7.2.2. Densité Lexicale

La densité lexicale est une mesure du rapport qui existe dans un texte entre mots grammaticaux et mots lexicaux. Cette notion suppose qu'on ait clairement déterminé à quel endroit se trouve la frontière entre mots lexicaux et mots grammaticaux. Le critère de l'ouverture fermeture de la classe permet de poser une ligne de démarcation bien que celle-ci soit souvent qualifiée de floue, voire impossible à placer ainsi que le stipule Langacker (1999:18) "les éléments traditionnellement assignés à la grammaire tendent à être assez schématiques (sémantiquement et/ou phonologiquement) tandis que ceux assignés au lexique tendent vers une plus grande spécificité. La différence est clairement une question de degré, et toute ligne de démarcation serait arbitraire" 242 . Tout en admettant cette restriction, on peut reconnaître que la part des items intermédiaires reste faible et considérer comme classes lexicales avec Givòn (1984:47-84) les noms, les verbes lexicaux, les adjectifs et une partie de la classe des adverbes 243 .

La part des mots grammaticaux dans un texte est toujours importante, ne retenir que les 20 items les plus fréquents aboutit en général à une liste d'items grammaticaux. Sur l'ensemble d'un texte, on recueille environ 20% de mots grammaticaux 244 . Contrairement à ce qu'on trouve dans les textes écrits littéraires ou plus caricaturalement dans le style télégraphique, nous relevons dans nos corpus un taux de 53,34 % d'occurrences de mots grammaticaux. De plus, dans les 46,66% de mots lexicaux restants on relève une forte proportion de noms propres, soit 21,5 %. Cette dernière est liée à ce mode de communication particulier, dans lequel les participants n'ont pas d'autre moyen que de recourir au nom propre vocatif pour sélectionner un allocutaire parmi les autres. Ainsi pour les classes lexicales majeures, le tableau (7-5) présente la proportion qu'elles manifestent dans nos corpus. On remarquera la très faible place des adjectifs et adverbes et la part importante des verbes.

Tableau (7-5) – Classes lexicales majeures
catégorie proportion
noms communs 11,85
verbes 15,60
noms propres 10,03
adverbes 0,32
adjectifs 0,04

En ce qui concerne les éléments grammaticaux, les indices sujets sont les items les plus fréquents. La fréquence des pronoms personnels disjoints est presque aussi importante que celle des indices sujets, et celle des pronoms qui entrent dans les structures phrastiques en positions argumentales autres que sujet est légèrement en dessous de celle des disjoints. Cette observation est à corréler avec la fréquence de structures disloquées que nous présenterons au chapitre 8.

Cette caractérisation des textes en fonction des mots lexicaux vs grammaticaux qui les composent, si on s'intéresse à la part d'information transmise par le lexique vs par la grammaire n'est qu'une vision partielle puisque ne sont pris en compte ni les marques morphologiques flexionnelles et dérivationnelles, ni les phénomènes syntaxiques et macro-syntaxiques.

Les mesures de fréquence, de densité et de diversité lexicale, si elles permettent d’obtenir des indices intéressants d’un point de vue global et permettant la comparaison entre des types de textes, ne donne pas une information qualitative sur la question des moyens lexicaux. Dans la section suivante, nous nous penchons plus précisément sur les spécificités que présentent nos corpus du point de vue lexical.

Notes
242.

"the elements traditionnally ascribed to grammar tend to be quite schematic (semantically and/or phonologically), whereas those assigned to the lexicon tend toward greater specificity. Yet the difference is clearly one of degree, and any particular line of demarcation would be arbitrary".

243.

Dans nos comptes, seuls les adverbes en –ment ont été retenus comme lexicaux.

244.

Picoche et Honeste (1992).