Notre objectif est donc de savoir qui étaient les parents et les relations des bonnes femmes, quels métiers ils exerçaient et où ils habitaient. L’étude du fonds de l’hôpital nous permet d’amorcer des réponses à ces questions, mais pour obtenir des renseignements plus complets il est indispensable de consulter les rôles de la Taille du règne de Philippe le Bel. 267
Ces registres n’ont pas tous le même caractère. 268 Le premier, daté de 1292, est un recensement réalisé afin de connaître la matière imposable dans chaque rue, tandis que les rôles de 1296-1300 représentent les cinq dernières annuités du rachat de la maltôte imposée par le roi aux artisans et commerçants. En 1313, le roi exige paiement d’un droit différent, une aide pour la chevalerie de son fils, le futur Louis X le Hutin. Dès lors, un septième rôle fiscal subsiste. Malgré cette diversité de caractère, tous ces recensements concernaient une population similaire, les habitants des quartiers assujettis à la juridiction fiscale du roi, nobles et membres du clergé supérieur exclus. Cette juridiction couvrait toute la Rive Droite, mais elle était limitée ailleurs, notamment sur la Rive Gauche, où les grandes communautés religieuses avaient conservé l’exclusivité des droits fiscaux dans leurs seigneuries.
Néanmoins, ces lacunes ne diminuent pas l’utilité des rôles de la Taille à notre interrogation car nous cherchons à compléter les renseignements provenant des archives de l’hôpital. Dans ce fonds, les mentions des membres des ordres exempts sont en effet très rares et parmi les biens évoqués, ceux qui se trouvaient sur la Rive Droite sont de loin les plus nombreux. Nous avons déjà observé que le repértoire des biens urbains de l’hôpital occupe quatre chapitres de l’inventaire des archives. 269 Le premier de ces quatres, qui regroupe les actes relatifs à la Rive Gauche et à la Cité, ne recèle que 84 sur les 569 extraits dans le repértoire. La vaste majorité des propriétés urbaines de l’hôpital se trouvaient donc sur la Rive Droite et les actes qui en traitent sont regroupés dans les chapitres intitulés « Saint Germain », « Saint Martin » et « Saint Paul. » Puisque les lacunes dans les rôles de la Taille concernent surtout la population de la Rive Gauche, elles ne nous causent pas trop d’inconvenient.
Etant donné la forte concentration des biens de l’hôpital sur la Rive Droite, il semblerait que les bonnes femmes et les bienfaiteurs de la communauté y aient vécu. Ils faisaient donc partie de la population recensée dans les registres de la Taille. Cette correspondance justifie donc la consultation de ces sources, d’autant que les agents du fisc notèrent non seulement la somme versée par chaque contribuable, mais aussi la rue dans laquelle il était imposé et, dans certains cas, son métier. Ces indications nous fournissent donc des éléments propices pour avancer notre étude.
Malheureusement, ces éléments ne sont pas suffisants à eux seuls car les rôles de la Taille sont antérieurs à bon nombre de documents provenant des archives de l’hôpital. Ces actes sont en effet échelonnés sur tout le XIVe siècle, tandis que les registres fiscaux se regroupent dans les décennies autour de l’an 1300. La recherche de renseignements sur les bonnes femmes évoquées ultérieurement nous a amenés donc à consulter les registres des seigneuries ecclésiastiques de la Rive Droite.
Le registre fiscal de 1292 est conservé à la Bibliothèque Nationale, ms. fr. 6220. La édition d’Hercule Géraud, réalisée en 1837 a fait l’objet d’une réédition : Hercule GERAUD, Paris sous Philippe le Bel d’après des documents sur les habitants de Paris en 1292, éd. Caroline BOURLET et Lucie FOSSIER, Paris, 1991. Les registres de 1296-1300 sont conservés aux Archives Nationales, sous la cote KK 283. Les registres de 1296 et de 1297 ont été publiés ; voir Karl MICHËLSON Le livre de la Taille de Paris, l’an 1296, Göteborg, 1958 et Idem, Le livre de la Taille de Paris, l’an 1297, Göteborg, 1962. Michaëlson a aussi publié le registre de 1313, conservé à la Bibliothèque Nationale, ms. fr. 6736 ; voir Idem, Le livre de la taille de Paris, l’an de grâce 1313, Göteborg, 1951.
Sur le caractère des différents rôles fiscaux voir Jean GUEROUT, « Fiscalité, topographie et démographie à Paris au Moyen-Age », Bibliothèque de l’Ecole des chartes, 130, 1972, p. 399-400 ; MICHAËLSON, éd., Livre de la Taille…1296…op. cit., Introduction, iii-iv ; et E. BOUTARIC, « Notice sur un manuscrit inédit renfermant le rôle de la Taille de Paris pour les années 1296-1300 », dans Notices et extraits, t. 20, 2, 1862.
Comme la taille était essentiellement une taxe prélevée sur les activités commerciales, il serait logique de supposer que l’endroit où un contribuable était imposé correspondait à l’emplacement de sa boutique ou de son atelier. Tous les chercheurs travaillant ou ayant travaillé sur la bourgeoisie et l’artisanat parisiens ont supposé toutefois que la résidence de la plupart des contribuables se trouvait très proche de sa boutique ou de son atelier, sinon au même endroit. Cette hypothèse est retenue par Caroline Bourlet, ingenieur de recherche à l’IRHT, Paris, dont la thèse, en cours, sera l’étude de référence sur l’artisanat parisien à l’époque de Philippe le Bel.
AN S *4634, fol. 69 à 160v.