8.3. Types de phrases

La grammaire traditionnelle dégage des grands types de phrases : assertive (déclarative), exclamative, injonctive (ou impérative, exhortative), interrogative en se basant sur les buts communicatifs qui les induisent. La distinction des types de phrases se fonde à l'origine sur la notion logique de modalité. Aristote, fondateur de la logique en tant que science formelle, pose que pour qu'un discours soit susceptible de vérité ou de fausseté, une simple juxtaposition de mots ne suffit pas. Pour toucher le vrai ou le faux, il faut affirmer ou nier quelque chose, c'est à dire formuler un jugement. Pour Aristote, toute proposition affirme que quelque chose appartient, appartient nécessairement ou peut appartenir à quelque chose d'autre. "Toute prémisse pose soit une attribution pure, soit une attribution nécessaire, soit une attribution contingente" 317 . Les foncteurs modaux ne qualifient pas la proposition, mais les faits eux-mêmes, l'attribution, la relation. Ces opérateurs caractérisent des modes d'attribution. Notons que l'attribution pure, ou assertoricité n'est, pour Aristote, pas véritablement une modalité, bien qu'étant un mode d'attribution. Elle ne reçoit pas le statut de fonction de modalisation.

Pour Aristote, il y a donc le nécessaire, l'impossible (nécessairement pas) et le possible. Ce dernier peut être scindé entre contingent (pas nécessairement), et possible (pas nécessairement pas). L'assertion simple, non modifiée est dite assertorique et on distingue quatre modes classiques, aristotéliciens 318 , qui donnent lieu à 2 types de propositions : les propositions apodictiques, et propositions problématiques 319  :

propositions assertoriques 320  : non modifiées
propositions apodictiques : nécessaire – impossible
propositions problématiques : possible – contingent

Aristote 321 a minutieusement étudié les relations logiques entre les quatre foncteurs des modalités propres 322  : possible, impossible, contingent et nécessaire.

La théorie grammaticale s'est centrée sur l'étude des déclaratives, et ce, sans doute à l'origine parce qu'elles sont les seules à pouvoir être déterminées en termes de valeurs de vérité. Cependant pour Bally, le dictum (du lat., le dit) peut-être énoncé de différentes façons : phrases affirmatives, négatives, interrogatives, impératives, exclamatives. Ces manières de présenter le dictum sont ce que Bally appelle le modus (du latin, manière). Mais considérer la négation au rang des modalités de phrases, ce qui est induit par les origines de l'étude des types de phrases, revient à occulter le fait que la négation peut se combiner avec les autres modalités tandis que les autres ne se combineraient pas toutes entre elles. On aboutit donc à trois types de phrases majeurs qui se confondent avec des familles d'actes de langage 323 .

La phrase déclarative apporte des informations qui se qualifient en termes de valeur de vérité.

La phrase interrogative est indéterminée au regard de la vérité, elle suspend la valeur de vérité d'une assertion sous jacente.

La phrase injonctive vise à provoquer l'accomplissement d'un acte ou d'un événement.

Il s'agit, si nous suivons Givón (2001:318-325) de prototypes syntaxiques qui manifestent un continuum du point de vue fonctionnel 324 .

Notes
317.

Aristote (1983) Les premiers analytiques (ORGANON. III.), Tr. J. Tricot, Paris, Vrin.

318.

Au sens d'Aristote, ne sont que trois modes : nécessité, impossibilité, possibilité. Le contingent pose problème. Il existe deux conceptions du possible chez Aristote, qui ont été reprises par les classiques en possible et contingent.

319.

Selon la terminologie de Kant. "Les jugements sont problématiques, lorsque l'on admet l'affirmation ou la négation comme simplement possible (arbitraire); assertoriques, lorsqu'elle est considérée comme réelle (vraie); apodictiques, quand on la regarde comme nécessaire" (Kant, Critique de la raison pure, deuxième partie, 1ère division, livre I, chap. 1).

320.

ou attributives.

321.

Aristote (1984) De l’interprétation (Organon II), tr. J. Tricot, Paris, Vrin.

322.

Les logiciens font une distinction entre modalités propres et modalités impropres (affirmation, négation).

323.

Austin (1970), Searle (1979).

324.

Par le jeu des actes de langage indirects.