Entretien E06 Jean-Luc

Age : 44 ans

Profession : IEN

Diplômes : Maîtrise de psychologie (82), CAFIMF (84)

Jean-Luc : cursus professionnel (cf. légende profils de carrière A1 pp. 43-44) :
Jean-Luc : cursus professionnel (cf. légende profils de carrière A1 pp. 43-44) :

Lieu de l'entretien : Centre de formation

Durée de l'entretien : 1h 20mn

Quels sont les 5 mots qu'évoque pour vous l'expression "enfants en difficulté " ?

Difficultés d'apprentissage, difficultés psychologiques, difficultés sociales, échec scolaire... aide pédagogique.

Pouvez-vous expliquer le choix de ces termes ?

Je crois que le choix est structurel, il correspond davantage à une manière d'approcher la difficulté que de l'appréhender directement parce qu'on est dans l'observation d'un dispositif et pas dans le traitement direct des choses. Je ne suis pas en contact direct avec les enfants en difficulté. Donc ce que j'en connais ce sont des dispositions structurelles et une classification catégorielle de la difficulté (incompréhensible).

Cherchez le visage d'un enfant en difficulté scolaire que vous avez eu l'occasion de rencontrer dans votre vie professionnelle. Est-ce que vous pouvez raconter ce qui se passait ?

Le dernier dont je me souvienne, c'était un gamin dans un CP avec des capacités intellectuelles tout à fait intéressantes, j'ai pu travailler un moment avec lui au fond de la classe, c'était en cours d'inspection. Il était en grave échec scolaire pour une raison très simple c'est qu'il ne fréquente pas assez la classe. (incompréhensible)

Est-ce que vous pouvez citer les émotions qui vous animaient à ce moment-là ?

... Rien de particulier sinon l'impression d'un beau gâchis et je n'étais pas très content non plus, c'est-à-dire de la révolte et de la colère aussi parce que c'est une situation que j'ai découverte depuis quelques semaines alors que c'est une situation qui perdure depuis le début de l'année et que personne n'a rien voulu signaler en particulier les membres du réseau de peur qu'on saisisse les services sociaux. "Va-t-on retirer cet enfant à sa mère ? Etc."

Qu'est-ce qui a été tenté pour essayer de remédier à cette situation ?

Je viens de saisir le juge pour enfants dans le cadre de la protection de l'enfance et l'aide sociale à l'enfance. C'est un problème qui est tout simple. Les parents sont divorcés, la maman boit. Le matin, quand elle a trop bu la veille, elle n'est pas en mesure d'emmener le gamin à l'école. C'est une situation qui perdure depuis un certain nombre d'années alors... C'est un gamin qui est pris en charge par le réseau quand il est là de temps en temps mais de toute façon, il n'a pas beaucoup de déficience parce qu'il n'a pas de problèmes particuliers. J'ai passé un petit moment avec lui et la maîtresse le reconnaît très bien quand il est là, il a une intelligence tout à fait vive et il apprend des choses. Mais trop souvent il n'est pas là. Voilà, c'est une situation qui est proche.

Souvenez-vous d'un enseignant face à un enfant en difficulté dans sa classe. Que pouvez-vous dire de la situation ?

... Oui, je me souviens d'une chose... C'était dans une classe où j'étais passé et c'est un gamin qui venait d'Angleterre. C'était dans la région de Cherbourg, un lieu où il n'y a pas mal d'émigration de population européenne et cet enfant était en difficulté. Le maître avait ressorti les manuels d'apprentissage de la lecture etc. Je suis allé voir cet enfant et j'ai discuté avec lui en anglais. Je lui ai demandé de m'écrire un texte en anglais. Il était tout à fait capable d'écrire, de parler, de faire des choses et je pense que l'enseignant n'avait pas fait la relation avec ça et le mettait dans la situation d'un échec scolaire. Effectivement, il ne maîtrisait pas la langue française et ça ne servait à rien de lui donner de vieux manuels de lecture pour faire du décodage. Il dominait parfaitement le décodage mais il n'avait pas la maîtrise de la langue. Voilà un exemple où il y avait une difficulté d'analyse des problèmes posés par cet enfant.

Et dans cette incompréhension, comment cet enseignant réagissait face à cet enfant ?

Il réagissait tout simplement en partant du principe que ça ne cadrait pas avec ce qu'il faisait, c'est-à-dire que ce gamin n'était pas rentré dans le cadre des activités proposées etc. Donc à partir du moment où il n'était pas entré dans le cadre et où il ne produisait pas... Je crois qu'il ne s'était pas posé la question. Quand je lui ai montré le texte produit par l'enfant qui était capable d'écrire quelque chose de cohérent, de structuré - il m'avait raconté l'histoire des trois ours - ça ne sert à rien de le mettre en situation d'apprentissage du code par rapport à une langue qu'il ne maîtrise pas. Je crois qu'il n'avait pas imaginé cette possibilité, ça ne lui était pas venu à l'esprit. C'est une espèce de vision en tunnel du travail... La quotidienneté, on donne un certain nombre de choses à faire aux enfants avec beaucoup de conscience mais quand ça sort du cadre, on ne pense pas trop. Ce gamin était à côté, comme il ne répondait pas, on pensait qu'il était en échec... pour d'autres raisons. Dans ce cas-là la remédiation est passée par rapport à ce que le maître savait faire. Un enfant qui ne produit pas de textes, qui ne lit pas etc., eh bien on reprend l'apprentissage de la lecture...

Quels sont les 5 mots qu'évoque pour vous le sigle RASED ?

On peut entrer par un biais, celui des professionnels c'est-à-dire des membres du réseau, psychologues, rééducateurs, maîtres des classes d'adaptation. Le deuxième aspect qui vient à l'esprit "un machin", au sens où on ne sait pas trop ce que c'est... Electron libre. C'est tout.

Pouvez-vous expliquer davantage "machin", "électron libre" ?

C'est vraiment une chose toute simple. Quand on évoque les réseaux d'aide spécialisés, ils ont une tendance, c'est de vouloir s'installer en structure. On tire d'un côté pour s'installer en structure, on tire de l'autre pour éviter qu'ils ne s'installent en structure. Inévitablement, il existe une espèce de tension. En fait aussi les personnels de réseau ont tous les instruments qui leur permettent d'échapper à tout contrôle s'ils le veulent. Il faudrait avoir une volonté ingérable pour arriver à suivre ce qui se fait sans que les personnels le veuillent vraiment. A partir de ce moment-là, je crois qu'il y a une réelle possibilité d'échapper à tout contrôle quels que soient les dispositifs qu'on essaie de mettre en place... ça tient au fait aussi qu'on peut évaluer le travail d'un enseignant dans sa classe assez simplement, indépendamment des procédures d'inspection. Il suffit de regarder les résultats. Un maître de CP, s'il a 60 % d'enfants qui ne savent pas lire à la fin de l'année, il y a quelque chose... problème... On sait très bien là aussi en fonction des compétences acquises par les gamins lorsqu'ils rentrent en sixième, on a des éléments d'appréciation. Le maître est aussi tenu par un programme. D'une manière ou d'une autre, il y a des choses auxquelles il n'échappe pas quelles que soient les modalités qu'il met en oeuvre. Les personnels du réseau, c'est autre chose. On est là dans quelque chose d'impalpable, difficilement évaluable parce que d'un autre côté on ne peut pas savoir ce que serait devenu l'enfant s'il n'avait pas été pris en charge. On n'a pas de prise sur les réseaux. C'est pour ça que j'ai dit que ce sont des "machins", on ne sait pas trop ce que c'est, et en plus on voit se développer des espèces d'usine à gaz en terme de prises en charge, d'évaluation etc. Quand un rééducateur débarque dans une école, il sort à toute vitesse des batteries de tests, Inizan etc., pour tous les gamins... sans qu'ensuite ça ne donne lieu à une quelconque restitution pour les familles et à partir de là, on ne sait pas trop ce qui est fait. C'est pour ça que je dis que ce sont des électrons libres. J'ai beaucoup travaillé dans des secteurs ruraux, c'est vrai que sans généraliser, il y a du personnel on ne sait pas trop où ils sont ni ce qu'ils font. Quand on veut les voir il faut trois jours, quatre jours, ils n'ont pas laissé d'adresse, alors évidemment... et savoir ce qu'ils font... Mais c'est un problème qui nous incombe aussi puisque c'est qui nous avons le pilotage... Or piloter sans commande et sans instrument c'est toujours une difficulté...

Comment concevez-vous votre place et votre rôle par rapport au RASED ?

Je suis en train d'essayer de la redéfinir d'une part en posant un certain nombre de principes qui consistent à dire que les réseaux ne sont pas des structures. Je vais essayer de faire passer le message : "Vous êtes des aides spécialisées mais vous n'avez pas de compétences administratives d'organisation, de gestion, vous ne vous saisissez pas tous seuls d'un certain nombre de situations pour lequel vous faites un traitement sans en rendre compte à quiconque. C'est-à-dire que la notion de réseau c'est un concept à partir du moment où il y a des interactions et non pas une structure administrative. Donc j'essaie de modifier les choses en demandant d'une part que les demandes d'aide n'aillent plus directement au personnel des réseaux mais qu'elles remontent d'abord à l'inspection de manière à ce qu'ensuite - et j'ai délégué mon conseiller pédagogique coordonnateur - pour que ces aides soient traitées, qu'on regarde ensemble quelles sont les aides qui sont demandées, que l'aide soit analysée et qu'ensuite la commande redescende de celui qui a le pilotage et arrive au réseau : "Voilà il y a tel enfant qui a besoin de ça comme ci, comme ça, donc vous allez le prendre en charge et vous allez faire un projet etc., et nous évaluerons à terme, c'est-à-dire que là, je suis en train de court-circuiter toutes les ramifications directes qui s'étaient établies entre les écoles et les réseaux pour recentrer le dispositif. Ce n'est pas facile, il y a toutes les résistances... les psychologues, les rééducateurs passent dans les écoles en disant : "Surtout puisque c'est comme ça maintenant, faites la grève du zèle... ", il y a tout ce jeu qui se met en place. C'est une tentative de recentrage et d'analyse. Dans le même temps j'essaie de mettre en place des dossiers de suivi pour chaque situation d'enfant qui est pris en compte, fait l'objet d'une analyse, d'un suivi. Ensuite on renvoie vers les écoles, vers le directeur, vers le réseau, l'analyse de ce qui a été fait en terme quantitatif, qualitatif...

Ce travail vous demande combien de temps en volume horaire annuel ?

Toute la partie de saisie des données c'est le conseiller pédagogique qui le fait mais très régulièrement, je passe bien une heure à deux heures par semaine avec lui pour essayer de voir où on en est, faire le point. Par exemple pour la réunion qui aura lieu après les vacances de Pâques, on a repris sur ce tableau toutes les situations pour lesquelles il y a eu des demandes d'aide de la part des écoles et pour lesquelles il n'y a pas encore eu ni de bilan ni de prise en charge etc. Et là j'ai renvoyé vers tous les personnels des différents réseaux en disant : "Voilà dans votre réseau il y a telle demande qui n'a toujours pas été prise en compte, on fera le point sur toutes ces situations donc essayez d'avoir des éléments pour voir quelle décision prendre, différer etc. C'est pour ça quand je disais électrons libres tout à l'heure, là justement je suis en train de regarder ce qui se passe dans le dispositif et faire en sorte d'avoir un contrôle sur la situation.

Et combien de temps passez-vous avec le personnel de réseau ?

Depuis le début de l'année, j'ai dû les réunir trois à quatre fois trois heures plus les rencontres informelles.

Pouvez-vous présenter brièvement la dernière inspection de réseau et de maîtres spécialisés que vous avez réalisée ?

La dernière inspection que j'ai effectuée, c'était dans une classe d'adaptation. C'était un personnel qui n'était pas spécialisé, dans une école de la ZEP avec un petit effectif d'enfants en grande difficulté scolaire avec une maîtresse qui s'était donné comme objectif qu'à la fin de l'année ils sachent lire. Et le résultat était finalement assez satisfaisant puisque les gamins sont tous rentrés dans l'apprentissage... avec des difficultés encore mais ils sont tous rentrés dans l'apprentissage, c'est-à-dire que les mécanismes étaient en train de se mettre en place, phénomène qu'on aurait pu estimer impensable... Ils auraient très certainement été en échec dans une classe avec un grand ensemble de camarades et un rythme soutenu. Ici, ils sont rentrés dans l'apprentissage. Et la question qui se pose, c'est comment les intégrer l'an prochain en CE1, prévoir un certain nombre d'aménagements pour leur permettre de faire le lien.

Est-ce que vous voyez des différences entre les personnes non spécialisées comme celle dont vous venez de parler et celles qui sont spécialisées ?

Oui, les différences c'est que les personnes qui sont moins spécialisées s'embarrassent moins de principes psycho-machin-truc etc. et rentrent davantage par le biais de la pédagogie. Cette maîtresse qui s'est retrouvée là, c'est quelqu'un qui rentrait dans le département, qui avait de l'ancienneté, elle était en fin de carrière... Elle s'est retrouvée sur ce poste parce que c'était un poste qui restait vacant. Elle a tenu ce poste avec son expérience et non pas avec un discours de connaissances psycho etc. N'ayant pas ce discours, ne revendiquant pas de compétences dans ce domaine-là, elle est rentrée par ce qu'elle savait faire. Elle leur a appris à lire. On a quelquefois la même observation sur des sortants qui sont nommés sur des classes d'adaptation ou des classes de perfectionnement et qui quelquefois - ça peut paraître bizarre - s'en sortent mieux que des maîtres spécialisés qui se prennent la tête avec des trucs... extrêmement compliqués et qui ne sont pas opératoires... Voilà. Là j'évoque des situations où il s'agit de tenir la classe, d'avoir des gamins dans le cadre de situation de groupe, dans le cadre des apprentissages.

Est-ce que vous pouvez évoquer d'autres inspections dans d'autres cadres ?

Les maîtres G, je n'en ai pas vu travailler depuis très longtemps selon les stratégies de la rééducation. Le dernier que j'ai inspecté dans ma circonscription précédente ne faisait pas, à mon avis, du travail de rééducation. C'était une ancienne RPP qui faisait un travail de remédiation pédagogique avec des gamins qu'elle prenait dans des CP par rapport à l'apprentissage de la lecture, avec des résultats intéressants sur le plan des apprentissages. Sinon, le dernier maître G que j'ai vu fonctionner c'est dans le cadre d'un CAPSAIS. Je ne sais pas si on peut prendre ça comme référence parce qu'on l'a collé deux fois de suite et qu'en plus de ça, j'ai même fermé ce poste pour m'en débarrasser... (incompréhensible)

Vous pouvez expliquer les raisons de ces échecs ?

Oui, je peux vous expliquer... Quelqu'un qui s'imagine avoir un certain nombre de compétences psycho-machin-truc etc. et qui se lance dans la psychologie de pacotille et sur des choses contractuelles c'est-à-dire qu'il fait signer aux parents etc. le genre de délire, des discours complètement délirants sans que ça n'aboutisse sur rien du tout sinon des questions que les parents peuvent se poser à partir de ce qu'ils disent, de ce qui est contractuel... Il n'a rien à proposer comme démarche pédagogique que des grimpers à la corde, des choses comme ça... Je me pose des questions quant à l'utilité qu'on en attend dans le système éducatif... Maintenant c'est un mauvais exemple parce que je pense qu'il y a autre chose qui se fait dans ce cadre-là. Sinon Le dernier rééducateur que j'ai inspecté, c'est un rééducateur en CMPP. Là, c'est encore différent avec une particularité, c'est que le médecin directeur du CMPP s'est opposé à ce qu'on puisse le voir travailler avec des enfants puisqu'il s'agit de psychothérapie sur prescription médicale. Donc il m'a fait un rapport des difficultés où il m'a expliqué qu'il s'attachait surtout à élaborer une étanchéité entre le CMPP et l'école pour que l'enfant distingue bien les deux. Je n'ai pas vu de maître G fonctionner dans un cadre plus actuel, d'une part parce qu'on n'en envoie plus en formation depuis un certain nombre d'années et d'autre part parce qu'on évite parfois d'aller inspecter... On préfère surseoir...

Quand je dis maître G, quels sont les 5 mots qui vous viennent spontanément ?

Je ne dis pas maître G, je dis rééducateur. Je dis maître chargé de réducations parce que d'abord maître E ou maître G, ça ne veut rien dire et ça nécessite un discours supplémentaire. La rééducation a un statut contractuel, on voit à peu près ce que ça veut dire, un maître G, ça n'a pas de statut contractuel, tout comme je dis un maître chargé d'aide à dominante pédagogique et pas un maître E. Quand je parle de dominante pédagogique, pour moi, ça a un sens, c'est-à-dire que la médiation est une médiation d'apprentissage. Quand on dit maître E, ça veut dire obligatoirement identité du maître E et dès qu'on rentre dans un discours de l'identité on rentre dans un discours qui peut poser les choses en terme de différence, c'est-à-dire comment le maître E se pose en différence par rapport au maître de la classe. J'ai tendance à dire que l'aide à dominante pédagogique, c'est faire de la bonne pédagogie. On n'est pas là dans un discours discriminant en terme d'identité mais on est dans un discours qui montre quels sont les points communs. Quand on dit maître E, maître G, on est dans un discours discriminant et on cherche surtout à les différencier.

Est-ce que je pourrais retenir pour cette première remarque "dénomination inappropriée" ?

Oui, c'est ça, avec l'idée de discrimination inévitable ...

Alors, "dénomination inappropriée" "discrimination inévitable"... Et quels sont les autres mots évoqués par "maître G" ?

Pratiques souvent exotiques, statut médical, concept bizarre à l'école.

Pouvez-vous expliciter davantage ?

...ça évoque des pratiques qui peuvent être des pratiques pédagogiques, mais qui peuvent être aussi exotiques par rapport à la pédagogie. La rééducation a un statut. Elle s'intègre dans un ensemble de prises en charge thérapeutiques. Autant la rééducation, je vois quel statut elle peut avoir dans des structures médicales ou psychiatriques, autant la rééducation dans l'école c'est un concept un peu bizarre à l'école.

Pouvez-vous développer cette idée de concept bizarre ?

C'est un concept un peu bizarre parce que d'abord il se pose comme un détour. Alors si on doit faire un détour, il faut faire un vrai détour, c'est-à-dire que le détour soit fait par du personnel, des instances qui soient à côté. Mais un détour à l'intérieur, par des gens qui se disent de l'intérieur et à qui on désapprend ce qu'ils ont appris pour leur permettre de faire ce détour, il y a quand même quelque chose d'étrange dans la démarche.

Quels sont les 5 mots qu'évoque pour vous l'expression maître E ?

Ce que ça évoque, ce sont des structures, des types de fonctionnement, les classes d'adaptation, les regroupements d'adaptation, les classes de perfectionnement, la prise en charge de la difficulté scolaire dans sa composante pédagogique . Je redis la même chose mais sinon, je n'ai pas d'état d'âme sur la question...

Je voudrais que vous abordiez le différence maître E/maître généraliste...

Je dirais que la différence ne se fait pas sur les outils qui sont utilisés. Je pense que le maître E et le maître dans sa classe utilisent les mêmes stratégies : ils font de la pédagogie, ils font des apprentissages. Le maître E a besoin d'avoir réfléchi un petit peu plus à un certain nombre de démarches pour peut-être disposer d'un éventail de stratégies pédagogiques alors que le maître ordinaire dans la classe fonctionne aussi par rapport à sa personnalité. Et on ne peut pas lui demander non plus - même s'il faut différencier la pédagogie - de se donner un panel d'outils de démarches etc. La première différence, elle se situe à ce niveau-là. La deuxième différence, elle relève d'un confort de travail c'est-à-dire que le maître E a moins d'élèves de manière à pouvoir travailler non en préceptorat mais de manière à pouvoir observer les enfants de façon plus individualisée... pas forcément pour mettre en place des stratégies individualisée parce qu'après la médiation du groupe est importante, mais c'est pour pouvoir observer, recueillir un certain nombre de données, d'informations. Il a besoin aussi d'avoir des informations complémentaires qui relèvent du facteur familial etc... et dans la démarche de projet individualisé, comme il a moins d'enfants, il a des projets qui sont plus raffinés mais après sur un plan pédagogique, je crois qu'ils font la même chose.

Quelles sont les différences de pratiques entre maîtres E et maîtres G ?

Il y a d'abord la différence qu'ils fondent eux-mêmes c'est-à-dire que le maître G revendique une terminologie plus médicale. Il parle de prise en charge. Il se situe plutôt dans la prise en charge individuelle, il va travailler avec un enfant, mais même s'il y en a deux, on est dans une approche plus individuelle alors que le maître E, que ce soit en regroupement ou en classe d'adaptation, se situe dans le cadre d'une médiation de groupe avec une terminologie qui reste scolaire. Ensuite la distinction se fonde aussi sur les textes qui définissent les missions, l'un ayant comme outils de médiation les apprentissages et l'autre ayant davantage comme outil de médiation la personnalité de l'enfant puisqu'il s'agit de restaurer un certain nombre de fonctions, d'apprentissages mais pas directement par le biais des apprentissages et quelquefois par le biais de ce qu'est l'enfant, de l'image de soi etc... Il y a d'un côté un travail qui est médiatisé par les apprentissages et d'autre part un travail qui se veut médiatisé par un travail sur la personne.

Est-ce qu'il y a une différence de clientèle ?

Il devrait.

Et elle devrait se manifester comment ?

A mon sens, si les réseaux fonctionnent, ça suppose qu'on analyse les difficultés des enfants et qu'on fasse la distinction entre ceux qui ont besoin de remédiation en terme d'apprentissages et ceux qui ont de réels problèmes de personnalité et pour qui ces problèmes sont un obstacle. Or on sait très bien que les choses ne sont pas comme ça et que souvent quand il y a un rééducateur dans une école il prend les enfants de l'école indistinctement et quand il y a un maître E qui est dans un autre secteur c'est lui qui prend les enfants et dans les projets on retrouve toujours un recentrage du travail de manière à faire en sorte que l'enfant y corresponde... ça c'est une observation toute simple. J'ai une école où il y a un maître E et il y a 27 % des enfants qui sont pris en charge par le réseau d'aides. Ils vont tous chez le maître E. Il y a une école où il y a un rééducateur, il y a 16 % des enfants qui sont pris en charge par le rééducateur... parce qu'il est là, il a une salle... il a un confort de travail... C'est ça que je veux changer. Je veux qu'on en arrive à des situations d'analyse et non plus de travail en fonction des structures parce que la notion de réseau n'existe pas. Le nombre de fois où la synthèse est faite pour savoir comment se positionne l'enfant par rapport à sa difficulté et de quoi il a besoin... j'irais même plus loin : on a des maîtres G qui sont d'anciens RPP qui dans leur secteur font essentiellement de la remédiation par rapport à de l'apprentissage et on a des secteurs où on a des RPM qui ne font que de la motricité, indépendamment de l'analyse de la situation de l'enfant... ça c'est une réalité de fonctionnement... Alors ça tient peut-être aussi à la mise en place des réseaux qui ont éclaté les personnels sur différents secteurs. La notion de réseau n'existe pas...

Est-ce qu'il existe des ressemblances entre maître E et maître G ?

... Non, c'est une question pour laquelle j'aurai du mal à répondre. On est plutôt dans le discours qui discrimine. Et même sur le plan statutaire on sait très bien que le problème des E c'est que quand ils ont la pratique de la classe, ils sont tenus à 26 heures etc... Les maîtres G ont réussi à avoir 3 heures de synthèse par semaine donc ils ne font que 24 heures après il y a les psychologues scolaires et chacun essaie de se positionner. La seule question qui est en train de se mettre en place actuellement c'est que les maîtres E sont en train de se placer dans une identité où ils réclament progressivement le fait de basculer vers le fonctionnement des maîtres G, c'est-à-dire prise en charge individuelle, participation aux synthèses, de moins en moins chauds pour tenir des classes d'adaptation mais plutôt pour tenir des regroupements d'adaptation, c'est-à-dire que là on a une identité qui bascule vers autre chose mais pour des raisons qui sont plus à mon sens statutaire et de valorisation personnelle parce qu'il y a peut-être aussi une chose qui est dans les esprits, dès qu'on est un petit peu du côté médical ou paramédical etc., c'est souvent plus valorisé que lorsqu'on est sur le versant pédagogique. Si on part du maître ordinaire, il y aurait un effet de distance et plus on est à distance et plus on est spécialisé et plus on est valorisé. D'ailleurs le maître G, à l'époque rééducateur, c'était une sur-spécialisation. Encore actuellement il y a encore cette revendication de sur-spécialisation et on a beaucoup de spécialisés qui demandent la formation G comme une sur-spécialisation.

Y a-t-il une fonction qui joue un plus grand rôle ? Si oui pourquoi ?

A quel point de vue ?

L'efficacité, l'utilité par exemple...

Ah ça... Mais là on entre dans des appréciations qui sont probablement subjectives... mais qui tiennent aussi au fait qu'on ne sait peut-être pas évaluer les choses. Les résultats d'une classe d'adaptation, je suis capable de les évaluer. Il y a des choses tangibles, des gamins qui rentrent dans une difficulté ou on voit où ils en sont de la difficulté. Des gamins qui sont pris en charge en rééducation, je ne dis pas qu'il ne s'est rien passé mais je dis que sur le plan de l'efficience scolaire, soit on n'a rien fait soit, on ne voit pas de résultats, soit on n'est pas en mesure de faire quelque chose. De là, je pourrais dire que les classes d'adaptation sont plus efficaces que... Mais ce serait un discours qui n'est pas recevable parce qu'on n'a pas les outils... Par contre dans le champ des apprentissages, il est clair que j'ai de la lisibilité sur ce que font les maîtres E alors que je n'en ai pas sur ce que font les maîtres G.

Est-ce qu'on pourrait imaginer une fonction qui allie les deux types d'aide ?

Surtout pas.

Pour quelles raisons ? Vous pouvez expliquer ?

Je crois qu'il faut faire preuve de simplicité et qu'à force de monter des dispositifs trop complexes avec trop de complémentarité, trop d'approches croisées, on finit par ne plus rien faire de bon.

Est-ce que vous pouvez préciser alors les aspects positifs de la différenciation E/G telle qu'elle existe ?

Moi, je n'en vois pas beaucoup d'aspects positifs, sinon que ça crée des tensions entre les personnels, ça crée un système ingérable en terme de réseau, ça crée des systèmes de revendication interne de positionnement, de recherche d'identité, c'est tout à fait le "foutoir", excusez l'expression...

Alors quelles seraient les solutions pour améliorer le système d'aides ?

Pour rendre le système plus efficace, je crois qu'il faudrait d'abord clarifier les discours et savoir ce que l'on sait faire et ce que l'on peut faire. Et si les aides qui constituent les restaurations personnelles ne sont pas de notre ressort, je crois qu'il faut les négocier ailleurs.

Donc d'une certaine façon les privatiser ?

Oui, les rendre à la Santé ou les organiser extérieurement, éventuellement oui.

Quels conseils donneriez-vous à un jeune intéressé par un poste de maître E ou G en réseau d'aides spécialisées ?

Je lui dirais que... d'abord, je ne décourage personne d'une part parce que le système existe pour l'instant, les missions existent, donc je n'ai pas à avoir d'état d'âme sur leur existence. A partir de ce moment, il faut essayer de les faire vivre le plus efficacement possible. Je ne suis pas dans une perspective où je vais essayer de fermer les postes G, il y a un équilibre à trouver. Là on est dans le ressort de la décision politique et c'est autre chose, ensuite, il peut y avoir des intérêts personnels à faire ça donc je comprends qu'on puisse trouver à se ressourcer, je pense qu'il y a aussi des gens qui font du travail intéressant. Individuellement, je crois qu'il y a des gamins qui en profitent mais dans l'analyse globale de ce qui se passe, je ne leur dis rien de particulier sauf "faites ce que vous avez envie de faire"...

Est-ce qu'on peut revenir sur la typologie des tâches effectuées par un réseau. Comment s'organise le travail d'un réseau ?

Il y a plusieurs choses. Il y a ce qu'on peut attendre d'un réseau et ce qui se fait effectivement. Ce qu'on peut attendre, c'est que par rapport aux aides demandées, qu'il y ait une analyse de la difficulté, de manière à permettre éventuellement aux maîtres des différentes classes de la traiter eux-mêmes. C'est une première aide au maître de la classe. Dans ce sens-là, je pense que les psychologues scolaires peuvent avoir un rôle important à jouer. Je dirais en terme de conseil pédagogique, c'est-à-dire avoir un regard extérieur par rapport à l'enfant et donner un certain nombre d'indications aux maîtres, c'est-à-dire que la prise en charge n'est pas forcément faite par du personnel extérieur à l'équipe de maîtres. Il y a ce premier niveau qui généralement n'est pas bien réalisé, d'une part parce que les personnels des réseaux ne sont pas forcément reconnus par leurs collègues sur le plan pédagogique et d'autre part parce qu'ils se situent bien souvent en dehors du champ pédagogique, en refusant de rentrer dans le champ ou le débat pédagogique... Donc il est difficile d'exploiter ce premier élément d'analyse... Le deuxième élément, c'est la prise en charge directe des enfants, j'entends un certain nombre d'enfants dont les difficultés ne peuvent pas se traiter au sein de la classe... quelquefois, par rapport au maître de la classe, il a l'impression d'être un peu moins tout seul... Psychologiquement, ça fait plus de bien au maître qu'à l'enfant. Il y a une autre fonction que par contre je récuse, c'est une fonction qui consiste à faire des examens systématiques. Les gamins rentrent en CP, on leur fait passer à tous des bilans etc. Il y a des maîtres qui le réclament et puis ensuite on dit au maître : "Voilà celui-là il peut apprendre à lire, celui-là il est en grande difficulté". Je crois qu'on n'a pas besoin de ça, mais d'une analyse plus fine de la difficulté avec des outils différents mais ça ne doit pas se substituer à l'analyse des maîtres de la classe. Je verrais ces deux grandes fonctions : analyse de la difficulté et une fonction de conseil. Mais pour ça il faut vraiment que les maîtres de réseau restent accrochés à la chose pédagogique et qui de temps en temps au lieu de travailler en salle travaillent aussi en classe avec les enseignants et puis donc la partie de prise en compte de la difficulté et d'aide directe à l'enfant.

Est-ce que vous pouvez raconter une action exemplaire positive ou négative conduite par le RASED?

Non.

En ce qui concerne les départs en stage de préparation au CAPSAIS, quels sont les critères de sélection des candidats ?

Pour l'instant il n'y en a pas beaucoup. Pour cinq stagiaires qu'on envoie, on a quatre candidats. C'est difficile de les sélectionner... ça tient au fait que les formations vont se faire par alternance et que les candidats sont obligés de prendre (incompréhensible) et qu'il y a une baisse d'enthousiasme pour les départs en stage. A partir du moment où les candidats sont des enseignants qui font correctement leur boulot il n'y a pas de raison à s'opposer à un départ en stage et puis après c'est le barème.

Pouvez-vous citer les 3 livres ou auteurs principaux recommandés lors de la formation E ?

Non.

Même question pour la formation G.

J'ai vu un truc le cas de Pierre ou Paul, je ne rappelle plus du titre, ça avait l'air de servir de bréviaire aux maîtres G du département. Je n'ai pas retenu le nom de l'auteur.

Que pensez-vous de la qualité actuelle de la formation E ?

...

Et la formation G ? Quelles en sont les insuffisances ? Les points forts ?

Non, je n'ai que des avis indirects dans la mesure où quand on a rencontré les formateurs qui s'occupent des maîtres G, ça nous a inquiétés plutôt qu'autre chose... enfin moi ça m'a inquiété. Quand on nous explique qu'on commence par leur désapprendre ce qu'est le métier d'enseignant pour qu'ils puissent pratiquer un détour ça peut paraître bizarre, d'autre part depuis des années les formations G sont conduites dans une perspective très psychanalytique etc., et les gens qu'on récupérait étaient inutilisables pendant pas mal de temps... donc voilà...

Qu'est-ce que vous entendez par "inutilisables" ?

Déconnectés de la réalité, refus de parler de pédagogie, d'aller aux conférences pédagogiques, revendiquant un travail d'une autre nature, disant "on travaille sur un autre versant, sur le plan de la personnalité de l'enfant" et il y a là des pratiques étonnantes...

Quels sont les cinq mots qu'évoque pour vous la réussite à l'école ?

... Difficile ! (rires)... Equilibre, diplômes, adaptation, à l'école il faut être adapté, il faut aussi qu'elle sache s'adapter...

Comment voyez-vous l'avenir des RASED ?

Je ne sais pas... ça dépendra des orientations qui seront données...

Quelles sont vos intuitions par rapport à ça ?

Il y a des rumeurs qui circulent... Les RASED devront focaliser leurs actions à deux niveaux, la prévention d'une part, avec en particulier un travail à l'école maternelle, et d'autre part la prise en compte des difficultés au cycle 3. Ce qui veut dire que dans cette perspective on est dans une perspective radicalement différente de la perspective actuelle puisqu'on a concentré les aides du réseau au cycle 2 quand la difficulté commence à se structurer etc., avant on disait : "pas trop tôt il faut laisser le temps à l'enfant de mûrir", maintenant on dit : "bon il faut prendre les choses dès le départ, ne pas laisser s'installer les choses ce n'est pas une question de maturité, c'est bien un travail qui s'impose très, très vite"... et ensuite ça voudrait dire : "laissons les apprentissages se monter sans forcément différencier et regardons au cycle 3 ceux qui sont en difficulté lourde, c'est peut-être de ceux-là dont il faudra s'occuper". Il est probable que cette orientation tient aussi à l'histoire de l'AIS et à la transformation des classes de perfectionnement en CLIS. Depuis que cette transformation s'est fait selon les règles, c'est-à-dire en réservant aux classes d'intégration les enfants qui avaient un réel handicap et en reversant dans le circuit ordinaire les autres élèves des anciennes classes de perfectionnement, on ne sait plus trop comment les prendre en charge, comment les prendre en compte de façon permanente. Que peut-on faire pour eux en classe ordinaire ou avec des aides ponctuelles ? Il est possible que les réseaux se recentrent là-dessus mais actuellement ce sont des orientations qui sont données. Alors tout peut arriver...

De façon plus générale, comment considérez-vous la place et le rôle des aides à l'école ?

... Les aides au sens large... Je l'imagine davantage dans un travail de proximité avec les enseignants. C'est vraiment un travail avec le maître de la classe pour analyser les difficultés d'un enfant que ce soit sur le plan psychologique, sur le plan pédagogique ou sur le plan de la structuration personnelle de l'enfant, son appétence pour les apprentissages etc. Mais je ne le vois pas comme un dispositif qui est à côté, ce qu'on observe actuellement, c'est-à-dire quand on veut aider un enfant on peut le fait sortir de la classe et ça, ça pose un double problème : d'une part en classe il y a une histoire et un enfant qu'on sort régulièrement de la classe perd une partie de cette histoire et puis d'autre part ça crée chez le maître de la classe l'idée que ce n'est pas lui qui s'occupe des enfants en difficultés puisqu'il y a le réseau, il y a des structures qui sont à côté, parallèles et en même temps je pense qu'il n'y a pas beaucoup de dialogues sur la situation de l'enfant. Donc ces aides je les verrais rentrer dans la classe. Symboliquement, je pense qu'il faudrait fermer les salles particulières dans les écoles pour obliger les aides à travailler dans la classe avec le maître et à pouvoir échanger sur la situation d'un enfant. Je les vois comme un regard complémentaire à l'intérieur de la classe avec des outils différents mais vraiment intégrés à la classe. Il faut pratiquer l'intégration...

Avez-vous d'autres remarques à formuler ?

(...)

Une dernière question, facultative... Pour quelles raisons êtes-vous devenu inspecteur ?

Je ne sais pas... parce que j'étais maître formateur et qu'à un moment j'ai eu envie de faire autre chose, changer de statut, évoluer personnellement, prendre plus de responsabilités, voilà...