Entretien E04 Marc

Age : 51 ans

Profession : IEN

Diplômes : Deug STAPS (Sciences et techniques, activités physiques et sportives) (91), Licence STAPS option enseignement (92), Maîtrise STAPS option didactique (93)

Marc : cursus professionnel (cf. légende profils de carrière A1 pp. 43-44):
Marc : cursus professionnel (cf. légende profils de carrière A1 pp. 43-44):

Lieu de l'entretien : bureau de l'IEN

Durée : 1h juste, à la demande de l'intéressé. Discussion qui s'est poursuivie après l'enregistrement.

Quels sont les 5 mots qu'évoque pour vous l'expression "enfants en difficulté " ?

Je parlerai de souffrance, de problèmes, de complexité... difficultés et solutions.

Je vais vous demander maintenant d'expliquer le choix de chaque terme...

Souffrance parce que derrière, il y a un problème d'échec.. d'échec par rapport à ... si on est sur des questions comportementales, on n'est pas bien dans son corps, on est en difficulté par rapport à sa famille, je dirais d'une façon générale par rapport aux autres... et mine de rien ces aspects comportementaux font que ça crée de la souffrance et puis la souffrance aussi par rapport aux apprentissages. Si ça relève de difficultés d'acquisition de savoir, l'enfant considéré n'est pas dans la norme donc, ça ne peut pas ne pas laisser de traces pour le moins affectives. Le deuxième mot problèmes, parce que forcément ça vient d'un certain nombre de problèmes qu'il n'est pas toujours facile d'identifier. C'est-à-dire... dès qu'on a des difficultés, c'est des problèmes relatifs à la maîtrise de la langue, relatifs à son vécu personnel dans sa famille donc des problèmes de tous ordres et qu'il n'est pas toujours facile d'identifier, c'est pour ça que j'ai dû dire le mot complexité. La complexité c'est justement que l'ensemble de ces problèmes, ce n'est pas toujours facile de les mettre en cohérence, de faire des liens entre eux et c'est ce qui rend la tâche de l'institution scolaire, en particulier des enseignants, difficile... parce que bien souvent dans la complexité, on y rentre difficilement, on n'a pas toutes les données et ensuite, c'est ce qui fait la spécificité de la complexité, c'est qu'on ne peut pas toutes les mettre en réseau, quand bien même on les aurait toutes, mais ce n'est même pas le cas. J'ai dû dire difficultés après. Eh bien tout ça, l'ensemble de ces trois premiers mots se conjugue avec difficultés. C'est difficile. C'est difficile de repérer tout ça, de bien comprendre et puis d'apporter des solutions. J'arrive au dernier mot. Mais en même temps, on est obligé d'être optimiste parce que dans la complexité et dans les difficultés, dans les problèmes rencontrés, dans la souffrance qui est forcément quelque part dans ces questions-là, eh bien, il y a des solutions. L'institution mais aussi en dehors de l'institution, la famille, des relais médicaux, sociaux, psychologiques divers font qu'un certain nombre de solutions sont globalement trouvées. Des enfants, chez lesquels on a repéré ces différentes difficultés, quand le diagnostic est bien fait, quand ils sont pris en charge de façon cohérente, c'est-à-dire que ce qui est mis en place va dans des logiques d'apprentissage par ailleurs avec les maîtres, quand ça va en cohérence avec le discours de la famille, c'est-à-dire la valorisation des réussites de ces enfants-là - parce que les enfants en difficulté réussissent quelque part - quand tout ça peut être mis en cohérence, les solutions apparaissent et des réussites objectives sont repérées. Voilà un peu explicités ces cinq mots.

Est-ce que vous pouvez chercher le visage d'un enfant en grave difficulté scolaire que vous avez eu l'occasion de rencontrer dans votre vie professionnelle et puis présenter ce qui se passait autour de cet enfant ?

On va dire, il y a deux types (...) : celui qui est dans des difficultés comportementales et très souvent ça se manifeste : il ne va pas rester en place, il va être perturbé au sens où il ne va pas rentrer dans la logique d'apprentissage et qu'il va ici ou là perturber, être dans des attitudes d'inattention, de bavardage...

Est-ce que vous avez un cas précis à raconter ?

Il y a un deuxième type aussi... Les cas précis, on en rencontre... A midi, je suis allé dans une école pour plusieurs raisons. Les maîtres mangeaient et ils m'ont apostrophé, interpellé comme on dit aujourd'hui et m'ont dit : "là qu'est-ce qu'il faut qu'on fasse ?" Parce que moi quand j'inspecte, j'en vois qui sont bougeons mais je n'ai jamais eu de cas spectaculaires. Voilà, ils m'ont fait la description d'un enfant qui - justement je leur ai dit : "n'oubliez pas qu'il souffre"- est dans une situation familiale très difficile, elle s'est compliquée depuis les vacances de Pâques ça a rejaillit à l'école et il est intenable. Je vais vous décrire ce que j'ai entendu à midi : non seulement il se lève - ce n'est pas grave de se lever - mais il quitte la classe, il faut le rattraper, il part en courant, il menace de sauter par la fenêtre, il se fait vomir devant tous les autres, il agresse bien entendu les autres et surtout le fin du fin, la résultante de tout ça, à aucun moment il est intéressé par les activités scolaires... Actuellement, quasiment il se met en danger dans la mesure où quand il se met à partir comme ça subitement de la classe et qu'ils le récupèrent dans l'escalier, il pourrait se passer un accident, et puis surtout il met en danger les autres, c'est-à-dire qu'il a un comportement agressif en classe, il se lève, il va donner un coup de poing, évidemment, on est très attentif, on ne lui donne aucun objet qui pourrait couper et puis pendant la récréation, il faut sans arrêt interdire, punir et ça conduit à ce que les maîtres sont usés, fatigués, dans une école en grande difficulté et ils se le passent en attendant quoi ? C'est un enfant dont la famille bénéficie d'une mesure d'AEMO, bien sûr qu'on a signalé cette aggravation du comportement depuis Pâques, la rééducatrice l'a repris, la psychologue s'occupe du dossier, il va être présenté à la CCPE du 16 juin et j'ajoute, je leur ai conseillé devant ces actes de violence de saisir le procureur de la République. Dès l'instant où ce comportement met en danger sa propre sécurité et celle des autres, d'abord il faut le sortir du système parce que ce n'est pas une solution de le promener d'une classe à l'autre. Et en plus c'est sûrement nocif - ça revient au problème de complexité des situations - parce que chez lui la maman était en conflit avec le père, elle est partie... il est gardé par le père mais ça n'a duré qu'un mois maintenant il est gardé par des amis... et donc même à l'extérieur de l'école on pense qu'il est en danger. Premier cas de figure, voilà la description de ce qu'on m'a dit à midi, c'est tout frais, un enfant qui s'appelle Sophiane. Puis le deuxième type, ceux-là je les vois bien, ce sont ceux qui ne participent pas et qui sont bien sur des questions de rapport au savoir. Ils sont passifs, non partie prenante, assez souvent je vais les interpeller. Je leur dis : "Tu ne travailles pas toi ? Comment ça se fait ? Le maître a donné un exercice, tu ne veux pas le faire ? etc." Et très souvent ils se ferment et j'ai une réponse assez fréquente : "Je ne comprends pas". "Je sais pas faire, je ne comprends pas". Je dis : "Pourquoi tu ne demandes pas au maître ?" Il y a une sorte de désespérance, ils sont enfermés dans un mutisme, ils savent que dans cinq, dix minutes, un quart d'heure lorsqu'il faudra faire le point, ils n'auront rien à dire et que ça fait qu'ils sont dans la spirale de l'impuissance apprise, je me permets l'expression, mais c'est cette idée de "on n'y arrive pas". Voilà les deux types... (...) Une fois déclinées, les choses ne sont pas tranchées comme ça. C'est-à-dire que bien souvent celui qui a des problèmes de comportement, ça rejaillit sur les acquisitions scolaires et il n'a pas trop envie d'entrer dans les apprentissages et inversement, le passif dont je parlais tôt ou tard, soit ça va être la résignation complète dans une certaine forme de mutisme, soit ça va se dégrader et le gentil qui reste sans rien dire va devenir plus ou moins trublion dans la classe... Ce que je veux dire par là c'est que ça se cumule avec mon expérience de CCPE que j'ai présidé pendant les trois dernières années, dans la mesure où les CCPE, c'est vraiment la description de ces difficultés, présentées par le maître de la classe, par une équipe éducative au sens large, c'est-à-dire avec le psychologue, le médecin, éventuellement l'éducateur qui suit l'enfant et parfois la famille, et ce n'était que des cas difficiles de la nature du premier que j'ai décrit, pour lesquels on proposait des orientations. Et là on est un peu faible parce que tout à l'heure je vous ai parlé des solutions à l'interne - quand la situation n'est pas trop grave, on essaie de réussir - mais quand la situation est un peu plus grave et que ça nécessite une scolarisation spéciale, spécifique, dans un établissement, là on voit la difficulté parce que, je parlais de la CCPE, j'en sortais toujours malade parce que, parce que... bien souvent on proposait par défaut. Une fois sur deux - c'est la situation dans le département - c'est que les propositions d'orientation dans les établissements spécialisés... y'a pas de place... une fois sur deux. Donc on sait que la situation est difficile pour cet enfant, que la solution qu'on propose, on a une chance sur deux pour qu'elle soit annulée. Dans les cas de grande désespérance, ça se complique...

Quels sont les 5 mots qu'évoque pour vous le sigle RASED ?

(...) Le réseau, comment dire, je travaille relativement bien avec eux, je leur reconnais une place importante dans le système éducatif et on a un peu progressé ensemble. Pour moi, c'est vraiment, si on en avait plus bien entendu, c'est vraiment un plus de l'institution scolaire.

Donc je pourrais garder plus...

Plus, c'est un mot qui me semble intéressant. Ensuite, la deuxième chose, je parle de ceux qui sont formés bien entendu, ce sont des professionnels. Objectivement, ceux avec qui j'ai travaillé, ils connaissaient leur affaire et dans leur mise en oeuvre, leur stratégie d'accompagnement, d'aide, qu'elle soit pédagogique ou rééducative, c'était des professionnels, ils savaient. La troisième chose, c'est vraiment projet d'école et quatrième travail en équipe parce que les choses sont liées. On essaie de passer vraiment d'une logique où ils ont un projet de réseau, assez bien pensé généralement à une logique d'inclusion dans le projet d'école. Je voudrais... il y a un enjeu, parce que nous on va renouveler les projets d'école pour la période 98/2001. Et j'ai convoqué les réseaux et également tous les enseignants spécialisés qui relèvent des CLIS ou des CLIN pour leur dire ceci : il est absolument important pour le bilan et pour la conception du projet que vous preniez toute votre place, il faut que vous soyez repérés. De la même façon j'ai réuni à part les Zépiens, ceux qui sont chargés de l'animation soutien ZEP, mais ce n'est pas notre propos. J'en reviens et j'en étais à projet, c'est-à-dire que leur projet soit bien intégré au projet d'école qui vise, comme il a été dit à l'origine, une meilleure réussite des élèves. Et eux parce qu'ils s'occupent justement des élèves qui sont le plus en difficulté et il y en a plutôt plus que moins dans les zones d'éducation prioritaires, il faut absolument que leur travail ce ne soit pas un petit paragraphe ou un petit volet du projet d'école mais qu'il soit pleinement intégré au projet d'école. Et ça, ça suppose un travail en équipe, c'est-à-dire que eux-mêmes doivent être cohérents, puisqu'ils travaillent sur plusieurs écoles et ils doivent aussi travailler en équipe avec les maîtres concernés, car j'insiste beaucoup sur cette idée, c'est que l'élève appartient d'abord, à ses parents, mais au maître de la classe et que les professionnels de l'AIS qui constituent ce fameux réseau, il faut qu'ils conjuguent leurs efforts en étroite collaboration avec le maître, de façon à ce que, quand l'enfant est sorti de la classe - parce que nous, on n'a que des systèmes ouverts, il n'y a peut-être que deux classes fermées dans le département - on fait en sorte qu'il soit vraiment au service du travail qui est fait en classe, pour qu'il n'y ait pas de décalage. Et puisqu'il faut un dernier mot, je dirai moyens, en terme de moyens. Objectivement, ils sont insuffisants, il n'y en a pas assez, en particulier des postes G. Je parle de ce que je connais, il manque des places en formation parce qu'objectivement, l'inspecteur d'Académie, comme tous les inspecteurs d'Académie de France et de Navarre, ne consacre pas suffisamment de moyens à la formation des personnels pour étoffer les réseaux actuellement dans la mesure où ça ne fait pas partie actuellement des priorités nationales du ministre. Ses priorités, c'est l'accueil à deux ans en ZEP, c'est donner plus de moyens - c'est en train d'évoluer - c'est donner la maîtrise de langue en numéro un mais le fait de prendre les enfants en difficulté en charge par des personnels spécialisés, ce n'est pas une priorité d'autant que le texte initial était et à la fois logique, c'est-à-dire que les difficultés des enfants doivent d'abord être prises en charge par le maître de la classe et puis quand on a tout essayé, là c'est un peu en difficulté. Et je m'appuie sur des statistiques. Depuis que je pilote la circonscription, je me suis... il y a un projet de circonscription dans lequel il y a un volet sur les enquêtes pour avoir le plus d'informations. Concernant les réseaux, et parce qu'il y a des bilans annuels, on a réussi à repérer que par rapport à l'ensemble des enfants signalés dont on sait qu'on pourrait les signaler en grande quantité ou en petite quantité, en grande quantité parce qu'il y a beaucoup de cas qui se dégradent, ou en petite quantité parce qu'on avait déjà signalé et que ça n'a pas été pris en charge, par rapport à une régulation qu'on a réussi à mettre en place par rapport à une sorte de grille-question bien précise pour savoir à partir de quand on signale un enfant, on est passé en quelques années de deux tiers d'enfants pris en charge à trois quarts pour deux raisons. La première, c'est parce qu'il y a une prise en charge de meilleure qualité et mieux inscrite dans le temps. Ils sont devenus un petit peu plus performants et j'ai pour cela des bilans - sur trois, quatre ans, il y a des progrès - Et puis la deuxième raison, c'est qu'il y a une baisse démographique, légère mais réelle qui fait que s'il y a moins d'enfants, il y en a moins en difficulté donc les deux se conjuguent. On est passé de 2/3 de prises en charge d'enfants signalés à 3/4. Mais il reste 1/4 d'enfants signalés pour lesquels l'institution ne peut rien faire. Certes des relais existent par rapport à... Orthophonie, prise en charge psychologique , CMP, mais les CMP n'abondent pas à tout et je crois qu'il ne faut pas trop compter sur les relais... Ils ont des problèmes eux aussi... de capacité à traiter les problèmes.

Est-ce que vous pouvez raconter brièvement la dernière inspection de réseau que vous avez réalisée ?

Bien sûr, vous tombez bien, je viens d'en faire deux cette année et une l'année dernière - J'ai trois réseaux sur la circonscription -. Je suis inscrit dans une logique départementale qui veut, si on le souhaite, mais moi je me suis inscrit dans cette logique, qui veut que l'inspecteur de circonscription inspecte avec l'inspecteur spécialisé. La deuxième chose, c'est qu'on procède de la façon suivante, c'est-à-dire que ça ressemble un peu à une inspection d'école, c'est donc une inspection d'équipe. C'est-à-dire que tous les membres y passent de façon individuelle et à l'issue de ces inspections individuelles avec double inspection, on réunit tout le personnel du réseau pour avoir un regard sur le travail d'équipe, à savoir : leur projet est annuel et il est renvoyé pour qu'il s'intègre mieux dans le projet d'école, on n'en est pas encore là, donc ils ont un projet annuel qu'ils régulent d'une année sur l'autre avec des bilans quantitatifs et des bilans qualitatifs, donc avec l'inspecteur spécialisé on relève dans ces écrits ce qui relève en quelque sorte de la conception qu'ils ont de leurs prises en charge, on relève les aspects positifs, c'est le but du jeu quand-même et puis on repère ici ou là quelques faiblesses, concernant par exemple les réunions de synthèses, concernant la cohérence des prises en charge, on a été amené, je vous donne les exemples de cette année, à constater des situations de multiprises en charge, c'est-à-dire un enfant qui arrivait, qui était pris dans la même semaine par son maître, le maître de CLIN parce que c'était un primo-arrivant, un peu par l'adaptation, et puis le Zépien... on a essayé de pointer quand il y avait un peu des dysfonctionnements, des dérives de façon à leur faire identifier... ça c'est sur l'aspect de la conception. Et puis sur la question de la mise en oeuvre on a essayé à la lumière des inspections individuelles de dégager deux, trois points sur lesquels on pouvait repérer des bons fonctionnements, notamment en doublette et ici où là des mises en oeuvre qui n'étaient pas très cohérentes. Pour l'histoire du fonctionnement en doublette, on a essayé de couvrir intelligemment le secteur, après une étude des besoins. Par l'intermédiaire d'investigation sous forme de tests, on a dessiné un panorama des besoins des différentes écoles grâce à des tests en moyenne section, grande section, CP. Donc on a établi une carte des besoins qu'on a corroboré avec les évaluations nationales CE2, 6ème et à partir de là, on a organisé le service pour trois ans en fonction de ces résultats, c'est-à-dire que des écoles ne sont pas couvertes par les membres du réseau sauf par le psychologue.

Qu'est-ce que vous appelez le système en doublette ?

Le système en doublette... Après avoir organisé le travail sur trois ans, ils ont imaginé que dans les écoles qui avaient besoin d'aide, il fallait absolument qu'il y ait en permanence un maître E et un maître G, c'est-à-dire que la complexité des situations fait que bien souvent, il est bon d'avoir des réponses soit en terme de E soit en terme de G... Ils ne se sont pas répartis... Je vais prendre un exemple. Il y a six écoles, on est six, trois E, trois G, on se prend une école chacun pas du tout. On fait une paire, un E, un G et ils couvrent deux écoles. C'est mathématique... Mais c'est plus compliqué que cela dans la réalité... mais ça m'arrange pour faire ma démonstration. (…) Je reprends pour l'inspection. Le bilan collectif se passe en présence des directeurs d'école. On a voulu montrer aux directeurs d'école que nos observations, nos remarques et surtout nos mises en perspectives en termes de conseils pour les réseaux dans le cadre de leur travail, puisqu'on parle de projet d'école, ils étaient absolument concernés, ça veut dire qu'il fallait qu'ils entendent ça. Bien sûr ils pouvaient intervenir et éventuellement dire "oui, on a des difficultés parce que, parce que... justement les signalements ne sont pas toujours pris en charge "...Eux, ils sont les représentants de l'équipe enseignante, celle qui a les classes et ils peuvent signifier un certain nombre de choses et dans la mesure où dans le rapport écrit, il y aura une partie commune sur le travail en équipe et sur le projet de réseau, en gros ils sont destinataires de cette partie commune. Mais ils l'ont entendu puisque l'écrit n'est que le reflet des propos tenus. Voilà décrite rapidement l'inspection des réseaux. La difficulté, mais on a réussi assez bien à la surmonter, ça a été de tenir les délais relatifs au déroulement de carrière des inspections tous les trois ans avec la nécessité de rassembler, parce que tous n'avaient pas été antérieurement vus aux mêmes périodes, donc on a pris ici ou là parfois six mois, parfois deux ans de retard en particulier sur de nouveaux arrivés, on a préféré attendre... mais faire des inspections de réseau, c'est-à-dire pas des individus du réseau. (...) On est beaucoup confronté aux jeunes sortants, j'ai une stratégie de formation extrêmement cadrée pour les accompagner dans l'adaptation au premier poste et il y en a qui sont dans un réseau, pas beaucoup, mais le fameux maître E... il y en a.... pas des G, dans la Loire, c'est écrit, non.

Quand je dis maître E, quels sont les 5 mots qui vous viennent à l'esprit ?

D'abord, c'est un spécialiste... des apprentissages, comme ça, ça me fait deux mots... des apprentissages où il est plus à même de consacrer du temps, parce qu'il les maîtrise bien dans la mesure où il a un groupe réduit. Je dirais aussi souplesse, disponibilité et puis ça rejoint peut-être le premier mot, une capacité de synthèse et de projection dans synthèse, pour projeter son propre travail, pour projeter les projets individuels des élèves parce que ça c'est compliqué à faire... en fonction d'un diagnostic, mettre en place une stratégie d'accompagnement, faire des points et remettre en perspective pour prolonger ou réorienter son travail... il faut vraiment que ce soit un professionnel de la conception, mon dernier mot, c'est concepteur, il faut que ce soit un concepteur. Finalement, c'est compliqué, quelle est la fréquence, l'adaptabilité, tout ça dans la conception, c'est-à-dire cette capacité à bien comprendre ce qui se passe en classe, quel est le projet de la classe, quelle est la nature des difficultés rencontrées, comment je vais aider au mieux cet enfant, ces deux enfants-là, ces trois enfants-là pour qu'ils soient gagnants à la sortie mais dans les apprentissages en général avec leurs camarades alors qu'on les sort pour les aider. Voilà pour le maître E.

Est-ce que vous pourriez préciser quelles sont les différences entre le travail du maître généraliste et celui du maître E ?

La différence importante, c'est le travail sur des cas individuels, parfois ils sont deux ou trois, au sens où ce travail sur des petits groupes donne du temps, question fondamentale que ne possède pas le maître généraliste. C'est-à-dire que le temps imparti - la journée, elle fait toujours six heures - mais dans la mesure où il faut gérer un groupe de 25, ce n'est pas la même chose à durée égale que de gérer un groupe de deux ou trois. Ce qui me semble vraiment faire la différence, c'est qu'il a une approche privilégiée. Et c'est ce qui fait sa force par rapport au grand groupe de 25 dans la classe, c'est-à-dire qu'il peut permettre, c'est ce qui me semble constituer l'un des axes les plus importants du maître E, l'explicitation des difficultés rencontrées, qu'il essaie de faire parler l'enfant pour qu'il identifie les obstacles...

Maintenant si je dis maître G, quels sont les 5 mots qui vous viennent spontanément ?

... Ecoute, patience, confiance... affectif, exigences.

Est-ce que vous pouvez préciser ?

Dans l'ordre... écoute, c'est vraiment, par rapport à ces problèmes de comportement qu'ont les enfants, il faut vraiment qu'il fasse preuve d'une écoute, d'une attention particulière pour que l'enfant... alors ça, ça suppose de la patience... parce qu'un enfant, par exemple celui que je vous citais tout à l'heure, quand il est sorti, seul avec l'adulte, même avec deux autres enfants, n'empêche que c'est pas parce qu'il est dans un petit groupe qu'il va subitement se calmer. Donc, il va falloir essayer d'instaurer un dialogue par rapport à cette écoute et à cette parole - s'il y en a un qui écoute, il y en a un autre qui parle - il faut de la patience. Cela suppose une relation de confiance, il faut que l'enfant, et ce n'est pas gagné d'avance, ce qu'il ne fait pas avec son maître, ce qu'il ne fait pas en terme de comportement avec l'ensemble d'un groupe, il faut que petit à petit il... C'est vraiment un problème de confiance... Donc ces trois mots sont intimement liés. Affectif, ce mot participe aux trois premiers. La confiance, c'est aussi par la parole, par la douceur de la parole, par éventuellement des gestes entre guillemets "affectueux", avec toutes les affaires, il faut être extrêmement prudent, éventuellement ça peut se manifester par le toucher au sens noble du terme, pour qu'il sente qu'il peut se confier... Il y a forcément un aspect affectif et puis une fois que j'ai fait ce paquet cadeau des quatre premiers mots, il y a l'autre, il y a les exigences. Quand tout ça est établi, il y a des exigences, c'est-à-dire que l'enfant est là pour progresser. Il a à sa disposition un deuxième ou un troisième camarade avec qui il va entrer en relation et avec qui il va y avoir un certain nombre de relations qui vont se nouer et sur lesquelles il va falloir travailler, puisqu'il a des difficultés de socialisation, de comportement avec les autres etc. et le projet c'est de faire des progrès. Et ça suppose que le cadre soit fixé, les objectifs soient fixés... Ils sont petit à petit explicités par l'enfant et pris en compte et l'idée c'est de les atteindre. "On s'est fixé quelque chose et je suis là pour t'aider" dit l'adulte et il va exiger de lui que, par rapport à des situations éducatives précises qui sont proposées, l'enfant fasse un effort parce que, à la clé, il y a une réussite en terme de progrès de comportement.

A votre avis la différenciation E/G telle qu'elle existe vous semble-t-elle pertinente ?

Je crois qu'il y a effectivement deux types de difficultés qui sont identifiées, je ne veux pas y revenir, je l'ai un peu développé auparavant et ça justifie les deux fonctions différentes. Sauf que, selon la formule un peu galvaudée, tout étant dans tout, on s'est bien aperçu que des difficultés que par rapport au savoir ou des difficultés que par rapport au comportement, ça n'existe pas, que les unes rejaillissent sur les autres et que ça, ça oblige nécessairement un travail d'équipe, c'est-à-dire que dans les réunions de synthèse, non seulement les spécialisés discutent entre eux et s'écoutent en particulier par rapport aux descriptions des situations pour essayer de réguler en tant que "pro" mais aussi on peut imaginer qu'il y ait des passages de relais, c'est-à-dire que des prises en charge - grâce à un travail d'équipe - de type aide pédagogique soit relayées au bout d'un moment parce qu'on a ajusté et qu'on a vu que la réponse n'était pas très bien adaptée, donc de passer le relais à un maître qui fait de l'aide rééducative. Donc je crois que ça se justifie même si les limites des difficultés des enfants ne sont pas toujours nettes, claires et précises du genre c'est blanc ou noir. Les choses, c'est plutôt gris... Alors c'est plutôt le rééducateur qui va commencer et éventuellement s'il a pu avoir des attitudes positives d'une façon générale en terme de comportement, après à un moment donné, il peut dire à son collègue E "prends le relais parce qu'il y a quand-même par rapport à la technique, tout ce qui relève de l'apprentissage de la lecture, si on prend cet exemple-là, il va être en difficulté dans la classe de 25, il a déjà pris du retard, moi j'ai à peu près réglé un certain nombre de difficultés qu'il avait par rapport à ses représentations envers l'école, là j'ai progressé, là il est positif mais n'empêche que techniquement parlant, par rapport aux apprentissages, il faut que tu apportes ton aide pédagogique.

A votre avis, faut-il maintenir les deux types d'aide ? On entend beaucoup de choses avec le rapport Gossot...

Moi, je vous ai répondu, il me semble. Dit autrement, je confirme. Je dis oui, il ne faut pas tout mélanger. Comment dire ? Les aides actuelles, elles sont de par les textes et de par les formations relativement spécifiées. Cela dit, on vient de voir que les situations, les difficultés des enfants, ce n'était pas si catégorisé que le pensaient les textes, que bien souvent il y avait des mélanges. Une fois dit cela, c'est quand-même bien... d'avoir deux spécialistes de la question, je vais faire une comparaison mais elle n'est peut-être pas justifiée, si j'ai mal à la gorge et si en même temps j'ai mal à la jambe, le médecin identifie mais il dit : "les deux médicaments ne sont pas compatibles, vous allez d'abord prendre là où vous avez le plus mal, on va régler les choses dans l'ordre. La comparaison est peut-être douteuse, elle n'est peut-être pas pertinente, mais j'ai envie de dire c'est un peu la même chose. Il ne faut pas tout mélanger. il y en a qui ont plus besoin d'une aide rééducative et d'autres plus besoin d'une aide pédagogique.

Et alors les deux fonctions (me coupe)

Alors, il faut absolument qu'elles soient coordonnées, qu'elles soient mises en synergie, qu'éventuellement l'une prenne le relais de l'autre. Et on sait parfois qu'une aide quand elle a bien fonctionné, elle a résolu par incidence les difficultés minoritaires sur l'autre champ...

Quels sont les cinq mots qu'évoque pour vous la réussite à l'école ?

... Savoirs... C'est le mot clé parce qu'on est là pour apprendre et pour apprendre quelque chose, donc ça nous renvoie à des connaissances et à du savoir. La deuxième chose, c'est un peu l'originalité de la Loi d'orientation et de ce qui s'en est suivi, c'est le mot compétences, c'est-à-dire qu'on est passé d'une utilité scolaire à une utilité sociale, on a le souci en centrant les efforts sur l'enfant, on a le souci de se dire, il ne suffit pas qu'il sache faire une multiplication, je prends un exemple au ras des pâquerettes, il faut que cette multiplication, ça puisse lui servir dans une situation de la vie sociale derrière, ça c'est une compétence... cette chose le transfert, qui permet de réinvestir à un moment donné des choses qui ont été acquises à l'école... Donc savoir, compétence, je dirais aussi épanouissement et équilibre. La conclusion de la réussite, c'est que ça se traduit par un épanouissement humain de l'intéressé dans sa globalité avec tout ce que ça signifie sur le plan affectif, sur le plan de sa motivation... Il est équilibré. Et la dernière chose c'est la clé de la réussite sociale. J'y crois énormément... ça veut dire que si par hasard j'échoue à l'école, ça va mal se présenter pour moi, je parle bien de la situation de la société française en 1998... Il y a trente ans c'était différent. Inversement, ce n'est pas parce que j'aurai réussi à l'école que tout va baigner et que ma réussite sociale est assurée. Mais on peut dire qu'on a fait un grand, grand chemin quand on a réussi à l'école par rapport à son avenir d'adulte de demain en tant que personne humaine, citoyen et travailleur.

De façon plus générale, comment considérez-vous la place et le rôle des aides à l'école ?

...

Qu'est-ce que c'est qu'aider un enfant et quelle importance ça peut avoir ?

Tout à fait, je fais un tour rapide de la question, c'est la fin de journée... (...) Je crois avoir bien compris la question, à savoir que c'est le rôle de l'école. A un moment donné, elle est là, c'est sa fonction d'être au service des élèves, de les considérer comme un objet de préoccupation pour les faire réussir bien entendu et on est là pour apprendre. La mission de l'école c'est de faciliter l'accès au savoir. Et quand des obstacles... enfin d'aider à l'identification des obstacles, car si on ne les identifie pas, on ne risque pas de les surmonter... Donc la fonction de l'école c'est de faire réussir et donc tout naturellement elle est là pour aider. En particulier la question clé qui n'est pas la seule, mais la question clé de l'erreur dans les apprentissages, elle est là. Si elle est considérée comme quelque chose sur laquelle on va s'appuyer et qui va permettre de comprendre les obstacles qu'on a rencontrés ou les erreurs qu'on a pu faire pour essayer de remédier et de se remettre en perspective et de rebondir, l'école : Très Bien. Si elle est là au contraire dans une sorte - mais je crois que ce n'est plus le cas - dans une sorte de dispositif, d'institution qui sanctionne des acquisitions ou pas d'acquisitions, c'est blanc, c'est noir, j'ai échoué, elle n'a rien compris. Cette question de place et de rôle, l'école sa fonction, c'est d'essayer au mieux, je ne dis pas que c'est facile, de s'adapter au mieux à l'enfant. A l'enfant, c'est facile, aux enfants, c'est là que c'est difficile, parce qu'il y a une diversité et que par rapport aux apprentissages maintenant, on sait d'après les spécialistes qu'il y a plusieurs façons d'apprendre et que, bien entendu, il y en a qui privilégient certaines choses plutôt que d'autres et qu'il faut essayer de gérer cette diversité de public et l'école est là pour ça, pour aider. J'ai bien dit l'école, pas le réseau.

Comment voyez-vous l'avenir des RASED ?

Il y a deux niveaux dans la réponse. Je le vois sombre par rapport à l'institution. Elle a certes évolué, elle est passée des GAPP aux réseaux, elle a bien tenu compte d'un certain nombre d'évolution des pratiques et des publics accueillis, des pratiques, je parle des apprentissages et puis des connaissances qu'on avait dans le domaine des comportements... Donc elle prend bien en compte... Elle a été capable d'adapter un dispositif, mais quand je vois, je vous ai parlé des moyens, qu'elle ne met pas suffisamment de moyens dans ce dispositif, je vois ça plutôt sombre. Il y a eu... en plus j'ai participé au rapport Gossot puisque j'ai été sollicité et j'ai accepté que les Réseaux soient interviewés par l'inspecteur général et ce que je vous ai dit tout à l'heure, il en voulait un et les trois ont dit : "oui, nous". Ils voulaient bien faire entendre leurs voix. Et je crois que la façon dont avait été menée l'enquête était assez intéressante (...) et les résultats mettent un peu en cause les personnes dans leur fonctionnement, les fameux postes G, ils ont été mis dans le collimateur, enfin c'est un peu plus compliqué que ça... Mais tout ça ajouté au fait qu'il n'y a pas de moyens qui seraient le résultat d'une politique ferme, affichée, "on va mettre le paquet" parce qu'en même temps on tient un double discours, "c'est d'abord avec les camarades et avec le maître de la classe qu'on va aborder les difficultés", donc c'est un peu ambigu... Voilà premier niveau. Deuxième niveau de réponse, moi personnellement j'y crois au réseau. Parce que d'abord l'école est là pour faire réussir tous les élèves et que quand on parle réseau on parle de ceux qui sont en difficulté et que l'école a le devoir de placer des efforts importants, humains bien sûr d'abord, éventuellement matériels pour faciliter la réussite de ces enfants, qui pour des raisons pour des raisons diverses et complexes sont en difficulté.

Avez-vous d'autres remarques à formuler sur les aides spécialisées à l'école ?

Je n'ai plus rien à rajouter...

Une dernière question, facultative... En quoi votre fonction est-elle importante pour vous 

(Réponse non enregistrée selon le souhait de l'interviewé)