Dans les années 60, la notion d'arriération est remise en question dans ses dimensions étiologiques et prospectives. L'Education Nationale reconnaît l'importance de l'acquis par rapport aux apprentissages. L'inné n'est pas le seul fauteur de troubles, le milieu culturel d'origine peut avoir une influence néfaste et concourir à l'inadaptation de l'enfant au milieu scolaire. En 1963, le terme d'arriéré, connoté négativement, est officiellement abandonné au profit des mots "déficient" et "inadapté", qui ne comportent pas en eux-mêmes d'évocation ségrégative.
Autour des années 70, l'éducation spécialisée s'affirme et, devant la floraison des services, se pare d'un sigle : l'AES - Adaptation et Education Spécialisée -. La notion d'inadaptation, limitée aux symptômes de déficience de l'élève, cède le pas au concept d'adaptation, élargi à l'ensemble des relations de l'enfant avec son milieu de vie. Le secteur de l'enfance inadaptée n'est plus désigné par les individus qui le constituent mais par les actions conduites à leur égard.
En 1975, la loi d'orientation en faveur des personnes handicapées officialise l'expression "enfant handicapé" qui devient dans le langage usuel "handicapé auditif", "visuel", "moteur"... La masse des inadaptés se divise alors en deux camps : ceux qui ont une raison, physiologique ou mentale, reconnue à leurs difficultés, "un label", et les autres.
Dans les années 80, le champ de l'AES devient celui de l'AIS, Adaptation et Intégration Scolaire. L'enfant "inadapté", ou parfois "handicapé", devient pudiquement "l'élève en difficulté". Le changement de locution intronise à mot couvert un nouveau partage des responsabilités. L'inadaptation n'est pas du ressort exclusif de l'élève ou du milieu d'origine. L'école a sa part de responsabilité. Ainsi, en plus de sa fonction d'adaptation est-elle chargée d'une mission explicite d'intégration envers tous. Un des objectifs majeurs de cette intégration est de créer une compréhension et une acceptation mutuelles entre élèves, handicapés ou non, en difficulté ou non, dans un contexte d'égalité et d'équité. Cette perspective implique des ajustements de part et d'autre : "l'assimilation", les élèves handicapés doivent s'efforcer de suivre la voie de la majorité, "l'accommodation", la majorité doit s'adapter à leurs particularités, et "l'adaptation" 138 , tous ouvrent à un accord réciproque. La réussite ne peut être que l'aboutissement d'efforts conjoints.
OCDE (1995) L'intégration scolaire des élèves à besoins particuliers , Paris, OCDE, p. 18