b. Les autres fondateurs

Constance de Saint Jacques

La fondatrice de l’hôpital de Sainte Avoye venait probablement d’un milieu plus modeste qu’Etienne Haudry, comme en témoigne la variabilité de son surnom. Dans la plupart des actes qui l’évoquent, elle s’appelle en effet « Constance de Saint Jacques. » 686 Cependant, grâce au legs fait par Jeanne Haudry au profit de la communauté, située près de la porte du Temple, nous apprenons que la fondatrice s’appelait aussi, « Constance la Boursière. »687 En revanche, au XIVe siècle, tous les membres des familles échevinales avaient de véritables noms de famille, qui n’avaient pas changé depuis plusieurs générations. 688 La variabilité de ses surnoms, ainsi que l’activité professionnelle d’où provient le sobriquet « la Boursière, » laissent penser que Constance appartenait plutôt au milieu des artisans moyens.

Les dispositions qu’elle prend en vue de la fondation de sa communauté semblent être le reflet de cette condition plus modeste. Bien que Constance participe à la fondation, c’est plutôt Jean Sequens, chevecier de l’église de Saint Merry, qui dote les bonnes femmes de la maison dans laquelle elles habiteront. 689 L’acte de fondation affirme aussi que les deux fondateurs se chargent ensemble de l’administration de la communauté et que, après la mort de l’un ou l’autre, le survivant détiendra seul cette responsabilité. Constance exige aussi que sa fille, Isabelle, puisse participer au gouvernement de la communauté si elle le veut, mais elle accepte que le chevecier s’en charge tout seul après la mort d’Isabelle. L’acte de fondation ne fait aucune mention d’une chapelle, ni de messes.

Ce sont plutôt les cheveciers-curés qui érigèrent une chapelle et y instituèrent la célébration de messes. D’après une inscription gravée dans le mur de la chapelle, celle-ci est construite à l’initiative du chevecier Jean Hersant l’un des successeurs de Jean Séquens, avant 1308. 690 Le chevecier donne aussi tout le résidu de ses biens à la fabrique de l’hôpital, à condition que les bonnes femmes fassent célébrer son anniversaire dans leur chapelle. Les dispositions prises par le chevecier semblent donc suivre la même logique que le deuxième testament d’Etienne Haudry II. Ce sont les bonnes femmes qui bénéficient du legs et qui se chargent d’engager un prêtre pour célébrer l’anniversaire de leur bienfaiteur. La valeur du patrimoine du chevecier n’est pas précisée, donc nous ne savons pas combien sa donation enrichit les « bonnes femmes », compte tenu des frais occasionnés par la célébration de l’anniversaire. Cependant, les indices relatifs aux anniversaires célébrés dans la chapelle d’Haudry laissent penser que le coût du service exigé par le chevecier n’était pas exhorbitant : entre 10 et 20 sous par an. Nous pouvons donc supposer que Hersant affecta plus de biens aux « bonnes femmes » qu’à sa messe. En contrepartie, il comptait sans doute bénéficier de leurs suffrages.

L’exemple des fondateurs de l’hôpital Sainte Avoye semble donc conforter notre hypothèse. Ni Constance de Saint Jacques ni le chevecier-curé de Saint Merry ne pouvaient envisager de fonder un lignage : les origines sociales de Constance étaient trop modestes et, bien entendu, les cheveciers étaient célibataires. Par conséquent, les aumônes qu’ils firent au profit des « bonnes femmes » constituaient l’élément fondamental de la stratégie qu’ils adoptèrent pour assurer leur salut. Constance semble simplement avoir escompté que les « bonnes femmes » prieraient pour son âme, tandis que Jean Hersent chargea les femmes d’assurer la célébration de son anniversaire et espérait sans doute, lui aussi, bénéficier de leurs suffrages.

Notes
686.

Voir AN L 1078, acte non coté, 1283 (l’acte de fondation de l’hôpital) ; AN L 938, no 49 (testament de Jeanne la Fouacière) ; et Léon Le Grand, éd., « Testament d’une bourgeoise de Paris, » Bulletin de la Société de l’histoire de Paris et de l’Ile-de-France, t. 14, 1887, p. 42-47 (testament de Sédile de Laon.)

687.

AN L 1043, no 24.

688.

BOVE, Dominer la ville…, op. cit.

689.

AN L 1078, acte non coté (1283.)

690.

Emile Raunié, Epitaphier du vieux Paris, t. 1, Paris, 1890, p. 306-08.