2.2.5. L'idéal de mise en réseau des aides

Le dispositif RASED, réunissant les différents types d'aide spécialisée, leur délimite un cadre de fonctionnement. "Le dispositif, comme le ditRené Kaës,est un appareil de travail : il est artifice, construction. Il s'écarte du sens commun, de l'habitus… il n'est donc pas inscrit dans l'absolu, mais dans l'appropriation relative d'un objet ou d'un instrument à un projet et à un état des choses. Il relève pour une part d'une décision et pour l'autre de la position des choses elles-mêmes. Le dispositif (…) consiste dans l'écart qui tient les éléments d'un appareil de travail hors de la confusion. Il est l'instrument du discernement; il rend accessible dans l'écartement de ce qu'il disjoint, l'ordre des choses visées par son projet." 222 . Selon cette définition, le RASED a une fonction de discernement. Il a la charge officielle de concevoir et d'organiser les actions les plus appropriées à une situation donnée. Les enseignants peuvent se saisir des règles institutionnelles mises à leur disposition pour le faire fonctionner. Ces règles, établies en vue d'une finalité unique, "aider les élèves en difficulté", sont d'ordre structurel (type de réunion, participants, lieux), temporel (durée, fréquence), et méthodologique (déroulement, animation, règles éthiques…). Elles permettent potentiellement de réguler le choix, la mise en place et le suivi des aides proposées.

Les maîtres E et G sont chargés d'aides dites "spécialisées" ayant pour vocation d'approfondir plus spécifiquement une des orientations généralistes présentées précédemment 223 . Leurs pratiques se situent non pas hors des aides déjà en place mais en synergie avec elles. L'aide à dominante pédagogique se centre essentiellement sur la méthode, l'aide à dominante rééducative davantage sur la relation. Il est évident que les frontières sont floues et que des zones d'intersection se font jour. Le psychologue scolaire, volontairement laissé de côté pour cette étude, a un rôle particulier, centré sur le savoir, sa nature et les résultats obtenus en fonction de la personnalité de l'enfant et de sa classe d'âge. "L'analyse des processus d'apprentissage éclaire la démarche pédagogique. De ce fait, l'étude des difficultés éprouvées par les élèves, dans l'appropriation des connaissances et des savoir-faire ainsi que dans le respect de la scolarité, fournit aux maîtres et aux familles des indications précieuses sur les stratégies à adopter pour favoriser l'éducation des enfants. Les actions du psychologue scolaire tirent leur sens de cette mise en relation entre les processus psychologiques et les capacités d'apprentissage des élèves" 224 . Les missions qui lui incombent se répartissent entre des mesures de "prévention", "l'élaboration du projet pédagogique de l'école et sa réalisation", "l'intégration des jeunes handicapés" et "des actions en faveur des enfants en difficulté" - comprenant "les examens cliniques et psychométriques", un "suivi" psychologique notamment envers les familles sollicitées pour une prise en charge extérieure, une participation comme expert à diverses commissions (CCPE, CDES...). Son rôle, qui n'est jamais assimilé nommément à une aide spécialisée, est assez clairement repéré dans la pratique au sein du RASED et des équipes éducatives. Il apporte essentiellement un éclairage psychologique dans des situations conflictuelles ou bloquées. Il détecte, argumente des décisions de placement ou de maintien dans le système ordinaire, conseille et accompagne les personnes concernées mais généralement ne conduit pas d'actions de "restauration" pour amener l'élève à dépasser les difficultés éprouvées lors des apprentissages scolaires. Or ce sont ces pratiques régulières qui sont à la base des échanges étudiés dans notre recherche.

Chacune selon leur dominante, les aides spécialisées, ne sont pas conçues comme une juxtaposition de recours possibles, complémentaires des aides généralistes. "Aux pratiques de délégation (au spécialiste de réparer l'échec), se substituent celles d'implication de tous les personnels : instituteur de la classe, directeur d'école, Conseils des maîtres, membres du réseau, équipe de circonscription, Inspecteur départemental" 225 . La logique d'aide cesse d'être isolée et compartimentée : elle passe idéalement de l'état d'oignon à la germination. D'une structure en pelures successives, elle devient dynamisme vital, force instituante, "construit social viable parce que négocié et fondé sur des finalités assumées par tous" 226 . Cette transformation ne peut s'opérer que dans une mise en synergie de toutes les compétences professionnelles, autrement dit dans une collaboration effective.

Au cœur de cette préoccupation, apparaît le paradigme de l'éthique. L'existence même du RASED l'enveloppe et le contient. Ce dispositif pose la question sempiternelle de l'éthique déclinée de multiples façons : Que fait l'institution ? Les pratiques des enseignants sont-elles adéquates ? L'élève est-il considéré dans son altérité ? etc.

Notes
222.

KAES R. (1994) La parole et le lien , Paris, Dunod, p. 55

223.

Cf. schéma des aides présenté page 181. Ce schéma situe les actions spécialisées dans leur rapport avec les actions généralistes.

224.

Circulaire n° 90083 du 10 avril 90

225.

BONJOUR P. LAPEYRE M. (1998) L'intégration des enfants à besoins spécifiques, entre impossible et nécessaire, Thèse de Doctorat, Université Lumière Lyon 2, p 442

226.

BONY A. LESAIN J.M. Les réseaux d'aide : examen de quelques résistances institutionnelles in Les Cahiers de Beaumont, Ed Association Amicale et Coopérative du CNEFASES, Numéro spécial, sept 1992, p. 24