8.1.2.4. Clauses sans verbe

Les clauses sans verbe sont nombreuses dans notre corpus. En effet, le mode dialogique implique des réductions discursives 293 . Ces clauses font l'objet d'un marquage particulier. Nous avons également marqué d'une façon particulière les interventions comportant des rires ou smileys.

Enfin, certaines phrases ne présentent pas de prédicat explicite

‘(90) Cool, ce chan.’

Cependant, ainsi que l'indique Creissels (1995:51) au sujet du hongrois, si on souhaite exprimer ce contenu propositionnel avec une référence temporelle de passé, une forme prédicative est forcément rétablie. Nous considérerons ce cas comme une clause.

Toujours en dehors des cas de réduction discursive, Le Goffic (1993:509-523) présente plusieurs types d'énoncés sans verbe : phrase nominale attributive, locative, ou existentielle 294 . Ainsi l'exemple (90) s'analyse comme un prédicat qui prend la forme d'un adjectif, tandis que le thème ou sujet est un syntagme nominal. Le prédicat peut prendre la forme d'un SN, et le sujet celle d'un SN complexe ou d'unité phrastique.

Ainsi, ces clauses peuvent évidemment être matrices, les exemples suivants l'illustrent :

‘(91) Cool, ce chan que tu m'as indiqué.’ ‘(92) Cool que tu sois venu.’

Certaines phrases nominales peuvent également ne manifester que le prédicat, le sujet restant implicite :

‘(93) Cool.’

On remarquera que l'ordre est inversé par rapport à l'ordre canonique Sujet-prédicat, toutefois, dans des cas plus rares, ce dernier peut-être respecté :

‘(94) Chose promise, chose due. (Le Goffic, 1993:519)’

Enfin, certaines unités phrastiques ont été marquées comme s'écartant de la norme. En effet, si à l'oral on peut repérer des stratégies particulières de formulation 295 et reformulation, l'écrit digital permet l'effacement "on-line", les phénomènes – si on peut supposer qu'ils ne sont pas tous du même type 296 – ne sont donc pas visibles. Certains énoncés se manifestent pourtant comme mal formés et sont l'objet ou non de corrections auto ou hétéro-effectuées. Ces énoncés déviants ont également fait l'objet d'un balisage distinctif 297 .

Les unités phrastiques ainsi dégagées, il convient d'examiner la façon dont elles s'assemblent pour former le texte conversationnel. Nous essaierons ci-après de définir les limites dans lesquelles ces unités peuvent être envisagées d'un point de vue syntaxique.

Notes
293.

Blanche-Benveniste (1992).

294.

Selon leur sémantisme puisque des constructions similaires se trouvent dans les trois catégories.

295.

Blanche-Benveniste (1997).

296.

Il est sûrement des phénomènes relatifs spécifiquement à l'écrit dactylographié, tels que la correction orthographique, le déplacement de mots ou groupes de mots…– qui se manifestent dans le secret du locuteur.

297.

On note que souvent, les corrections, quand elles existent, ne surviennent qu'après avoir été pleinement intégrées sans mention métalinguistique au corps de conversation en cours. Il se produit donc un rétablissement de la forme correcte en fonction des informations disponibles dans le co-texte et le contexte élargi aux connaissances partagées et encyclopédiques, au système d'inférence sur les intentions d'autrui, par le(s) destinataire(s) du message déviant.