3.2.2. Les aides à dominante rééducative

Les représentations liées à la fonction de rééducateur, obtenues à partir des réponses à la question Q4 "Quels sont les cinq mots qu'évoque pour vous la fonction de maître G ?" permettent de répertorier les pratiques d'aide rééducative au sein de l'école.

Le tableau de distribution des fréquences des formes graphiques Q4b montre l'emploi de 291 formes graphiques distinctes pour 363 réponses. Cette dispersion, la plus grande de toutes les séries de questions, rend les données obtenues avec les procédures statistiques présentées peu significatives. Les réponses Q4b, dépendantes de la variable spécialisation en AIS, révèlent néanmoins l'existence de deux groupes 298 . Les professionnels spécialisés laissent poindre un constat préoccupant à propos de la méconnaissance des métiers de l'aide spécialisée (méconnaissance : valeur-test à 1,1). Les non spécialisés leur opposent de façon plus marquée le terme de confiance (valeur-test à –1,6).

La procédure de codage permet de réduire les formes graphiques initiales Q4b en Q4c, dont les résultats comprennent alors 12 formes codées distinctes 299 . Le tableau des catégories et codages Q4c 300 classe ces formes codées selon cinq pôles.

Figurent, par ordre décroissant : "identification, définition des aides" (42,1 %), "jugements, valeurs" (41,3 %), "travail en partenariat, mise en relation" (8,1 %), "identification du dispositif et de son personnel" (7 %), "identification de la population aidée" (1,4 %).

L'identification et la définition de l'aide à dominante rééducative regroupe les objets de travail, les activités professionnelles, la démarche (zzAob 29,8 %), les missions et objectifs généraux (zzAmi 6,3 %), les modalités d'intervention (zzAin 3,6 %), les outils et supports utilisés (zzAou 2,5 %). La connaissance précise des pratiques (zzAob et zzAou) s'élève à plus d'un tiers des réponses. Comparativement à l'aide E, l'aide G est appréhendée de façon plus fine et plus approfondie. Les formules stéréotypées (zzAmi) ou la description de signes extérieurs (zzAin) restent peu nombreuses. Les jugements et valeurs représentent plus de 40 % des réponses. Ils réunissent les conceptions se rapportant à l'aide à dominante rééducative (zzJcp 17,9 %) et les appréciations ou ressentis concernant les pratiques (zzJap 23,4 %). Si la proportion de réponses de nature conceptuelle est équivalente en E et en G, les remarques à tendance évaluative sont par contre deux fois plus nombreuses. Représentant environ un quart des réponses, elles sont l'indice de positions tranchées, voire passionnées. Le travail en partenariat occupe une place timide avec moins de 10 % des réponses, cumulant des notions de collaboration globale (zzPgl 0,6 %), interne (zzPin 2,5 %), externe (zzPex 5 %). Ce score, très légèrement inférieur à celui obtenu pour la fonction E, confirme l'insuffisance d'attention accordée à cet aspect fondamental. La connaissance du dispositif et de son personnel rassemble, dans des résultats similaires à ceux de l'aide E, l'identification de la spécialisation G (zzIsp 6,1 %), et de l'organisation des aides(zzIor 0,9 %). L'identification de la difficulté, se limitant à celle de la population aidée (zzDpe 1,4 %)constitue enfin un élément marginal par rapport à l'ensemble des réponses obtenues.

L'étude du tableau de contingence Q4c 301 montre que, l'hypothèse d'homogénéité étant rejetée, les évocations obtenues sont dépendantes des trois variables professionnelles.

Pour la variable spécialisation en AIS, la recherche de mots caractéristiques fait apparaître deux groupes 302 . Le personnel spécialisé met en avant la notion d'équipe et de partenariat (zzPex : valeur-test à 2,4 et zzPin : valeur-test à 1,5). Il se soucie peu d'exposer les modalités d'intervention. C'est ce que retient par contre le groupe des généralistes (zzAin : valeur-test à 1,4) qui à l'inverse du groupe précédent n'évoque pratiquement jamais le partenariat avec les collègues spécialisés.

Pour la variable corps de métier, les évocations recueillies déterminent quatre groupes. Les IEN se caractérisent par l'emploi massif de jugements à tendance défavorable (zzJap : valeur-test à 3,4). Les mots évoqués s'éloignent fortement de descriptions ou préoccupations concrètes (zzAob : valeur-test à –3,2 ; zzAin : valeur-test à –2,1 ; zzAou, valeur-test à –1,5). Les formateurs présentent en priorité les objets de travail et activités professionnelles du rééducateur 303 (zzAob : valeur-test à 2,1).

E31 Christelle (Formatrice IUFM option E, conseillère pédagogique) A1 p. 443

‘Leur rôle c'est de restaurer chez l'enfant, c'est-à-dire de donner à l'enfant une envie qu'il n'avait pas ou qu'il n'avait plus ou qu'il n'a pas pu mettre en place.(…) Il y a des enfants qui ont besoin de reprendre une confiance en eux parce qu'ils n'ont jamais été en situation de réussite, enfin d'être reconnu comme réussissant. Il y a d'autres enfants, au contraire, ils ont besoin de contrôler des émotions, de se contrôler et c'est le rééducateur qui va les aider à faire ça à partir de ce qu'il a appris à faire, de ce qu'il sait faire et puis aussi de ce qu'il est, je crois que ça, ça joue beaucoup.’

E34 Nina (Conseillère pédagogique) A1 p. 475

‘Détour, (…) je reste persuadée que c'est en prenant des activités qui plaisent à l'enfant qu'on peut les rattacher à des apprentissages. L'utilisation de son intérêt pour le jeu… c'est comme ça qu'on peut l'amener progressivement à affronter l'inconnu et à y trouver de la satisfaction. Je retiendrais déclencher l'envie d'apprendre et rattacher aux apprentissages.’

Les enseignants généralistes exposent également dans une plus faible proportion les activités rééducatives (zzAob : valeur-test à 1,5) et se concentrent sur les modalités d'intervention (zzAin : valeur-test à 2,4). Ce sont donc eux qui colorent nettement le résultat obtenu avec la variable précédente.

E68 Anne (Enseignante CP) A2 p. 847

‘Psychomotricité, connaissance du corps…La psychomotricienne aide déjà à cette connaissance-là qui est un pré-requis, c'est un mot qui est banni aujourd'hui mais je trouve qu'il dit très bien ce qu'il veut dire… Si je ne connais pas mon corps, je ne me situe pas par rapport à mon corps, je ne connais pas la droite/ la gauche, le haut/ le bas… comment je vais faire pour apprendre à lire ?’

E78 Jean-Noël (Directeur, CM2) A2 p. 932

‘Ils ont un seul enfant à la fois, c'est plus facile de s'investir. C'est vrai qu'on travaille différemment avec un enfant et avec vingt.’

Les enseignants spécialisés montrent une tendance à conceptualiser cette aide et à en montrer la dimension éthique (zzJcp : valeur-test à 1,9).

E47 Marie-Céline A2 p. 614

‘Egards,je n'arrivepas à trouver exactement ce que je veux dire... c'est un peu ça, faire attention à l'enfant, le respecter comme personne, ne pas le manipuler, ne pas être dans la toute puissance, c'est l'écoute, l'empathie mais en faisant attention à ce qu'on est et à ce qu'on fait. (…) Rééduquer, c'est prendre l'enfant là où il en est et essayer de lui faire découvrir les chemins qui mènent à ceux de l'école.’

E48 Grégory A2 p. 627

‘"Humilité parce qu'il faut savoir effectivement oublier que l'on sait plein de choses pour être suffisamment à l'écoute de ce que l'enfant nous dit ou veut nous dire verbalement ou autrement. (…) Ça participe de la reconnaissance de l'autre en tant que sujet. Il ne sera sujet plein et entier que si je l'autorise à être plein et entier c'est-à-dire comme il est, qu'il soit lui totalement. Il faut donc bien que je m'efface un petit peu, que je me fasse discret dans mon écoute s'il veut exister pleinement. Et sujet parce que c'est lui qui va s'aider. Je veux bien l'aider à s'aider, à sortir du piège de sa problématique.’

Pour la variable fonction professionnelle, la recherche de mots caractéristiques met en évidence de plus petits groupes dont les choix éclairent les orientations précédentes. Les inspecteurs IA/IGEN, ayant une fonction d'encadrement élevée soutenus par les IEN AIS sont les personnels les plus critiques par rapport aux rééducateurs (respectivement zzJap : valeur-test à 3,3 et 1,6). Ils ne s'arrêtent pas à présenter les activités professionnelles mises en œuvre (respectivement zzAob : valeur-test à - 2,5) mais les jugent en abondance. Les IEN généralistes sont pour leur part davantage préoccupés par l'organisation de ces aides (zzIor : valeur-test à 2,1). Parmi les formateurs évoqués précédemment, ce sont les personnels appartenant à l'équipe de circonscription qui sont le plus sensible aux objets de travail des rééducateurs (zzAob : valeur-test à 2,6). Les maîtres E ainsi que les enseignants généralistes sont également fortement attachés à cette dimension (respectivement zzAob : valeur-test à 2,4 et 2). Les rééducateurs donnent nettement la priorité à la conceptualisation de l'aide qu'ils mettent en place (zzJcp : valeur-test à 2,2) et infléchissent de ce fait le résultat obtenu pour le groupe global des enseignants spécialisés.

L'ensemble de ces résultats est représenté graphiquement page suivante.

Les deux facteurs donnant principalement forme au nuage sont symbolisés par les axes 1 et 2.

L'axe 1 apparaît comme celui de la connaissance de l'aide rééducative partant de constats ou de savoirs formels jusqu'à une analyse plus ou moins infiltrée d'idéologie. Il oppose la posture des enseignants généralistes à celle des IEN. Les premiers s'attachent aux activités mises en place tandis que les seconds se centrent sur des appréciations en rapport avec les résultats obtenus, réels ou fictifs. Les mots codés, conjoints à cet écart, vont de zzAob à zzJap.

L'axe 2 met en scène la conception de l'aide rééducative, allant d'une position individualiste à une position privilégiant les interactions. Il met en dissension les préoccupations des formateurs et celles des enseignants spécialisés. Les uns sont attentifs aux activités professionnelles, notamment aux individus concernés par ces aides, mais ont tendance à négliger les aspects de partenariat ; les autres sont préoccupés par le sens et la conception de ces activités.

Les mots codés vont de zzDpe à zzPin, avec d'un côté une centration sur les personnes aidées et de l'autre une attention à la dimension d'équipe.

L'axe 3, non visible, évoque à nouveau le premier. Il fait de l'analyse de pratique une ligne conflictuelle allant du constat de modalités concrètes à une conceptualisation des pratiques appuyées sur des valeurs. Il met en effet en jeu zzAin, modalités d'intervention, en les opposant à zzJcp, valeurs et conceptions attachées à l'aide.

Notes
298.

Voir les tableaux VOSPEC Q4b, variable AIS A2 pp. 1029-1030

299.

Voir la liste des mots Q4c par ordre de fréquence A2 p. 1028

300.

Voir le classement des mots Q4 à partir du codage pp. 1025-1026 et le tableau statistique de distribution des fréquences des formes graphiques Q4c A2 p. 1027

301.

Voir le tableau de contingence Q4c A2 p. 1028

302.

Voir les tableaux VOSPEC Q4c, variable AIS A2 p. 1031

303.

comprenant également les démarches et les actions spécifiques du rééducateur