b. Un exemple parisien : l'abbaye de Saint Antoine

Le caractère familial des rapports noués par les religieuses parisiennes avec leur milieu social est aussi attesté par le cartulaire qui regroupe des actes relatifs aux biens parisiens de l’abbaye de Saint Antoine, près de Paris. 799 Les actes copiés dans ce cartulaire datent tous des XIIIe et XIVe siècles ; le registre lui-même fut probablement réalisé vers l300, les actes postérieurs ayant été rajoutés au fur et à mesure en reliant des feuilles supplémentaires, de sorte que le manuscrit contient 98 folios au total. 800 Ce cartulaire fournit un témoignage précieux des relations entre les Parisiens et l’abbaye car sur les 67 donateurs évoqués, 54 étaient artisans, travailleurs ou commerçants de la ville.

D’emblée, les comportements de ces Parisiens semblent contredire les indices fournis par les testaments du XIVe siècle : tous les 74 dons ou legs figurant dans les actes datés avant 1270 étaient destinés au couvent entier, plutôt qu’à des sœurs particulières. Le caractère de ces dons laisse penser donc que les Parisiens du XIIIe siècle n’entretenaient pas les mêmes rapports avec les religieuses que leurs descendants. Toutefois, les donations faites par les Parisiens à Saint Antoine affirment bien l’importance des structures de parenté dans ces rapports.

Ces structures s’appuyaient tout d’abord sur la parenté de sang. Un certain nombre des sœurs de Saint Antoine appartenaient certes à des familles aristocratiques de l’Ile-de-France. 801 Cependant, il est clair que, dès le premier tiers du XIIIe siècle, des filles bourgeoises y faisaient profession : en effet, un acte daté de 1233 affirment que Marguerite, sœur de Josselin le cervoisier et religieuse de Saint Antoine, avait donné à l’abbaye deux maisons situées dans la rue de la Juiverie, à Paris. 802 Une trentaine d’années plus tard, Pierre Coquillier, bourgeois de Paris, passa un accord avec Saint Antoine, selon lequel il promit de ne pas réclamer une rente de 6 £ parisis après la mort de ses sœurs, Marie et Marguerite, religieuses de l’abbaye. 803

Néanmoins, les rapports entre les religieuses de Saint Antoine et les Parisiens n’étaient pas limités à la parenté biologique. Nous rappelons que l’abbaye tirait ses origines de la communauté fondée en 1198 par des prostituées et des usuriers repentis, à l’instigation du prédicateur Foulques de Neuilly. Cette communauté était donc au départ un hôpital, dont le personnel était composé de frères et de sœurs laïques. 804 L’hôpital de Saint Antoine fut intégré dans l’ordre cistercien sur la demande d’Eudes de Sully, évêque de Paris, vers 1208, et à cette occasion la communauté devait perdre son caractère hospitalier, devenant ainsi un couvent féminin. 805

Ces origines hospitalières sont typiques des communautés de cisterciennes fondées au XIIIe dans le diocèse de Sens : les fondations des monastères des Isles-Sainte-Marie, de La Cour-Notre-Dame-de-Michéry, de Villiers-aux-Nonnains, du Pont-aux-Dames et du Val-des-Vignes, tous fondés pendant la première moitié du XIIIe siècle, furent dues à des renouvellements ou à des réformes d’hôpitaux ou de léproseries. 806 Les cinq couvents de cisterciennes fondés dans le diocèse d’Arras de 1196 à 1234 semblent être nés de manière similaire. Les premières sœurs n’avaient vraisemblablement aucun statut précis, ayant voulu entreprendre une vie commune selon les préceptes évangéliques, qui pouvaient les mener à soigner les malades et les lépreux. Ces groupes informels furent ensuite intégrés dans l’ordre cistercien au fur et à mesure, à l’initiative de prélats et d’abbés qui étaient troublés par le spectacle de femmes religieuses vivant sans encadrement formel. 807

Quant à la communauté de Saint Antoine, son intégration dans l’ordre ne semble pas avoir provoqué une perte immédiate de tout caractère hospitalier. D’abord, il est clair que la communauté était toujours mixte en 1227, car à cette date un couple de Parisiens y fit don d’un nombre de biens, dont les bénéficiaires étaient les frèreset les moniales de Saint Antoine. 808 Cette même donation laisse penser que les frères et sœurs de Saint Antoine, tout comme le personnel de certains hôpitaux, s’occupaient des personnes âgées. Selon les termes de l’acte, les donateurs, Albert de Dammartin et sa femme, cèdent à la communauté deux maisons dans la rue de Marivaux, quatre arpents de terre à Dammartin et un cinquième de leurs héritages. Les époux se réservent l'usufruit viager de tous ses biens, ainsi que le droit de les vendre s'ils tombent dans la pauvreté, à moins que les frères et sœurs veuillent pourvoir à leurs besoins. Bien qu'il ne soit jamais précisé que le couple devait recevoir logement et nourriture à la manière des donnés âgés, la dernière condition du don semble tout de même ouvrir la possibilité d'une prise en charge du couple par la communauté.

Le cartulaire recèle également trois actes similaires. Dans chaque cas, les donateurs, deux couples et une veuve, cédèrent l'intégralité de leur patrimoine à l'abbaye, en s'en réservant l'usufruit viager. 809 Comme celui d’Albert de Dammartin, ces contrats ne contiennent aucune mention de logement et nourriture. Il n’en reste pas moins vrai que les donateurs n’étaient probablement pas de première jeunesse et qu’ils donnèrent tous leurs biens à l’abbaye, ce qui laisse penser qu’ils n’avaient pas d’héritiers. Leur situation correspond donc à celle des pensionnaires âgées accueillis par certains hôpitaux. 810 Dans les hôpitaux, les pensionnaires âgés avaient un statut similaire à celui des donnés, statut dont étaient dotés certains membres de l’entourage de l’abbaye de Saint Antoine. 811 Compte tenu de tous ces indices, il n’est pas exclu que les religieuses aient contribué à soigner ceux qui, parmi leurs bienfaiteurs, étaient âgés et sans enfants.

Outre cette fonction, les religieuses semblent avoir rendu à certains habitants de la capitale d’autres services qui étaient normalement assurés par les parents et proches des personnes concernées. Parmi ces services figurait vraisemblablement l'éducation de jeunes filles. Ainsi, en 1243 les exécuteurs de feu Jean Viarius donnèrent à Saint Antoine une rente de 20 £ parisis, que l'abbaye devait garder tant que Marguerite et Isabelle, les filles du décédé, restaient sous la tutelle des religieuses. 812 Les religieuses pouvaient aussi exercer un rôle similaire à celui des exécuteurs testamentaires. Par exemple, en 1261, Pétronille, veuve de Richard Guernier, bourgeois de Paris, donna une rente de 15 £ parisis à l'abbaye et demanda à l'abbesse de prélever 15 £ sur ses biens mobiliers et de les distribuer aux pauvres après sa mort. 813

Il est donc clair que l’abbaye de Saint Antoine entretenait, avec la population urbaine, des rapports qui relevaient de la conception communautaire de l’hôpital que nous avons évoquée antérieurement. 814 D’après cette conception, l’hôpital était considéré comme une fraternité spirituelle, à laquelle pouvaient adhérer les membres de la communauté urbaine qui l’entourait, selon des termes très souples. Ces liens de fraternité avec la communauté amenaient souvent l’hôpital à remplir des missions telles que le soin des gens âgés, la réception de donnés et l’accueil des orphelins. Les actes que nous avons évoqués semblent donc témoigner à la fois des liens de fraternité spirituelle, que l’hôpital de Saint Antoine avait tissés avec certains Parisiens, et de la persistance de ces liens après l’absorption de la communauté par l’ordre cistercien.

Outre les bénéfices concrets, la récompense spirituelle, que les bienfaiteurs de l’abbaye escomptaient recevoir moyennant leur générosité, confirme l’existence de cette fraternité. Il est vrai que la majorité des donateurs parisiens de l’abbaye ne précisèrent pas comment ils voulaient être remerciés de leur générosité, ce qui ne signifie pas, bien entendu, qu’ils ne s’attendaient à rien. Pourtant, un certain nombre d’actes nous fournissent des signes de ces attentes : en effet, les donateurs en question déclarèrent qu’ils avaient donné des biens aux religieuses « en aumône », in puram et perpetuam elemosinam et pro remedio anime. 815 L'usage de ces expressions porte à croire que les donateurs en question comptaient obtenir les prières des sœurs, car les suffrages de celles-ci étaient considérés comme la récompense due aux donateurs d'aumônes. L’allocution prononcée par le prédicateur Nicolas de Gorran devant les moniales dans l’église abbatiale, le 6 mai 1273, conforte cette hypothèse. A cette occasion, le prédicateur rappelle aux religieuses que les suffrages qu’elles doivent offrir, pour tous ceux qui leur ont fait des donations en espérant bénéficier du mérite acquis par leurs prières, sont une obligation morale stricte. 816

La persistance de ces demandes non-spécifiques, destinées simplement à procurer les prières d'une communauté religieuse, va à l'encontre de la tendance de l'époque. Le XIIIe siècle fut marqué par une forte progression de demandes de messes, qui devaient être célébrées par les communautés religieuses à l'intention de bienfaiteurs spécifiques. Certes, les moniales ne pouvaient pas assurer elles-mêmes ces services, mais, comme nous l'avons démontré dans le chapitre précédent, des communautés de femmes pouvaient pourvoir à la célébration de ces offices grâce à la présence de chapelains dans leurs églises. 817 De plus, il est avéré que des prêtres étaient rattachés à l'église de Saint Antoine car, dès 1208, des donateurs aristocratiques de l'abbaye demandaient des messes privées de ce genre. 818

En revanche, il semblerait que les bourgeois de Paris aient adopté cette pratique bien plus tardivement : la première demande attestée de messe anniversaire que l’abbaye a reçue d’un commerçant ou d’un artisan date de 1243. 819 Les religieuses reçurent une demande similaire de la part d’un bourgeois en 1246, 820 mais il fallut attendre 1275 pour qu’une autre telle demande fût enregistrée. De plus, ce ne fut qu’à partir de cette date-ci que ce phénomène marqua une légère progression : nous relevons 4 fondations d’anniversaires ou de chapellenies effectuées sur la demande de bourgeois entre 1283 et 1302. 821 Pourquoi les Parisiens exigèrent-ils si peu de messes privées avant cette époque ? Cette persistance de demandes simples, faites uniquement pour obtenir les prières des religieuses, tenait vraisemblablement à la croyance ancienne, selon laquelle le salut était assuré en développant des liens de fraternité spirituelle, tissés et entretenus par la prière, avec une communauté religieuse. 822 La progression des demandes de messes privées dans la deuxième moitié du XIIIe siècle témoignerait donc d’un relâchement de ces liens. En revanche, tandis que le nombre de messes privées demandées était en forte hausse, les donations faites par les Parisiens au profit de l’abbaye tarirent après la première décennie du XIVe siècle. 823 Ce tarissement conforte l’hypothèse d’un éloignement entre l’abbaye et la population de la capitale.

Il se trouve donc que les indices dérivés, d’une part des testaments parisiens, d’autre part du cartulaire de Saint Antoine, ne sont pas en contradiction totale. Toutes ces données confirment le rôle fondamental des structures de parenté dans l’encadrement des religieuses. Cependant, les comportements attestés par ces deux groupes de sources renvoient à deux conceptions différentes de ces structures.

Depuis sa fondation jusque vers 1275, Saint Antoine entretint divers rapports avec les Parisiens : les frères et sœurs, puis les sœurs, s’occupèrent des vieillards, reçurent des donnés, assurèrent l’éducation d’orphelins et offrirent des suffrages pour les âmes de leurs bienfaiteurs. Ces rapports laissent penser que dans l’esprit des donateurs, les sœurs de Saint Antoine faisaient partie de ces réseaux de rapports horizontaux, appuyés sur la parenté de sang, la parenté spirituelle et le voisinage, qui unissaient les artisans et les commerçants parisiens. Cette appartenance expliquerait donc ces nombreux dons faits à l’ensemble des sœurs de l’abbaye. En revanche, les legs testamentaires du XIVe siècle soulignent l’importance de la parenté de sang qui liait le testateur à une religieuse particulière et, de ce fait, la responsabilité de celle-ci à l’égard du salut de ce bienfaiteur particulier et de sa famille. L’apparition de ces legs dans les testaments parisiens témoigne vraisemblablement de la pénétration, dans les mœurs bourgeoises, d’idées et de pratiques nées dans les milieux aristocratiques.

Les amorces de cette pénétration transparaissent à travers la lecture des actes du cartulaire qui sont postérieurs aux années 1280. Avant cette époque, certains bourgeois de Paris placèrent leurs filles dans le couvent, comme nous l’avons noté ci-dessus. De plus, la réception d’une fille en tant que novice obligeait les parents à faire une donation à l’abbaye, comme en témoigne un acte daté de 1268. Dans cette année-là, Guillaume le maréchal, drapier, et Isabelle, sa femme, donnèrent au couvent une rente de 60 sous parisis, parce que leur fille était devenue moniale et que les religieuses n’avaient rien reçu en récompense. 824 La réception de leur fille était donc considérée comme une occasion de faire preuve de largesse à l’égard des religieuses, mais le bénéficiaire de ce don était le couvent entier, non pas la fille des donateurs. Ceux-ci évoquent de surcroît un autre motif pour expliquer leur générosité : la « familiaritatem quam erga religiosas mulieres, abbitissam et conventum Sancti Antonii habere et hactenus habuisse dicebant… » La mention de la familiaritas qui marquait la relation entre les donateurs et les sœurs conduit à penser que le placement de la fille des donateurs, ainsi que le don qui l’accompagnait, participaient des liens de fraternité qui unissaient les religieuses et leurs bienfaiteurs. 825

Dans le deuxième exemple connu de la réception d’une fille bourgeoise dans la communauté des moniales, l’événement se passa différemment. En 1282, Jeanne, veuve de Jean Piz d’oie, bourgeois de Paris, donna à sa fille, Agnès, moniale de Saint Antoine, l’usufruit d’une rente de 60 sous parisis ; le bien devait échoir à l’abbaye après la mort de la religieuse. 826 L’année suivante l’abbaye reçoit une autre rente d’un bourgeois nommé Etienne le Boucher et de sa femme, Jacqueline, dont le mobile semble également être la réception de leur fille, Jeannette en tant que moniale. Cependant, celle-ci n’est pas accordée de droit d’usufruit sur le bien. Par la suite, il devient courant chez les Parisiens de réserver un droit d’usufruit sur un bien donné à une fille ayant fait profession à Saint Antoine : de 1283 à 1302, 11 familles parisiennes prennent ces dispositions en plaçant leur fille à Sainte Antoine. 827

Pourquoi ce changement de comportement se produisit-il avec tant de précipitation ? Les dernières décennies du XIIIe siècle furent marquées par l'émergence d'une élite au sein de la bourgeoisie parisienne : ce fut pendant ces années que le patriciat parisien affirma sa domination sociale et économique sur ses concitoyens, à la suite de son obtention du pouvoir municipal. Dès lors, cette nouvelle élite se représenta et se comporta, dans une certaine mesure, comme les élites traditionnelles. Les grands bourgeois adoptèrent donc une conception lignagère de la famille, conception qui détermina le changement, des rapports entre les bourgeois et les religieuses, que nous avons observé. 828 Désormais, les relations de sang avec des religieuses particulières semblent avoir primé les liens de parenté étendue, non seulement chez les bourgeois patriciens, mais aussi chez ceux, parmi leurs concitoyens, qui placèrent leurs filles dans les couvents. Le rôle du patriciat dans cette évolution des rapports entre les Parisiens et les religieuses est perceptible à travers les actes que nous venons d'évoquer : sur les 11 moniales ayant reçu des biens en usufruit de leurs parents, 6 appartenaient à des familles patriciennes. 829

Cependant, comme nous l’avons constaté dans le chapitre précédent, la pénétration des comportements d’élites dans les milieux artisanaux de Paris n’était que partielle. Au XIVe siècle, la conception lignagère de la famille ne semble pas avoir été adoptée, comme en témoignent les relations entre les « bonnes femmes » et leur entourage. De même, la notion de fraternité spirituelle, fondée sur des rapports de sang, de voisinage et de métier, constituait le tissu de relations sociales d’où provenait la sainteté des « bonnes femmes. »

A Paris, tout comme ailleurs, les rapports de parenté jouaient donc un rôle important dans l'encadrement des femmes religieuses : peu importe, alors, que les liens de sang ou de parenté étendue l'emportassent. Il en allait de même pour les femmes religieuses d’autres régions. Cet encadrement familial peut être décelé autour des petits béguinages du Sud des Pays-Bas et du Nord de la France. Dans la ville de Mons, par exemple, la plupart des béguines vivaient dans une seule paroisse, partageant des demeures individuelles à raison de 2 à 4 femmes par maison. Au moins 3 de ces petits couvents étaient habités par des femmes de la même famille. 830 Dans la ville de Douai, certains « couvents » s’assimilaient à des maisonnées féminines dans lesquelles toutes les résidentes étaient des béguines. Ainsi, le couvent fondé par Agnès de Corbie en 1265 fut né lorsque la fondatrice rassembla dans sa propre maison quelques femmes désirant, comme elle, mener une vie religieuse en commun. Le couvent des « Martines », fondé en 1328, avait des origines identiques. Le fondateur de l’hôpital douaisien des « Wetz », une institution qui, dès 1245, logeait des béguines « pauvres », finit aussi ses jours en tant que résident de la communauté, y habitant avec sa femme. 831 Les bulles émises par les papes Jean XXII (1318) et Benoît XII (1336), qui ordonnèrent la protection de certaines béguines, témoignent aussi de cet encadrement familial. D’après les consignes données aux évêques par les pontifes, concernant les enquêtes à mener sur la conduite des béguines, les femmes qui habitaient dans des maisons familiales ne devaient pas être dérangées. 832

Les communautés dans lesquelles vivaient les « bonnes femmes » de la dissidence religieuse en Languedoc s’appuyaient aussi sur des liens de parenté. Ces communautés revêtaient deux formes, selon que les résidentes appartenaient à l’aristocratie rurale ou vivaient en ville. D’une part, des seigneurs locaux fondèrent des petits couvents où des femmes de leur famille vivaient comme des religieuses ; d’autre part, les « bonnes femmes » urbaines vivaient, tout comme les béguines, à plusieurs dans la même maison. Habitées souvent par des veuves ou des femmes âgées unies par des liens de parenté, ces maisons accueillaient aussi des jeunes filles, venues souvent des mêmes familles que les « bonnes femmes. » Ainsi, les femmes mûres assuraient l’éducation des adolescentes. 833

L’exemple des « bonnes femmes » du Languedoc démontre de manière particulièrement nette que les femmes religieuses étaient partout soumises à un encadrement similaire, dans lequel les liens de parenté pesaient lourds. Par conséquent, les formes institutionnelles développées pour les « bonnes femmes » de la dissidence semblent se distinguer peu des couvents et béguinages où les femmes religieuses catholiques vivaient. Quel que fût le contexte politico-ecclésiastique, il est vraisemblable que les mêmes idées, concernant le rôle social et spirituel de la femme religieuse, s’imposaient. Ces idées constituaient donc des contraintes, auxquelles toutes les femmes religieuses semblent avoir été assujetties. Cette unanimité expliquerait la similitude du sort connu par les différents mouvements féminins au cours des XIVe et XVe siècles.

Notes
799.

Ce manuscrit est conservé aux Archives nationales sous la cote AN LL 1595 et est également consultable à la filmothèque de l’IRHT, à Paris.

800.

Répertoire des manuscrits, filmothèque de l’IRHT, Paris.

801.

Constance BERMAN, « Cistercian Nuns and the Development of the Order : the Abbey of Saint-Antoine-des-Champs outside Paris », The Joy of Learning and the Love of God : Studies in Honor of Jean Leclercq, éd. E. Rozanne Elder, Kalamazoo, MI, 1995, p. 141.

802.

AN LL 1595, no 37, fol. 17-17vo.

803.

Ibid., no 21, fol. 11vo-12.

804.

Constance BERMAN, « Fashions in Monastic Patronage : the Popularity of Supporting Cistercian Abbeys for Women in Thirteenth-Century Northern France », Proceedings of the Annual Meeting of the Western Society for French History, t. 17, 1990, p. 38.

805.

Ibid., p. 38.

806.

Ibid., p. 40.

807.

DELMAIRE, Le diocèse d’Arras…op. cit., p. 313-338.

808.

AN LL 1595, no 46, fol. 20vo-21.

809.

Ibid., no 34, fol. 16vo (1242), no 41, fol. 19 et no 69, fol. 31-31vo (1258).

810.

LE BLEVEC, La part du pauvreop. cit., t. 2, p. 781-86.

811.

Voir supra, chapitre 2, p. 68-69.

812.

AN LL 1595, no 79, fol. 35-35vo.

813.

Ibid., no 70, fol. 31vo.

814.

Voir supra, chapitre 2.

815.

Voir les actes suivants, tous du registre coté AN LL 1595 : no 90, fol. 40 (1210) ; no 8, fol. 7v (1234) ; no 86, fol. 38-38v (1213) ; no 85, fol. 38 (1218) ; no 98, fol. 42vo-43 (1229) ; no 53, fol. 24 (1238) ; no 104, fol. 45vo-46 (1246) ; no 19, fol. 11-11vo (1260) ; no 80, fol. 35vo-36 (1261) ; no 20, fol. 11vo (1261) ; no 122, fol. 53vo-54 (1290) ; no 129, fol. 33-34 (1298).

816.

BÉRIOU, L'avènementop. cit., p. 329.

817.

Cette pratique est également attestée dès le dernier tiers du XIIIe siècle à Vernaison (Drôme, cant. Bourg-de-Péage, comm. Châteauneuf-sur-Isère), un monastère de cisterciennes. A partir de 1265, les moniales de cette communauté eurent recours à des prêtres étrangers pour faire célébrer les messes anniversaires demandées par des bienfaiteurs aristocratiques. A ce sujet, voir Yannick VEYRENCHE, « L’ancrage régional d’un monastère de cisterciennes au XIIIe siècle dans le Sud-Est de la France : le cas de Vernaison », dans Revue Mabillon, n.s. t. 13 (t. 74), 2002, p. 207-08.

818.

Constance BERMAN, « Dowries, Private Income and Anniversary Masses : the Nuns of Saint-Antoine-des-Champs (Paris) », Proceedings of the Annual Meeting of the Western Society for French History, t. 20, 1993, p. 5.

819.

AN LL 1595, no 99, fol. 43-43v; selon cet acte, les exécuteurs d’Isabelle, femme de Thibaud de la Grève, désignés tous comme « cives parisiensis », donnèrent à l’abbaye une rente de 30 £ parisis, dont 18 devaient être affectés à un chapelain et 12 à la pitance des sœurs.

820.

Ibid., no 60, fol. 27-27vo. Dans ce cas, la testatrice, Alice dicta preposita, affecte des biens à la fondation d’une chapellenie, mais laisse à ces exécuteurs le choix de l’église où la fondation doit être établie. A leur tour, les exécuteurs s’en remettent à l’évêque de Paris, qui confie aux moniales de Saint Antoine les biens en question et la responsabilité d’entretenir un chapelain dans leur église, conformément aux vœux de la testatrice.

821.

Voir les actes suivants, tous du cartulaire coté AN LL 1595 :

no 136, fol. 69-69vo (anniversaire demandé par Marie la Blanchette, 1283)

no 75, fol. 33-33vo (chapellenie fondée par les « Paon », 1295)

no 116a, fol. 50vo-51 (chapellenie fondée par Jean Popin, 1296)

no126, fol. 56v-57vo (chapellenie fondée par Geneviève la Bigue, 1301)

822.

Sur ces croyances, voir supra, chapitre 5.

823.

Bien que de nouvelles feuilles fussent ajoutées au cartulaire au cours du XIVe, aucun des actes qui y figurent ne concerne des donations. Nous n’avons également trouvé aucune dontation faite par un bourgeois parisien dans les titres originaux de cette période.

824.

AN LL 1595, no 88, fol. 39-39vo : ex cuius receptione ipse relligiosas nullum adhuc beneficium fuerant ut dicitur assecute

825.

Sur cet usage du terme « familiaritas », voir supra, chapitre 5.

826.

AN LL 1595, no 137, fol. 69v-70.

827.

Ibid.

no 121, fol. 53 (1283--don d’Etienne le Boucher et de Jacqueline, sa femme à Jeannette, leur fille, sœur)

no 116a, fol. 50v-51 (1296--don de Jean Popin et de sa femme, à Pétronille, leur fille, sœur)

no 138, fol. 71-72v (1299--don de Thomas Giffart et de sa femme à Marie, leur fille, sœur)

no 139, fol. 72v-73 (1301--don d’André Bigue à sa fille, Marie, sœur)

no 143, fol. 75-75v (1293--don de Jude de Saint Victor, drapier, à Agnèsote, sa fille, sœur)

no 144, fol. 75vo-76 (1295--don de Marie, veuve d’Henri Petit, à Marguerite, leur fille, sœur)

no 130, fol. 64-64vo (1296--don d’Alice la Poissonière, à Alice, sa nièce, sœur)

no 129, fol. 63-64 (1298--don de Pierre dit Inclaustro, à Alice et Jeanne, ses filles, sœurs)

no 132, fol. 66-67vo (1299--don de Simon de Saint Benoît, à Agnèsote et Marote, ses filles, sœurs)

no 131, fol. 64-66vo (1300--don de Pierre Lanier Guaz, à Colette, sa fille, sœur)

no 133, fol. 67-68 (1302--don de Girart d’Amiens, à Pernelle, sa fille, sœur)

828.

Sur l'émergence de cette conception chez les familles patriciennes et ses manifestations dans leurs comportements pieux, voir BOVE, « Piété, parenté… », op. cit., p. 255-58, 273-74.

829.

Leurs noms de famille étaient Piz d'oie, Petit, Popin, de Saint Benoît, Giffart et d'Amiens. Sur ces familles, voir BOVE, Dominer la ville…op. cit., t. II, p. 431, 475, 688, 693, t. III, p. 1031-32, 1034-35, 1040-42.

830.

Walter DE KEYSER, « Aspects de la vie béguinale à Mons aux XIIIe et XIVe siècles », dans Autour de la Ville en Hainaut. Mélanges d’archéologie et d’histoire urbaines offerts à Jean Dugnoille et à René Sansen. Etudes et documents du cercle royal d’histoire et d’archéologie d’Ath et de la région et musées athois, t. 7, 1986, p. 205-26 ; Penelope GALLOWAY, « ‘Discreet and Devout Maidens’ : Women’s Involvement in Beguine Communities in Northern France », dans Medieval Women and Their Communities, éd. Diane Watt, Toronto, 1997, p. 103.

831.

DELMAIRE, Le diocèse d’Arras…op. cit., p. 326 ; GALLOWAY, op. cit., p. 103.

832.

MCDONNELL, op. cit., p. 536.

833.

Richard ABELS et Ellen HARRISON, « The Participation of Women in Languedocian Catharism », dans Medieval Studies, t. 61, 1979, p. 214-51 ; Anne BRENON, « L’hérésie et les femmes en Languedoc au début du XIIIe siècle », dans Regards croisés sur l’œuvre de Georges Duby. Femmes et féodalité, Lyon, 2000, p. 251-62 ; Idem, « Le catharisme dans la famille en Languedoc aux XIIIe et XIVe siècles d’après les sources inquisitoriales », Heresis, 28, 1997, p. 39-62 ; Idem, Les femmes cathares, Paris, 1992.