9.5. Conclusion

Ce chapitre a montré, après quelques réflexions sur le concept de temps et son traitement linguistique, que nos corpus présentent une utilisation de la morphologie verbale pour la référence temporelle essentiellement déictique. L’inventaire des tiroirs utilisés le laissait déjà supposer, toutefois cet inventaire présente quelques spécificités par rapport à ce qu’on attendrait d’un oral prototypique (par ex. présence de formes de passé simple). Nous avons observé que les combinaisons d’éléments de l'énoncé portant des spécifications temporelles sont nombreuses et que pour nos corpus, elles aboutissent le plus souvent à un calcul déictique.

Nous avons également, à l'occasion de l'observation des formes de présent, mis en évidence un mode d'utilisation particulier de ce dernier. Nous l'avons qualifié de présent fictionnel, dans la mesure où les événements dénotés le sont comme le seraient des événements contemporains du moment de parole, mais qui toutefois ne sont d'aucune réalité effective. Les énoncés affectés sont comparables à des énoncés produits pour remplacer le faire lorsque le faire n'est pas envisageable (communications téléphoniques ou épistolaires). Une sous-catégorie se distingue cependant. Elle se dégage à partir d’énoncés utilisant le présent qui, d’une part, impliquent le plus souvent des situations improbables et relevant d'univers de référence non actuels, et d'autre part génèrent la production coopérative d'une narration. De telles séquences ne sont véritablement pas surprenantes dans nos corpus. Le dispositif ne permet d'échanger de façon synchrone que des énoncés dactylographiés. Ce fait engage à une exploitation de possibilités nouvelles. Le dispositif n'implique pas non plus une situation de communication pleinement partagée (les locuteurs sont engagés dans des espaces-temps différents, et dans des canaux, des unités conversationnelles différents), on peut alors faire l'hypothèse que ces séquences sont le résultat d'un besoin de rétablir le déséquilibre, en créant un univers fictionnel commun. Cet état de faits est de plus favorisé par le fait qu’une partie de la population internaute est reconnue pour avoir une culture du jeu en réseau et particulièrement des MUD (Multi-User Dungeons, i. e. jeux de rôles en réseau).