a. La comptabilisation des dons

Le tableau suivant dresse un bilan de la comptabilité des dons faits par les bienfaiteurs de l’hôpital depuis la fondation. Les données sont tirées du compte dressé par le gouverneur de l’hôpital pour les termes de Noël, 1353 et de Pâques, Saint Jean Baptiste et Saint Rémy, 1354.

Tableau 15 : Revenus et dépenses provenant de donations des bienfaiteurs de l’hôpital (membres de la famille « Haudry » non-inclus), 1353-1354.
  Nom du bienfaiteur Montant du don (Les sommes en argent sont des rentes) Offices demandés
Comptabilisation :
chapelains hôpital
1 Isabelle De La Mare 20 £ Chapellenie -
-
2 Isabelle De La Mare 21 £, 13 sous, 8 deniers, la propriété de sa maison aucun -
42 £, 13 sous, 8 deniers 695
3 Erembourg De Reims 10 £ aucun -
totalité
4 Béatrice, femme de Gilles Haudry 60 sous 2 anniversaires 15 sous -
5 Bernard De Pailly 20 £ 1 anniversaire, 1 messe hebdomadaire 72 sous 17 £, 3 sous, 8 deniers
6 Guillaume Le Béguin Tous ses biens aucun - 60 £, 12 sous
7 Guillaume des Mailles 10 arpents 2 messes hebdomadaires 52 sous 10 arpents
8 Thomas De Saint Benoît 60 sous 1 anniversaire 20 sous -

Les personnes énumérées dans la première colonne représentent les bienfaiteurs dont les donations ont laissé des traces dans le compte en question. Nous avons mis dans les deuxième et troisième colonnes les renseignements concernant les donations de chaque bienfaiteur et les offices demandés, selon les termes des actes de donation. 696 Les données fournies dans la quatrième colonne et la cinquième colonne ont été relevées dans le compte de 1353-54 et correspondent, d’une part, à la somme versée aux chapelains de l’hôpital, moyennant la célébration des offices demandés (dans la quatrième colonne), et d’autre part, au montant restant, affecté aux besoins des bonnes femmes et de l’hôpital (dans la cinquième colonne.) 697

Les revenus tirés des biens donnés par Etienne Haudry II, Isabelle de La Mare et Erembourg de Reims sont énumérés dans le compte sous des rubriques spéciales. De ce fait, nous avons pu déterminer au moyen d’une simple addition la valeur totale des revenus tirés des biens donnés par ces bienfaiteurs. En revanche, les revenus tirés des biens donnés par Bernard et Guillaume sont intégrés dans une liste générale de rentes et de propriétés, dont les donateurs ne sont pas précisés. Cependant, il est possible, en croisant les données fournies dans le compte et dans les actes de donation, de déterminer quels biens dans cette liste furent donnés par les deux frères et par d’autres bienfaiteurs. Une analyse détaillée de ces recoupements est présentée dans les annexes 5 et 6.

Ces croisements faits, nous avons pu calculer la valeur totale des revenus provenant des biens donnés par chaque frère. La valeur des revenus donnés par Guillaume, 60 £, 12 sous parisis, est indiquée dans la cinquième colonne de la ligne 6 du tableau 15. Ce chiffre correspond à la totalité de ses biens, que Guillaume légua aux « bonnes femmes », selon les termes de son testament, comme nous l’avons noté dans la deuxième colonne de la ligne 6. Quant à Bernard, la valeur des revenus tirés de son don monte à 20 £, 15 sous, 8 deniers, la somme des chiffres fournis dans les quatrième et cinquième colonnes de la ligne 5. Ces deux chiffres représentent les revenus affectés aux chapelains, d’une part, et aux « bonnes femmes », d’autre part. Leur somme est donc proche de la valeur des 20 £ de rente annuelle que Bernard voulut donner à la chapelle et à l’hôpital, d’après les dispositions énoncées dans son testament (voir la deuxième colonne de la ligne 5).

A la lecture de la première ligne du tableau 15, nous remarquons que ni les messes ni les revenus relatifs à la chapellenie fondée par Isabelle De La Mare ne sont comptabilisés car son chapelain recevait son bénéfice directement, tout comme les autres prêtres de la chapelle. Cependant, dans le même acte, Isabelle octroya aussi des biens aux bonnes femmes : sa maison, contiguë à l’hôpital, avec des rentes, comme en témoignent les données fournies dans la deuxième ligne. Contrairement aux revenus affectés à la chapellenie, ces biens sont intégrés dans le patrimoine de l’hôpital, sans célébration d’offices précis.

Nous voyons aussi que deux autres bienfaiteurs, Erembourg de Reims et Guillaume Le Béguin, firent des dons généreux sans demander de messes en contrepartie (lignes 3 et 6.) Les autres, Béatrice La Haudrie, Bernard De Pailly et Thomas De Saint Benoît, donnèrent aux bonnes femmes plus que le double de ce qui en fut réservé pour faire célébrer leurs messes. Cependant, remarquons que des tirets suivent les sommes payées aux chapelains pour célébrer les messes commandées par Béatrice et Thomas. Cela signale que, à la différence des biens donnés par les autres bienfaiteurs, ceux de Béatrice et de Thomas ne peuvent pas être retrouvés dans le compte. Néanmoins, les textes des actes de donation attestent pour le moins que leurs intentions étaient semblables à celles de Bernard.

D’autres offices étaient aussi à la charge de l’hôpital : d’après la comptabilisation des revenus de 1353-54, les bonnes femmes devaient faire célébrer les anniversaires de Jeanne, femme de Robert Le Pelletier, et d’Emeline Pidoie. Comme les actes de donation correspondant à ces anniversaires n’ont pas été conservés, il n’est pas possible de savoir si les donateurs affectèrent des revenus aux bonnes femmes. Néanmoins, ces demandes suivaient la même logique que celles qui sont présentées dans le tableau car les versements faits aux chapelains par le gouverneur laissent penser que c’est l’hôpital qui assumait la responsabilité de faire célébrer les offices.

Mais en engageant la responsabilité de l’hôpital, ces donateurs avaient-ils des attentes concernant la contribution des bonnes femmes à l’œuvre qu’ils avait établie ? Etant donné qu’elles ne pouvaient pas célébrer les messes, quel rôle jouaient-elles dans l’exécution des offices célébrés à l’intention des bienfaiteurs ? Pouvons-nous déceler les vœux des donateurs relatifs aux suffrages des « bonnes femmes » ?

Notes
695.

C’est grâce à la location de la maison d’Isabelle, qui rapporte 21 £, que les revenus dérivés de son don sont presque le double des rentes indiquées dans le deuxième colonne.

696.

Voici les références aux actes concernant les bienfaiteurs évoqués : AN L 1043, no 30 (Isabelle De La Mare) ; AN S 4629, dossier no 6, actes non-cotés datés du 6 juillet 1338 et du 20 mars 1361 (n. st. (Erembourg de Reims) ; AN S *4634, fol. 121, ooo (Béatrice, femme de Gilles Haudry) ; Ibid., fol. 34vo-35vo (Bernard De Pailly) ; Ibid., fol. 46-46vo, a, c, (Guillaume Des Mailles) ; Ibid., fol. 36vo (Guillaume Le Béguin.)

697.

AN S 4633B, no 7.