1.3.2. Le concept de reliance

1.3.2.1. La présentation du concept de reliance

Le terme de reliance a été utilisé pour la première fois au début des années cinquante par des chercheurs qui l'ont appliqué à la presse et aux médias. Parmi les fonctions assumées par la presse écrite - information, formation, expression, visée psychothérapique ou récréative etc. - se dégage celle de reliance sociale. Celle-ci contribue au renforcement des liens pratiques et symboliques avec une communauté et lutte ainsi contre l'isolement. Tout particulièrement à l'œuvre dans la presse spécialisée, elle constitue un trait d'union entre professionnels d'un même secteur ou d'une même spécialité. Ce lien, d'ordre essentiellement culturel, se cristallise dans la mise en valeur d'intérêts, d'objectifs et de problèmes communs à cette profession.

Le concept de reliance apparaît en 1963 sous la plume de Roger Clausse comme un "besoin psychosocial (d'information) : de reliance par rapport à l'isolement". Dans les années post-68, ce concept s'impose sous l'impulsion de Marcel Bolle de Bal. A la notion de connexion, la reliance ajoute "le sens, la finalité, l'insertion dans un système" 25 . Elle articule trois approches : sociologique, psychologique et philosophique. La première, sociologique, s'attache à étudier la médiatisation du lien social et la création de rapports sociaux complémentaires. La deuxième, psychologique, observe les phénomènes d'aspiration à de nouveaux liens sociaux. La dernière, philosophique, examine les liens manifestes ou latents entre reliance et religion. "Avec ses trois dimensions, (ce concept charnière) permet de saisir la dialectique sociale à l'œuvre, ses tendances à la réification, ses effets pervers et /ou paradoxaux : il fait saisir le lien social comme réalité essentielle de toute démarche de transition, de créativité interpersonnelle et institutionnelle" 26 . La reliance possède une double signification qui recouvre à la fois l'acte de relier ou de se relier et le résultat de cet acte. Elle est d'une part agie, comme reliance en train de se réaliser, et d'autre part vécue, aboutissant à l'état de reliance. Elle se décline en plusieurs types : reliance cosmique, ontologique (entre une personne et l'espèce humaine), culturelle (reliance entre une personne et la société ou sa production), psychologique (reliance entre une personne et les diverses instances de sa personnalité), psychosociale et sociale (reliance entre une personne et un autre acteur social, individuel ou collectif : personne, groupe, organisation, institution etc.). C'est ce dernier aspect défini comme étant la "création de liens entre des acteurs sociaux séparés, dont l'un au moins est une personne" que nous retiendrons principalement au cours de notre étude 27 .

L'acte de relier implique un système médiateur. Celui-ci recouvre soit des ensembles de signes ou de représentations collectives telles que la langue, des objets de consommation, des croyances etc. permettant l'échange, soit des instances sociales modelant les rapports de reliance. Ce système constitue une structure facilitant l'analyse du tissu professionnel. Mais il donne également naissance à un produit : l'ensemble des liens de reliance obtenus évoquant une carte géographique relationnelle.

La reliance s'accompagne d'un antagoniste : la déliance définie comme la marque nécessaire d'une absence de liens ou la rupture d'une reliance. Le préfixe dé induit davantage ce dernier sens et laisse supposer l'existence antérieure d'une reliance alors qu'il ne peut y avoir au départ qu'indifférence. Le tandem déliance / reliance se révèle être un couple fondamental où les deux éléments sont indissociables. Edgar Morin, s'appuyant sur la théorie de l'inséparabilité, montre que ce couple constitue une des formes fondamentales de la vie 28 .

Notes
25.

BARBIER R. (1996) Du côté des Sciences de l'Education : la reliance, concept-clé du métissage culturel Orient-Occident in BOLLE DE BAL M. Voyage au cœur des Sciences Humaines, De la reliance , Paris, Editions L'Harmattan, Tome 1, p. 256

26.

BOLLE DE BAL M. Voyage au cœur des Sciences Humaines, De la reliance , Paris, Editions L'Harmattan, Tome 1, p. 78

27.

Ibid. p. 69

28.

MORIN E. (1996) Vers une théorie de la reliance généralisée in BOLLE DE BAL M. (1996) Voyage au cœur des Sciences Humaines, De la reliance , Paris, Editions L'Harmattan, Tome 1, pp. 315-326