Le dispositif de RASED repose sur une organisation institutionnelle particulière que la sociologie des organisations permet de rendre intelligible. Cette science, née après la seconde guerre mondiale à l'occasion de travaux américains, cherche tout d'abord à résoudre des questions pratiques telles que la motivation et la productivité. Le concept général d'organisation offre alors aux sociologues la possibilité de réunir des objets d'étude d'une grande diversité. Ces objets diffèrent beaucoup en effet selon leur secteur d'appartenance - usines, services administratifs, hôpitaux ou autres institutions – leur taille ou leur âge. Ils peuvent être définis aujourd'hui comme autant "d'unité(s) sociale(s) délibérément construite(s) pour atteindre des buts spécifiques" 18 .
Initialement, les sociologues se sont surtout intéressés au fonctionnement des organisations et à l'influence de la structure sur les personnes. Progressivement ils ont cherché à analyser les interactions entre le groupe et l'individu, les effets non intentionnels des décisions, les dynamiques de coopération et de conflit, les phénomènes de domination et de pouvoir, les modalités de mise en relation etc. Les multiples théories et modèles d'interprétation qui en résultent peuvent être classés en deux grands courants : le courant fonctionnaliste et le courant critique. Le premier pose comme postulat que l'organisation est un système de coopération harmonieux et en équilibre ; le second avance que celle-ci est un lieu où existent des intérêts divergents et des conflits. Ces deux courants sont désormais considérés comme complémentaires pour l'analyse des organisations. Indiscutablement composées d'un double aspect d'ordre et de désordre, celles-ci ne peuvent être appréhendées sans faire appel aux notions de complexité, d'incertitude et d'ambiguïté.
Cette entrée permet d'étudier le RASED à travers sa spécificité : l'organisation en réseau. Ce dispositif particulier, mouvant dans le temps et dans l'espace c'est-à-dire présentant des frontières élastiques et fluctuantes, ne peut être pas considéré comme une "organisation" en tant que telle. Ce n'est pas une structure, ni une "unité sociale" stable et construite au sens strict. C'est seulement un ensemble de moyens disposés conformément à un plan prévu par l'institution et mis "en réseau". Le RASED est par définition un dispositif qui permet de relier momentanément des professionnels entre eux pour résoudre les difficultés présentées par certains élèves. Son organisation est sans cesse à reconstruire. Ainsi, obéit-il à une logique "mécanique" de fonctionnement qu'il est possible d'analyser au moyen du concept de réseau. L'application de ce concept au RASED tend à faire émerger la logique d'ensemble de cette forme d'organisation du travail et à la resituer dans un contexte général. Elle permet également d'introduire une étude historique de ce dispositif, de souligner à la fois son évolution et les diversités de mise en œuvre actuelle par une approche comparative des réalisations. Elle offre aussi la possibilité d'interpréter de façon distanciée les informations recueillies à l'aide d'une grille de lecture conçue à partir de ce concept, de dégager des tendances générales tout en marquant les particularités, de mettre en évidence les conditions d'un fonctionnement satisfaisant ou optimal. Elle a des implications spécifiques qui concernent d'une part les rencontres professionnelles, en terme de faisabilité et de productivité, et d'autre part le management, en terme d'autorité, de moyens de contrôle et de gestion de conflits.
La notion de réseau éclaire toutefois partiellement les liens tissés entre le dispositif RASED et les équipes d'enseignants généralistes. Elle requiert des approches complémentaires pour parvenir à une connaissance qualitative approfondie des relations professionnelles.
BOURNONVILLE C. (1998) Introduction aux théories des organisations , Paris, Editions Foucher, p. 137