8.3.1. Structures interrogatives

Givón (2001:318) reconnaît ainsi deux types d'interrogatives selon le but communicatif : les questions oui/non dont le but est de faire confirmer ou infirmer la vérité d'une proposition et les questions Wh- dont le but est d'obtenir l'identité d'un terme manquant. Il est pourtant des usages de tournures interrogatives qui ne sont pas des questions, de déclaratives qui ne sont pas des assertions…

Pour ce qui concerne les phrases interrogatives, on distingue traditionnellement les questions totales des questions partielles. Les interrogations totales (131) appellent une réponse oui/non, le contenu propositionnel intégral de l'interrogative est en question.

‘(131) Tu sais que le québec peut aussi être très ensoleillé ?’

On peut les distinguer de celles (132, 133) pour lesquelles se présentent plusieurs assertions sous jacentes mutuellement exclusives 325 .

‘(132) Tu viens ou tu viens pas ?’ ‘(133) T'es au boulot ou à la maison ?’

Les interrogatives partielles (134) portent sur un élément du contenu propositionnel.

‘(134) Qui veut parler avec moi ?’

Les interrogatives qui portent sur l'intégralité du contenu propositionnel dans les langues sont souvent marquées par la seule intonation. En français, on distingue les questions par intonation (135), par est-ce que (136), par inversion du sujet (137) 326 , et, la variante alternative (138) dans laquelle le dernier membre n'est pas explicité, en ou pas, ou quoi, ou bien, ou non 327 .

‘(135) Marie est partie ?’ ‘(136) Est-ce que Marie est partie ?’ ‘(137) Marie est-elle partie ?’ ‘(138) Marie est partie ou quoi ?’

Cependant, ainsi que le remarque Givón (2001:293-294) les questions oui/non qui sont sous un processus de focalisation ne sont plus "neutres concernant la source exacte de l'ignorance du locuteur" 328 .

‘(139) C'est Marie qui est partie ?’

Givón (2001:231) remarque encore que "lorsqu'un constituant optionnel est présent, il attire le focus de la question oui/non" 329

‘(140) Est-ce que Marie est partie hier ?’

Les questions partielles sont construites au moyen de proformes interrogatives (cf. similarités répertoriées par la grammaire générative entre le pronom relatif et le pronom interrogatif) ou de combinaisons de déterminants interrogatifs et de noms. En français, les proformes interrogatives peuvent se placer au même endroit que le constituant correspondant dans l'assertion correspondante, dans une position spéciale à la marge gauche de l'unité phrastique. L'interrogation partielle peut être en proie à un procès de focalisation et dans ce cas, la proforme a un traitement identique à celui observé pour un constituant dans une assertion. Notons encore que dans une interrogation partielle, il est possible de rencontrer plusieurs proformes interrogatives. Ce cas (141) est rare dans nos corpus.

‘(141) Extrait du Corpus P2’ ‘*PAP: PAO qui qui es dasn la poche de ki la? :P’

En ce qui concerne la formulation des questions, nous verrons selon les paramètres exposés ici quelles sont les tendances dans nos corpus.

Le premier point, trivial, concerne le marquage de la question par un point d'interrogation. Les IRC dispositif basé sur le texte écrit, ne permettent pas le type d'interrogation "par intonation". On suppose donc que le recours au point d'interrogation permettra de désambiguïser les cas qu'aucune autre marque ne présente comme interrogation (interrogatif, inversion…).

En effet, les interrogatives non marquées par un point d'interrogation représentent seulement 17,63%. 50% exactement de ces interrogatives présentent dans leur structure au moins un élément permettant de les interpréter comme des questions, la ponctuation se trouve donc redondante dans ces cas. Les autres structures interrogatives sans ponctuation, ne sont donc interprétées comme telles qu'en fonction du contexte, des connaissances extralinguistiques, des inférences sur les intentions d'autrui.

‘(142) Extrait du Corpus F1’ ‘*PBW: tu vas bien belle PAY ;)))))))))))))))’ ‘%add: PAY’ ‘*PAY: PBW pas mal et toi?? :)’ ‘%add: PBW’

Les questions alternatives représentent moins de 2% de l'ensemble. Les questions partielles représentent 31,8% tandis que les questions totales représentent 66,3%.

Les questions partielles qui comportent un déterminant interrogatif (quel x) forment 5,75%, celles qui comportent un pronom interrogatif 88,73%. Les autres questions partielles (5,51%) combinent un pronom interrogatif et "est-ce que" (143).

‘(143) Extrait du Corpus F8’ ‘*PDV: PDT bon ben j'attends! kes tu me racontes?’

Les interrogations sans verbe (144) représentent 25% de l'ensemble et les interrogatives complexes (145) 7,76%.

‘(144) Extrait du Corpus P8’ ‘*PAN: tiens j ai une question’ ‘%add: PBB’ ‘*PBB: laquel?’ ‘%add: PAN’ ‘(145) Extrait du Corpus P2’ ‘*PAO: Ou t'as vu que j'étais ton pote toi?’

Les inversions concernent 5,35% des interrogatives. Cela se produit sur des questions partielles à 65,75% et sur des questions totales à 35,61%.

Les structures interrogatives les plus fréquentes sont les questions totales se présentant comme des déclaratives (24,46% – exemple 146) et les questions sans verbe (16,41% – exemple 147), conformément à la tendance présentée par l'oral spontané. 330

‘(146) Extrait du Corpus F7’ ‘*PBP: on mets une limite a 2 PJQ :o))’ ‘(147) Extrait du Corpus F3’ ‘*PCO: au boulot ou a la maison ’ ‘%add: PBU’ ‘(1)’ ‘*PBU: a la maison’ ‘%add: PCO’

Un petit nombre de structures non standard (148) se trouve dans les corpus.

‘(148) Extrait du Corpus P8’ ‘*PAN: qui qui le veu mon program’

On repère également quelques occurrences de variétés d'interrogatives fréquentes au Québec, ainsi que l'illustre l'extrait suivant.

‘(149) Extrait du Corpus P2’ ‘*PCM: bon je peux tu fumer une clope la pffffffffffff’

Pour ce qui est des structures interrogatives, la tendance est donc similaire à celle rencontrée pour l'oral telle que l'a définie Gadet (1989).

Notes
325.

Givón (2001:292-294).

326.

Il s'agit parfois d'une inversion complexe, présentant deux sujets.

327.

Essentiellement dans le parler suisse.

328.

"neutral regarding the exact source of the speaker's ignorance". Dans l'exemple, on présuppose que Marie est effectivement partie, mais la source d'ignorance du locuteur concerne hier.

329.

"Once an optional constituent is present, it attracts the focus of the yes/no question".

330.

Gadet (1989), Blanche-Benveniste (1997).