Entretien E05 Simon

Age : 42 ans

Profession : IEN

Diplômes : DEA de Sciences de l'Education (90)

Simon : cursus professionnel (cf. légende profils de carrière A1 pp. 43-44)
Simon : cursus professionnel (cf. légende profils de carrière A1 pp. 43-44)

Lieu : bureau de l'IEN

Durée : 1h 20 minutes

L'enregistrement est de mauvaise qualité en raison de travaux à proximité du bureau (bétonneuse, marteau-piqueur etc...)

Quels sont les 5 mots qu'évoque pour vous l'expression "enfants en difficulté " ?

… Echec scolaire, difficultés scolaires plutôt, difficultés affectives, organisation scolaire, réseau, parents.

Pouvez-vous expliquer le choix de chaque terme ?

... Donc difficultés scolaires parce qu'un enfant en difficulté, c'est un enfant qui a des problèmes à l'école et qui à cause de ces problèmes d'école a des difficultés scolaires. Il a du mal à s'intégrer dans la vie quotidienne de l'école. Une difficulté scolaire est quelque chose de tout à fait... normal dès lors qu'on est en situation d'apprentissage. Dès lors qu'on est dans un contexte où on apprend, où on prend des risques, on échoue, on réussit. Et la difficulté affective explique la difficulté scolaire dans la mesure où on n'est plus en situation normale d'apprentissage mais on a un enfant qui souffre parce qu'il est en difficulté scolaire, il souffre parce que ses erreurs deviennent des échecs et parce qu'affectivement il vit très mal le fait d'avoir des réussites inférieures aux camarades de la classe.

Vous avez parlé aussi d' organisation scolaire ...

Ces difficultés diverses normales ou qui peuvent entraîner des problèmes plus graves d'échec scolaire, doivent être traitées dans un premier temps... parce qu'elles se fondent, s'organisent, se cristallisent dans le cadre de la classe. C'est donc par l'organisation de la classe, l'organisation de l'école, dans la relation aux enseignants avec ces enfants que l'on pourra aider ces enfants. Donc organisation scolaire, c'est plus large, c'est une notion encore plus large qui intègre même la personnalité du maître.

Vous avez dit aussi réseau et parents ...

Réseau parce qu'à l'intérieur du système éducatif on a des personnes, des spécialistes, un service qui a la charge de permettre à des enfants d'éviter l'échec scolaire dès lors qu'ils sont en situation de difficulté. Les parents, je crois que dans ce travail d'aide aux élèves en difficulté, d'accompagnement, les parents ont aussi un rôle important à jouer. Tout ne peut pas être résolu dans le cadre de l'école.

Est-ce que vous pouvez chercher le visage d'un enfant en difficulté scolaire que vous avez eu l'occasion de rencontrer dans votre vie professionnelle ? Pouvez-vous raconter ce qui se passait ?...

Un enfant en difficulté scolaire c'est un enfant qui cherche une relation particulière avec l'enseignant. Je vous parle moins en tant qu'inspecteur qu'en tant qu'enseignant... qui souffre...

Pouvez-vous présenter un enfant et exposer brièvement une situation donnée ?

Une situation, c'est-à-dire ?

Ce qui se passait en classe, avec vous, avec les autres élèves, avec le maître... dans le cadre d'une rencontre précise...

Je ne peux pas me remémorer un enfant en particulier. J'en ai rencontré beaucoup. Le souvenir que j'en ai, ce sont des enfants qui ont une demande relationnelle forte auprès du maître, auprès des autres enfants de la classe, une demande qui n'est pas toujours, pas souvent entendue par les autres camarades de la classe. C'est souvent un enfant isolé, marginalisé, qui face à cette marginalisation réagit parfois de façon agressive... C'est un enfant qui recherche une relation affective forte auprès de l'enseignant et qui en même temps la recherche et la rejette. C'est toujours très complexe.

Et vous face à un enfant dans une telle demande, comment avez-vous déjà réagi ?

... On essaie... Là je ne sais plus... Vous m'interrogez en tant qu'inspecteur... en tant qu'inspecteur, je ne peux pas vous répondre parce que je n'ai pas de relation directe avec des enfants. Le seul contact que nous avons, nous, avec des enfants en difficulté, les deux seuls, sont le premier celui de la CCPE où on a en quelque sorte à traiter, à faire le point sur un enfant en difficulté scolaire, donc on a une connaissance de dossier et la deuxième, ce sont les observations que nous pouvons faire lors d'inspection de maître où là on voit des enfants qui peuvent avoir des difficultés, des comportements particuliers. On peut voir également les relations entre un enfant en difficulté scolaire et le maître.

Est-ce que vous pouvez évoquer un enseignant face à un enfant en difficulté, à partir d'un exemple particulier ? Quelles étaient ses réactions, ses émotions ?

... Plusieurs exemples... Cette année, j'ai pu voir un enfant qui pouvait avoir des difficultés scolaires mais qui cherchait à être entendu par le maître, sous différentes formes et souvent des formes qui ne sont pas toujours adaptées, c'est-à-dire qui ne correspondaient pas à l'attente de l'enseignant. Et du coup on a une communication qui est manquée, mal entendue, entre la maître qui attend des réponses conformes, qui attend en fait des réactions qui ne sont pas celles données par l'enfant en difficulté scolaire. On a des enfants qui cherchent à se faire remarquer, et qui créent des dysfonctionnements dans la classe et à l'inverse on a ceux qui ne se font pas remarquer et qui sont autant en difficulté mais qui n'interviennent même pas. Ceux-là on peut les observer aussi quand on est dans une inspection. On voit comment le groupe fonctionne et on voit les enfants qui peuvent être marginalisés et passifs.

Quels sont les cinq mots qu'évoque le sigle RASED, en dehors de la signification stricte des lettres ?

Une compétence particulière, celle de s'occuper des élèves en difficulté, une équipe, un travail spécifique pour l'inspecteur, des relations particulières avec les maîtres ordinaires, les équipes pédagogiques et une ressource possible pour le système éducatif en général.

Est-ce que vous pouvez développer ?

Compétence particulière. Pourquoi ? Parce que les membres de ces réseaux ont des compétences spécifiques, de l'ordre de la psychologie, de la rééducation que n'ont pas des enseignants ordinaires donc, en quelque sorte, ce sont des experts en ce domaine-là et ils doivent pouvoir apporter une aide spécifique que ne peut pas apporter un enseignant ordinaire. Ils sont des personnes ressources pour l'inspecteur de l'Education Nationale qui doit appréhender le fonctionnement de la circonscription et notamment avec les élèves qui sont en difficulté. Ils sont aussi ressources pour les équipes pédagogiques et aussi une interface de l'aide thérapeutique externe et de l'aide pédagogique interne, c'est-à-dire les maîtres.

Vous avez dit aussi équipe. ..

Aujourd'hui on a dans le réseau des personnels avec des colorations professionnelles différentes. On a le psychologue, le rééducateur, le maître E. Donc l'existence même du réseau nécessite qu'il y ait une bonne communication interne, une collaboration et donc un travail d'équipe au sein du réseau.

Vous avez dit travail spécifique pour l'inspecteur...

Parce que l'inspecteur parmi toutes ses responsabilités a celle de faire que le réseau fonctionne et pour qu'il fonctionne, il faut qu'il y ait une implication directe de l'inspecteur Education Nationale... quand il n'a pas forcément un secrétaire de CCPE qui peut jouer le rôle de conseiller pédagogique AIS.

Vous avez retenu aussi relations spécifiques avec les enseignants...

Parce que ces enseignants puisent leur reconnaissance, leurs compétences dans le travail et dans les relations étroites qu'ils tissent avec les maîtres d'école qui ont la charge directe des enfants. Il y a en quelque sorte deux extrêmes possibles. Le premier, c'est que le réseau fonctionne sans connexion, sans relation avec les enseignants. A l'extrême plus aucune relation ne serait tissée avec les enseignants, donc ils ne puiseraient leurs compétences qu'à l'interne du réseau. Ils auraient des interventions directes auprès d'enfants complètement déconnectées de ce que font les enfants dans le cadre de la classe. L'autre extrême, ce sont les personnels du réseau qui sont complètement fondus dans l'équipe pédagogique. Prenons l'exemple d'un rééducateur qui travaille en priorité dans une école, il en devient le maître supplémentaire, il participe à toutes les concertations de l'école, il vit dans le cadre de l'école et il ne serait plus à même d'être à l'écoute des autres groupes scolaires qui auraient peut-être besoin d'une écoute particulière. Je crois que le fait même que l'on insiste sur la notion de réseau implique un travail au sein des membres du réseau pour pouvoir veiller en quelque sorte à un suivi le plus fin des élèves en difficulté non pas d'une école mais d'un secteur et parallèlement il leur faut en permanence rester au contact des équipes d'école pour qu'ils soient considérés comme membres à part entière de ces équipes.

Pouvez-vous présenter brièvement la dernière inspection de réseau que vous avez réalisée ?

Brièvement, j'ai commencé par des inspections individuelles, psychologues scolaires, rééducateurs, maîtres E et ces différentes inspections se sont terminées par une réunion du groupe, réunion au cours de laquelle j'étais observateur dans un premier temps puisque j'observais la psychologue scolaire animer cette réunion et dans un deuxième temps j'ai procédé à un bilan à la fois de ce que j'avais pu observer dans le cadre des inspections individuelles et dans le cadre de ce que j'avais pu observer du fonctionnement de l'équipe du réseau.

Qu'est-ce que vous pouvez en dire aussi bien sur le versant positif que négatif ?

De cette inspection... Ce que j'avais pu en dire à l'époque, si je me souviens bien, c'était l'année dernière... sur le versant qui faisait problème, c'était une psychologue scolaire qui n'assumait pas sa fonction de psychologue scolaire dans ses différentes dimensions, qui se cantonnait à un suivi, à un repérage et à des bilans psychologiques des enfants qui devaient être présentés en CCPE, donc ça me paraissait être un point faible important, pas de relation, pas de travail étroit avec les équipes pédagogiques, pas de relation avec les services extérieurs avec les différents partenaires, et des difficultés à faire fonctionner l'équipe du réseau. Voilà les points faibles.

Et par rapport au maître E et au maître G ?

Disons que cette inspection avait permis de mieux organiser l'intervention des maîtres E et des maîtres G dans les différentes écoles, interventions qui manquaient de cohérence avant cette inspection, où il y avait deux maîtres E qui intervenaient sur des cycles 2 et des cycles 3 de différentes écoles. Ils intervenaient tous les deux dans les mêmes écoles. La décision qui a été prise c'est d'affecter prioritairement une personne sur un groupe scolaire particulier et qui présentait des difficultés importantes et l'autre maître E sur l'autre groupe scolaire... Donc il y a eu séparation des deux personnes pour qu'elles se consacrent à un groupe scolaire en particulier. Il y a eu aussi la mise en place, l'évolution d'une classe d'adaptation vers une structure plus ouverte avec pour la maîtresse qui était concernée la mise en place d'un travail important avec plusieurs écoles... ça avait amené une réorganisation importante de son travail. Et pour les rééducateurs, il y a eu peu de modifications.

Et les points positifs ?

Il y avait une implication individuelle importante de chaque membre du réseau auprès des enfants et auprès des enseignants avec lesquels ils travaillaient. Dans leur mission centrale, même pour la psychologue scolaire, il y avait un investissement professionnel important.

Quand je dis maître E, quels sont les 5 mots qui vous viennent à l'esprit ?

Aide pédagogique, enseignant ordinaire, aide qui soit efficace, aide aux enseignants. Voilà je n'en trouve que quatre.

Pouvez-vous développer ces associations d'idées ?

Aide pédagogique, c'est ce qui différencie, ce qui particularise l'action des maîtres E par rapport aux autres types d'enseignants spécialisés. Je crois que là-dessus les textes sont clairs et je m'y inscris parfaitement, c'est-à-dire aider ces élèves à réussir en classe, à réussir leur scolarité. J'ai utilisé également l'expression d'enseignants ordinaires. Ce sont des enseignants qui ont des compétences particulières dans l'ordre de l'observation des élèves, de l'évaluation de ces élèves sur leurs mécanismes d'apprentissage, donc ils ont les compétences que doit avoir tout enseignant travaillant avec les enfants dans les classes. Voilà pourquoi je dis enseignant ordinaire. Je crois qu'en fait un maître E, c'est un maître, qui par sa position a une position particulière puisqu'il a à travailler plus strictement avec des enfants qui sont en difficulté donc des enfants qui font problème au système éducatif mais avec des outils, avec des stratégies, avec des compétences qui sont celles de tout enseignant du système éducatif.

Vous avez dit aussi aide qui soit efficace et aide aux enseignants...

L'efficacité pour le maître E, c'est faire en sorte que ces enfants puissent renouer avec un parcours scolaire positif sans oublier les aspects comportementaux, sociaux, affectifs des relations qu'un enfant doit avoir dans le cadre de l'école. Son aide doit avant tout avoir pour visée une efficacité dans les apprentissages fondamentaux, notamment les apprentissages de la lecture et de l'écriture. Les maîtres E ont des compétences d'enseignant ordinaire, mais des compétences d'enseignant très développées, reconnues, ils ont cette capacité à observer, à évaluer, à remédier et par là s'ils ont une mission première de suivi direct auprès d'enfants, ils peuvent aussi jouer le rôle de conseiller, d'aide aux enseignants, dans justement le suivi des élèves qui pourraient avoir quelques difficultés dans les apprentissages. C'est pourquoi je parle d'aide aux enseignants.

Tout à l'heure vous avez évoqué les ressemblances entre maître généraliste et maître E. Pouvez-vous parler maintenant des différences ?

Les différences viennent à mon avis non pas des compétences qu'ils ont ou... s'il y a des différences dans les compétences, il y a les différences qui peuvent être dues au travail spécifique qu'ils ont à faire, c'est-à-dire aider des élèves qui présentent des difficultés d'apprentissage. Il est certain qu'ils doivent connaître les différentes stratégies possibles pour une aide particulière par rapport à une question didactique particulière, pédagogique particulière, dans le domaine du français, des mathématiques... Mais je pense que la différence n'est pas très, très importante... Les différences de travail sont importantes puisque le maître E travaille en général, peut travailler avec un groupe classe complet, dans le cadre de classe d'adaptation, il en existe encore et dans ce cas-là, ce maître est un maître de CP avec des élèves qui manquent encore de maturité et donc son objectif, c'est bien d'aider ces élèves à réussir leur cours préparatoire comme ils auraient pu le faire dans un CP ordinaire, simplement avec un effectif allégé. Et donc, là aussi peu de différences. Différences plus importantes lorsque ces maîtres ont à suivre un nombre plus important d'enfants dans le cadre de groupe. Et là ce qui est important c'est de procéder à un suivi précis, plus individualisé des enfants, chose que ne fait pas forcément un enseignant dans une classe ordinaire... bien que... Je voie peu de différences.

Quand je dis maître G, quels sont les 5 mots qui vous viennent spontanément ?

Prévention, aide à dominante rééducative, entre des maîtres ordinaires et des thérapeutes, psychoaffectif.

Pouvez-vous développer ces associations d'idées ?

Prévention, c'est bien le fait que les rééducateurs interviennent de façon dominante à l'école maternelle pour en quelque sorte essayer de prévenir les échecs scolaires ultérieurs et donc à ce titre-là leur action est essentiellement préventive. Aide à dominante rééducative, c'est là le rappel réglementaire des textes qui font bien la différence entre des maîtres qui auraient à mettre en place des actions à dominante (insiste sur ce mot) pédagogique et des maîtres qui auraient à mettre en place des actions à dominante (idem) rééducative.

Vous avez dit aussi entre des maîtres ordinaires et des thérapeutes...

Oui parce que ce qui fait la différence entre les maîtres E et les maîtres G, c'est que les maîtres G sont beaucoup plus proches des thérapeutes qui travaillent dans les Centres médico-psychologiques et donc des personnels qui ont avant tout une fonction de type sanitaire médicale. On sent bien que les maîtres G sont à la frontière du monde de l'Education Nationale et du monde de la Santé, dans le risque de basculer hors du monde scolaire.

Vous avez employé aussi psychoaffectif...

Parce qu'on sent bien que le langage qui est utilisé par les rééducateurs, la culture des rééducateurs est une culture fortement par une certaine conception de la psychologie et dans cette conception de la psychologie, de l'action rééducative, les aspects psychoaffectifs dominent. En clair, l'important pour ces maîtres c'est que les élèves soient disponibles aux apprentissages et cette disponibilité semble être un préalable à toute action scolaire plus traditionnelle.

Existe-t-il des points de ressemblance entre pratiques E et pratiques G ?

Il y a peut-être des ateliers, des techniques, des pratiques, des activités, du matériel qui peut être commun avec des objectifs qui vont être différents. Autre point commun, les maîtres E comme les maîtres G font partie du réseau et donc travaillent dans le cadre du réseau sous la responsabilité d'un inspecteur de l'Education Nationale, donc c'est important.

Est-ce qu'il existe des glissements de pratiques entre E et G, c'est-à-dire des E qui fonctionneraient comme des G et inversement ?

Il y a des maîtres G qui après avoir fait un travail centré sur la disponibilité affective des enfants pour les apprentissages vont continuer de travailler sur les apprentissages, des enseignants qui ont tendance à penser que cette différenciation entre disponibilité, motivation et activités scolaires, cette différenciation est très ténue et par conséquent ils ont tendance en quelque sorte à utiliser des stratégies de type rééducative à un certain moment de l'action ou du suivi des enfants et des actions à dominante pédagogique à un autre moment. Donc ils ne scindent pas de façon nette ces deux aspects de l'aide que peut apporter un membre d'un réseau.

A votre avis y a-t-il une fonction qui joue un plus grand rôle ? Pourquoi ?

C'est-à-dire ?

Y en a-t-il une qui vous semble plus importante, plus pertinente ? Par exemple privilégiez-vous une fonction par rapport à l'autre en terme de nombre de postes dans la mesure ou l'aide apportée par un corps de métier ou l'autre vous semble plus opportune ?

Je crois qu'il faudrait fondre les deux options dans une seule. Je ne suis pas pour la division E/G. Alors ça c'est personnel... Je crois qu'aujourd'hui dans tous les métiers il y a une relative complexité qui fait qu'on a dépassé depuis longtemps la spécificité même qui avait fondé la mise en place d'un métier particulier. Aujourd'hui il y a ce qu'on doit faire et ce qu'on fait. Et ce qu'on fait dépasse largement ce qu'on devrait faire de façon stricte. Je crois que pour un maître ayant la charge, la mission de suivre de façon plus fine les élèves en difficulté d'un secteur, qui peut être constitué de plusieurs écoles, on ne peut pas en rester avec l'idée qu'il y aurait des maîtres spécialisés pour un type particulier d'aide et d'autres pour un autre type. Ces maîtres-là devraient avoir un éclairage théorique qui est celui des deux formations, pour que dans la pratique ils puissent en permanence faire interagir la motivation, la disponibilité affective et l'engagement dans un apprentissage avec tous les problèmes techniques que ça peut poser.

Quels seraient les inconvénients de la fonction unique que vous décrivez ?

Aucun si la formation de ces personnels les aide à bien appréhender toutes les dimensions qui sont en jeu dans l'apprendre ou le non apprendre d'un élève. Je crois que la formation est fondamentale, une formation continue, réactualisée, à partir de bases bien maîtrisées, formation continue fondamentale avec des relations permanentes avec les équipes pédagogiques.

Est-ce qu'il vous semblerait plausible de maintenir la formation en alternance telle qu'elle s'installe et le regroupement de ces deux spécialisations ?

Là vous me demandez un avis sur un fonctionnement qu'on ne connaît pas pour l'instant. Je ne connais pas l'évolution de la formation... On va vers une formation en alternance, c'est ça ? Avec un temps de pratique sur le terrain et des temps de formation théorique, c'est ça ? Le principe de l'alternance est intéressant (...) mais il faudrait peut-être prévoir un temps de formation plus long, certainement. Sur la formation, je crois qu'on a encore à progresser parce qu'on n'utilise pas toujours les compétences des personnels de l'Education Nationale acquises dans le cadre de formations initiales... Là aussi il faudrait une progression et il faudrait aussi que la formation soit adaptée aux besoins actuels et il faut aussi que les écoles qui s'affrontent dans le domaine théorique notamment la psychologie puissent en quelque sorte s'accorder pour que l'on puisse donner une formation cohérente notamment aux rééducateurs et aux maîtres E.

Justement à propos des formations pouvez-vous citer les 3 livres ou auteurs principaux recommandés lors de la formation E ?

Un maître E doit être un expert dans le domaine de l'apprentissage de la lecture. Donc aujourd'hui, il faut avoir des connaissances dans le domaine de l'approche cognitive et de l'approche sociolinguistique au travers de différents auteurs qui travaillent là-dessus.

Je vais vous poser la même question pour la formation G. Quels sont les trois livres ou auteurs principaux travaillés en formation... ou qu'il conviendrait de connaître ?

Le rééducateur doit avoir une connaissance beaucoup plus large que celle d'un maître E bien que là vous me posez des questions alors que je vous ai déjà donné mon point de vue mais il ne peut pas ignorer non plus tous les aspects psychanalytiques du développement affectif des enfants donc cette dimension-là doit être importante. Elle l'est moins dans le cadre du maître E avec les limites que ça peut poser. On est dans un modèle de l'enfant et de l'adulte qui est un modèle mais pas une loi. Egalement tout ce qui a trait au corps, au corporel... Je crois que le rééducateur doit avoir cette appréhension globale de l'intelligence, de la personnalité, qui intègre la dimension motrice, psychomotrice.

Existe-t-il une différence professionnelle perceptible entre enseignants E et G formés en stage et candidats libres ?

Je ne peux pas vous répondre là-dessus, je n'ai pas d'éléments, je ne sais pas si actuellement il y a beaucoup de candidats libres qui ont réussi (...). Je crois que la formation est importante. (...)

Comment concevez-vous votre rôle au sein du RASED ?

Je suis responsable du réseau donc je dois veiller à ce que l'intérêt des élèves et des écoles soit pris en compte de façon prioritaire, qu'en fait l'intérêt des individus ne domine pas celui des élèves, je crois que c'est important. Il faut veiller à mettre à plat régulièrement les fonctionnements, à les expliquer, à les argumenter de façon à ce qu'on soit bien d'accord sur l'intérêt de telle ou telle action, de tel ou tel choix et l'inspecteur est le garant de la prédominance, de l'intérêt du service.

Quel temps y consacrez-vous, en volume horaire annuel, par exemple ?

Je n'y consacre pas assez de temps. /mais en volume horaire... J'ai consacré cette année trois ou quatre réunions de travail, en demi-journées plus un temps de réflexion avec la secrétaire de CCPE, c'est peu mais je crois que là aussi l'inspecteur aujourd'hui ne peut pas consacrer plus de temps au réseau compte tenu de toutes les missions qu'il a. En revanche ce qu'il faudrait, c'est qu'il y ait un adjoint de l'IEN qui puisse faire ce travail-là, qui soit le coordonnateur des membres du réseau auprès de l'IEN et je crois que le secrétaire de CCPE pourrait jouer ce rôle-là, il pourrait être ce conseiller pédagogique AIS auprès de lui.

Quelle appréciation portez-vous sur le fonctionnement des réseaux ?

La connaissance que j'ai des réseaux fait que j'ai constaté des pratiques très diverses avec soit d'un côté des fonctionnements qui étaient complètement déconnectés de la vie des écoles, un réseau qui fonctionnait un petit peu en interne avec des stratégies, des actions mises en place par les membres du réseau pour les élèves voire pour les écoles et d'un autre côté j'ai observé des membres de réseau qui étaient complètement, je l'ai dit tout à l'heure, fondus dans l'équipe d'école et du coup n'avait plus ce recul, la possibilité de travailler en concertation avec les autres membres du réseau. Je crois qu'il faut trouver un équilibre entre les deux. Il faut appartenir à la fois à l'équipe du réseau et à l'équipe d'école.

Y a-t-il des évaluations de résultats pour le réseau ?

Pour l'instant il n'y a pas d'évaluation de résultats proprement dite, il y a simplement un bilan individuel de chaque membre du réseau en fin d'année scolaire à partir du plan de travail qui avait été fixé en début d'année. Donc un plan de travail en début d'année et un bilan en fin d'année. (...) L'objectif de cette première année a été pour moi de clarifier les différents secteurs et de rendre plus cohérente l'action des différents intervenants. Notre travail s'est concentré sur la réorganisation des secteurs en fonction d'une photographie précise des écoles et des difficultés recensées dans ces écoles. (...) Mon souci s'est de rationaliser tout le travail... de façon à comprendre pourquoi telle école en ZEP bénéficie de tel enseignant alors que telle école n'en bénéficie pas. Quelle a été l'histoire et est-ce que cette histoire est encore valide actuellement ou non ?

Quels sont les cinq mots qu'évoque pour vous la réussite à l'école ?

C'est la réussite scolaire traditionnelle dans les apprentissages instrumentaux pour l'école primaire, lire-écrire-compter, c'est le plaisir de venir à l'école, d'apprendre et de vivre avec ses camarades, c'est la construction d'une citoyenneté tout cela au service d'une insertion sociale et d'une capacité à faire évoluer le système social.

Comment voyez-vous l'avenir des RASED ?

Je vous l'ai dit : je crois qu'on va vers une fusion des maîtres E et des maîtres G en une fonction de maîtres chargés de l'aide aux enfants en difficulté scolaire, des maîtres aussi chargés d'aider, d'accompagner les équipes pédagogiques. A ce titre-là, je crois aussi qu'ils ont un rôle de formation à jouer auprès des enseignants, formation continue dans le cadre des animations pédagogiques et des stages. Donc, il faut qu'au sein de cette équipe de réseau, il y ait des personnels capables de jouer un rôle d'impulsion et de formation auprès des maîtres donc de conseil pédagogique auprès des maîtres. Evolution du réseau ? Il faut aussi qu'ils aient conscience d'appartenir pleinement à l'Education Nationale et pas d'être en quelque sorte assis entre deux ministères, entre l'Education Nationale et la Santé. Avant d'être des rééducateurs, des membres du réseau, ce sont des enseignants à part entière dont la finalité première est la réussite scolaire des enfants. Je crois qu'il sera nécessaire qu'ils participent aussi à des actes d'évaluation des élèves avec les maîtres ordinaires et à ce titre-là qu'ils puissent aider les enseignants à mieux comprendre les réussites et les échecs, leurs réussites et leurs échecs scolaires dans le cadre de leur école... Ces membres du réseau doivent être en permanence au contact de l'évolution des connaissances dans le domaine de l'aide, de l'apprentissage, des difficultés d'apprentissage. Je crois aussi qu'il faut qu'ils soient capables de travailler de façon étroite au sein d'une équipe de circonscription au sens large, c'est-à-dire, premier cercle, l'inspecteur et les conseillers pédagogiques... deuxième cercle, l'équipe de circonscription avec les membres du réseau et troisième cercle l'équipe, le réseau avec les directeurs d'école et dernier cercle tous les enseignants de la circonscription

De façon plus globale et plus générale, comment considérez-vous la place et le rôle des aides à l'école ?

C'est-à-dire ?

Les aides en général, celles qui n'ont pas forcément l'appellation de "spécialisées", comment les situez-vous, quel est leur rôle ?

... Je crois que je l'ai dit. L'enseignant a pour vocation d'être une aide aux élèves qui apprennent. La première aide c'est l'enseignant. Dans l'acte d'enseignement il y a une fonction fondamentale qui est celle de l'aide. Aider, c'est la mission première de l'enseignant... ça me paraît fondamental. Ce qu'il faudrait, c'est peut-être à terme, que le réseau n'intervienne plus directement auprès des élèves, qu'il puisse résoudre les difficultés en amont, soit par la prévention, au travers d'activités menées conjointement avec les enseignants dans le cadre de classes, de groupe de classes, par la prévention qui peut aussi prendre la forme d'échanges avec les enseignants, donc toujours indirectement auprès des élèves et éventuellement, bien sûr, il faudra toujours envisager la remédiation, mais la remédiation qui peut aussi passer par la participation active des maîtres sous la forme par exemple d'activités de besoins déterminés au niveau d'une école certainement avec la participation du maître E qui pourrait se décliner de plusieurs manières : la première élaborer les ateliers, évaluer les élèves, participer à cela et ensuite la mise en oeuvre avec pour le maître E, peut-être, je dis bien peut-être le suivi d'un atelier qui serait plus strictement ciblé pour des élèves en difficulté mais pas uniquement, le maître E pourrait aussi participer à un atelier avec des élèves maîtrisant parfaitement tel ou tel domaine et souhaitant approfondir tel autre domaine, donc des ateliers de besoins qui ne seraient pas centrés uniquement sur les élèves en difficulté scolaire.

Avez-vous d'autres remarques à formuler sur les aides spécialisées à l'école ?

Oui, je crois que la difficulté scolaire est très relative, à tous les niveaux. Il y a différents degrés de difficulté scolaire et donc notre système éducatif doit pouvoir être capable d'accepter, doit avoir un seuil de tolérance permettant à des élèves d'être en difficulté puisque c'est par-là même qu'on apprend. Je crois que le réseau doit pouvoir aider ces maîtres ordinaires à gérer ce type de problème dans les classes, la prévention entre dans ce cadre-là et parallèlement, le réseau est là pour repérer des problèmes plus lourds, plus massifs qui ne peuvent pas être résolus ni par les enseignants dans les classes ni peut-être même par les maîtres E ou les maîtres G et doit être en contact direct avec des services plus spécialisés capables de nous aider dans un travail qui est difficile parce que la société aujourd'hui demande beaucoup à l'école, la société aujourd'hui ne permet pas une marge importante dans la gestion des erreurs. Elle impose en quelque sorte une pression forte au système éducatif et aux enfants au centre de ce système, une pression forte qui entraîne nécessairement des accidents qui peuvent être très lourds. Peut-être que là le maître G joue un rôle essentiel mais au-delà du maître G c'est peut-être dans les modalités de collaboration entre la Santé et l'Education Nationale qu'il faudrait réfléchir. Est-ce que la Santé joue pleinement son rôle au service de ces enfants en difficulté, en échec scolaire ? Parfois on peut être amené à se poser des questions. Par exemple quand on observe, en gros, que la Santé est prête à collaborer mais elle n'est pas toujours le partenaire qu'on attendrait, nous Education Nationale. Je prendrais pour exemple des moyens qui ne sont pas toujours à la hauteur... pas toujours utilisés de façon adaptée, des situations qui deviennent très difficiles par le fait que des enfants en grande difficulté ne peuvent pas être orientés en établissement spécialisé parce qu'il n'y a plus de place, des listes d'attente qui sont énormes, pour le suivi d'enfants dans les CMP et plus grave encore, des difficultés à mesurer effectivement ce qui est fait dans ces centres, une forme de liberté dans l'acte thérapeutique qui est importante mais qui amène parfois des dérives, c'est-à-dire des personnels qui n'ont plus conscience qu'ils ont une responsabilité au nom de la société et parfois on ne sait plus très bien... On a beaucoup de parents d'élèves qui se posent des questions quant à l'efficacité de traitements thérapeutiques, quand ils peuvent être mis en place. Les traitements thérapeutiques mettent quelquefois en grande difficulté les parents sans forcément aider les enfants. Donc beaucoup de questions qui dépassent le cadre strict de l'Education Nationale. Voilà.