c. Les survivantes

Les seules communautés de « bonnes femmes » qui n’aient pas connu ce sort sont celles d’Etienne Haudry et de Sainte Avoye. Comme nous l’avons déjà observé, les « bonnes femmes » de ces maisons réussirent à survivre jusqu’au début du XVIIe siècle, lorsqu’elles acceptèrent le statut de religieuses. 860 Pourtant, elles avaient noué des rapports très proches avec leur entourage et par conséquent durent souffrir, comme les autres « bonnes femmes », de la décomposition de leurs réseaux pendant la première moitié du XVe siècle. Or, à la différence des autres « bonnes femmes », celles de ces deux hôpitaux devaient obéir à une règle, étaient soumises à la surveillance de prêtres et, surtout, ne pouvaient pas quitter la communauté une fois qu’elles s’y étaient rendues. L’organisation de leurs communautés se rapprochait donc de celle des monastères féminins. Grâce à cette ressemblance, les « bonnes femmes » d’Haudry et de Sainte Avoye devaient paraître plus familières à la nouvelle population urbaine que les entourait après la reprise de la vie économique et sociale de la capitale. Cette conformité aux normes qui régissaient l’encadrement des moniales, dut leur apporter une crédibilité auprès des gens qui ne les connaissaient pas, crédibilité qui les aida sans doute à nouer des rapports avec les nouveaux venus.

Sans doute cette conformité ne constituent-il que l’un des éléments qui expliquent la survie de ces deux communautés. En outre, les « bonnes femmes » de l’hôpital d’Haudry et de Sainte Avoye mirent en application une politique de gestion qui visait à la fois leurs biens et leurs archives. Il est indubitable que cette politique permit aux « bonnes femmes » de ces deux communautés de préserver une partie de leurs biens pendant la période de crise, ce qui est certainement un facteur qui contribua à leur survie.

A l'hôpital d'Etienne Haudry, la mise en place de cette politique coïncide avec le transfert du gouvernement de la communauté aux échevins, dans les années 1370, et ensuite aux aumôniers royaux, en 1382. 861 La première manifestation de ce souci de santé financière fut la décision d'obliger les nouvelles « bonnes femmes » à passer un contrat écrit avec l'hôpital. Comme nous l’avons déjà remarqué, quinze actes de ce genre, datés de 1380 à 1423, sont conservés dans le registre de l'institution. 862 Ce sont vraisemblablement des extraits de titres originaux maintenant perdus, comme la plupart des autres actes du registre. Nous ne pouvons donc pas être sûrs que ces extraits représentent des versions intégrales des contrats. Toutefois, les phrases qui furent copiées portent à croire qu'il importait au scribe avant tout d'assurer que les biens des "bonnes femmes" échoient à la communauté après leur mort. Chaque extrait précise simplement que la femme en question se rend à l'hôpital et qu'elle y donne tous ses biens, avec réserve d'usufruit viager. Dans certains cas, des biens particuliers sont évoqués. Ces contrats ne représentent donc aucun changement du statut des femmes tel qu'il était arrêté depuis le milieu du XIVe siècle. Comme leurs prédécesseurs, les « bonnes femmes » reçues après 1380 se donnèrent à l'hôpital corps et biens, tout en se réservant l’usufruit de ceux-ci leur vie durant. Les nouveaux gouverneurs de l'hôpital semblent donc avoir institué les contrats simplement afin de préserver une trace écrite du transfert des biens. Ainsi, ils pourraient faire valoir les droits de l'institution en cas de contentieux.

L'auteur du deuxième élément de la réforme administrative est connu. En tant qu'aumônier royal, poste qu'il détint de 1389 à 1397, Pierre d'Ailly donna des statuts écrits aux « bonnes femmes » d'Etienne Haudry. 863 Ces statuts furent présentés dans deux parties, dont la première fut attribuée au fondateur et à sa femme et la deuxième aux aumôniers. Nous reviendrons ultérieurement sur la première ordonnance de la deuxième partie, la seule qui ne soit pas l'œuvre de Pierre d'Ailly. Quant aux dispositions conçues par celui-ci, le souci d'améliorer la gestion des biens et des archives de l'hôpital y transparaît nettement.

Ainsi, les responsabilités gestionnaires furent partagées par la maîtresse, le procureur et deux des « plus sages femmes de l’hôtel. » Dés lors, un système de surveillance mutuelle fut instauré, vraisemblablement afin d’éviter le détournement des revenus par les uns ou les autres et d’assurer la conservation des documents. Les actes relatifs aux biens de la communauté devaient donc être déposés dans une armoire fermée à deux clés différentes, dont l’une était gardée par la maîtresse et l’autre par les deux « sages femmes. » Dans le cas où le procureur aurait besoin d’un titre, la maîtresse devait le lui remettre en mains propres et rédiger une notice concernant le prêt. Le procureur était ensuite obligé de rendre l’acte aussi tôt que possible. La maîtresse devait également recevoir du procureur tout nouvel acte concernant l’hôpital ou les femmes et le déposer dans l’armoire où les archives étaient conservées. 864

L'aumônier exige aussi que les sceaux de l’hôpital soient mis sous deux clés de la même façon que les archives et que les sages femmes soient témoins de chaque usage des sceaux. 865 Les draps d'autel, la vaisselle d’autel et les ornements de la chapelle étaient également confiés à la maîtresse et à ses deux assistantes et celles-ci devaient contrôler l'usage de ces objets à l’aide d’un inventaire. 866 A l’occasion de la réception ou de la mort d’une femme, toutes les trois femmes étaient également obligées d’effectuer un inventaire écrit de ses biens. 867 La livraison de céréales et de vin devait être comptabilisée et chaque fois que la maîtresse dépensait plus de 20 sous parisis, l’une des sages femmes devait être présente pour la contrôler. 868 Il incombait aussi à la maîtresse et au procureur de présenter leurs comptes au moins une fois par an, 869 pratique que les procureurs avaient déjà adoptée.

De même, les statuts de l’hôpital de Sainte Avoye laissent penser que les cheveciers-curés de Saint Merry surveillaient de près la gestion de l’institution. Les « bonnes femmes » devaient en effet jurer de ne consentir à aucun bail à ferme ni location des biens de l’hôpital sans la permission des gouverneurs. Il était également interdit de recevoir des fondations et de passer des contrats sans avoir obtenu l’aval des maîtres. 870 Les cheveciers exerçaient aussi un contrôle strict sur les dépenses de l’hôpital : ce sont eux qui donnaient à la maîtresse de l’argent pour effectuer les achats nécessaires et elle était chargée de leur présenter ses comptes chaque semaine. 871

Nous ne disposons pas de sources propices à confirmer que toutes ces dispositions étaient mises en pratique par les deux hôpitaux. Cependant, le registre de l’hôpital d’Etienne Haudry démontre que les titres acquis par l'institution furent scrupuleusement mis en archives. Le préambule de ce manuscrit raconte en effet que la maîtresse, Jeanne la dalonne, entreprit une réorganisation systématique des archives le premier décembre 1407. 872 Désormais, tous les documents furent déposés en liaisses, boîtes ou coffres, sur lesquels le contenu fut indiqué. Chaque document fut en plus marqué d’une cote alphabétique, qui correspondait à celle de l’extrait du titre original que le scribe copia dans le registre. Ce volume servait donc, non seulement à préserver le contenu des titres originaux, mais aussi à faciliter la recherche de ceux-ci.

La date à laquelle cette réorganisation fut décidée soulève des interrogations. Huit jours auparavant, le duc de Bourgogne, Jean Sans Peur, avait fait assassiner son cousin et rival politique, Louis, le duc d’Orléans, frère du roi. Cet événement fut le dénouement d’une escalade d’instabilité déclenchée en 1392 par le premier accès de folie royale. A la suite de cet assassinat, la maîtresse de l’hôpital s’attendait-elle à une période difficile, pendant laquelle les « bonnes femmes » allaient devoir produire leurs titres afin de faire valoir des droits menacés ou oubliés ?

Il semblerait en effet que la maîtresse et l’aumônier aient fait preuve de perspicacité car la crise politique à laquelle nous avons fait allusion provoqua l’effondrement du marché immobilier parisien, d’où l’hôpital tirait la plupart de ses revenus. Ce marché était en effet très fragile. Les bénéficiaires de rentes foncières ne pouvaient toucher leurs revenus que si la maison sur laquelle ils étaient perçus gardait sa valeur et qu’elle fût occupée par un propriétaire. Or, la guerre civile déclenchée par l’assassinat du duc d’Orléans provoqua la fuite d’un grand nombre de Parisiens. Dès lors, les immeubles de la capitale furent délaissés et ils tombèrent en ruine. Les rentes qui avaient été constituées sur ces maisons perdirent alors toute valeur. 873

L’abandon en masse des maisons parisiennes amena une forte multiplication des procès de mise en cri, qui devaient permettre aux rentiers de revaloriser leurs droits. 874 Le fonds de l’hôpital d’Etienne Haudry témoigne de la progression de ces procès car la quasi-totalité des titres datés du XVe siècle concernent des actions de ce genre. Ces procès s’appuyaient sur un privilège accordé aux bourgeois de Paris par Philippe le Bel, selon une ordonnance promulguée en 1303. Nous rappelons que ce privilège permettait au titulaire de la plus ancienne rente sur une maison vide de contraindre chacun des autres rentiers à faire un choix : assumer la propriété de la maison avec l’obligation de payer les rentes dont elle était grevée ou renoncer à son droit. Si tous les autres rentiers choisissaient d’y renoncer, le titulaire de la plus ancienne rente reprenait la maison, dégrevée de toutes les rentes qui pesaient sur elle avant le procès. Il pouvait ensuite, en principe, revaloriser son placement en louant la maison ou en y installant un autre propriétaire au moyen d’un bail à rente.

Plusieurs actes de cette période attestent que les « bonnes femmes » se servirent de leur système d’archivage afin de prouver l’ancienneté de leurs droits. Ainsi, en 1431, les « bonnes femmes » font crier une maison située rue de Chartron, près du vieux cimetière de Saint Jean, afin de préserver une rente de 40 sous parisis. Cette action suscite les objections de plusieurs rentiers. Après l’examen des titres produits par ceux-ci, le tribunal du Châtelet déclare que la rente des « bonnes femmes », est la deuxième en ancienneté. 875 La suite du procès est inconnue, mais étant donné que plusieurs rentiers possédaient des droits postérieurs à celui des « bonnes femmes », celles-ci pouvaient escompter revaloriser le leur ou reprendre la maison, sans qu’elle fût trop grevée.

Au cours d’un procès similaire, concernant une maison dans la rue Saint Denis, les « bonnes femmes » prouvent que leur rente de 108 sous parisis était la plus ancienne. Par conséquent, l’un des autres rentiers, le couvent des Clarisses de Saint Marcel, accepte de garnir la maison et de payer la rente due aux « bonnes femmes. » 876 De même, l’hôpital fait valoir l’ancienneté de sa rente de 40 sous parisis sur une maison dans la rue Saint Honoré. Dés lors, les « bonnes femmes » peuvent dégrever la maison et effectuer un nouveau bail, à une rente de 60 sous parisis. 877 Ces exemples portent à croire donc que les réformes effectuées sous le gouvernement des aumôniers contribuèrent à la survie de l’hôpital : grâce au système d’archivage mis en place en 1407, les « bonnes femmes » réussirent à prouver l’ancienneté de certaines rentes et ainsi préserver les revenus qui en provenaient.

Cependant, le procès permettant de faire crier une maison, conçu à l’époque de Philippe le Bel pour parer à des crises ponctuelles, se montra insuffisant face à la profondeur et à la longueur de la dépression du XVe siècle. La dépopulation de la ville provoqua une telle dégradation de l’immobilier parisien, que les rentiers éprouvèrent de grandes difficultés à toucher les revenus auxquels ils avaient droit : en effet, même une ancienne rente ne valait rien si la maison sur laquelle elle était perçue était inhabitée et ruinée. Ces difficultés ont laissé des traces évidentes dans les archives de l’hôpital d’Etienne Haudry.

Certains dossiers attestent, par exemple, que bon nombre de maisons furent criées à plusieurs reprises tout le long du siècle, indice de périodes d’abandon pendant lesquelles les « bonnes femmes » ne tirèrent pas de bénéfices des rentes qu’elles devaient percevoir. Ainsi, la maison du mouton, située rue de la Mortellerie, tout près de l’hôpital, est criée sur la demande des « bonnes femmes » en 1424 et à nouveau en 1442. 878 Un nouveau propriétaire s’y installe à la suite d’un bail effectué en 1450, mais un deuxième procès, entrepris en 1478, témoigne que la maison est à nouveau vide. Dans la même année, les « bonnes femmes » reprennent la propriété de la maison, en consentant d’assumer toutes les rentes qui pèsent sur elle. 879 Un chantier situé dans la même rue est crié en 1426 et en 1444, afin que les « bonnes femmes » puissent revaloriser une rente de 4 £ parisis. Le deuxième procès aboutit au dégrèvement et au bail de la maison par les « bonnes femmes », mais à une rente de 54 sous parisis, guère plus que la moitié de la rente originelle. 880 Une maison située dans la rue Saint Honoré est criée trois fois, en 1431, 1444 et 1467, avant que l’un des rentiers, l’archevêque de Bourges, ait enfin garni la maison, permettant aux « bonnes femmes » de toucher à nouveau leur rente de 100 sous parisis. 881

Parmi ces exemples, celui du chantier dans la rue de la Mortellerie est particulièrement parlant car il atteste la perte de revenus que des rentiers pouvaient subir au cours de ces procès : en effet, les « bonnes femmes » réussirent à dégrever le bien, mais elles s’en sortirent perdantes parce que le terrain avait perdu presque la moitié de sa valeur antérieure. Un différend concernant une maison située dans le quartier de l'église de Notre-Dame-des-Champs fournit un exemple semblable. Les « bonnes femmes » font crier cette maison en 1434 pour réclamer une rente de 7 £, 10 sous et 4 deniers parisis, action à laquelle s'opposent d'autres rentiers, y compris le prieur et les religieux de Notre-Dame-des-Champs. Cependant, l'ordre d'ancienneté des rentes en question ne peut pas être déterminé, ce qui oblige les rentiers à transiger. Selon les termes de l'accord conclu, les religieux de Notre-Dame acceptent de garnir la maison et de payer la rente réclamée par les bonnes femmes, à condition que cette annuité soit réduite à 60 sous. 882

En évoquant les arrérages que l’hôpital reçut au terme d’un procès, certains actes prouvent que les « bonnes femmes » avaient été privées des revenus provenant des rentes concernées pendant de longues années. Lors de la garnison de la maison dans la rue Saint Denis, évoquée ci-dessus, les « bonnes femmes » reçurent 48 £ d'arrérages des nouvelles propriétaires, les Clarisses de Saint Marcel. Le versement de cette somme laisse penser que la rente de 108 sous parisis, que l'hôpital devait percevoir sur cette maison, n'avait pas été payée depuis plus de huit ans. En 1481, les « bonnes femmes » firent crier une maison pour récupérer une rente de 40 sous parisis ainsi que 30 ans d’arrérages. 883 L’hôpital assigna un couple de propriétaires en 1465, pour réclamer 30 £ d’arrérages d’une rente annuelle de 24 sous parisis ; la rente n’avait donc pas été payée depuis 25 ans. 884

Les dossiers concernant les procès de mise en cri de maisons au XVe siècle ne concernent qu'une partie du patrimoine constitué par les bonnes femmes pendant le siècle précédent. Seules 20 rentes sont évoquées dans ces procès, tandis que le compte présenté par Raoul le peure en 1354 atteste que les « bonnes femmes » touchaient des rentes ou des loyers sur près de 150 maisons à cette époque-là. 885 Il n'est donc pas possible de chiffrer la perte de revenus qu'elles connurent pendant la crise. De plus, aucun document comptable de la période après la crise n'a été conservé, donc il est impossible de savoir avec quel succès l'hôpital put reconstituer son patrimoine à partir de la fin du XVe siècle. Faute de données chiffrables, nous sommes obligés de nous appuyer sur les indices qualitatifs fournis par les procès que nous avons évoqués. Ceux-ci témoignent de multiples mises en cri de la même maison, de la dévalorisation de rentes et de l'accumulation d'arrérages pendant de longues années. Toutes ces difficultés portent à croire que les bonnes femmes, comme les autres rentiers de la capitale, furent confrontées à une forte baisse du rendement de leur patrimoine immobilier au XVe siècle.

Cette conclusion nous amène à nuancer notre propos, selon lequel la survie des « bonnes femmes » pendant cette période difficile fut due à la réforme administrative opérée par les aumôniers. La mise en place d’un système d’archivage eut beau permettre à l’hôpital de préserver certains biens fonciers, ces biens ne semblent pas avoir fourni des revenus réguliers au XVe siècle. Ainsi, la réforme administrative ne peut pas expliquer seule pourquoi les « bonnes femmes » de cette institution ne subirent pas le même sort que les résidentes de tant de communautés similaires. Les indices relatifs au cri des biens fonciers de l’hôpital confortent donc notre hypothèse originelle : ce fut probablement leur capacité à nouer des rapports avec de nouveaux bienfaiteurs, susceptibles de leur porter secours dans leur détresse, qui permit aux « bonnes femmes » de l’hôpital d’Etienne Haudry de maintenir une vie communautaire pendant la crise. Etant donné que c’est son encadrement institutionnel, similaire à celui d’un couvent de religieuses, qui distinguait cet hôpital des autres maisons de « bonnes femmes », il nous semble que la survie des « bonnes femmes » d’Etienne Haudry est due à cet encadrement, structure qui dut aussi sauver les « bonnes femmes » de Sainte Avoye.

Les aumôniers royaux étaient vraisemblablement conscients du besoin de faire revêtir aux « bonnes femmes » l’aspect de vraies religieuses car ils complétèrent les statuts concernant la réforme administrative par des ordonnances destinées à resserrer la discipline. Il se trouve que les « bonnes femmes » avaient l’habitude de sortir assez souvent pour régler diverses affaires. Or, Michel De Crené, l’un des prédécesseurs de Pierre d’Ailly, défendit aux femmes de faire ce genre de sortie, pour aller en pèlerinage ou pour d’autres raisons, sans le congé de la maîtresse. Il leur permit, en revanche, de sortir librement pour écouter des sermons dans les quatre églises paroissiales les plus proches de l’hôpital : Saint-Jacques-de-la-Boucherie, Saint Merry, Saint Jean-en-Grève et Saint Gervais. 886

Après avoir énoncé les dispositions relatives aux réformes administratives, Pierre d’Ailly dressa d’autres ordonnances destinées à instaurer une atmosphère plus proche de celle d’un couvent. Ainsi, il interdit, à toute personne n’appartenant pas à la communauté, d’entrer dans le dortoir des « bonnes femmes », ainsi que de souper et de dîner dans leur hôtel sans la permission de la maîtresse. 887 Plusieurs nouvelles ordonnances visent également à faire respecter le silence qui était propre à un couvent. Les femmes sont donc défendues d’entreprendre des travaux susceptibles de perturber le repos ou la dévotion de leurs sœurs. L’aumônier les rappelle aussi au silence dans le dortoir et dans la chapelle. 888 Il souligne enfin la nécessité de respecter les anciens usages, notamment le port d’habits « honnêtes » et la prière au couvre-feu. A celles-ci, il ajoute le devoir de dire 18 « pater noster » et 18 « Ave Maria » chaque jour, pour les âmes de leurs bienfaiteurs. 889

De surcroît, un privilège obtenu par les « bonnes femmes » vers la fin du XIVe siècle leur procura plus d’autonomie vis-à-vis du clergé paroissial, autre caractéristique qui les assimilait aux religieuses. Ce privilège fut reçu à la suite d’une visite effectuée par l’abbé de Sainte-Geneviève, qui avait été chargé par le Pape de vérifier si l’hôpital fonctionnait selon les intentions du fondateur. Grâce à l’avis favorable de l’abbé, les « bonnes femmes » reçurent le droit de garder l’hostie dans une armoire dans leur chapelle et de la recevoir de leurs chapelains, à condition de respecter les droits de leur curé en matière de communion. 890 Désormais, elles n’étaient pas obligées de se rendre à leur église paroissiale pour recevoir la communion, sauf les jours des quatre grandes fêtes de Noël, de Pâques, de Pentecôte et de la Toussaint.

Toutes ces dispositions attestent donc que les aumôniers considéraient un alignement des règlements de l’hôpital sur les usages gouvernant la vie monastique comme essentiel à la survie de la communauté.

Notes
860.

Voir supra, chapitre 2, p. 46.

861.

Voir supra, chapitre 2, p. 68.

862.

Sur ces lettres, voir supra, chapitre 4, p. 183.

863.

Sur ces statuts, voir supra, chapitre 2. Ancien élève du collège de Navarre, humaniste et docteur en théologie, Pierre d'Ailly fut nommé au poste d'aumônier royal en 1389. Il est probable qu'il quitta cet office en 1397, date à laquelle il devint évêque de Cambrai. Sur la carrière de ce prélat, voir Bernard GUENÉE, Entre l'Eglise et l'Etat. Quatre vies de prélats français à la fin du Moyen-Age, Paris, 1987, p. 125-299.

864.

LE GRAND, « Les béguines… », op. cit., p. 352, no 13.

865.

Ibid., no 14, p. 352.

866.

Ibid., no 15.

867.

Ibid., nos 16, 17.

868.

Ibid., nos 18-20, p. 353.

869.

Ibid., nos 21-22.

870.

Ibid., no 26, p. 356.

871.

Ibid., no 27.

872.

AN S *4634, fol. 1.

873.

OLIVIER-MARTIN, op. cit., t. 1, p. 479-81.

874.

Voir supra, chapitre 4, p. 150-51.

875.

AN S 4628, dossier no 5, actes datés du 24 avril 1431 et du 16 juin 1459.

876.

Ibid., dossier no 6, actes datés du 26 mars 1449 (nouveau style) et du 17 juillet 1449.

877.

Ibid., dossier no 8, actes datés du 22 décembre 1481et du 7 janvier 1482 (nouveau style).

878.

AN S 4624, dossier no 3, actes datés du 14 mars 1424 et du 20 décembre 1442.

879.

Ibid., actes datés du 5 avril 1450, du 21 janvier 1478 (nouveau style) et du 19 octobre 1478.

880.

AN S 4625, dossier no 3, actes datés du 30 avril 1426, 28 mai 1426, du 1 février 1427 (nouveau style), du 3 mars 1444 (nouveau style) et du 2 mai 1444.

881.

AN S 4628, dossier no 2, actes datés du 7 juillet 1431, du 17 février 1444 (nouveau style) et du 22 décembre 1470

882.

AN S 4629, dossier no 6, acte daté du 8 décembre 1434.

883.

Ibid., dossier no 8, acte daté du 22 décembre 1481.

884.

AN S 4630, dossier no 2, acte daté du 15 mai 1465.

885.

AN S 4633B, no 7.

886.

LE GRAND, « Les béguines… », op. cit., no 12, p. 352 : « Item, a esté ordonné…par espécial de révérend père en Dieu maistre Michel de Crené, jadis aumosnier du roy nostre sire, que nulles des femmes dudit hostel n’alast en pèlerinage hors, ou autrement, sans prendre congié à la maistresse dudit hostel, se ce n’estoir au sermon, c’est assavoir à Saint-Jacque-de-la-Boucherie, à Saint-Marry, à Saint-Jehan ou à Saint-Gervois. »

887.

Ibid., nos 23, 27, p. 353.

888.

Ibid., nos 24, 25.

889.

Ibid., no 30, p. 354.

890.

AN S *4634, fol. 2v (c-e).