Dans les textes officiels, les aides spécialisées se différencient des aides généralistes et se distinguent entre elles. Dans les représentations en vigueur sur le terrain, il s'agit d'appréhender comment sont analysées et vécues les spécificités des aides à dominante pédagogique et à dominante rééducative.
Les représentations liées à la fonction de maître E, obtenues à partir des réponses à la question Q3 "Quels sont les cinq mots qu'évoque pour vous la fonction de maître E ?" et issues plus largement des entretiens, permettent d'approcher les pratiques d'aide à dominante pédagogique et leur contexte.
Le tableau de distribution des fréquences des formes graphiques Q3b montre l'emploi de 248 formes graphiques pour 359 mots. Cette dispersion, relativement réduite comparée à celle des autres questions, est pourtant trop étendue pour l'obtention de résultats significatifs avec les procédures statistiques retenues. La recherche de mots caractéristiques parmi les réponses Q3b, dépendantes de la variable spécialisation en AIS, fait cependant apparaître deux groupes 288 . Les professionnels non spécialisés repèrent les maîtres E en employant préférentiellement le terme "petit-groupe" (valeur-test à 1,4) tandis que les spécialisés se caractérisent seulement par le non-emploi de cette expression.
La procédure de codage permet de réduire les formes graphiques initiales Q3b en Q3c, qui comprennent alors 14 formes codées distinctes 289 .Le tableau lexical Q3c 290 répertorie la totalité de ces formes codées et permet de représenter par un histogramme les pourcentages de réponses.
Six pôles apparaissent ; par ordre décroissant : "identification, définition de l'aide à dominante pédagogique" (45,2 %), "jugements, valeurs" (31,5 %), "travail en partenariat" (9,8 %), "identification du dispositif et de son personnel" (8 %), "identification du public aidé" (4,4 %), "contexte de travail, spécificités locales" (1,1 %).
Le premier pôle regroupe tous les codages 291 liés au repérage de l'aide elle-même : objets de travail, activités professionnelles, démarche (zzAob 22,6 %) ; mission, objectif général (zzAmi 14,8 %) ; modalités d'interventions (zzAin 7,2 %). La description affinée du travail d'aide à dominante pédagogique E, excepté le partenariat, correspond à un quart des réponses. Les missions et les signes extérieurs, dénotant un niveau de connaissance plus sommaire, en recouvrent presque autant. Le second pôle rassemble les codages en lien avec le jugement 292 : valeurs, conceptions générales de l'aide (zzJcp 18,7 %) ; appréciation, évaluation des pratiques ou du dispositif E, ressentis (zzJap 12,8 %). La fonction de maître E appelle, à hauteur d'un tiers des réponses, des appréciations soit sur les pratiques de terrain, soit sur une conceptualisation de l'aide. Si la rumeur laisse entendre une bonne acceptation de ce métier, les réponses obtenues montrent à l'évidence d'importantes zones d'insatisfactions. Le partenariat vient occuper le troisième pôle avec environ une réponse sur dix, ce qui en fait une préoccupation globalement marginale. Cette notion comprend la collaboration externe (zzPex 8,1 %) et les échanges internes au RASED (zzPin 1,1 %). Ce dernier score très faible s'explique sans doute par le statut particulier du maître E qui ne bénéficiait pas, jusqu'à une date récente, d'heures de synthèses reconnues sur son temps de travail hebdomadaire. La dernière circulaire lui octroie désormais le même volume horaire dans ce domaine que ses collègues rééducateur et psychologue scolaire. Le quatrième pôle est relatif à l'identification du personnel (zzIsp 6,1 %) et des formes d'organisation de l'aide - en classe fermée, semi-ouverte ou en regroupement d'adaptation – ainsi que leur appellation (zzIor 1,9 %). La spécialisation est à la fois affirmée et contestée. Les deux derniers pôles, nettement moins importants, apparaissent comme périphériques. La difficulté est suggérée par l'identification de la population aidée (zzDpe 3,6 %) et le repérage des manifestations indésirables (zzDmd 0,8 %). Le contexte de travail et les spécificités locales sont à peine évoquées (zzTgé 1,1 %)
Le tableau de contingence Q3c 293 montre que l'hypothèse d'homogénéité est rejetée. Les évocations obtenues sont dépendantes des trois variables professionnelles. Leur étude permet de préciser les positions communes ou divergentes chez les différents personnels.
Pour la variable spécialisation en AIS, les groupes, spécialisés et non spécialisés se différencient nettement 294 . Les spécialisés se focalisent sur le partenariat (zzPex : valeur-test à 2,3), sur les objets de travail, la démarche et les activités professionnelles (zzAob : valeur-test à 2). Les non spécialisés se centrent sur la dénomination utilisée et l'organisation du travail (zzIor : valeur-test à 3,1). Ils sont également sensibles aux modalités d'intervention (zzAin : valeur-test à 1,9) et à l'identification de la spécialisation (zzIsp : valeur-test à 1,4). Cette tendance montre toute la difficulté pour des généralistes à appréhender une aide spécialisée autrement que dans ses manifestations les plus extérieures. Elle souligne également leur peu d'appétence naturelle pour le travail en partenariat, alors que cette préoccupation est caractéristique des personnels spécialisés.
Pour la variable corps de métier, la recherche de mots distinctifs montre des intérêts particuliers dans chaque groupe déterminé 295 . Les IEN sont très attentifs à l'organisation des aides à dominante pédagogique (zzIor : valeur-test à 2,9) ainsi qu'à l'identification du personnel et de la spécialisation (zzIsp : valeur-test à 2,6). Ils évitent de porter des appréciations, jugements ou ressentis sur ce type d'aide (zzJap : valeur-test à -3). Les formateurs ont tendance à privilégier les conceptions relatives à cette aide (zzJcp: valeur-test à 1,8). Les enseignants spécialisés inclinent à évoquer activités professionnelles, objets de travail et démarches (zzAob : valeur-test à 1,8). Les enseignants généralistes se centrent sur des appréciations portées sur les pratiques ou le dispositif d'aide à dominante pédagogique existant (zzJap : valeur-test à 2,4). Ils sont également peu enclins à présenter des positions conceptuelles approuvant ou désapprouvant ce type d'aide (zzJcp : valeur-test à -1,7).
E69 Marina A2 p. 853
‘"Je pense que ce serait plus une aide pour l'enfant si c'était plus relié. (…) Je ne sais pas ce qu'elles font, ça c'est sûr."’E63 Hélène A2 p. 800
‘ "Inefficacité, (…) étant donné qu'on n'a pas pris la peine de demander vraiment ce qui cloche, je ne vois pas bien à quoi ça peut servir."’L'application de la procédure VOSPEC à la variable fonction professionnelle fait apparaître des mots codés significatifs de groupes d'individus 296 qui permettent d'affiner et de nuancer les résultats précédents. Les IEN généralistes colorent nettement la position générale des IEN (zzIor : valeur-test à 3,9 et zzJap : valeur-test à -2,2). Ils ont tendance à faire peu état de partenariat (zzPex : valeur-test à –1,4) ou d'activités professionnelles dans leur détail (zzAob : valeur-test à –1,5). Les IEN AIS sont par contre très préoccupés par la dimension partenariale du métier, interne et externe (zzPin : valeur-test à 2,6 et zzPex : valeur-test à 2,4). Comme leurs collègues, ils évaluent peu les pratiques ou le dispositif d'aide E (zzJap : valeur-test à –1,4). Les maîtres E orientent visiblement la position globale des enseignants spécialisés en présentant de façon préférentielle les détails de leurs activités professionnelles (zzAob : valeur-test à 2,1). Les rééducateurs évoquent le travail d'aide à dominante pédagogique à partir de la mission générale qui leur est attribuée (zzAmi : valeur-test à 1,4). Les psychologues sont davantage enclins à critiquer ces pratiques (zzJap : valeur-test à 2,1) et rejoignent sur ce point la position des superviseurs et des directeurs d'école. L'ensemble de ces résultats est représenté graphiquement sous forme de nuage page suivante.
Le premier axe 297 donnant forme au nuage, l'axe 1, figure la connaissance de l'aide à dominante pédagogique allant d'un savoir formel à des observations critiques plus ou moins fondées. Il est déterminé par l'opposition entre les IEN et les formateurs. Les inspecteurs privilégient les aspects organisationnels tandis que les formateurs sont sensibles au sens à donner à ces pratiques d'aide. Cet axe résulte aussi de l'écart entre les réponses proposées qui vont de zzIor à zzJap, avec d'un côté une description des dispositifs existants, de l'autre une analyse plus ou moins élaborée de ces dispositifs ou des pratiques qu'ils permettent.
Le deuxième axe - ou axe 2 - est celui de la conceptualisation de l'aide allant d'un constat émotionnel à une élaboration théorique des pratiques possibles. Il provient d'un antagonisme entre enseignants généralistes et spécialisés. Les premiers émettent des opinions, y compris celle de ne pas en avoir par manque de connaissance de ce type d'aide; les seconds ont tendance à se positionner comme professionnels et à expliciter cette pratique. Les mots codés influencent également l'axe 2 : ils vont de zzJap à zzJcp, c'est-à-dire d'observations critiques à des valeurs ou conceptions élaborées de cette aide.
Le troisième axe, non représenté mais encore représentatif, souligne un aspect praxéologique, allant d'une pratique réfléchie à réflexive. Les mots codés zzJcp sont en contraste avec zzAou, marquant la priorité donnée aux concepts ou aux contingences pratiques regroupant outils et supports utilisés.
Ces résultats peuvent se préciser encore. Le nuage présenté dans la partie méthodologique à partir de la variable fonction professionnelle se développe de façon identique à celui-ci autour de l'axe 1, et introduit quelques nuances pour l'axe 2. Avec la variable fonction professionnelle, une attention significative est portée sur la mise en œuvre du partenariat tandis qu'avec la variable corps de métier, c'est le bien-fondé de l'aide à dominante pédagogique qui partage les fonctionnaires. Au plus près du terrain, la collaboration par ses défaillances mêmes est une réelle préoccupation alors qu'en plus haut lieu le débat revêt un aspect plus conceptuel.
Se reporter aux tableaux VOSPEC Q3b, variable AIS A2 pp. 1002-1003
Voir la liste des mots Q3c par ordre de fréquence A2 pp. 1000
Voir le tableau statistique de distribution des fréquences des formes graphiques Q3c A2 p. 999
marqués par la lettre A
contenant la lettre J
Voir le tableau de contingence Q3c A2 p. 1000
Se reporter aux tableaux VOSPEC Q3c, variable AIS A2 p. 1004
Se reporter aux tableaux VOSPEC Q3c, variable corps de métier A2 pp. 1005-1006
Se reporter aux tableaux VOSPEC Q3c, variable fonction professionnelle A2 pp. 1007-1010
Voir tableaux CORBIT Q3c corps de métier A2 p. 1012