Parmi les personnages insolites qui peuplent le Paris du roi Louis XI, d’après l’évocation de la capitale que l’on trouve dans Notre-Dame de Paris, figurent les « bonnes femmes » de la chapelle Haudry. Décrites par Victor Hugo comme des veuves âgées, vivant en communauté et vêtues d’habits semblables à ceux des membres d’une confrérie dévote, ce sont ces « braves » dames qui découvrent l’enfant Quasimodo dans l’église de Notre-Dame. 1 La réalité historique, dont l’auteur s’est inspiré, a été décrite plus récemment par Léon Le Grand, dans un article sur le Grand Béguinage de Paris. 2 A la fin de cet ouvrage, l’auteur dresse un exposé court des données concernant deux communautés qui étaient semblables au béguinage : les Haudriettes, désignées aussi les « bonnes femmes » de la chapelle d’Etienne Haudry, et les « bonnes femmes » de Sainte Avoye, maison fondée par une veuve parisienne qui s’appelait Constance de Saint Jacques. De plus, un compte du sous-aumônier royal daté de 1342 témoigne de l’existence d’au moins onze communautés de « bonnes femmes », y compris celles d’Etienne Haudry et de Sainte Avoye. 3
Le Grand évoque deux différences principales entre les béguines et les « bonnes femmes. » D’abord, tandis que les « bonnes femmes » de ces communautés devaient être veuves, le béguinage admettait des femmes de toute condition. Deuxièmement, la vocation d’une béguine n’était pas irrévocable : elle pouvait quitter la communauté pour se marier ou pour prendre l’habit d’un ordre religieux. En revanche, une » veuve » qui était reçue chez les Haudriettes ou dans la communauté de Sainte Avoye ne pouvait pas partir, à moins d’être expulsée. Autrement, les « bonnes femmes » ressemblaient aux béguines dans la mesure où elles ne prononçaient pas de vœux et vivaient selon des usages institués par leurs fondateurs, au lieu d’obéir à la règle d’un ordre religieux. Ainsi, elles menaient une vie mixte, entre le cloître et le siècle.
Bien qu’il développe ainsi une analyse concise et perspicace des donnés concernant les Haudriettes et la communauté de Sainte Avoye, Le Grand n’émet aucune hypothèse concernant le sens du terme « bonne femme. » Reprenant le passage de Notre-Dame de Paris, nous remarquons que, au moment où les Haudriettes découvrent Quasimodo, le petit bossu gît sur le lit de bois où les enfants trouvés étaient exposés à la charité publique. Cependant, à en juger par les propos désobligeants que les « bonnes femmes » tiennent concernant Quasimodo, leur attitude envers celui-ci n’était nullement charitable. D’où le titre ironique que l’auteur donne au chapitre où se situe cette découverte: « Les bonnes âmes. » Aussi voit-on que, chez Hugo, le terme « bonne femme » est teint du sens péjoratif qu’il avait acquis dès le XVIIe siècle : celui d’une personne quelque peu méprisable, en raison de son esprit simple. 4
Cependant, au Moyen-Age, ce n’était pas par mépris que certains individus étaient désignés comme « bons hommes » ou « bonnes femmes. » Dès l’époque carolingienne, la dénomination « bon homme », et son équivalent « prud’homme », désignaient des hommes respectés : on appelait ainsi les notables locaux, choisis comme experts juridiques et représentants des communautés villageoises auprès des pouvoirs, au titre de leur sagesse, de leur bonne réputation et de leur savoir. Collectivement, les « bons hommes » ou « prud’hommes » constituaient le groupe parmi lequel les individus qui assumaient les charges municipales et communales étaient choisis. 5 La sagesse reconnue aux individus ainsi désignés par la société locale avait aussi une dimension spirituelle : dans les milieux hérétiques, cathares et vaudois, les chefs religieux étaient également dénommés « bons hommes » « prud’hommes » et « bonnes femmes. »6
A la différence de leurs homologues méridionales et des béguines de certaines régions, les « bonnes femmes » de Paris ne furent jamais accusées d’hérésie. Cependant, leur nom et leur ressemblance aux béguines laissent penser qu’elles ne représentaient pas du tout un phénomène insolite. Comme les béguines et les dissidences religieuses, elles sembleraient être une manifestation de l’enthousiasme, ressenti par bon nombre de laïcs à partir du XIIe siècle, pour l’idéal de la vie apostolique. Ce fut en effet la mise en pratique de cet idéal, renouvelant l'attachement aux principes de la charité et de la pauvreté spirituelle, qui donna lieu à la fondation de nouvelles formes de vie religieuse : hôpitaux, léproseries, béguinages, ordres mendiants, tiers-ordres. A ceux-ci s’ajoutent les mouvances jugées hérétiques par la hiérarchie catholique : Vaudois, Cathares, certaines béguines et bégards. 7
Bien connues dans des régions telles que les Pays-Bas et le Sud de la France, les manifestations du mouvement apostolique dans les milieux laïcs n’ont pas été étudiées avec la même attention à Paris. Certes, des travaux fondamentaux, publiés à la fin du XIXe et au début du XXe siècle, ont été consacrés aux hôpitaux parisiens. 8 Cependant, le point de vue adopté par les auteurs de ces ouvrages tenait à l’actualité médicale de leur époque, dominée par la naissance de la clinique. Ils cherchaient donc, dans les institutions parisiennes du Moyen-Age, les traces de ce développement révolutionnaire : la présence de médecins, la spécialisation des soins, l’attention aux règles d’hygiène et le recours aux plantes médicales. Les motivations caritatives du personnel ne passent pas inaperçues, mais elles sont évoquées surtout pour atténuer l’irrationalité qui semble déterminer la pratique des soignants. 9
Or, comme l’a remarqué François-Olivier Touati, dans une mise au point récente sur l’historiographie de l’assistance au Moyen-Age, le souci de rationaliser le soin médical et la charité face à la prolifération des pathologies biologiques et sociales n’était pas le motif principal des premières fondations hospitalières au XIIe siècle. Au contraire, ces fondations sont, au dire de cet auteur, à mettre en relation avec le renouvellement d’enthousiasme pour la vie commune, calquée sur le modèle apostolique. 10 Certes, la fondation des communautés de « bonnes femmes » à Paris se situe à la fin du XIIIe et au début du XIVe siècle, période où d'autres attitudes face à l’appauvrissement et à la maladie commence à se faire jour. Cependant, ce sont la guerre civile et l’occupation anglaise de la première moitié du XVe siècle qui déclenchent à Paris la crise économique et sociale que l'Occident connaît à la fin du Moyen-Age. Nous ne saurions donc écarter les motifs pieux comme explication du phénomène qui nous intéresse.
De surcroît, d’autres historiens ont dégagé des indices selon lesquels l’idéal de la vie apostolique influait sur les comportements et les mœurs des Parisiens. D'après Le Grand, le Grand Béguinage de Paris aurait hébergé quelques centaines de femmes à la fin du XIIIe siècle. Nombreux étaient les prédicateurs qui exercèrent leur art dans la chapelle de cette institution vers la fin du XIIIe siècle et leurs paroles, préservées par l'un de leurs auditeurs, attestent que les hommes de l'Eglise reconnaissaient l'importance de cette communauté et cherchaient à fournir un encadrement pastoral à ses résidentes. 11 Les registres de la Taille perçue par les agents du roi à Paris de 1292 à 1313, ainsi que les Miracles de saint Louis, œuvre rédigée vers 1300, témoignent également de l'existence de nombreuses béguines vivant hors du Grand Béguinage, seules ou avec quelques compagnes. 12 L'un des sermons de Robert de Sorbon, dans lequel le théologien expose ses idées concernant le béguin, démontre aussi que certains Parisiens cherchaient à suivre l'exemple des apôtres dans leur vie quotidienne : le personnage décrit par Robert était en effet un modèle de vie spirituelle proposée à des auditeurs désirant mener une vie pénitentielle tout en exerçant des responsabilités séculières. 13 Ces exemples attestent donc la participation des Parisiens au mouvement religieux laïque et l'objet de cette étude des communautés de « bonnes femmes » est de contribuer à approfondir notre compréhension de ce développement.
Pourquoi une étude locale et pourquoi Paris ? Les travaux récents sur l’hérésie et l’Inquisition dans le Midi ont montré à quel point une compréhension du contexte local peut clarifier les causes et le contenu des phénomènes religieux. La lecture des registres dressés par des inquisiteurs menant des enquêtes dans les lieux précis où la dissidence proliférait a en effet permis d’ébranler bien des idées reçues concernant les « cathares. » En s’appuyant sur des traités produits par les ennemis des dissidents, les historiens ont pendant longtemps affirmé que cette hérésie était un mouvement uni, fondé sur une théologie dualiste bien arrêtée et doté d’une organisation ecclésiastique semblable à celle de l’Eglise romaine. En revanche, l’étude attentive des registres inquisitoriaux révèle maintenant un mouvement composé de cellules liées de manière très informelle. Ces groupuscules étaient animés par des individus dont la sainteté était publiquement professée par le cercle des croyants qui les vénéraient. Ces cellules n’étaient donc unies que par leur volonté de défendre leurs traditions locales face au projet centralisateur et normalisateur imposé par Rome. 14
La prise en considération des caractéristiques singulières des Pays-Bas a aussi beaucoup enrichi la bibliographie volumineuse sur les béguines de cette région. Tous les auteurs qui ont traité le sujet conviennent en effet que l’urbanisation et le développement commercial précoces que la région connaissait figurent parmi les causes principales du phénomène. Selon des travaux menés à partir des années 1880 par des historiens allemands, fortement influencés par le marxisme, cette croissance économique fit naître une nouvelle classe de pauvres urbains. Ceux-ci, majoritairement des femmes, avaient immigré dans les villes flamandes en espérant travailler dans la production textile. Cependant, elles n’y trouvèrent que la misère et l’exploitation. Le mouvement religieux féminin, représenté par les béguines, n’aurait donc été qu’une manifestation spirituelle d’une insurrection sociale, provoquée par l’indigence. 15 Ainsi, ces historiens allemands posaient la fameuse frauenfrage, problématique selon laquelle l'on cherchait dans le contexte socioéconomique une explication du mouvement religieux féminin de la région. A cette interprétation s’oppose l’analyse d’Herbert Grundmann. En expliquant les origines du mouvement des béguines, il accorde aussi beaucoup d’importance à l’urbanisation et à l'essor commercial. Cependant, arguant du niveau social plutôt élevé des premières béguines, Grundmann estime que leur désir de vivre en pauvreté selon l’exemple des évangiles provenait d’une réaction à la richesse de leur famille, richesse obtenue grâce au négoce. 16 Cette hypothèse est aussi soutenue par Ernest McDonnell, auteur de l’étude majeure en Anglais sur le sujet. 17
Les contributions les plus récentes à l'historiographie sur les béguines, notamment celles de Walter Simons et de Michel Lauwers, s’inspirent des deux théories. 18 D'après ces deux auteurs, le développement des communautés de béguines dans le Sud des Pays-Bas fut le résultat d'une conjugaison de facteurs particuliers à la région. D'une part, les habitants semblent avoir assimilé de manière précoce l'enthousiasme pour l'idéal de la vie apostolique, qui incitait à la conversion et au repentir : en témoignent l'apparition de groupuscules hérétiques au XIe siècle, notamment à Arras (1024-1025) et à Cambrai (1076-1077), et les mentions de « cathares » dans les écrits d'Hildegarde de Bingen et d'Eckbert de Schönau. A partir de la fin du XIIe siècle, les efforts fournis par des hommes de l'Eglise actifs dans la région, afin d'encadrer et de protéger les laïcs désirant poursuivre la vie apostolique, donnèrent un résultat positif : la forme de vie des mulieres religiosae, qu'on allait appeler « béguines », fut reconnue par le Pape, grâce en partie à la rédaction de vitae qui représentaient les comportements de ces femmes comme orthodoxes. Cette politique d'encadrement se manifesta aussi par la fondation, sur l’initiative des autorités civiles et religieuses, des « cours », grands béguinages qui accueillaient des centaines de femmes, souvent des émigrées venues dans les villes pour chercher du travail. Ces communautés étaient tolérées surtout parce qu’elles fournissaient une source de main d’œuvre domestique, dont la pénurie se faisait sentir dans les villes. Cette demande accrue de serviteurs traduisait l'enrichissement des couches moyennes et supérieures de la population, grâce à l’essor de l’économie urbaine. 19
Aux XIIIe et XIVe siècles, Paris fut également marqué par un fort développement économique, un dynamisme démographique et la présence d'intellectuels qui s'intéressait de près à la population urbaine et qui cherchait à l'encadrer. Avec une population qui atteignait probablement 200.000 habitants vers 1300, Paris était selon certaines estimations la plus grande ville de l’Occident médiéval. 20 Due largement à l’immigration, cette démographie faisait de Paris un marché très riche, caractéristique qui était accentuée par la présence des maisons royales et princières et de nombreuses communautés religieuses. Ce marché était alimenté par une production domestique florissante, qui était pourtant insuffisante par rapport aux besoins. Par conséquent, le marchand parisien devint un spécialiste de l’approvisionnement, transportant des biens dans la ville par voie fluviale et terrestre. 21 Grâce à l'Université et aux écoles établies par les ordres mendiants, Paris était également un haut lieu de réflexion théologique et pastorale. Vivant dans une capitale intellectuelle, les Parisiens étaient à la fois des sujets d'observation qui nourrissaient la pensée des théologiens et les objets de l'enseignement pastoral que ceux-ci concevaient, enseignement qui était diffusé par des campagnes énergiques de prédication. 22
A en juger par les indices fournis par les travaux que nous avons évoqués, ces atouts semblent avoir entraîné le développement d'une forte piété laïque dans la capitale des Capétiens, comme dans les villes des Pays-Bas. En étudiant les communautés de « bonnes femmes » fondées à Paris au XIVe siècle, nous chercherons donc à comprendre l'influence, sur le caractère de ces institutions, de deux éléments : l'enseignement pastoral concernant le rôle social et spirituel de la femme laïque, d'une part, et les pratiques de la sociabilité des Parisiens qui recevaient cet enseignement, dans le contexte de la vie économique de la fin du Moyen Age.
Comme nous l'avons remarqué, l'usage de l'expression « bonne femme » au Moyen-Age était presque inverse de ses usages moderne et contemporain. A ce titre, pour mieux comprendre le caractère des communautés de « bonnes femmes » nous avons estimé indispensable de mener une étude lexicale du terme « bonne femme » et des vocables voisins, tels qu'ils étaient employés à l'époque qui nous intéresse. Les résultats de cette étude seront présentés dans le premier chapitre de cet ouvrage et nous permettront de cerner, d'une part, les origines de ces termes dans des milieux laïques, d'autre part, leur appropriation par des ecclésiastiques dans un but pastoral. Dans le deuxième chapitre, nous présenterons les données accessibles sur les fondateurs des communautés, les localisations de celles-ci, le statut religieux des femmes et l’organisation de leurs communautés. Cet exposé fournira un premier aperçu des rapports entre les femmes et leur milieu, et en particulier, de leur fonction spirituelle vis-à-vis des membres de leur entourage. Nous approfondirons ces questions dans les trois chapitres centraux, qui assument dans une certaine mesure le caractère d’une monographie : en effet, seul le dossier concernant les « Haudriettes », grâce à sa richesse exceptionnelle, est propice à cet approfondissement. Cependant, ce dossier sera complété par des éléments plus épars concernant les autres communautés, de façon à donner à nos conclusions une portée plus générale. Les chapitres 3 et 4 seront donc consacrés à un examen du réseau social des « bonnes femmes » et des rapports qu’elles nouaient avec les membres de ce réseau. Le but de cette analyse sera de dégager la sociabilité qui sous-tendait les communautés et qui, avec l'enseignement pastoral, déterminait la fonction spirituelle des « bonnes femmes », sujet qui sera exploré dans le cinquième chapitre. Dans le chapitre final, nous reprendrons les données concernant l’ensemble des communautés de « bonnes femmes », afin de préciser les éléments communs qui les liaient aux autres manifestations de piété laïque et féminine de la fin du Moyen-Age. Ces aspects communs vouaient toutes ces manifestations à un sort semblable : la disparition plus ou moins rapide des communautés dont le mode de vie s'écartait trop du modèle cénobitique. De fait, bien des communautés de « bonnes femmes » parisiennes tombèrent victimes de ce phénomène d'épuration au XVe siècle. Un examen de ce développement clôturera notre dernier chapitre.
Ed. Classiques de poche, Paris, 1998, p. 233-37
Léon LE GRAND, « Les béguines de Paris », dans Mémoires de la Société de l’histoire de Paris et de l’Ile-de-France, t. 20, 1893, p.
AN KK 5, fol. 367-68.
Grand Robert de la langue française, 2e éd., 1989, t. 2, p. 69.
Cet usage de la désignation « bon homme » m’a été signalé par l’auteur d’un article sur la dénomination des hérétiques en Languedoc, qui s’appelaient eux aussi « bons hommes » ; voir Julien THÉRY, « L’hérésie des bons hommes : comment nommer la dissidence religieuse non vaudoise ni béguine en Languedoc ? » dans Heresis, no 36-37, 2002, p. 75-117. Je remercie M. Théry pour m’avoir communiqué une version de son article avant sa publication. Sur les fonctions juridiques et gouvernementales des « bons hommes » et des « prud’hommes », voir Monique BOURIN-DERRUAU, Villages médiévaux en Bas-Languedoc : genèse d’une sociabilité, t. 2, Paris, 1987, p. 177-79 ; Pierre MICHAUD-QUANTIN, Universitas, expressions du mouvement associatif au Moyen-Age, Paris, 1960, p. 315 ; Karl NEHLSON-VON STRYK, Die boni homines des frühen Mittelalters : Unter besonderer Berücksichtigung der fränkischen Quellen, Berlin, 1981 ; P. OURLIAC, « Juges et justiciables au XIe siècle : les boni homines, dans Mélanges Henri Vidal, Montpellier, 1994, p. 17-33.
Des mises au point récentes sur la dénomination des cathares se trouvent dans John J. ARNOLD, Inquisition and Power : Catharism and the Confessing Subject in Medieval Languedoc, Philadelphia, 2001, p. 140-144 ; Jean-Louis BIGET, « ‘Les Albigeois’, remarques sur une dénomination », dans M. Zerner éd., Inventer l’hérésie ? Discours, polémiques et pouvoirs avant l’Inquisition, Nice, 1998, p. 219-21 ; Mark G. PEGG, « On Cathars, Albigenses and Good Men of Languedoc », Journal of Medieval History, no 27/2, 2001, p. 181-95 ; Idem, The Corruption of Angels : the Great Inquisition of 1245-1246, Princeton, 2001, p. 92-103 ; THÉRY, "L'hérésie des bons hommes…", op. cit., p. 75-83. Sur les vaudois, voir J. DUVERNOY, éd., L’inquisition en Quercy : le registre des pénitences de Pierre Cellan (1241-1242), Castelnaud-la-Chapelle, 2001, p. 76, 84 et THÉRY, op. cit., p. 108-109.
L’hypothèse selon laquelle ces divers mouvements orthodoxes et hérétiques étaient liés par leurs origines dans l’idéal de la vie apostolique a été avancée par Herbert GRUNDMANN, Religiöse Bewegungen im Mittelalter. Untersuchungen über die geschichtlichen Zusammenhänge zwischen der Ketzerei, den Bettelorden un der religiösen Frauenbewegung im 12. und 13. Jahrhundert und über die geschichtlichen Grundlagen der deutschen Mystik (1935), 2e éd. Hildesheim, 1961. Certes, la notion d’un lien institutionnel et doctrinal entre les divers mouvements hérétiques a été fortement ébranlée par l’historiographie récente (voir la note précédente). Cependant, personne, à notre sens, ne conteste que ces mouvements présentaient ce point commun : un regard critique vis-à-vis de la conception de l’Eglise affirmée par Rome depuis le XIe siècle, conception selon laquelle le peuple chrétien devait être gouverné par une hiérarchie institutionnelle dirigée depuis Rome, dotée du pouvoir, hérité de Saint Pierre, de lier les choses sur la terre et aux cieux (Mt 16, 19). C’est à cette conception de l’Eglise, qui entraînait l’acquisition de pouvoir et de richesse terrestres, que s’opposaient les divers pratiquants de la vie apostolique, opposition qui provoqua, selon l’historiographie récente, la réaction hostile des autorités ecclésiastiques.
Voir surtout Léon BRIÈLE, L‘hôpital de Sainte-Catherine en la rue Saint-Denis (1184-1790), Paris, 1890 ; Ernest COYECQUE, L’Hôtel-Dieu de Paris au Moyen-Age. Histoire et documents, Paris, 1891 ; Léon LEGRAND, Les Quinze-vingts depuis leur fondation jusqu’à leur translation au faubourg Saint-Antoine (XIII e -XVIII e siècle), Paris, 1887.
Ce commentaire des travaux sur les hôpitaux parisiens est tiré de Charles DE MIRAMON, Les données au Moyen-Age : une forme de vie religieuse laïque, Paris, 1995, p. 99 et suiv.
François-Olivier TOUATI, « Un dossier à rouvrir : l’assistance au Moyen-Age », dans Fondations et œuvres charitables au Moyen-Age, 121e congrés national des sociétés historiques ou scientifiques, Nice 1996, p. 29-30.
Nicole BÉRIOU, « La prédication au béguinage de Paris pendant l’année liturgique 1272-1273 », Recherches augustiniennes 13, 1978, p. 105-227.
Sharon FARMER, « Down and Out and Female in Thirteenth Century Paris », dans The American Historical Review, t. 103, 1998, p. 365-67.
Nicole BÉRIOU, « Robert de Sorbon, le prud’homme et le béguin », Académie des inscriptions et belles-lettres. Comptes rendus, f. 2, 1994, p. 469-510.
Outre les ouvrages cités dans la note 6, ci-dessus, voir André VAUCHEZ, « Orthodoxie et hérésie dans l’Occident médiéval (Xe-XIIIe siècle) », dans S. Elm, E. Rebillard, A. Romano dir., Orthodoxie, christianisme, histoire, Rome (CEFR 270), 2000, p. 321-332 ; Monique ZERNER, « Hérésie », dans J. Le Goff, J.-C. Schmitt, dir., Dictionnaire raisonné de l’Occident médiéval, Paris, 1999, p. 464-82.
La formulation classique de cette théorie se trouve dans Karl BÜCHER, Die frauenfrage im Mittelalter, 2e éd., Tübingen, 1910.
GRUNDMANN, op. cit., p. 192-96.
Ernest W. MCDONNELL, The Beguines and Beghards in Medieval Culture, with Special Emphasis on the Belgian Scene, New Brunswick, NJ, 1954, p. 82-86.
Michel LAUWERS, « Expérience béguinale et récit hagiographique. A propos de la Vita Mariae Oigniacensis de Jacques de Vitry (1215) », Journal des Savants, 1989 (1-2), p. 61-103 ; Idem, « Noli me tangere. Marie Madeleine, Marie d'Oignies et les pénitentes du XIIIe siècle », Mélanges de l'École française de Rome, Moyen-Age, t. 104, 1992, p. 209-68 ; Michel LAUWERS et Walter SIMONS, Béguins et Béguines à Tournai au Bas Moyen-Age : les communautés à Tournai du XIII e au XIV e siècle. Tournai et Louvain-la-Neuve, 1988, p. 9-10 ; Walter SIMONS, Cities of Ladies : Beguine Communities in the Southern Low Countries, 1200-1565, Philadelphie, 2000, p. 15-17, 37-47.
Walter SIMONS, « The Beguine Movement in the Southern Low Coutries : A Reassessment », Bulletin de l’Institut historique belge de Rome, 59, 1989, p.63-105 ; Idem, Cities of Ladies…op. cit., p. 48-83, 113, 210n156.
Guy FOURQUIN, «La population de la région parisienne aux environs de 1328 », dans Le Moyen-Age, 1-2, 1956, p. 63-91.
Jean FAVIER, Nouvelle Histoire de Paris, 1380-1500, Paris, 1974, p. 285-94. Les propos de cet auteur concernent surtout le marchand parisien du XVe siècle, mais ils valent également pour leurs prédécesseurs du siècle précédent : grâce à de nombreux privilèges royaux, les Parisiens jouirent à cette époque d’un véritable monopole sur le transport de biens dans la ville. Sur ces privilèges, voir Raymond CAZELLES, Nouvelle Histoire de Paris, 1224-1380, Paris, 1972, p. 366-70 et Guy FOURQUIN, Les campagnes dans la région parisienne à la fin du Moyen Âge, Paris, 1964, p. 102-105.
Sur l'empirisme des maîtres parisiens, voir John BALDWIN, Masters, Princes and Merchants : The Social Views of Peter the Chanter and His Circle, Baltimore, 1972. Sur la prédication effective à Paris voir Nicole BÉRIOU, L’avènement des maîtres de la Parole : la prédication à Paris au XIII e siècle. Paris, 1998