7.4.2. Flexions des termes IRC

Nous avons vu à la section précédente que nos corpus contiennent une partie de vocabulaire spécifique au dispositif de communication dont ils sont issus. Nous avons tenté de montrer l'intégration de ces termes dont la très grande majorité est directement copiée de l'anglais à travers le fait qu'ils se conforment aux principes de dérivation du français. Cependant, ces termes présentent des particularités quant à leur flexion, notamment verbale.

Nous avons déjà souligné que le code écrit utilisé par les internautes dans ce dispositif de communication se soucie peu de la norme orthographique et manifeste tous les morphèmes qui apparaissent à l'oral, les cas de liaison ou d'élision n'étant pas systématiquement représentés. En revanche les morphèmes écrits connaissent une tendance à disparaître.

Le cas des termes spécifiques à l'IRC révèle que des morphèmes qui devraient apparaître à l'oral ne sont pas représentés.

Sur tout le corpus, nous comptons cinq cent trente-six termes spécifiques à l'IRC régulièrement intégrés à un énoncé. Les sigles IRC tels que lol, mdr, n'ont pas été comptabilisés dans la mesure où ils constituent des énoncés autonomes dont la fonction est essentiellement la régulation de l'activité de communication.

Il faut noter avant toute chose que certaines formes non marquées ne se prêtent pas à l'étude dans la mesure où elles se présenteraient sans distinction particulière dans le compte de morphèmes entre l'oral et l'écrit, le masculin singulier d'un nom, par exemple, se présentant sans morphème particulier à l'oral comme à l'écrit.

Restent donc les cas où une forme reçoit les morphèmes qui apparaissent à l'oral, mais pas ceux de l'écrit, ceux où une forme reçoit les morphèmes de l'écrit qui n'ont pas de contrepartie à l'oral, ceux où une forme ne présente pas les morphèmes qui devraient apparaître pour une unité de ce type à l'oral.

Pour le premier type présenté, il s'agit de noms qui devraient à l'écrit prendre la marque de pluriel 's',

‘Extrait du Corpus P3’ ‘*PBQ: ca amuse les op.’

et de verbes qui devraient prendre une marque de flexion :

‘Extrait du Corpus P7’ ‘*PAC: car tu flood’

Le second type présenté, est celui pour lequel la norme écrite est respectée. Il concerne des noms au masculin pluriel et des verbes à l'infinitif ou au passé composé, un verbe au conditionnel et deux impératifs.

‘Extrait du Corpus F2’ ‘*PAD: alors va til y a avoir une autre poussée de demission chez les aops de france? ’ ‘Extrait du Corpus F3’ ‘*PCO: et apres on asperge de wavs peteux sur le channel’ ‘Extrait du Corpus P9’ ‘*PAA: j ai oublié de flooder ’ ‘Extrait du Corpus F8’ ‘*PDO: mééééé opez moi pas chuis sous java lol je peux rien faire’

Enfin le troisième type ne présente aucune flexion. Les items concernés sont employés comme verbes qui auraient dû porter la marque de l'infinitif, ou du participe passé.

‘Extrait du Corpus P6’ ‘*PI7: je vois vraiment pas l'interet de me kick ’ ‘Extrait du Corpus P8’ ‘*PDJ: dites vous pouvez pas le kick le PDU’ ‘Extrait du Corpus P3’ ‘*PBZ: ton script ne sais pas ban avec une commande????’ ‘Extrait du Corpus F2’ ‘*PAL: et P99 a ete deaop

Ces trois catégories apparaissent dans nos corpus selon des proportions différentes. La première représente 27 % des phénomènes ici considérés. La seconde est la plus importante et représente 56 %. Enfin, la dernière catégorie représente 17 %.

On ne peut donc conclure à un type d'intégration particulier que manifesterait l'usage spécifique aux IRC. On note une tendance à représenter l'oral sans égard à la norme écrite et un type d'intégration sans adaptation au patron de la langue qui représente une proportion non négligeable. Toutefois, pour donner une mesure de ce dernier phénomène qui soit fiable, il faut rapporter le compte au cas où il apparaît effectivement une adaptation au patron de la langue. Nous avons pour ce faire pris en considération les items spécifiques aux IRC employés comme verbe. 62,71% reçoivent les flexions qui ont une contrepartie orale, et 37,29 % ne les reçoivent pas.