtre d'activité, dont on peut faire défiler le contenu pendant la session (intervalle durant lequel l'utilisateur est connecté).

186.

Pour une présentation de ces différentes approches, on se reportera à Kerbrat-Orecchioni (1996:10-15).