2.2.2. L'aide "généraliste"

La première des aides à apporter aux élèves est du ressort de l'enseignant généraliste et de l'équipe éducative du groupe scolaire dans laquelle il s'insère. Ces aides dites "généralistes" peuvent se répartir schématiquement selon cinq orientations, axées plus spécifiquement sur la relation, le savoir, la méthode, le sens et l'éthique.

La première orientation concernant l'aide à concevoir pour l'élève, centrée sur la relation, nécessite pour l'enseignant une démarche de questionnement personnel sur le lien qu'il entretient avec l'enfant. Pour ce faire, il peut par exemple participer à un groupe d'analyse de pratique. La possibilité de se distancier des charges émotionnelles du travail quotidien lui permet de comprendre une situation difficile et d'agir sur la relation enseignant/enseigné pour que l'objet-savoir puisse de nouveau circuler entre les sujets.

La seconde orientation, centrée sur le savoir, met l'accent sur la didactique. La nature du savoir détermine les processus d'acquisition et de transmission. Pour cela l'enseignant se rend attentif à ce qu'il enseigne, travaillant nécessairement dans le champ épistémologique, par exemple au sein d'un groupe de recherche.

La troisième orientation, centrée sur la méthode, porte sur la manière dont l'élève procède. Autrement dit, le maître de la classe travaille avec ses élèves les "opérations mentales" requises pour chaque type d'activité. Depuis la circulaire n° 94-226 du 6 septembre 1994, il est plus particulièrement chargé d'assurer pendant le temps scolaire des études dirigées, d'une durée de 30 minutes par jour 207 . Ces études dirigées, qui entraînent la suppression des devoirs à la maison, ont pour objectifs de renforcer les activités d'enseignement et de faciliter l'autonomie dans le travail personnel. Elles permettent de développer chez tous les élèves des attitudes et des compétences méthodologiques utiles à toute discipline.

La quatrième orientation, centrée sur le sens, englobe et dépasse les trois précédentes. Elle se manifeste dans une analyse à la fois environnementale et clinique mettant en scène la "personne scolaire" de l'enfant-élève, comme le proposent Jean-Jacques Guillarmé et Dominique Luciani 208 . Elle se subdivise en trois tendances. La première, "sociétale", attribue en partie l'échec scolaire à l'origine sociale. Pour lutter contre les phénomènes d'inégalité l'institution a créé les ZEP, Zones d'Education Prioritaire puis les REP 209 , Réseaux d'Education Prioritaire, avec les contrats de réussite 210 , les pôles d'excellence scolaire 211 etc. Les enseignants disposent ainsi d'une marge de manœuvre non négligeable pour répondre aux difficultés particulières de ces populations d'enfants. La seconde "organisationnelle" s'en réfère au fonctionnement de l'école. L'élaboration du projet d'école, la mise en place des cycles, des programmes personnalisés d'aide et de progrès 212 etc., sont de la responsabilité des équipes de maîtres. Ces différentes mesures permettent d'anticiper, de régler des difficultés naissantes ou d'endiguer des difficultés plus sérieuses. La dernière tendance est "philosophique". Par exemple, dans le sillage du mouvement impulsé par Jacques Lévine 213 , les enseignants peuvent créer des espaces de parole permettant aux élèves de philosopher à partir de questions existentielles, de construire un savoir qui, selon cet auteur, a une vertu émancipatrice. La lutte contre les difficultés passe donc principalement par la construction de situations sensées à la fois pour les élèves et pour les enseignants. "Le sens que les élèves ont à donner à l'Ecole proviendra des situations que mettront en place les enseignants, situations qui doivent favoriser (...) la capacité à relier intention et action, à mettre en tension conflit et solidarité, à favoriser liaisons et déliaison entre enseignants et élèves, entre élèves, entre élèves et savoir" 214 .

La cinquième orientation donnée aux aides généralistes traverse toutes les précédentes : c'est la question de l'éthique. Elle détermine le choix des méthodes, la manière d'enseigner, la place attribuée à l'élève etc. Ce dernier aspect rejoint nettement le premier et requiert un engagement personnel de l'enseignant. Le schéma page suivante permet de visualiser le champ de référence des aides généralistes susceptibles d'être établies. Aucune ne peut être délimitée de façon stricte ; chacune présente des zones d'intersection importante avec les aides spécialisées.

Quand, secondé par l'équipe de maîtres, l'enseignant a épuisé toutes les tentatives possibles pour que "l'enfant qui n'apprend pas" apprenne, un éclairage et une aide supplémentaires peuvent être proposées par le RASED. Ces actions s'exercent non en parallèle mais en complémentarité des remédiations déjà mises en place.

Notes
207.

Cette injonction, peu suivie sur le terrain, vient d'être supprimée.

208.

GUILLARME J.J., LUCIANI D. (2000) Prévenir et éduquer. Préparer la réussite à l'école : les nouveaux outils et méthodes de la prévention. Paris, EAP, 212 p.

209.

Les REP ont été créés par la circulaire n°98-145 du 10. 07. 1998

210.

" La relance des ZEP et la création des REP s'appuient sur le contrat de réussite passé entre les responsables du Réseau et les autorités académiques. Il s'inspire de la démarche de projet d'école, d'établissement ou de zone, familière aux ZEP. Il formalisera l'engagement mutuel des autorités académiques et du Réseau (…). Le contrat de réussite répond à une exigence de transparence à l'égard de la communauté scolaire et des parents ". (circulaire n°98-145 du 10. 07. 1998)

211.

Circulaire n°2000-008 du 8. 2. 2000. Les pôles d'excellence scolaire visent à développer, dans les ZEP et les réseaux d'éducation prioritaires, des activités éducatives et des partenariats de haut niveau de nature à renforcer les apprentissages et à valoriser l'image des écoles et des établissements : classes ou sections à horaire aménagés (sportives, musicales..) et jumelages ou coopérations durables avec des établissements d'enseignement supérieur, des institutions culturelles, scientifiques, technologiques, des entreprises, etc.

212.

Circulaire n°98-229 du 18. 11. 1998

213.

Voir les récits de pauses "philosophie" in LEVINE J., MOLL J. (2001) Je est un autre , Paris, ESF éditeur

214.

DEVELAY M. (1996) Donner du sens à l'école Paris, ESF, p. 117