7.3.3. Morphologie ludique

Le titre de cette section peut laisser songeur. Il ne s'agit ici pas à proprement parler de création lexicale, mais d'ingéniosité linguistique ludique. Nous avons vu au chapitre 5, section 5.1.4.6, que divers types de variations phonétiques sont représentés dans la graphie. Les locuteurs jouent à imiter à l’écrit les productions phonétiquement déviantes (par rapport au français standard). L’identification de ces situations comme ludiques, se base sur un faisceau d’indices (changement de style d’écriture d’un locuteur, rires des destinataires ou des destinataires secondaires, clins d’œil sous forme d’émoticones de la part de l’émetteur…). Le plan de la représentation de variations phonétiques n’est pas le seul en jeu dans ces situations. Certaines unités, par exemple, sont le résultat de la transformation d'unités sur des modèles fautifs.

cochonneté conchonceté
reviendu revenu
faisez faites

D'autres sont le résultat d'utilisation de suffixes de la langue de façon inattendue

délinker agir en délinquant
bafrade de se bâfrer
retentage de retenter

On trouve encore des redoublements de syllabes initiales

mumuse jeu, de s'amuser 254
poupougner se faire du bien

Enfin, un certain nombre d'unités du corpus sont formées sur le modèle anglais de coffee time.

Ces unités fonctionnent comme des unités phrastiques.

Tous ces phénomènes ne sont certainement pas spécifiques aux IRC, on peut constater qu’ils se produisent dans des conversations en face à face non formelles. On aura remarqué donc jusqu’ici que les spécificités lexicales viennent d’autres sources (de l’anglais pour la terminologie relative à l’informatique, au réseau et aux IRC, du français employé dans des situations non formelles pour le « ludique »). Nous allons voir que l’utilisation d’unités lexicales en marge du lexique commun standard est une autre dimension de la spécificité du vocabulaire de nos corpus.

Notes
254.

Ces termes sont sans doute issus de topolectes ou de sociolectes, ils ne sont cependant pas dans nos dictionnaires de références.