2.3.2.3. Comparaison des sujets pour les options E et G

Les sujets des options sont imposés, sans choix possible. Ils sont constitués d'un extrait - ouvrage, article, conférence ou circulaire - suivi de trois questions. La première guide le commentaire du texte d'auteur ou document proposé. Les deux autres élargissent la réflexion sur un plan plus conceptuel et plus pratique. Ces sujets, plus nombreux pour les E que pour les G - certaines sessions sans candidat n'ont pas donné lieu à un sujet - ont été classés par thèmes prédominants sous forme de tableaux présentés en annexe 251 .

La liste des auteurs des extraits proposés 252 montre une zone de références communes, par exemple les écrits de Michel Mirabail, Roger Perron, Philippe Meirieu qui traitent des notions de difficulté et de remédiation au sens large. De plus certains auteurs choisis pour une option auraient pu l'être pour l'autre. Un écrit de Monique Croizier (plutôt E) a été retenu pour un sujet G, de même que ceux de Jérome Bruner, Henri Planchon etc. ; Un texte de René Diatkine (plutôt G) a été choisi pour un sujet E etc. Ce chassé croisé de références tend à montrer l'importance des interférences entre ces aides et leur nécessaire complémentarité théorique. Il n'est pas raisonnable de penser l'une sans connaître précisément l'autre.

Voici la répartition temporelle des thématiques recensées pour les sujets E et G :

Sujets option E
Années
Thèmes
1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997
Champ disciplinaire X   X X X X XX X X X
Liens affectif /cognitif                 X XXX
Projets           XX X   X  
Médiation               XXX    
Supports d'activité : le jeu             X      
Autres supports d'activité                    
Evaluation                 X  
Partenariat           X        
Actions spécifiques                    
Sujets option G
Années
Thèmes
1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997
Champ disciplinaire             X      
Liens affectif / cognitif               X X XX
Projets   X X           X  
Médiation                    
Supports d'activité : le jeu X               X  
Autres supports d'activité             X X    
Evaluation                    
Partenariat           X   X   XX
Actions spécifiques           X     X  

La distribution des sujets E se caractérise par la prédominance du thème disciplinaire ou interdisciplinaire. 42 % – à peine la moitié - ont trait à des matières d'enseignement, délimitées ou transversales : mathématiques, lecture, langage, articulation oral/écrit, aspects automatiques et sémantiques de la lecture et du calcul. Suivent deux thèmes non négligeables, les liens entre affectivité, image de soi etc. et apprentissages (16 % des sujets) ainsi que les projets, pratiques et (re)médiations pédagogiques adaptées aux enfants handicapés ou en difficulté (16 %). La notion de médiateur ou de médiation - lors par exemple de situations interactives – apparaît encore significative de la fonction E (12,5 % des sujets). Les trois autres thèmes de cette série sont périphériques. Un sujet porte sur le RASED et sa dimension partenariale (4,5 %). Un autre aborde le support particulier que constitue le jeu (4,5 %). Le dernier permet de discuter à propos de l'utilité et de l'utilisation de l'évaluation ainsi que de l'intervention souhaitable du maître E (4,5 %). Globalement, c'est l'apprentissage de l'élève, considéré dans sa méthode et ses moyens, qui détermine les principales compétences du maître à dominante pédagogique.

La distribution des sujets G se présente différemment. Aucun thème ne se dégage massivement. Un peu plus d'un quart des sujets, 28 %, donnent à réfléchir aux supports d'activités utilisés pour l'aide G : supports que le candidat doit présenter et expliquer, supports constitués par le jeu et supports disciplinaires - en l'occurrence les mathématiques. Les liens entre affects et cognition représentent 22 % des sujets G. La question du partenariat obtient le même pourcentage, soit à peine un quart. La notion de projet rééducatif obtient un score de 17 % tandis que les actions spécifiques que le maître G doit conduire font l'objet de 11 % des sujets. La préoccupation principale qui se dégage est la maîtrise de la complexité, dans une mise en tension de facteurs divers mais tous à prendre en compte.

La comparaison des deux séries de sujets montre deux divergences fondamentales et autant de convergences. La principale divergence concerne l'importance des champs disciplinaires ou interdisciplinaires autrement dit des matières à travailler en E (42 %) et sa presque totale absence en G (6 %) puisque dans cette spécialité, le travail psychique rendu possible inquiète davantage que la discipline elle-même. Quatre exemples paraissent suffisants pour en rendre compte. Pour l'option E, les sujets tournent autour de l'appropriation des savoirs instrumentaux. Une pédagogie particulière du langage oral peut favoriser la maîtrise globale de la langue. L'expression française est travaillée ici pour elle-même comme une discipline :

(1994) Texte de Alain Bentolila : De l'oral à l'écrit : connivence et distance. Questions :

Le savoir lire est considéré comme un but à atteindre avec des procédures à mettre en place. La matière "lecture" est centrale :

(1996) Texte de Chauveau G., Rogovas E. extrait de Les chemins de la lecture Magnard 94. Questions :

Le calcul et les moyens de dominer son utilisation au quotidien font l'objet des mêmes considérations :

(1992) Texte de Michel Fayol : "Le comptage mental, additions et soustractions". Questions :

Ces préoccupations disciplinaires sont décalées quand il s'agit de l'option G. L'objectif n'est pas directement de maîtriser telle ou telle matière, de travailler tel ou tel apprentissage mais d'utiliser certaines activités scolaires pour atteindre des buts préalables touchant au fonctionnement psychique. C'est toute la stratégie du détour restaurant la personne, et par suite son efficience scolaire, qui est à défendre ici :

(1994) Texte de Henri Planchon, extrait de Réapprendre les maths ESF 1989. Questions :

La seconde divergence remarquable concerne l'importance de la collaboration et du partenariat pour l'une ou l'autre option : négligeable en E et conséquente en G. Pour l'option E, elle apparaît au détour de questions centrées sur les projets, dont l'articulation nécessite implicitement une coopération. Comme motif central, elle est périphérique, moins de 5 % et ne peut se cumuler avec le thème de la médiation. La rare fois où elle apparaît, les maîtres E sont invités à réfléchir aux solutions institutionnelles apportées par le RASED. Pour que le nouveau modèle de fonctionnement qu'il représente devienne fonctionnel, "il faut que les communautés des personnels se mettent en situation professionnelle de résolution de problème. C'est à ce prix que l'aide au projet de chaque élève deviendra partie intégrante de l'action éducative parce que précédée et prolongée par le fonctionnement systématique d'une organisation à l'écoute des variations de compétences de ses acteurs" 253 . La collaboration "interactive", à l'intérieur du RASED et à l'extérieur avec les enseignants généralistes notamment, est ici au centre de la réflexion, sans que cette notion, ni celle de partenariat ne soient nommément évoquées.

(1993) Texte de Mirabail M. Les difficultés mentales chez l'enfant Privat 92. Questions :

Le thème de la médiation, spécifique à l'option E, ne s'apparente pas à celui de la coopération. Dans cette perspective, le maître E est présenté comme un médiateur entre l'élève et le savoir ou comme un organisateur d'interactions sociales entre enfants seulement. Pour l'option G, le thème de la collaboration et du partenariat surgit immanquablement avec l'évocation du projet et contrat rééducatifs. Il atteint de plus presque 25 % en tant que préoccupation centrale. Le partenariat apparaît ainsi avec un intérêt nettement plus fort pour l'aide à dominante rééducative. Dans la mise en œuvre de cette aide, le maître G prend figure de "tiers", d'arbitre ou de "partenaire". Pour déjouer "les modalités interactionnelles de l'échec scolaire" 254 , il doit briser le mécanisme des jeux contradictoires sans fin et favoriser la possibilité de nouveaux échanges. Il a également la mission de communiquer à ses partenaires toute information pertinente et utile à l'amélioration d'une situation, en respectant le cadre d'une discrétion professionnelle 255 . Les échanges et la collaboration apparaissent ainsi comme une réalité incontournable de sa fonction :

(1993) Texte de Grégoire Evequoz : "L'approche systémique et les pratiques psychopédagogiques individuelles". Questions :

(1995) Extrait de la circulaire n° 90-082 du 9 avril 1990 : Mise en place et organisation des réseaux d'aides spécialisées aux enfants en difficulté. Questions :

La comparaison des sujets E et G laisse également apparaître deux types de convergence. La plus évidente est relative aux liens entre affectif et cognitif. L'apprentissage ne peut être considéré comme le seul résultat de processus mentaux identifiables et maîtrisables. Il s'inscrit dans une histoire où affleurent des éléments qui échappent à tout contrôle, l'inconscient en étant l'exemple le plus parlant. L'imbrication de ces deux pôles apparaît massivement en 95, 96, 97 et simultanément en E et en G. La distinction fortement affirmée au moment de la création des options tend à s'atténuer. L'aide à dominante pédagogique ne fait pas fi de la dimension psychique de l'individu. Elle est reconnue comme un recours salutaire pour aider "les enfants ayant un problème affectif", "les élèves qui ont construit une image dévalorisée d'eux-mêmes", les élèves considérés à tort comme "objets" etc.

(1996) Texte de Plaisance E., Vergnaud G., extrait de Les Sciences de l'Education La découverte, Paris, 1993. Questions :

(1997) Texte de P. Mazet "Estime de soi et apprentissage dans l'enfance". Questions :

(1997) Texte de Perron R., Auble J.P., Compas Y., extrait de L'enfant en difficultés Privat 1994. Questions :

L'aide à dominante rééducative, depuis sa création, prend en compte la dimension totale de la personne et la qualité du lien maître/élève dans la conception et la mise en place des apprentissages. L'action se focalise sur le sujet mis en position de s'approprier l'objet savoir c'est-à-dire d'apprendre. C'est la question du sens, du rapport au savoir, de la relation qui est rappelée par les élèves en difficulté et pointée comme prioritaire.

(1996) Texte de Mireille Cifali, extrait de Le lien éducatif : contre jour psychanalytique PUF 1994. Questions :

(1997) Texte de Mireille Cifali, extrait de Le lien éducatif : contre jour psychanalytique PUF 1994. Questions :

Ce rapprochement entre les deux options touche également les supports d'activité. Le jeu, de même que "le détour" plus généralement, n'est pas l'apanage de l'aide rééducative :

(Option E 1994) Texte de Jean Chateau, extrait de Le jeu de l'enfant 1946. Questions :

(Option G 1996) Texte de R. Caillois, extrait de L'homme et le sacréGallimard, 1950. Questions :

La seconde convergence, marquant une proximité entre les sujets, s'applique aux énoncés eux-mêmes. Certains sujets E ou G, moyennant éventuellement quelques retouches de vocabulaire - remplacer E par G ou aide à dominante pédagogique par aide à dominante rééducative -, pourraient être traités par l'option opposée et inversement. L'exercice peut être conduit à partir des exemples précédents ou peut se poursuivre par une devinette. Dans quelle option le sujet suivant a-t-il été proposé ?

(XXX 256 1993) Texte de Mirabail M., extrait de Les difficultés mentales chez l'enfant Privat 92. Questions :

Dans ces derniers exemples, il est également intéressant de s'interroger sur la nature des réponses à fournir pour être reçu à l'examen. Le bon maître E sait énoncer sa capacité à aider les enfants présentant des troubles "affectifs" - non pathologiques - dans le domaine des apprentissages et à réduire l'ensemble des manifestations indésirables. Le bon maître G n'a pas à faire la description d'un traitement "scolaire" appliqué aux élèves en difficulté. Il sait au contraire expliciter les raisons et les modalités d'une restauration personnelle qui apparaît comme un préalable ou une condition indispensable aux apprentissages.

L'institution se focalise sur chaque option séparément dans un effort de cohérence pour chacune. Les dominantes ne peuvent en aucun cas être considérées de manière trop rigide. Demandant presque au G de rester G et au E de devenir polyvalent, elle néglige largement la collaboration entre professionnels spécialisés et tout autant celle entre spécialisés et généralistes. Elle effleure par ailleurs à peine les pratiques évaluatives. Ce quasi-silence est chargé de conséquences. Si ces préoccupations ont peu de chance de devenir sujet d'examen, il est probable que les formateurs ne les travailleront pas avec insistance. Il est également vraisemblable que les enseignants préparant leur diplôme n'y attacheront qu'une importance relative, remise à plus tard lors de l'exercice ultérieur en poste définitif. Tout se passe "comme si" le travail d'équipe était un exercice naturel, ne nécessitant aucune formation particulière ; "comme si" les futurs professionnels allaient magiquement appliquer les directives officielles en matière de coopération et d'interactivité.

La demande institutionnelle de collaboration, désinvestie dans le concret par un manque d'intérêt à l'occasion de la certification, n'échappe pas à l'enfermement d'un idéal désincarné. Elle cache une situation de mensonge institutionnel. Les injonctions des textes officiels se heurtent aux attentes sous-jacentes à l'examen du CAPSAIS. La contradiction entre ce qui est dit de faire explicitement, et ce qui est suggéré implicitement ou ce qui est laissé dans l'ombre, ne peut que favoriser les dysfonctionnements. La mise en réseau des aides apparaît alors entravée dans son existence même, à la fois par défaut d'exigences claires et par manque présumé d'acteurs opérationnels.

Afin de compléter l'état des lieux entrepris, nous allons maintenant explorer l'assimilation et les prolongements concrets de ces aspects théoriques chez tous les personnels concernés. Cette investigation s'attache à décrypter statistiquement les représentations émergeantes concernant les aidés, les aidants et les pratiques d'aide en vigueur sur le terrain.

En résumé

L'étude des écrits relatifs aux "élèves en difficulté" et aux professionnels de l'aide permet de cerner les catégorisations en vigueur à l'école primaire. Les élèves sont classés en fonction de leur réactivité à l'école et aux apprentissages. Ceux qui posent problème sont marqués par des expressions spécifiques, toujours en risque de réduire les personnes désignées à la particularité nommée : handicapés, enfants en échec scolaire ou en difficulté, enfants à besoins particuliers. Les maîtres généralistes, qui en ont la responsabilité, doivent leur proposer des aides adaptées. Quand celles-ci s'avèrent insuffisantes, les enseignants spécialisés en aide à dominante pédagogique (E) ou rééducative (G) peuvent prendre le relais et mettre en place des actions de remédiation spécifique.

Les pôles, définis tant au niveau des élèves que des professionnels, sont appelés à se connecter et à tisser une carte relationnelle complexe. Le dispositif RASED en assure la cohérence et la régulation. Il a la mission de concevoir et de planifier un ensemble d'aides en étroite collaboration avec les équipes de maîtres généralistes. La circulaire d'avril 2002 sur l'Adaptation et l'Intégration Scolaire insiste sur cette dimension partenariale en préconisant quelques procédures pour améliorer l'organisation et la communication au sein de l'Ecole.

Conjointement, l'étude des sujets d'examen proposés en vue de l'obtention des CAPSAIS option E et G, éclaire autrement l'attente institutionnelle se rapportant au travail d'équipe. De 1988 à 1997, le thème peu fréquent de la collaboration (6 % environ) n'apparaît pas comme une préoccupation essentielle que les candidats doivent travailler et maîtriser. De 1998 à 2002, il en est de même (8 %). Au-delà des épreuves communes à toutes les spécialisations, l'analyse des sujets propres aux options E et G montre un intérêt variable pour la question selon l'option choisie. Pour la dominante rééducative, le partenariat semble reconnu comme une réalité importante de la fonction (25%), alors que pour la dominante pédagogique elle paraît négligeable (moins de 5 %). Globalement, bien que le discours officiel prône la collaboration entre enseignants, l'absence de contrôle du savoir qui l'accompagne au moment de la certification entérine une position institutionnelle favorisant peu le fonctionnement en réseau.

Notes
251.

Cf. annexes A1 pp. 13-22

252.

Cf. annexes A1 pp. 5-7

253.

MIRABAILM.( 1992) Les difficultés mentales chez l'enfant, Toulouse, Privat

254.

EVEQUOZ G. L'approche systémique et les pratiques psychopédagogiques individuelles in Le groupe familial n° 129 octobre 1990

255.

Nous reprendrons l'utilisation de cette locution en l'opposant à d'autres comme le secret professionnel. Voir 3ème partie, chapitre 3, p. 413

256.

Option E