1.4. L'invitation à la reliance entre secteur AIS et secteur ordinaire 1990-2002

1.4.1. Une centration sur l'élève, ses droits et ses besoins

Toute politique éducative se réfère à une conception de l'homme et de son avenir, même si les valeurs sous-jacentes qui l'animent ne sont pas toujours affichées. La Loi d'orientation sur l'éducation du 10 juillet 1989 168 introduit un changement décisif dans la considération d'autrui. Reconnaissant le droit de chacun à l'éducation et à la formation, elle déclare l'éducation "première priorité nationale" 169 . Elle souligne les finalités majeures de la nouvelle politique éducative : épanouissement de la personne, intégration et préparation à la citoyenneté. Elle en affirme les principes clés : placer l'enfant au centre du système et favoriser l'égalité des chances par plus d'équité, en donnant plus à ceux qui ont moins. Ce choix éthique vise à faire de l'Ecole, non un instrument de "reproduction" antidémocratique, mais le creuset d'une société plus juste et plus humaine. L'objectif poursuivi est d'élever le niveau de culture et d'instruction : "conduire l'ensemble d'une classe d'âge au minimum au niveau du certificat d'aptitude professionnelle ou du brevet d'études professionnelles et 80 % au niveau du baccalauréat" 170 . Pour ce faire, la loi indique les moyens à suivre : organisation de la scolarité en cycles, mise en place et suivi de projets, ouverture de l'école à ses partenaires - collectivités locales, entreprises… -, évaluation régulière des différents acteurs du système éducatif etc.

Toutes les mesures proposées concourent à une centration fondamentale sur l'élève. Le rôle des enseignants en est transformé. La tendance à l'individualisme disparaît au profit d'un travail en équipe pédagogique, plus largement en équipe éducative et en partenariat. Responsables de l'ensemble des activités scolaires, les enseignants sont tout d'abord des professionnels de l'apprentissage, attentifs à l'hétérogénéité des élèves et travaillant en équipe avec les "personnels spécialisés, notamment les psychologues scolaires" 171 . Ils sont aussi des professionnels de l'éducation, soucieux de cohérence éducative. A ce titre, ils doivent développer des partenariats d'une part au sein de la "communauté éducative" - composée de tous les personnels de l'Education Nationale et des parents d'élèves - et d'autre part au sein de la communauté sociale en lien avec l'école. Projet et travail d'équipe sont définis plus précisément par la circulaire du 15. 02.1990 172 . Le projet d'école vise à articuler les exigences nationales et les réalités de terrain. Les écoles ont ainsi les moyens de se définir un espace de responsabilité et d'autonomie à l'intérieur d'un cadre national. Elles peuvent, en fonction de leurs spécificités et de leur public, mettre en œuvre les actions qui répondent le mieux à leurs besoins. Dans cette perspective, le travail d'équipe interne à l'école et le partenariat avec l'extérieur alimentent le dynamisme indispensable à la réussite scolaire du plus grand nombre. La marginalisation antérieure des enseignants spécialisés est dès lors contestée. Ceux-ci font partie intégrante des équipes pédagogiques, dans une complémentarité et une reliance professionnelle incontournables. De même, les pratiques d'exclusion d'élèves sont dénoncées. Le placement de l'enfant au centre du système éducatif sous-entend une intégration de fait et appelle l'inclusion de tous dans le tissu scolaire. "Le moment est mûr, semble-t-il pour une évolution du concept d'intégration vers celui du besoin d'identification humaine à travers l'extrême diversité des êtres" 173 . La notion d'élèves à besoins particuliers commence à devenir perceptible : "les autorités académiques ont à tenir compte, dans leur gestion, des besoins particuliers résultant des projets d'intégration et des réalisations nécessaires à l'accueil d'élèves handicapés" 174 . C'est néanmoins l'expression de "élèves en difficulté", figée par le sigle désignant le RASED, qui va dominer la fin du XXème siècle pour désigner les élèves bénéficiant des aides spécialisées. Les difficultés dont ils font preuve sont marquées par une expression générale et vague témoignant d'un embarras à qualifier la caractéristique négative dont ils sont affublés.

Notes
168.

Loi d'orientation sur l'éducation du 10 juillet 1989, BO spécial n°4, 31 août 1989

169.

Ibid., article 1

170.

Ibid., article 3

171.

Loi d'orientation sur l'éducation du 10 juillet 1989, article 14

172.

Cette circulaire complète l'article 18 de la loi d'orientation de 1989

173.

LAURENT M. (1995) De l'arriéré à l'intégré : histoires et perspectives in Revue Ressources Difficultés, Handicaps, Intégration , n°5, octobre 95, p. 27

174.

Loi d'Orientation sur l'éducation, Rapport annexé p. 152