La localisation de ces biens est indiquée dans les deux tableaux dressés ci-dessus et sur le plan qui se trouve sur les pages 97-98. A la lecture des actes concernant les patrimoines des quatre bienfaiteurs, la concentration de leurs placements sur la Rive Droite, intra muros, est nette, tout comme les patrimoines des membres de la bourgeoisie échevinale. Les données relatives aux biens situés dans cette partie de la ville sont présentées dans le tableau suivant. 310 Ce tableau énumère donc le nombre de rentes ou de maisons individuelles possédées par chaque bienfaiteur dans les rues et les quartiers évoqués. Les rues en question sont indiquées sur le plan par des chiffres arabes et dans la légende.
Quartier | Nom | rue | Nombre de biens | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||
S.-Germain-l’Auxerrois |
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S.-Eustache |
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S.-Jacques-de-la-Boucherie |
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Les Halles, Sud |
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Les Halles-S.-Germain |
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Les Halles-Nord | Marie la Maquerelle | r. des Prêcheurs | 1 | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||
La Grève/Vieille Tisseranderie |
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D’autres quartiers | Bernarde de Pailly | r. des Rosiers 313 | 1 | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||
r. Espaulart | 1 | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
r. Pierre au Lard | 1 | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Marie la Maquerelle | r. Frogier L’Asnier | 2 |
Quartier de Saint-Germain-l’Auxerrois
rue d’Averon rue Jehan Tison rue du fossé Saint-Germain Escole Saint-Germain Quartier de Saint Eustache rue du Four rue des Étuves Quartier de Saint-Jacques-de-la-Boucherie rue Jehan le Comte rue de la Tannerie rue des Arcis rue de la Boucherie Quartier des Halles, sud rue du Siège aux déchargeurs rue Roland l’Avenier rue Saint-Denis rue de Maleparole rue de la Charronnerie Cloître Saint-Opportune rue Saint-Opportune rue de la Ferronnerie Quartier des Halles, Saint Germain rue Tirechappe rue Thibaut-aux-dés Quartier de la Grève/Vieille Tisseranderie ruelle de la Seine rue de la Vieille Tisseranderie Vieux cimetière Saint-Jean rue de la Mortellerie |
Rive droite,
intramuros
, autres quartiers rue des Rosiers rue Pierre au Lard rue Espaulart rue Frogier L’Asnier Quartier du Louvre/Saint-Honoré rue de Richebourg rue de Beauvoir rue de Froid Mantel Quartier de Saint-Sauveur rue Perciée rue aux Deux portes rue Saint-Sauveur La Cité rue de la Pelleterie Quartier de Saint-Séverin rue de la Huchette rue de Gallande rue de la Parcheminerie |
A l'aide du plan et du tableau ci-dessus, nous remarquons que, à la différence des patrimoines échevinaux, le regroupement des patrimoines de nos bienfaiteurs paraît davantage lié aux lieux qu’ils fréquentaient, à savoir leurs résidences et, dans le cas de Bernard de Pailly, les églises où il servait. Ainsi on constate de fortes concentrations de biens près de Saint Germain l’Auxerrois, de Saint Eustache, de Saint Jacques de la Boucherie, de l’hôtel des bonnes femmes (entre la Grève et la rue de la Vieille Tisseranderie) et au sud des Halles. De plus, à chacun de ces endroits, nous pouvons relever des biens possédés non seulement par le résident, mais aussi par au moins l’un des autres bienfaiteurs que nous avons évoqués. Ces regroupements représentent 35 sur 57 des biens fonciers possédés par les bienfaiteurs. Si nous y ajoutons les possessions de Guillaume Le Béguin et d’Isabelle De La Mare dans les rues Tirechappe et Thibaut aux dès, ainsi que celle de Marie La Maquerelle dans la rue des Preschéeurs, la proportion monte jusqu'à 39 sur 57.
Nous constatons aussi des regroupements similaires plus éloignés des quartiers de résidence, comme en témoigne le tableau suivant :
Quartier | Nom | rue | Nombre de Biens | |||||||||||||
Louvre/S. Honoré |
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S.-Sauveur |
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La Cité | Bernard de Pailly et Guillaume le Béguin | r. de la Pelleterie | 1 | |||||||||||||
S.-Séverin |
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Ainsi, Bernard, Guillaume et Isabelle possédaient tous des biens dans le quartier entre le Louvre et la rue Saint Honoré. Une concentration semblable se trouvait dans
les rues entourant l’église Saint Sauveur, où Isabelle et Bernard firent des placements. Un troisième quartier, situé sur la Rive Gauche autour de l’église Saint Séverin, réunissait des rentes possédées non seulement par Bernard et Isabelle de la Mare, mais aussi par d’autres membres de l’entourage de l’hôpital : Ermengon La Chapellière, une bonne femme 314 ; et Thomas de Saint Benoît, drapier, membre d’une famille échevinale et confrère de Notre-Dame, tout comme Etienne Haudry. 315
Quant aux biens qui semblent plus isolés, il se trouve que d’autres connaissances des propriétaires possédaient des rentes ou des maisons à proximité. 316 Marie La Gossequine, deuxième femme d’Etienne Haudry, achète en 1314 une rente dans la rue Espaulart. 317 C’est dans cette même rue, ainsi que dans la rue Pierre Aulart, qui la prolongeait, que se trouvent les deux maisons sur lesquelles Bernard De Pailly perçoit des rentes, qu’il va léguer à l’hôpital en 1324-1325. Il achète aussi deux rentes perçues dans la rue Quinquempoit, où vit Guillot De Fresnes, qui vend à Bernard et Guillaume les rentes que ceux-ci perçoivent dans la rue Percée et dans la rue des Deux Portes, près de Saint Sauveur. La rente que Bernard achète dans la rue des Rosiers se trouve près de trois maisons que l’hôpital acquiert grâce à la réception d’une femme, nommée Pernelle Maujour. 318 Quant à l’achat par Bernard et son frère d’une rente perçue sur une maison dans la Cité, rue de la Pelleterie, c’est dans cette même voie qu’Etienne, fils cadet d’Etienne Haudry, possède une maison, qu’il légue à l’hôpital en 1349. 319 La demeure d’Etienne le père était située tout près, dans la Vieille Draperie. 320
La seule rente que l’on puisse considérer comme isolée des autres est celle que Marie La Maquerelle possédait dans la rue Frogier L’Asnier. Pourtant, ce bien n’est pas très éloigné de la Tisseranderie, où Honnor La Maquerelle habitait. Ainsi, la localisation des patrimoines immobiliers constitués par les bienfaiteurs des bonnes femmes semble être en rapport avec leurs réseaux sociaux. Les biens de chacun se trouvaient en effet près de son domicile, de ceux de ses relations ou là où celles-ci avaient aussi acheté des maisons ou des rentes. Ces indices confortent donc l’hypothèse des biographes de Geoffroy de Saint Laurent concernant le rôle de connaissances, de recommandations et de bouche à oreille dans la constitution d’un patrimoine immobilier.
Les propos développés dans cette section et dans la précédente nous aident à résoudre le problème méthodologique que nous avons posé au regard des registres seigneuriaux. D’après les travaux que nous avons invoqués et notre analyse des documents relatifs à l’hôpital d’Etienne Haudry, les rapports entre résidence, relations et localisation du patrimoine semblent être très proches. Aussi est-il probable que les propriétaires énumérés dans les registres seigneuriaux habitaient près des rues où ils possédaient des maisons ou des rentes, ou qu’ils connaissaient plus ou moins directement les résidents du quartier en question. Cette démonstration facilitera nettement l’emploi des registres seigneuriaux dans notre étude du milieu des bonnes femmes de l’hôpital
L’exploitation de l’ensemble des fonds que nous avons évoqués, celui de l’hôpital ainsi que les sources fiscales et foncières, nous permet donc de connaître les relations de 58 bonnes femmes du XIVe siècle. 321 Ce sont les femmes qui feront l’objet de l’exposé suivant, au cours duquel nous nous attacherons à démontrer les liens qui existaient entre elles et les bienfaiteurs de l’hôpital.
Les références sur lesquelles s’appuient les données présentées dans ce tableau et sur le plan sont fournies dans l’Annexe 1.
Il s’agit d’une rente de 4 £ parisis, que Bernard acheta. Il se peut que dans ce cas, Bernard ne fît pas l’achat à son propre compte, mais pour les « bonnes femmes. » Dans l’acte, il est évoqué comme « procureur de l’hôpital » et la rente semble avoir été intégré par la suite dans le patrimoine de l’hôpital : en 1323, 4 ans après l’achat évoqué ici, Jean Haudry, agissant en tant que gouverneur de l’hôpital, remet la même rente à Bernard et reçoit en échange une rente dans la vieille Tisseranderie (AN S *4634, fol. 91vo (xxx). Quand bien même Bernard aurait acheté cette rente pour les « bonnes femmes », cet indice conforte notre hypothèse concernant le rôle des réseaux sociaux dans les achats immobiliers. Peu importe que Bernard ait acheté la rente en tant que particulier ou en tant que procureur des « bonnes femmes », il choisit de l’acheter dans un quartier où il avait des connaissances, à savoir les « de La Mare. »
Dans l’acte concernant l’achat de ce bien, une rente de 4 £, Bernard est encore évoqué en tant que procureur de l’hôpital.
C’est encore en tant que procureur des « bonnes femmes » que Bernard achète une rente de 109 sous, 6 deniers dans cette rue.
En 1313 Ermengon acheta une rente dans la rue Saint Séverin, probablement avec de l’argent liquide provenant d’un legs fait par Jeanne Haudry à son intention ; sept ans plus tard, Ermengon donna ce bien à l’hôpital. Sur ces transactions, voir l'Annexe 3, la rubrique LA CHAPELIÈRE, I, 2.
Sur l’activité de Thomas en tant que bienfaiteur de l’hôpital, voir infra chapitre 5, p. 213-14 et l'Annexe 3, la rubrique DE SAINT BENOÎT. Thomas possédait deux rentes dans la rue Gallande, qui débouchait dans la rue Saint Jacques/Saint Benoît en face de Saint Séverin. Il est cité en tant que prévôt, ou chef laïc, de la confrérie en 1291 (voir André VAQUIER, La Grande Confrérie aux prêtres et aux bourgeois de Paris, Thèse de l’Ecole Nationale des Chartes, 1901, p. 309. Cet ouvrage est conservé à la Bibliothèque Historique de la Ville de Paris, sous la cote Ms. 2867.) Sur la famille « De Saint Benoît », voir BOVE, Dominer la ville, t. III, p. 1040-42.
Les emplacements de ces biens sont indiqués sur le plan par des chiffres arabes.
AN S *4634, fol. 144v (ddd)
Sur Pernelle voir l’Annexe 3, la rubrique MAUJOUR.
AN L 1043, no 31.
BOVE, « Vie et mort… », op. cit.,p. 24.
L’ensemble des données sur ces individus est présenté dans l’Annexe 3.