Entretien E03 Charles

Age : 52 ans

Profession : IEN

Diplômes : CAPES (68), Diplôme supérieur de l'INSEP (78)

Charles : cursus professionnel (cf. légende profils de carrière A1 pp. 43-44):
Charles : cursus professionnel (cf. légende profils de carrière A1 pp. 43-44):

Lieu de l'entretien : bureau de l'IEN

Durée de l'entretien : 1 heure 30 mn

Quels sont les 5 mots qu'évoque pour vous l'expression "enfants en difficulté " ?

... Difficulté scolaire, social, apprentissages, élèves et réussite

Pouvez-vous expliquer le choix de chaque terme ?

Dans le cadre de notre entretien un enfant en difficulté, c'est forcément un enfant en difficulté scolaire bien que je n'ignore pas que les difficultés scolaires sont liées à d'autres difficultés. Mais si on parle des fonctions des maîtres E et des maîtres G, je crois qu'il ne faut pas qu'on perde de vue que c'est vers faire face qux difficultés scolaires que toutes les actions que l'on va mettre en oeuvre sont engagées. Mais en toute bonne conscience il peut y avoir des effets pervers qui risquent de nous emmener peut-être loin, trop loin des remèdes à des difficultés scolaires. Deuxième mot social. C'est un lieu commun aujourd'hui de dire que les enfants en difficulté scolaire sont très souvent des enfants en difficulté sociale. Quand on fait une observation de population d'enfants, on peut voir très nettement que les deux sont très nettement liés. A partir de là, il ne faut pas faire du déterminisme social comme on a pu faire passé un temps du déterminisme biologique mais on est obligé de le constater. Après le troisième mot, apprentissages. Alors est-ce que les difficultés scolaires sont-elle toujours liées à des difficultés d'apprentissages ? On peut se poser la question du scolaire et de l'apprentissage et ce n'est pas forcément synonyme. Quand on affronte les difficultés scolaires d'un enfant est-ce qu'on est bien toujours sûr de toucher les difficultés d'apprentissages ou est-ce qu'on n'est pas parfois sur de replatrage scolaire ? ... ce qui fait qu'à ce moment-là on ne va pas au plus profond des difficultés telles qu'elles peuvent se manifester. On n'atteint pas les véritables causes.

Vous avez dit aussi élèves et puis réussite...

J'ai dit élèves, c'est un discours dans le système, j'ai dit élèves parce que vous m'avez dit enfant. Le problème qu'on va se poser tout le temps c'est : Où est l'élève dans l'enfant ? Où est l'enfant dans l'élève ? Mon réseau d'aides, c'est élèves en difficulté, la lettre E, elle veut dire élèves, il ne faudra jamais qu'on oublie l'un dans l'autre mais nous ce dont on a à s'occuper c'est quand-même l'élève même si on ne peut pas ne pas prendre en compte l'enfant. Et puis réussite parce que si tout ce qu'on met en oeuvre et si ce qu'on essaie de faire a un sens c'est bien passer de l'échec à la réussite.

Cherchez le visage d'un enfant en difficulté scolaire que vous avez eu l'occasion de rencontrer dans votre vie professionnelle Et présentez brièvement la situation...

Oui, ce matin, hier, avant-hier... Il faut en choisir un et présenter la situation... Vous savez, je les vois ces élèves de façon fugace, en inspection. Chaque fois que je suis dans une classe, au bout d'un moment, je me promène et je vais discuter avec les élèves. Souvent, je m'attarde avec les élèves en difficulté, soit que je le savais avant de venir parce qu'on avait déjà parlé du cas de l'élève en CCPE etc... soit parce qu'on sent rend vite compte... A partir de là s'il ne faut pas trop approfondir le cas de l'élève, je peux en choisir un mais je veux quand-même vous dire avant que s'il y a une chose qui m'a interpellé depuis quatre ans que je suis inspecteur, c'est bien ça, voir ces gamins de cinq ans, de six ans en difficulté déjà à ce moment-là. C'est vraiment quelque chose qui m'a touché. De toutes les façons intellectuelle et affective, affective bien sûr, bien sûr... On réagit toujours devant des gamins perdus, qu'on sent complètement à côté de la plaque... On sent que déjà à six ans l'école ne leur apporte plus rien, donc on réagit toujours de façon affective et puis après de façon intellectuelle parce qu'on a beau aujourd'hui tenir les discours qu'on veut sur l'école on sait bien qu'il est très facile de faire réussir 60 % des gamins, ce n'est pas compliqué mais ce qui est compliqué c'est de faire réussir ceux qui sont dans des situations comme ça. On se rend compte que c'est chaque fois une énigme... (...) Celui auquel je pense, c'est un des cas les plus lourds et c'est surtout un cas que j'ai eu à traiter moi. (...) Le cas était délicat, il est remonté jusqu'à moi, il a fallu faire un signalement au procureur etc... Un gamin, scolarisation à l'école maternelle à trois ans, très très, très agité. On remarque tout de suite ça. Quatre ans, pareil... Cinq ans, impossible de le garder dans une classe parce qu'ayant grandi ça posait des problèmes au plan de la sécurité avec ses petits camarades. Il a déjà fallu le changer d'école, il a fallu que j'intervienne, c'est à ce moment-là que je l'ai connu cet enfant, il a fallu que j'aille voir dans la classe comment ça se passait pour me rendre compte qu'effectivement il y avait danger pour les autres élèves. Donc on le change d'école, dans une école où il y a avait juste une classe enfantine. Il se trouvait dans une classe où il était le plus petit, il ne risquait pas de trop agresser... Et puis ça se passait mal. Sur le plan des apprentissages, il était loin de pouvoir apprendre quoi que ce soit. Il lui fallait des soins, c'était un gamin qui avait de graves problèmes psychologiques et une famille qui refusait complètement de voir que l'enfant avait besoin de soins, elle cherchait des raisons mécaniques, elle ne voulait pas reconnaître qu'il y avait des raisons beaucoup plus profondes et beaucoup plus graves jusqu'au moment où l'attitude des parents c'était de déscolariser complètement l'enfant, de le garder à la maison et de dire "on l'inscrit au CNED". Est-ce qu'on continue à s'intéresser à cet enfant, à vérifier s'il a effectivement des cours, à imposer le CNED ? C'est un enfant de sept ans, déscolarisé, avec des soins très épisodiques... qui ne sait toujours pas lire. Et il est toujours dans les mêmes problèmes liés en partie je pense à une attitude surprotectrice de la maman. Donc nous on est allé jusqu'au procureur pour faire un signalement. Donc les services sociaux suivent l'enfant et sa famille... Au jour d'aujourd'hui, je pense que scolairement on n'y arrivera pas, pas sûr qu'il apprenne à lire un jour...

Est-ce que vous pouvez présenter maintenant un enseignant face à un enfant en difficulté dans sa classe. Quels sentiments s'éveillaient en lui ? Comment réagissait-il?

Un seul ?... Je vais prendre l'enseignant qui avait cet enfant. Ce que je constate, c'est qu'à l'école maternelle et à l'école élémentaire aussi tous les enseignants qui ont des élèves en difficulté, non je ne sais pas si je vais prendre celui-là ... Je vais d'abord généraliser. Je pense vraiment que tous les collègues qui ont enfants en difficulté dans leur classe font vraiment toujours le maximum pour essayer d'aider le gamin. Ce n'est peut-être pas toujours vrai à tous les niveaux de la scolarité surtout quand le gamin grandit... C'est vrai que c'est plus compliqué... Enfin moi j'ai toujours remarqué notamment tous ces gamins qui sont en PEI, j'ai toujours remarqué un investissement fort des enseignants qui les avaient. Comment se comporte un enseignant en particulier ? Il fait en sorte que ça tourne, que ça roule... Il fait la classe et il fait ce qu'il faut pour que de temps en temps le gamin en difficulté il puisse lui apporter quelque chose. C'est un petit problème qu'on rencontre avec les enfants de PEI, c'est qu'on a beau fixer des objectifs au PEI, dire au collègue "Pour cet enfant-là, il n'y a pas d'objectifs au niveau des apprentissages scolaires supérieurs à ça, ça et ça", ils se retrouvent toujours en difficulté, ils se sentent culpabilisés des non apprentissages de l'enfant alors que dès le départ, on a bien dit : "Vous ne pouvez pas de toute façon avoir des apports supérieurs à tel niveau"... C'est comme ça. L'attitude, hormis un grand dévouement, je ne sais pas quoi vous dire d'autre... Et une difficulté à accepter de mettre la barre plus bas pour certains...

Est-ce que vous pouvez définir ce que c'est qu'aider un enfant ?

Il y a une réponse institutionnelle, c'est bien défini dans les textes fondateurs du réseau d'aide, je ne vais pas pouvoir vous donner une autre réponse... On a l'aide qui se décline en plusieurs niveaux "restaurer l'estime de soi et l'envie d'apprendre", tant qu'on n'a pas réussi à régler ce problème-là, ça va être difficile de poser d'autres choses, ceci dit on peut restaurer l'estime de soi et l'envie d'apprendre dans des situations qui sont déjà orientées vers l'apprentissage et puis après avoir un travail très didactique et très technique par rapport à des difficultés d'apprentissage qu'il faut reprendre en faisant varier les méthodes, les procédures, en essayant de trouver une autre entrée, de donner une autre représentation de la notion qu'on veut faire apprendre à l'enfant. Aider un enfant, c'est tout ça à la fois mais ce n'est pas tout ça en même temps. On va avoir un diagnostic à faire et à partir de ce diagnostic on choisira sur quel registre il faut taper.

Quels sont les 5 mots qu'évoque pour vous le sigle RASED ?

Elèves en difficulté, maîtres spécialisés, maître de la classe, école en tant que école à tel endroit dans telle ville et Ecole en tant que mission de l'Etat, ce n'est plus Ecole vraiment, c'est service public de l'Education.

Pouvez-vous expliquer davantage ?

Elèves en difficulté parce que ce sont eux qui en sont les bénéficiaires, s'il n'y a pas d'élèves en difficulté, il n'y a pas de réseau d'aides. Comme je le dis souvent aux collègues du réseau d'aide, l'objectif final, mais n'ayez crainte, on n'y arrivera pas, c'est la suppression de votre poste. Il faut quand-même commencer par-là. Après vous mettrez ex aequo maître spécialisé et maître de la classe, ça c'est mon stade de réflexion, je crois qu'il faut qu'on travaille vraiment là-dessus, le maître spécialisé ne peut rien faire sans le maître de la classe et le maître de la classe ne peut rien faire sans le maître spécialisé. Il y a vraiment là un travail de collaboration à mettre en place qui me paraît fondamental, je vous dirais plus tard mes réserves par rapport à toute action qui amène à trop sortir les enfants de la classe. Ensuite j'ai dû dire école. En final, l'objectif du RASED c'est de travailler dans une école ou dans les écoles, dans toutes les écoles d'une circonscription, mais c'est de s'intégrer dans le travail de l'école. Au delà de "le maître spécialisé, le maître de la classe par rapport à l'enfant" ce sont les maîtres spécialisés, les maîtres de l'école par rapport au problème de l'ensemble des élèves en difficulté dans l'école. Donc je monte d'un degré et après je retombe forcément sur institution, l'Ecole de la République, le service public d'Education, son rôle c'est bien justement de proposer le patrimoine culturel à tous, sinon il n'y aurait pas besoin d'un service aussi important dans notre pays pour parvenir à prendre en compte les élèves en difficulté. L'institution a une responsabilité forte, qui doit être soulignée. Il y a une politique par rapport aux élèves en difficulté qui se décline d'abord au plan national et après, moi j'ai l'impression d'en décliner une petite à mon petit niveau avec la quinzaine de personnes qui sont sur ces fonctions-là dans le secteur.

Pouvez-vous présenter brièvement la dernière inspection de réseau que vous avez réalisée ?

La dernière personne de réseau, c'est une maîtresse E, il y a à peu près quinze jours en arrière... On est d'abord allé dans une classe de grande section maternelle où elle intervenait en collaboration avec la collègue de maternelle où la classe de maternelle fonctionnait en atelier et la collègue E prenait à tour de rôle selon les jours - cette semaine c'était un groupe, la semaine suivante c'était un autre groupe - un groupe d'enfants sur une tâche de production d'écrit avec des étiquettes sans avoir forcément copié ce qu'ils avaient fait, si à la fin ils écrivaient, on va dire sur une tâche de production d'écrit pendant que la maîtresse faisait un autre travail toujours sur une tâche liée au lire/écrire et l'ensemble des activités menées dans cette classe était bien sûr parfaitement liée et parfaitement élaborée en commun, ce qui correspond bien à ce que je vous disais avant. Et puis dans un deuxième temps, pour cette inspection, il s'agissait de cinq enfants de CP qui avaient des difficultés à... avoir envie d'apprendre à lire mais qui lisaient quand-même à peu près, qui n'étaient pas dans de grosses difficultés, qu'il fallait soutenir parce qu'il n'y avait personne pour les soutenir vraiment dans leurs apprentissages mais qui n'avaient pas de vrais problèmes de compréhension. Ils avaient des problèmes de motivation, d'attention, de concentration. Avec ces cinq élèves-là, c'était un travail plus destiné à poser des repères, à assurer un certain nombre de connaissances sur lesquelles tout le reste pouvait se construire, des repères d'espace et de temps, des repères de graphie de lettres, y compris des repères de numération, avec un jeu de dé...

Et quel avis, quel jugement avez-vous porté sur le choix de ces activités et la façon de les conduire par rapport aux enfants ?

Ça m'a semblé très pertinent.

Est-ce que, de la même manière, vous pouvez relater une inspection de maître G ?

La dernière, elle remonte à deux mois et demi, trois mois. Deux élèves de CP aussi... qui étaient au début de l'année, pas au moment de l'inspection, désinvestis du scolaire pour des raisons sociales du type de celles auxquelles j'ai fait allusion tout à l'heure : familles éclatées, pas d'image suffisante de l'école pour avoir envie d'apprendre et non pas de lire comme je vous l'ai dit tout à l'heure pour les gamins de E. Il fallait vraiment qu'on reconstruise chez ces gamins une image, quelque chose comme "c'est bien de réussir à l'école". Il y avait un gamin qui avait été débloqué peu de temps avant par le fait que le papa qui ne vivait plus avec lui était enfin venu voir la maîtresse et que le papa lui avait dit que ça lui ferait plaisir si le gamin travaillait bien à l'école. Il ne lui avait encore jamais dit, parce qu'il n'était pas là souvent. Là un travail très près du scolaire en fait. On mimait le scolaire en faisant du scolaire, en rééducation pour finir sur un travail plus symbolique à partir de dessins. Au début, on était sur du très scolaire, avec un petit cahier, la date du jour etc., sans objectif pédagogique... si pour les enfants mais ce n'était pas l'objectif du maître G, c'était simplement être dans une situation scolaire, rester quelques minutes sur un travail scolaire. Il y avait deux élèves, il y avait interaction, on regardait le travail de l'autre etc. Et puis après on glissait sur le symbolique à partir d'un dessin - à chaque séance il y avait systématiquement un dessin - où, ça je l'ai vu le jour où j'y étais mais la collègue a pu me dire que souvent les mêmes thèmes revenaient avec les enfants. (interruption téléphonique longue)

La différence apparente entre les activités proposées par le maître E et celles proposées par le maître G me semble très ténue. A partir de votre expérience comment pouvez-vous caractériser la différence de fonction entre maître E et maître G ?

En dehors d'une définition officielle je n'en suis pas capable. J'ai bien compris la différence (nouvelle interruption téléphonique)

Je vous demandais de définir la différence entre la fonction de maître E et celle de maître G mais en dehors d'une définition officielle et vous me disiez que ça vous semblait difficile...

Oui, ça me semble difficile parce que j'ai demandé aux maîtres spécialisés de la circonscription d'avoir une démarche qui aille beaucoup plus vers les classes, vers les instits pour avoir vraiment un travail en commun y compris un travail dans les classes. Autant les maîtres E acceptent même si c'est difficile, il y a une relation à établir avec le collègue, il faut faire accepter au collègue de vous laisser rentrer dans la classe... Autant les maîtres G ne sont pas d'accord, me renvoient aux textes en disant "nous notre travail, c'est un travail très individuel, centré sur l'enfant, et en fin de compte, ça, on ne peut pas le faire dans la classe parce que quelquefois l'enfant a des réactions qui font que ça ne peut pas se passer dans la classe, que la classe n'est pas un milieu suffisamment intime pour pouvoir supporter ça"... C'est vrai que ça pose les limites du travail du maître G par rapport à un travail complètement hors du champ scolaire par un psychothérapeute. Donc moi, la question que je me pose souvent, je vois très bien ces enfants et je ne conteste à aucun moment le besoin qu'ils ont de soins. La question que je me pose, c'est : jusqu'où va la mission de l'institution scolaire et où commence la mission des institutions thérapeutiques ? A partir du moment où les maîtres G sont des gens de l'Education Nationale qui travaillent dans le cadre scolaire, je dis "essayez de faire en sorte que votre action puisse s'intégrer vraiment dans l'action de tous les jours des instits dans les écoles parce que vous êtes quand même dans le système scolaire et vous n'êtes pas là pour sortir les enfants de la classe avec les effets qui ont été dénoncés, vous connaissez très bien les rapports là-dessus, les effets de marquage, le fait de sortir de la classe, l'enfant va encore perdre un petit peu de ce qui s'est passé dans la classe alors qu'on veut l'aider à s'intégrer à ce qui se passe dans la classe". C'est une position paradoxale, une relation dialectique en fin de compte. Je crois que c'est le mot, c'est-à-dire qu'on va faire un travail en dehors de la classe pour l'aider à s'intégrer dans la classe, mais pour faire ça, on va le sortir de la classe. Ceci étant dit, la distinction entre le E et le G, oui. Le G est sur le registre des comportements psychiques nécessaires à l'entrée dans le scolaire. Le E est dans les procédures d'apprentissages du scolaire. Mais si le G travaille sur les conditions psychiques d'entrée dans le scolaire, il y a bien un moment où on n'apprend pas à apprendre sans rien apprendre, on ne rentre pas dans le scolaire sans faire du scolaire. Dans l'exemple que je vous ai donné de ma dernière inspection il y avait un travail tout à fait scolaire mais dont l'objectif et les fondements n'étaient pas le travail scolaire, c'était bien avoir une attitude scolaire. Donc je fais bien la différence...

Quelles distinctions faites-vous entre le travail du maître de la classe et celui du maître E ?

C'est vrai que c'est... Je pense qu'ils ont les mêmes missions, qu'ils vont à la rencontre l'un de l'autre sur deux types d'action sachant que dans un cas ce qui est minoritaire chez l'un est majoritaire chez l'autre. Tout enseignant a à prendre en compte des objectifs d'apprentissage pour tous les enfants confiés à l'école et puis à partir de là dispenser des stratégies d'enseignement / apprentissages, proposer des activités qui vont permettre de construire à l'école des notions, des comportements intellectuels. Et puis chemin faisant, on sait très bien que les élèves apprennent à des vitesses différentes selon des chemins différents. Pour certains cela va tout seul ou relativement bien, et pour d'autres il faut apporter des aides, des remédiations, il faut prendre des chemins détournés. Je pense que tout enseignant a à faire les deux. Sauf que l'enseignant de la classe, il a majoritairement à faire avancer sa classe et dans des temps de soutien à s'occuper des élèves qui sont en difficulté alors que le maître E doit s'occuper des élèves en difficulté mais ne pas perdre de vue qu'il est lui aussi enseignant et qu'il peut avoir lui aussi un regard sur la façon dont avance l'ensembles des élèves d'une école ou des écoles où il intervient. C'est pour ça que je trouve très bien qu'à certains moments ils soient eux aussi sur la classe complète.

Quand je dis maître E, quels sont les 5 mots qui vous retiendriez pour les caractériser ?

ça va devenir difficile vos cinq mots... vous allez me demander la même chose pour maître G... (rires) Vous pouvez noter pour maître G en même temps parce que je vous donnerai les mêmes... enseignants pour les deux, processus d'apprentissage, les deux, procédures d'apprentissage les deux, processus psychique pour le maître G, classe pour maître E et partenariat pour tous les deux.

Pouvez-vous développer ces associations d'idées dans la ressemblance et dans la différence que vous avez introduites ?

La différence, c'est ce que je viens de vous dire. J'ai introduit processus psychique pour bien signifier qu'au-delà des processus intellectuels qui fonctionnent dans tout type d'apprentissage, il y a sous-jacents des processus psychiques qui fonctionnent chez tout le monde mais qui posent plus problème chez des élèves pour lesquels on a défini qu'une aide rééducative, de type G était indispensable. Parallèlement j'ai rajouté le terme de classe pour le maître E, même si je suis partisan de ce qui s'est passé ces dernières années, c'est-à-dire que des classes d'adaptation fermées on est passé à des classes d'adaptation ouvertes, il reste quelqu'un qui travaille dans le contexte de classe, ce qui n'est pas forcément le cas du maître G même si je pense que pour être bien au contact de ce qu'il fait il faut aussi qu'il aille dans les classes mais sûrement pas de la même façon que le maître E. Il ne faut jamais que le maître E oublie qu'il est dans des procédures où on va jouer sur les interactions entre les enfants. Là où l'interaction joue le plus, c'est bien dans la classe même si elle joue aussi dans les petits groupes de quatre ou cinq.

Est-ce que le facteur âge intervient pour une indication de type E ou G ?

Dans les faits, oui. Est-ce qu'on a raison ? Je ne sais pas. Oui, c'est vrai que les maîtres G sont plus souvent sur des moyennes et grandes sections, les maîtres E sont plus sur des grandes sections, des CP et des CE1 parce qu'on a de façon un peu cartésienne décrété qu'il fallait d'abord installer les processus psychiques qui permettent de rentrer dans les apprentissages et qu'après on pouvait travailler sur le fonctionnement technique des apprentissages. Est-ce que c'est pertinent ? Je ne sais pas. En ce qui nous concerne, il y a une question d'urgence et de plan de travail parce que c'est aussi ça qu'il faut faire à un moment donné. Nous, on l'a fait cette année. J'ai demandé aux collègues psy, maîtres E, maîtres G de faire le tour de toutes les écoles, l'inventaire de tous les élèves en difficulté et puis après qu'est-ce qu'on fait de tous ça ? On essaie de ne pas trop répondre : "On a repéré des élèves en difficulté, on le sait mais on n'est pas assez nombreux pour y répondre" parce que c'est la réponse qu'ils ne peuvent pas entendre même si c'est vrai parce que les élèves ils les ont bien. Il y a aussi le problème de l'urgence. S'il faut récupérer un certain nombre d'élèves qui n'ont pas mis en place des comportements satisfaisants sur un plan scolaire, peut-être effectivement est-il prioritaire de le faire chez les plus jeunes parce qu'on peut espérer régler complètement le problème. Je ne veux pas dire qu'on va sacrifier les plus âgés mais il y a un peu de ça.

Existe-t-il des glissements de pratiques entre maître E et maître G ?

Oui, oui. C'est clair.

C'est fréquent ?

ça devrait l'être plus.

Les glissements de pratique devraient être plus fréquents, c'est bien ça ? Qu'entendez-vous par-là ?

J'entends par-là que si un maître E est face à un enfant qui a des difficultés qui ne sont plus du tout scolaires, il faut qu'il puisse répondre. Il ne faut pas qu'il soit obligé d'aller chercher son collègue. Ou s'il se rend compte que vraiment ça devient massif, on peut imaginer... vous êtes bien placée pour le savoir, l'arrêt d'une aide ça ne se fait pas comme ça à la va-vite parce qu'il a repéré que la difficulté relève de son collègue. De même un maître G qui voit l'élève progresser, il faut bien qu'il soit capable à un moment... l'inspection que je vous ai racontée tout à l'heure c'était des élèves de CP qui avaient d'énormes progrès depuis le début de l'année et on était aux vacances de février. Bon, c'est le rôle de la collègue, dans la mesure où elle a levé un certain nombre d'inhibitions, de travailler après sur des problèmes de lecture. Il faut qu'elle soit capable de le faire. Et elle est capable de le faire, elle a fait un CP pendant plusieurs années.

A votre avis, y a-t-il une fonction qui joue un plus grand rôle et pourquoi ?

Non, non, vous ne m'aurez pas là-dessus, je ne me prononcerai pas... (rires)

Selon vous, le système d'aide tel qu'il existe aujourd'hui est-il satisfaisant ?

(soupir) ... Dans sa conception, dans sa définition, dans ses outils, dans ses orientations, grosso modo oui. Après on peut toujours discuter sur les moyens. On manque toujours de moyens de toute façon. On peut toujours avoir des interrogations sur les spécificités. Je ne suis pas bien pour les spécificités... Il est insatisfaisant pour ce que j'en vois, c'est-à-dire c'est une notion que j'aborde souvent dans mon métier, il y a une caractéristique de notre métier dans le monde productiviste dans lequel on vit, il faut quand-même souvent repréciser quelque chose. Le matériau sur lequel on travaille, c'est un matériau humain. On peut être dans la même catégorie que les médecins... ce qui veut dire que le sujet auquel s'adresse notre action est un sujet humain, un individu en tant que tel, avec sa personnalité, quelque soit son âge, quels que soient ses problèmes, ça reste un individu unique, avec ses envies, ses pulsions... Donc on ne peut pas raisonner avec un matériau humain comme on raisonne avec un matériau inerte voir même animal. On ne peut pas raisonner de la même façon parce qu'il y a le psychique qui intervient en plus. A partir de là on ne peut pas imposer au personnel enseignant la notion d'obligation de résultats. On ne peut que lui imposer la notion d'obligation de moyens. Quand je vais dans une classe, je vérifie si l'enseignant a bien mis en oeuvre tous les moyens qu'il me paraît indispensable de mettre en oeuvre pour assurer la réussite de ces élèves. Si ses élèves ne réussissent pas, je ne lui reprocherais pas s'il a mis en oeuvre ces moyens. On pourra toujours discuter sur l'adéquation des moyens par rapport aux problèmes que rencontrent les élèves mais on ne peut pas lui reprocher de ne pas avoir réussi. On peut lui reprocher de ne pas avoir mis en oeuvre les moyens ou de ne pas avoir suffisamment réfléchi aux moyens qu'il utilisait ou d'avoir pris simplement un manuel... un manuel, non parce que le champion qui a fait le manuel, il ne connaissait pas le gamin. C'est cette notion d'obligation de moyens, d'obligation de résultats qui me paraît importante. Est-ce que le système est efficace ? pour les gens que je vois travailler depuis trois ans, je pense que tout le monde répond positivement à l'obligation de moyens. L'obligation de résultats, je ne suis pas inspecteur depuis assez longtemps pour en juger... y compris dans cette circonscription. Le rapport Gossot, je viens juste de le recevoir, je ne l'ai même pas lu... il y a eu un travail là-dessus, je ne connais même pas les conclusions...

Tout à l'heure vous aviez l'air d'envisager de façon favorable un glissement de pratique entre E et G. Est-ce que vous pourriez aller jusqu'à concevoir une fonction unique qui pourrait proposer les deux types d'aides E et G ?

Vous savez comme moi que c'est dans les cartons du ministère ça...

Justement j'aimerais connaître votre position sur la question...

Je vais me faire arracher les yeux par les G si je dis que... je pense qu'une même personne peut assurer les deux fonctions... Déjà que les rééducateurs avaient déjà hurlé quand on avait dit qu'on pouvait remettre dans une même fonction la psychopédagogie et la psychomotricité... C'est vrai qu'il y a une approche spécifique, la preuve c'est qu'il y a une formation qui est spécifique. Est-ce que c'est une preuve ? Je ne sais pas... en tout cas, on a jugé bon de faire une formation spécifique. Parce qu'après on peut remettre en question aussi les psycho scolaires, non, sûrement pas les psycho scolaires, leur boulot est bien mieux défini.

Quels seraient les avantages d'une fonction unique ?

Les avantages, c'est d'avoir une intervention polyvalente sur les enfants quel que soit le problème de l'enfant. C'est ça l'avantage, c'est surtout le refus de se sentir obligé de cataloguer un enfant dans un problème ou dans l'autre et de se donner les moyens de travailler autant sur un volet que sur un autre, en fonction de la façon dont se comporte l'enfant. Voilà c'est ça les avantages. Ceci dit vous ne travaillerez pas avec la définition du travail de type rééducatif avec un groupe de sept enfants. A partir du moment où vous en avez mis sept dans la salle, vous ferez bien une aide de type E et pas une aide de type G. A partir du moment où vous en avez deux dans la salle vous pouvez faire une intervention de type E ou G. Maintenant est-ce que tous les G sont capables de faire des interventions de type E, j'en suis persuadé ou alors c'est qu'ils n'ont pas été enseignants avant. Est-ce que tous les E sont capables de faire une intervention de type G ? non, je pense que non, il faudrait effectivement travailler... comme je vois très très bien... ce qu'on peut faire en rééducation de type E, je suis un observateur attentif et à l'écoute. Devant une intervention de type G, je ne dis pas que j'en maîtrise tous les... Je dis même que je n'en maîtrise pas du tout les tenants et les aboutissants.

Est-ce que vous voyez des inconvénients à cette fonction unique ?

La difficulté de la tâche pour la personne. Et de sa formation. On va avoir des difficultés à caser une formation qui tienne la route pour voir tout ça, ou alors on va supprimer la formation de type E et on ne va faire que la formation G et on va dire aux gens : "Vous pouvez faire du E parce que voilà, en fin de compte, c'est faire la classe"...

Est-ce que vous pouvez imaginer aussi une formation plus qualifiante ?

On va faire la formation en alternance en plus maintenant... quand on s'adresse à des enseignants qui ont de l'expérience, je pense qu'il faut faire les deux. Il faut prendre du temps pour faire le théorique et il faut le temps de... il faut une formation en alternance pour faire le pratique. Est-ce qu'il faudrait faire une formation de type tronc commun, quoique même en alternance on est souvent loin du terrain. On est cinq semaines en tout et pour tout sur le terrain. On doit pouvoir faire du théorique dans ces conditions-là, on n'a pas le souci quotidien de sa classe... Plus long ? On forme les inspecteurs en un an maintenant... avant c'était deux ans. J'ai bien le sentiment que la première année, j'ai continué à me former... Il aurait bien fallu deux ans comme c'était le cas avant ...

Vos réseaux fonctionnent-ils véritablement en réseau ?

J'ai la prétention de dire que oui. J'ai beaucoup travaillé avec eux et la seule chose que j'ai essayé de faire c'est ça, c'est que ce soit des réseaux.

Et comment concevez-vous votre rôle dans cette dimension-là ?

Coordonner le travail des gens, essayer d'avoir une approche globale, on pourrait dire systémique de l'ensemble des écoles, de l'ensemble des personnels dans les écoles, de l'ensemble des élèves et puis à partir des moyens dont on dispose dans le réseau de voir toutes les tâches, les tâches de repérage, de dépistage, jusqu'aux tâches de mise en oeuvre des aides en passant par les tâches de régulation, de rencontre avec les équipes. Mon rôle chaque année, c'est de vérifier quatre pages sur le travail du réseau d'aide dans les écoles, et que les écoles sachent qui c'est, sachent qui c'est, sachent ce que c'est qu'un maître E, qu'un maître G... Ce n'est pas évident jusqu'à l'année dernière. L'année dernière on a eu l'idée de travailler sur le contenu et puis, je me suis rendu compte que ça a eu un autre effet qui a été très positif. Toutes les écoles ont eu en début d'année scolaire une concertation sur le thème exclusif "les élèves en difficulté dans notre école"... On les repère, qu'est-ce qu'on peut faire, nous dans les classes, nous équipe de maîtres dans l'école - échange d'élèves -, nous équipe d'école avec l'équipe de réseau d'aide qui intervient sur la zone de notre école et nous équipe d'école, équipe de CCPE si jamais on fait l'analyse que le gamin en question il faut l'orienter. Voilà le thème d'une réunion qu'on a fait dans toutes les écoles de la circonscription. A chaque fois le réseau d'aides était représenté par au moins deux personnes, parfois trois (E, G, psy)... ça a aboutit au fait qu'enfin on savait ce que c'était que les gens du réseau et quelles étaient les fonctions du E et du G... ça a abouti aussi au fait que chaque école a pu faire un inventaire précis des gamins et on a pu avoir un projet quasiment pour chacun de ces élèves même si quelquefois on souhaitait de l'aide et on a dit : "Oh, non, vous allez peut-être bien traiter le problème dans la classe..."

Quel temps y consacrez-vous, en volume horaire annuel ?

Deux réunions, une en début d'année et une en fin d'année de trois heures chacune. Depuis que je suis arrivé dans cette circonscription, on a fait une voire deux animations pédagogiques sur le thème de l'aide, de deux trois heures chacune, à chaque fois j'y suis bien sûr... Toutes les CCPE, toutes les psy y sont et on est bien sur le thème des élèves en difficulté... ça fait une par mois et ça dure la plupart du temps six heures... En tout cas les maîtres de réseau font partie des gens que je connais très, très bien dans l'équipe des collègues... ça doit bien vouloir dire quelque chose, que je les rencontre plus souvent...

Pouvez-vous relater une action exemplaire positive ou négative conduite par le RASED ?

Ce que je viens de vous dire à l'instant sur les réunions de début d'année dans chacune des écoles, je sais que ça a été fait de façon exemplaire dans les écoles du nord de la circonscription, parce que là ils n'étaient que trois et le courant passait bien entre eux... Ils se sont tapés des réunions tous les soirs pendant quinze jours.. Ils sont allés au bout des discussions... ça a duré parfois jusqu'à onze heures alors que ça commençait à cinq... Là vraiment ça a été reçu par les collègues comme "On n'avait pas de réseau d'aides jusqu'à présent, ça y est, on en a un..."

Pouvez-vous citer les 3 livres ou auteurs principaux recommandés lors de la formation E ?

Pas du tout.

Pouvez-vous citer les 3 livres ou auteurs principaux recommandés lors de la formation G ?

Pas du tout.

En avez-vous une petite idée ?

Oui, pour les E comme pour les G, on ne peut pas ne pas passer par les auteurs affirmés en ce qui concerne les processus d'apprentissages, la psychogénétique, Piaget, Bruner, Vygotsky, les néo-piagétiens sur Genève, ça forcément ensuite travailler sur quelque chose plus socio ou Sciences de l'Educ, Perrenoud, Meirieu, Develay. Je mettrais ça dans une deuxième liste. Chez le volet psy, je ne connais pas grand-chose, je suis sûr qu'il y a à lire quelque chose sur une approche plus psychanalytique des problèmes... Bettelheim, ça doit être vieux maintenant...

Quels sont les cinq mots qu'évoque pour vous la réussite à l'école ?

Bonheur, plaisir, savoirs, trouver sa place dans la société... socialisation.

Pouvez-vous développer un peu ?

L'école, elle est là pour former un être humain, un être social, un individu apte à s'insérer dans une société donnée, c'est d'abord l'être humain, donc c'est d'abord être capable de bonheur, il faut que ça se passe dans des conditions... maintenant avec des méthodes actives, dans une école de plaisir donc je ne vois pas comment apprendre sans apprendre dans le plaisir, ça ne veut pas dire qu'on s'amuse forcément, mais c'est amusant d'apprendre, ça on le constate tous les jours quand on est dans les classes, c'est très amusant d'apprendre même si comme des ânes on fait toujours, on s'amuse toujours à dire aux élèves dans le langage courant : "Ah c'est bientôt les vacances, tu es content..." "Oui, oui, je suis content..." Ils disent toujours "je suis content", c'est un conformisme social, alors qu'on sait très bien que les élèves sont bien mieux à l'école qu'en vacances... Et puis les bambins ils sont très heureux à l'école, ils apprennent. Donc bonheur, plaisir, savoirs... le plaisir c'est bien le plaisir qui fonctionne non pas tout seul mais par rapport à quelque chose, par rapport à être capable de savoir. Et puis il ne faut quand-même pas oublier que le rôle de l'école c'est de développer les savoirs, savoir-faire et savoir-être mais je mets tout ça sous le terme de savoirs. A partir du moment où on a formé un citoyen, un individu, avec ses aptitudes intellectuelles, ses aptitudes affectives, relationnelles, c'est bien par rapport à des perspectives dans un type de société donnée et dans le type de société dans lequel on vit jusqu'à présent, il y a des fonctions sociales. Après l'école, les gens rentrent dans des fonctions sociales, qui sont en général définies par le travail, on voit que ça pose quelques problèmes aujourd'hui mais c'est ça... à partir de la formation de l'individu et du citoyen, derrière, il y a bien une formation d'un individu qui a un rôle social dans la société donc ça, ça renvoie plus à une formation professionnelle et socialisation, ça renvoie au citoyen même si j'étais un peu plus sur l'individu quand je disais bonheur, plaisir, socialisation c'est plus sur le citoyen.

Maintenant, pour ouvrir la réflexion et sortir du champ spécifique des spécialisations E et G, je vais vous poser la question suivante : Comment considérez-vous la place et le rôle des aides à l'école ?

Je l'ai écrit ça, l'année dernière quand j'ai lancé cette façon de travailler sur une réunion annuelle dans l'école, l'aide aux enfants en difficulté. L'aide, elle intervient, vous m'avez dit les aides ou les aides aux enfants en difficulté ?

Les aides...

Vous ne précisez pas et vous avez raison, tout enfant a besoin d'aide. Tout élève a besoin d'aide. L'enseignement ce n'est pas quelque chose de monolithique. Il y a forcément un passage magistral, ce n'est pas la peine de le nier, ce serait une erreur, il y a un passage magistral qui n'intervient pas forcément tout de suite d'ailleurs. Au début il y a le projet, je me mets en projet pour faire quelque chose, il y a une activité des élèves, il y a des problèmes rencontrés et puis il y a bien un moment où il faut les surmonter. Donc il y a une phase magistrale qui reprend les choses et puis après il y a une phase de maturation... Meirieu l'a bien défini dans ses ouvrages et puis une phase où on va stabiliser tout ça. Dans cette phase de stabilisation, les enfants ont besoin d'aide. Alors plus ou moins forte mais ils ont besoin d'aide... ça peut être de donner des activités d'entraînement, de renforcement, qui vont stabiliser un savoir-faire. Je prends un ballon, je le lance dans un panier, il rentre ou il ne rentre pas. Il va bien falloir que je répète plusieurs fois même si je suis arrivé à peu près tout de suite à faire un geste qui correspond au geste que je veux, il va falloir que je répète plusieurs fois pour que mon geste soit parfaitement efficace. Pour tous les apprentissages, ça va être du même tonneau, c'est-à-dire qu'à partir du moment où il y a eu les phases de découverte, les phases de structuration d'une conduite intellectuelle ou motrice, il y aura forcément des phases d'entraînement pour stabiliser une connaissance. Et à ce niveau-là les gamins ont tous besoin d'aide. L'aide, elle peut se satisfaire de l'école qui se déroule tout à fait habituellement mais elle peut avoir besoin d'une phase de remédiation mise en place par le maître dans la classe, sous forme de groupes de besoin en fonction des déficits repérés et puis il y a des moments où il faudra sortir de la classe ou plutôt faire rentrer quelqu'un d'autre dans la classe et puis à d'autres moments il faudra qu'il sorte de la classe avec des élèves et puis il y a des moments il faudra qu'on enlève complètement l'enfant de la classe parce qu'il faudra le mettre dans un établissement spécialisé et puis voilà... Tous les stades existent. L'aide oui, de la plus simple à la plus lourde, la plus lourde étant celle où on enlève l'enfant du système scolaire.

Comment voyez-vous l'avenir des réseaux ?

C'est une question politique ou pédagogique ? Il y a plusieurs avenirs possibles... ça dépend tellement des décisions politiques...

On entend parler d'une réforme. Comment l'envisagez-vous ?

On peut imaginer deux évolutions dont une qui n'en serait pas une, mais davantage un statut quo, qui serait de conserver les équipes spécialisées disponibles où je pense que l'on va rendre les interventions plus polyvalentes qu'elles ne le sont ou alors l'éclatement complet et la mise à disposition de ces personnels dans les écoles.

Avez-vous d'autres remarques à formuler sur les aides spécialisées à l'école ?

Ah non, non... Vos questions faisaient suffisamment le tour pour que je vous dise tout ce que j'avais à dire...

Une dernière question, facultative... En quoi la fonction d'inspecteur est-elle importante pour vous ?

J'ai eu la chance dans ma carrière professionnelle de toujours pouvoir m'investir dans des projets forts. Formation de prof d'EPS, quelques mois pour arriver dans une situation stable dans la ville où j'avais grandi, pas dans le nord de la France, prof en collège, retrouver un camarade de lycée, un démarrage dans la profession avec plein d'idées, plein de projets, juste après 68. (...) Mise en oeuvre des projets pour lesquels j'avais choisi ce métier-là. Deux ans de coupure parce que j'avais réussi un concours qui me permettait de faire des études supérieures sur un thème de mon choix "La polyvalence de l'instituteur comme un obstacle à l'enseignement de l'éducation physique à l'école élémentaire". Retour dans mon collège d'origine. Bon investissement dans mon boulot avec notamment la mise en place de la formation continue des profs d'EPS au niveau de la MAFPEN et puis quelques missions à l'inspection académique. Après changement complet de fonctions, conseiller pédagogique, formateurs d'instit avec une tâche qui va devenir très importante, organisation des classes de découvertes. Après avoir fait ça, au bout de 6 ou 7 ans (...) après avoir côtoyé beaucoup d'IEN, je me suis dit que c'était un boulot qui allait me plaire du fait des relations avec les instit, 260 à peu près, c'est le nombre d'élèves que j'avais en EPS... Tout ça pour vous dire que j'ai toujours eu la chance de pouvoir m'investir dans la fonction qui était la mienne et puis de pouvoir rebondir sur des choses similaires sur un rythme d'à peu près 7 ans qui me paraît... En sept ans, on a le temps de faire pas mal de choses... Et j'ai trouvé dans le métier d'inspecteur tout à fait ce que j'y cherchais (...) un gros pôle relationnel, un contact toujours fort avec la pédagogie (...) même s'il a fallu surmonter le problème de la polyvalence (...) J'essaie de lire, de me tenir au courant, de tout aborder par l'entrée de la transversalité quelle est la procédure pédagogique qu'on a utilisé... Et après quel que soit le problème didactique avec une analyse fonctionnelle on arrive à voir l'essentiel (...) Le boulot, c'est essentiellement renvoyer aux instit une image sur leur travail, avoir un regard sur ce qui se passe et après faire le lien entre ce qui se passe réellement dans les classes, les nécessités de la formation et la mise en oeuvre d'actions de formation puisque c'est nous qui les pilotons en allant chercher les ressources où elles se trouvent... C'est un travail qui me paraît intéressant...