Nous avons déjà fait remarquer que la rue du Four, qui menait à l’église de Saint Eustache, était marquée par une concentration de biens appartenant aux bienfaiteurs des Haudriettes. La question se pose donc de savoir si ce regroupement signale l’existence d’attaches entre les bonnes femmes et les habitants du quartier, comme c’est le cas ailleurs.
Formant un angle avec la rue Château Fêtu, la rue du Four s’étendait vers le nord, jusqu’à la place de la Croix Neuve, derrière l’église Saint Eustache. Cette voie faisait partie du quartier qui était borné par l’église, les Halles, l’enceinte de Philippe Auguste et les rues Saint Honoré/Château Fêtu. 388 Les rues de Néele, Traversaine, aux Prouvoires, de Vernueil, des Etuves et de la Tonnelerie se trouvaient aussi dans ces limites. La lecture des rôles de la Taille et du censier épiscopal révèle effectivement que certaines bonnes femmes étaient probablement issues des familles résidant ou possédant des biens dans ce quartier, comme le tableau suivant en témoigne.
Bonnes femmes | Dates des mentions | Résident (vers 1292-1313) | Lieux de résidence | Propriétaire (anciens et actuels) | Date du registre | Emplacement des propriétés | |||||||||||||||||||||
D’ARRAS Guillaumette | 1349 | Bertaud d’Arras Nicolas d’Arras, Pelletier |
r. du Four r. de Verneuil |
||||||||||||||||||||||||
|
|||||||||||||||||||||||||||
|
|||||||||||||||||||||||||||
(DE COMPIÈGNE Jacqueline) | 1349-1372 | Jacques de Compiègne | r. de la Tonnelerie | Perrin de Compiègne | 1373 | r. Traversaine | |||||||||||||||||||||
|
|||||||||||||||||||||||||||
DE CREPON (Jacqueline, chambrière de Pernelle de Crépon) 391 | 1381 | Pernelle de Crepon | 1373 | r. des Etuves | |||||||||||||||||||||||
|
|||||||||||||||||||||||||||
DE TROYES Eveline de Troyes | 1371 | Nicole de Troyes, ouvrière de soie | r. du Four | Nicole de Troyes 392 | 1373 | r. du Four | |||||||||||||||||||||
DE TROYES Marguerite | 1421-1451 | ||||||||||||||||||||||||||
DU BOIS Erembourg (femme de Jean Du Bois | 1305 | Asceline du Bois | r. de Néelle | Guillaume du Bois | 1373 | r. des Etuves | |||||||||||||||||||||
|
|||||||||||||||||||||||||||
DU CHESNE Jacqueline | 1404-1412 | Nicolas du Chesne | 1373 | r. des Etuves | |||||||||||||||||||||||
(L’ANGLAISE Martine) | 1348 | Thomas l’Englais, fripier | r. Raoul Roissole | ||||||||||||||||||||||||
LA BOURDONNE Jehanne | 1380 | Adam Bourdon | r. de Prouvoires | Sire Pierre Bourdon | 1373 | r. du Four, Traversaine | |||||||||||||||||||||
|
|||||||||||||||||||||||||||
LA BOURSIÈRE Agnès | 1348 |
|
Guillaume le Boursier 393 | 1373 | r. Traversaine | ||||||||||||||||||||||
(LA CHENEVACIÈRE Alice) | 1389 | Nicolas le Chenevacier | r. du Four | ||||||||||||||||||||||||
(LA DURANDE Jehanne) | 1389 |
Pierre Durant |
1373 | r. aux Prouvoires | |||||||||||||||||||||||
(LA MERCIÈRE Constance) | 1389, 1397 |
|
Sire Jehan le Mercier | 1373 | r. Traversaine, r. Du Four | ||||||||||||||||||||||
(THOMASSE Lucette) | (1371-1389 | Richard Thomas, poissonier | r. Raoul Roissole |
Ce tableau réunit les caractéristiques de ceux qui concernent les quartiers étudiés dans les sections précédentes, afin que les noms des résidents, des propriétaires et des bonnes femmes puissent être comparés. Nombre de familles, telles les « de Chevreuse », les « de Compiègne », les « de Meaux », les « Chenevacier », les « Mercier » et les « Thomas » sont présentes en tant que résidents ou propriétaires dans ce quartier, ainsi que dans celui qui était situé au nord du Louvre et de Saint Germain l’Auxerrois. Des représentants de deux familles, dont les membres exerçaient le metier de fripier et habitaient aussi au sud des Halles, résidaient également dans ce quartier : il s’agit de parents de Martine l’Anglaise et de Martin de Chartres, dont la femme ou la fille devint une « bonne femme. » On voit pourtant de nouvelles familles : les « d’Arras », les « Bourdon », 394 les « Boursier », les « de Troyes, » les « du Chesne » et les « du Bois. » Quant à Pernelle de Crepon, ses liens avec les bonnes femmes se manifestent à travers la réception de sa chambrière dans l’hôpital. 395 Etant donné ce rapport évident et sa possession d’une propriété dans la rue des Etuves, il est probable que Pernelle connaissait les autres « bonnes femmes » dont les familles étaient présentes dans le quartier.
A la lecture du tableau relatif au quartier de Saint Eustache, des traits familiers se dégagent : d’une part, une concentration de biens possédés par les bienfaiteurs de l’hôpital ; d’autre part, une similitude entre les noms de certaines bonnes femmes et ceux des résidents et des propriétaires. Etant donné les liens que nous avons décelés entre propriété et rapports sociaux, il est probable que les surnoms communs portés par les résidents et propriétaires de ce quartier, ainsi que les autres, sont un signe de rapports de parenté. Il est donc vraisemblable que les familles appartenant à l’entourage des bonnes femmes étaient bien implantées dans le quartier autour de Saint Eustache. Les "bonnes femmes" qui portaient les mêmes surnoms étaient sans doute issues de ces familles.
Voir infra, le plan 6, p. 127. La rue Saint Honoré marquait la frontière entre les paroisses de Saint Germain l’Auxerrois et de Saint Eustache. C’est la raison pour laquelle nous avons intégré les contribuables habitant cette rue du côté de Saint Eustache dans cette partie de notre analyse.
Les références qui appuient toutes les données présentées dans ce tableau se trouvent dans l’Annexe 3, dans les rubriques correspondant aux surnoms des femmes mentionnnées dans la première colonne.
Sur cette femme, voir supra, p. 104.
Nous avons employé le surnom « De Crepon » ici, encore pour des raisons de commodité car Jacqueline, la « bonne femme » en question, est désigné simplément comme la chambrière de Pernelle de Crepon, comme nous l’expliquons dans le commentaire de ce tableau.
Est-ce la même Nicole que celle qui fut recensé en 1299-1300 dans la rue du Four ? D’après le censier, Nicole était le plus ancien propriétaire évoqué : deux autres anciens propriétaires lui succédèrent. Par conséquent, bien que le censier fût réalisé en 1373, il se peut que, en ce qui concerne Nicole, le censier et les registres de la Taille se recoupent. Cela ne serait pas sans précédent : nous avons déjà évoqué le cas de Guillaume le Béguin, également mentionnée dans les deux sources (voir supra, n17).
Etant donné que les données fournies par le registre de la Taille et le censier se recoupent, les deux Guillaumes mentionnés dans cette ligne sont probablement la même personne (voir la note précédente).
Famille échevinale, les « Bourdon » habitaient au sud du quartier de Saint Eustache, dans la rue qui portait leur nom (BOVE, Dominer la ville…, t. III, p. 1002-03.
Annexe 3, DE CREPON, I.