C'est la formule "enfants et adolescents arriérés" regroupant initialement "idiots, imbéciles et débiles" qui qualifie jusqu'aux années 60 le public des classes de perfectionnement. L'enfant idiot est celui qui n'arrive pas à communiquer par la parole avec ses semblables. Il ne peut ni exprimer sa pensée, ni comprendre la pensée exprimée verbalement par d'autres. L'imbécile ne parvient pas à communiquer par écrit avec ses semblables. Il ne peut exprimer sa pensée par l'écriture ni comprendre exactement ce qu'il lit. Le débile est celui qui sait communiquer avec ses semblables à l'oral et à l'écrit mais qui présente un retard de deux à trois ans dans le cours de ses études.
L'arriération, enjeu de rivalités professionnelles importantes, reste longtemps du ressort médical. Elle renvoie à une cause génétique, à la prépondérance de l'inné, et seuls les médecins spécialistes peuvent dire qui est anormal, qui ne l'est pas. Dans ce domaine les instituteurs sont considérés inaptes à formuler le moindre jugement. Peu à peu, les compétences des uns et des autres sont remises en question. Dans cette perspective, les travaux de Binet vont pendre une importance capitale. La collaboration souhaitée entre milieu médical et milieu enseignant va s'établir autour de l'observation d'enfants arriérés. L'échelle métrique, outil d'investigation susceptible de graduer la déficience, se révèle complémentaire des seules références scolaires. Le croisement de ces deux types de résultats permet de discriminer les élèves qui relèvent ou non d'une structure spécialisée. Les psychologues, à la suite de A. Binet, vont s'attribuer la compétence psychométrique nécessaire au recrutement de ces classes.
La nécessité de quantifier précisément le déficit organique ou psychique s'appuie ensuite largement sur l'invention et l'utilisation du quotient mental ou quotient intellectuel 133 , selon la terminologie ultérieure de Lewis Terman. William Stern, prolongeant les travaux de A. Binet, divise l'âge mental par l'âge réel, multiplie ce quotient par 100 et obtient le QI. Le déficit mental devient alors mesurable et le résultat chiffré obtenu permet de poser un diagnostic pensé irréfutable. La pratique généralisée du QI, bien que largement critiquée, gomme la prégnance du critère social dans l'entrée en classe de perfectionnement. Elle justifie mathématiquement un placement des enfants jugés "débiles" dans des filières spéciales et contribue de ce fait à exclure du cursus scolaire normal nombre d'enfants de classe populaire.
Les études historiques montrent que les classes de perfectionnement n'ont jamais accueilli une population bien spécifiée. Entre 1907 et 1950 la majorité des élèves s'écarte des critères de débilité psychométrique. Les notions d'arriération et de débilité utilisées pour décrire ces élèves sont éminemment subjectives et varient considérablement selon les lieux et les années.
CESSELIN F. (1997) Comment évaluer le niveau intellectuel : adaptation française du test TERMAN-MERRIL, Bourrelier