Entretien E08 Claude (F)

Age : 45 ans

Profession : IEN AIS

Diplômes : Maîtrise de Sciences de l'Education (92)

Claude : cursus professionnel (cf. légende profils de carrière A1 pp. 43-44)
Claude : cursus professionnel (cf. légende profils de carrière A1 pp. 43-44)

Lieu de l'entretien : centre de formation

Durée : 1 heure 5 mn

L'enregistrement est parfois difficilement audible ce qui a demandé une écoute parfois répétée.

Quels sont les 5 mots qu'évoque pour vous l'expression "enfants en difficulté " ?

Apprentissages fondamentaux, culturel, exclusion, différence, problème

Pouvez-vous expliquer le choix de chaque terme ?

Apprentissages fondamentaux, je fais référence au fait qu'à chaque fois qu'on me livre un cas ou que j'ai connaissance d'un cas, c'est toujours lié aux apprentissages fondamentaux de la lecture et de l'écriture donc aux apprentissages scolaires. Culturel, je le relie exactement à ce qu'on me dit souvent : "oh, mais avec le milieu socioculturel présent, avec leur famille socialement et culturellement défavorisée, c'est normal que"... Exclusion ça me renvoie à : " je peux pas faire dans ma classe, il faut que quelqu'un d'autre s'en occupe. Différence, je n'aurais pas dû dire différence, j'aurais dû dire différenciation, c'est-à-dire que je fais référence encore une fois aux premiers propos, c'est qu'on ne sait pas différencier dans la classe. On dit ne pas savoir faire. Et problème : c'est que l'enfant en difficulté est situé comme n'étant pas, ne faisant pas, je relie encore une fois à exclusion, c'est-à-dire ne faisant pas partie de la masse des élèves qu'on doit gérer et avec qui on doit travailler, c'est-à-dire qu'on renvoie toujours à l'extérieur. Peut être que le mot que j'aurais dû dire en premier c'est exclusion, je le sens comme ça.

Cherchez le visage d'un enfant en difficulté scolaire que vous avez eu l'occasion de rencontrer dans votre vie professionnelle. Pouvez-vous présenter brièvement ce qui se passait ?

J'en ai un très précis que j'ai rencontré en étant institutrice de maternelle ça fait très longtemps, au début de ma carrière... et pour lequel je n'étais pas du tout armée. Ce qui me posait des problèmes, à moi en tant qu'enseignante, un enfant pour lequel je ne savais pas quoi faire et à l'époque je me souviens très bien m'être battue très très longtemps. Il relevait nettement d'IME. D'ailleurs, il y était allé au bout d'un certain temps. J'ai un visage vraiment, un visage.

Pouvez-vous citer les émotions qui vous animaient face à lui...

L'impuissance.

Pouvez-vous retrouver une action particulière conduite pour tenter de remédier à cette situation

Je me souviens avoir tenté.. Tout ce qui maintenant me revient en tant qu'IEN AIS souvent, ou en tant qu'IEN, c'est-à-dire mettre en jeu les commissions, les décisions, les orientations vers un établissement... Et avoir toujours l'impression que finalement rien n'a été fait suffisamment tôt, suffisamment vite, suffisamment comme on aurait voulu quoi, en terme de prise en charge. Ce gosse-là, c'est même plus un gosse, c'est un adolescent que j'ai revu. Son visage me revient très bien parce que j'habite dans le village où j'étais directrice à l'école et donc je le revois en tant qu'adolescent maintenant, jeune adulte. Donc il a fait l'IME et il s'en sort bien finalement et c'est lui qui me revient oui, comme ma première difficulté d'enseignante.

Quels sont les 5 mots qu'évoque pour vous le sigle RASED ?

Equipe, identité professionnelle... liens forts avec l'équipe éducative... aider et collaborer.

Pouvez-vous expliquer davantage ?

Pour moi ce qui vient en premier c'est équipe... C'est surtout des professionnels qui doivent savoir définir clairement leur identité professionnelle... leur place... ce qu'ils doivent faire et ne pas faire. Ce qu'ils doivent faire, c'est collaborer avec l'équipe éducative, ne pas rester à côté, pour aider vraiment.

Pouvez-vous évoquer un enseignant face à un enfant en difficulté dans sa classe. Quels sentiments s'éveillaient en lui ? Comment réagissait-il ?

... ça va être très dur parce que si je suis très honnête la première image qui me reviens là, c'est effectivement une première expérience d'IEN AIS un premier CAPSAIS et une personne... comment dire ?... qui n'a pas été reçue à son CAPSAIS, qui notait dans les dossiers : "est nul, a une famille avec un père alcoolique, une mère machin etc... est nul et on ne pourra rien en faire". Ça c'est une première image, heureusement ce n'est pas la seule... Elle se positionnait très mal comme enseignante, c'est un peu le Moyen-Age, c'est vrai. "On ne pourra rien faire, compte tenu de ça hein, de son antécédent, de son génétique plus ou moins (rires) posé d'office, on ne pourra rien faire"...

Pour résumer, peut-on dire qu' elle avait une attitude très fataliste, alors qu'elle etait payée pour aider cet enfant ?

Oui. Mais ce n'est pas un bon exemple.

Est-ce que vous pouvez raconter brièvement, les dernières inspections de maîtres spécialisés en RASED ?

Eh bien non, je ne peux pas, je ne peux pas parce que je n'ai pas de réseau à charge. Je vais prochainement en faire, je suis associée avec un collègue du département à l'évaluation des réseaux d'aide et à leur inspection. Je n'ai que l'expérience du CAPSAIS. Je n'ai pas d'inspection régulière.

Alors, est ce que vous pouvez néanmoins définir les pratiques de maître E ?

Je ne sais pas si ça va vous aider, ma réflexion. J'ai fait un bilan départemental et j'essaie effectivement de voir avec les collègues ce qu'on peut en tirer. Pour moi les maîtres E, non je ne devrais pas dire les maîtres E, mais certains maîtres E, ou non... Ma problématique à moi, ma réflexion c'est : " Est-ce qu'on se positionne bien en tant qu'aide spécialisée ?" ou "Est-ce qu'on est positionné en tant que soutien, maître supplémentaire dans une école ?" Autrement dit, "Est-ce qu'on sait se positionner en disant non à une certaine demande ?" C'est ça qui m'interroge beaucoup... entre aide spécialisée et aide de soutien, un maître supplémentaire dans l'école en quelque sorte. On a certains maîtres E qui répondent à la demande, qui se sentent à mon avis... qui n'ont pas... qui ne sentent pas bien, qui ont envie de faire et qui répondent à une demande immédiate sans analyse. Et dire non ça ne relève pas d'abord de mon action mais de celle des maîtres E qui doivent conduire des actions spécialisées quand même.

Quand je dis maître E, quels sont les 5 mots qui vous viennent à l'esprit ?

Le premier c'est spécialiste, le 2ème c'est non, non à beaucoup de choses, le 3eme ce serait équipe parce que le non il est déjà dans équipe et il est justifié, le 4ème aide et le 5ème identité professionnelle. Ça revient à ce que je disais-là, c'est-à-dire qu'il faut se positionner, pour moi ce n'est pas si simple, en ayant une identité professionnelle affirmée, en disant : "Je ne suis pas là pour prendre en charge, surtout pas" donc peut-être que le mot qui viendrait là ça serait aide, aider, pas prendre en charge. Prendre en charge, pour moi signifie prendre complètement en charge. Et je trouve que ce n'est pas ça, le maître E pour moi c'est complémentarité d'action pédagogique avec un maître ordinaire. Ce n'est pas la même chose, c'est une autre chose, un détour, je sais pas si je l'avais dit encore, un détour pour trouver la solution pour faire élargir les compétences, les connaissances chez l'élève. Mais ce n'est surtout pas... surtout pas le renvoi, la prise en charge par les maîtres E. Je les sens actuellement dans le département, comme ailleurs je suppose, très mal à l'aise... Quand je vois le nombre de prises en charge justement qui sont données, quand je vois un maître qui prend 50 gamins en charge dans une école je me dis : "Ce n'est pas possible". On nous renvoie tout, tout, tout. Donc positionnement, non je ne peux pas tout accepter, aide spécialisée, détour, tous ces mots-là...

Quelles sont les différences entre le travail du maître généraliste et celui du maître E?

Pour moi le maître E, il a à mettre en place des actions quand finalement, c'est un peu trivialement dit, quand finalement les actions mises en place dans la classe n'aboutissent pas, en terme de soutien. Ce que j'entends par soutien, on met en groupe, on différencie... bon c'est la circulaire de 1977 finalement... Le maître E intervient à mon avis quand il y a une remédiation réelle à mettre en oeuvre avec toute la spécialisation c'est-à-dire toute la compétence face à la difficulté, voire au handicap parce qu'on est toujours un petit peu dans la limite... Le maître E met d'autres systèmes, d'autres dispositifs pédagogiques en place. Il ne reprend sûrement pas ce que l'enseignant met en place dans sa classe...

Quand je dis maître G, quels sont les 5 mots qui vous viennent spontanément ?

Je prendrais les mêmes que pour maître E... en tant que spécialiste... et je prendrais le même en disant non, je prendrais le même en disant choix, choix d'aide et non pas prise en charge aveugle et je reprendrais identité professionnelle et complémentarité.

Est-ce qu'il y a des différences par rapport à l'explicitation de ces termes... dans la comparaison avec les mots évoqués pour le maître E ?

Pour moi il y en a une. Il y a un positionnement aussi professionnel du maître G qui doit être sa première qualité ou sa première fonction professionnelle, c'est de dire : "A quel moment j'interviens ?"... On peut reprendre les textes officiels, moi ils me plaisent bien, en disant : "Qu'est-ce que j'ai à faire auprès d'un gamin ? Quel est mon rôle, en terme de restauration, de problématique ? Donc je renvoie à l'équipe éducative, systématiquement.

En vous appuyant sur des exemples concrets vus en inspection pouvez-vous définir le travail du maître G ?

J'ai envie de dire, c'est un corps à corps avec l'enfant.

Vous pouvez préciser ?

Pas forcément, enfin je ne sais pas, je ne peux pas forcément préciser parce que je ne suis pas maître G et quand je vois travailler un maître G en CAPSAIS particulièrement (...) pour moi le maître G c'est lui qui désigne sa pratique professionnelle par rapport à une théorie. Il se positionne. Je reprends le positionnement. Pour moi l'essentiel du travail du réseau en général, c'est comment on se positionne face à la difficulté de l'enfant et face à l'équipe pédagogique. Son positionnement va être plutôt plutôt psychanalytique ou s'il est formé à tel endroit, plutôt remédiation cognitive. Moi, j'accepte un positionnement professionnel. Je pense que c'est à lui de se positionner et de se positionner par lui même.

Quelles sont les différences de pratiques entre maîtres E et maîtres G ?

Le maître G n'est pas pour moi dans le pédagogique immédiat. Il est à coté du pédagogique, avant, pendant, après, je ne sais pas comment on peut dire. Il n'est pas dans le pédagogique. Et le maître E, pour moi, il est dans le pédagogique. Complètement. Non, enfin si, il devrait l'être, mais ceci étant dit, je pense que les maîtres E ont pour moi une qualité, c'est qu'ils prennent en compte l'entité, l'entité de la personnalité, de l'élève ou de l'enfant comme on veut. Donc ils sont dans le pédagogique, mais dans le pédagogique bien pensé. Pour moi, si vous voulez, quand même pour aller au fond des choses, tout maître dit ordinaire devrait être un maître E, pas forcément un maître G, parce que le maître G pour moi se situe pour l'enfant, enfin moi j'en ai vu fonctionner, des gens extraordinaires... Ils permettent à l'enfant de se sortir de ce contexte complètement pédagogique et scolaire pour dire autre chose. Donc je les différencie un petit peu par rapport à ça.

Quels sont les points de ressemblance ?

La ressemblance forte c'est que justement ils arrivent à prendre compte cette difficulté et à analyser cette difficulté et donc à se répartir quelque part. Leur fonction entre les deux pour moi, c'est se répartir dans un réseau entre : "Qu'est-ce que je prends en compte ?", "Qu'est-ce que tu prends en compte en tant que maître E, en tant que maître G ?", "Qu'est ce qui se croise ?"... parce que ça peut se croiser aussi... et "Comment j'analyse la situation ?" Leur communauté de pensée, c'est quand même une pensée positive, pour moi.

Lors de la passation de la partie pratique du CAPSAIS quels sont les critères d'évaluation des candidats, à commencer par le maître E ?

On peut prendre les deux à la fois. Pour moi en tant que IEN AIS si vous voulez et en me positionnant très bien en n'étant ni maître E, ni maître G, c'est-à-dire que je crois qu'un IEN n'a pas à être un spécialiste de tout. Je n'ai pas les compétences sur tout, quel que soit le CAPSAIS A,B,C... Il y a une compétence professionnelle technique, il y a un regard extérieur, et pour moi le plus important c'est le positionnement professionnel dans toute l'éducation, dans une école. C'est vraiment pour moi l'essentiel.

C'est la capacité à expliciter que vous retenez?

Oui

Quels conseils donneriez-vous à un jeune intéressé par les métiers de maître E et G ?

Qu'est-ce que je lui dirais ? Et bien, je vais lui dire, on ne se substitue pas à l'action du maître, on se pose en marge et donc c'est très difficile de se positionner en marge sans avoir une responsabilité entière.

Quelles sont les différences de "clientèle" entre maîtres E et maîtres G ?

Houla ! Bon, si j'observe un petit peu ce qui se passe de façon un peu brute, sans analyse plus approfondie, il me semble que le maître G on lui renvoie les troubles du comportement et le maître E, quand on ne sait pas trop faire. Je le sens comme ça. Je ne suis pas sûre qu'on renvoie de façon très claire entre maître E et G .

Est-ce que j'ai bien entendu ce que vous disiez, est ce qu'on pourrait dire que le maître E intervient surtout pour pallier les défaillances de l'enseignant ?

Qui ne sait plus... Oui, je pense que oui... Peut-être que le maître G aussi quand même. Les deux pour moi, bon.Il me semble que la grosse dérive actuelle c'est çà, c'est qu'on les prend comme palliatifs et pas comme acteurs réels de l'équipe. Et ce qu'on renvoie de façon très claire, je n'en sais rien, je crois qu'on renvoie plutôt à celui qui est là et... dans le couloir... et tu me le prends, je ne sais plus faire, c'est un peu ça quand même.

Est-ce qu'il y a des critères d'âge qui interviennent au niveau du public qui est pris par les E et par les G ?

Alors c'est très drôle ce que vous dites là parce qu'il y a des critères d'âge qui ont été en partie énoncés par le texte des réseaux d'aide et qui ne sont pas réels d'ailleurs, GOSSOT le dit bien, c'est qu'on voit des cycles 1 et des cycles 2. Bien, très bien, quand je fais l'analyse départementale et que je renvoie avec mes collègues IEN, je m'aperçois malgré tout que dans l'enquête, j'ai énormément de cycles 3. Donc je crois qu'il y a une différence entre le parler, le dire et l'écrit, mais je n’ai pas analysé plus que ça et je trouve que c'est très impressionnant. J’ai communiqué les résultats de l'enquête départementale à une collègue dernièrement et elle m'a dit : "Ce n'est pas possible, mes réseaux m'ont dit qu'ils avaient une fonction de prévention, au cycle 1 ou 2 ». Je lui ai dit : "Ecoute, tes réseaux sont remarquables parce qu'ils prennent beaucoup en aide les cycles 3". Entre le dire et le faire, ce qui revient à ce qu’on disait c'est-à-dire " tu me le prends parce que je n'en peux plus", je crois qu'il y a tout ça ... on a des décalages qui sont extraordinaires quand-même...

En quoi la différenciation E/G vous semble-t-elle pertinente ?

Pertinente, elle me semble pertinente parce que justement l’action professionnelle n'est pas du tout fondée sur une même théorie, c'est-à-dire que pour moi, il y a une différenciation essentielle, c'est qu'un maître G, moi tout me laisse à penser qu'un maître G il a une fonction essentielle actuellement sur le comportement. Le maître E, moins, même s'il la contient, son action n’est pas en prise directe sur le comportement, bon c'est peut être très (incompréhensible) ce que j'ai dit, mais pour moi la différenciation, elle est essentielle.

Existe-t-il des glissements de pratiques entre E et G ?

Oui et on revient au premier terme, qui est de dire que quand on ne sait pas se positionner professionnellement - ou quand on ne peut pas ou peut-être qu'on ne veut pas - on a deux points qui émanent des équipes qui sont, une demande d'aide, une aide au sens large et qui devient une... je le reprends vraiment comme ça, "tu me le prends, je ne peux plus". Et donc avec "tu me le prends, je ne peux plus", c’est celui qui est là qui va prendre et une analyse de la situation n’est pas possible. Il y a des crises, il y a des urgences, je ne sais pas. Sur le terrain ce n’est pas si simple. Moi je vois des G qui font du soutien, des G qui vont en groupe maternelle faire du langage et je suis profondément en désaccord avec ça, parce que je pars de l’identité professionnelle, pour moi c’est la base.

A votre avis, est ce qu’il y a une fonction qui joue un plus grand rôle ?

Pour moi non, par contre dans la représentation qu’on s’en fait et dans les commentaires qu’on peut en avoir, il est certain que pour moi, actuellement, les maîtres G sont très mal dans leur peau, dans leur situation de maître G, pour x raisons dont peut-être le rapport GOSSOT entre autres, qui n’a pas été tendre dans son étude mais les maîtres G sont très très mal, ou mal reconnus... Mais alors, pour moi non, très sincèrement. Par contre j’ai une grande interrogation, c'est pourquoi dans mon département mais peut être dans d’autres, je ne sais pas, les maîtres G en poste fuient, vont faire autre chose, cherchent autre chose.

Pour aller où par exemple...  ?

J'en prends un qui n’est pas peut être très révélateur. Auprès de moi, en tant que conseillère pédagogique j’ai eu une maîtresse G et E d’ailleurs, j’en ai eu 2, mais G en dernier, qui me disait, "Je ne pouvais plus travailler"... J’ai à l’école des enfants malades une personne qui est là, qui est en réadaptation, qui ne pouvait plus travailler... J’ai une maîtresse G qui fait quoi actuellement, je ne sais plus, enfin bon, il y en a 5 ou 6 comme ça. Moi bon, c’est très ténu ce que je vous dit , ce n'est pas analysé non plus, mais j’ai une impression de fuite.

A votre avis, faut-il maintenir les deux types d'aide ? Pourquoi ?

Oui, pour la raison évoquée tout à l’heure, c'est-à-dire leur essentielle différentiation, essentielle.

Pourrait-on concevoir une fonction unique qui allierait les deux types d'aide ?

Non, on ne peut pas... ça rejoint, vous allez peut être me dire que je dévie et que ça ne vous intéresse pas, mais ça ne fait rien. J’ai eu une conversation très récemment avec une maîtresse G, encore une, qui est partie enseigner en SEGPA, auprès d’adolescents en difficulté en n’ayant pas l’option F, et que j’ai inspectée très récemment et qui est une fille extraordinaire et qui me disait "Mais le rôle du maître G en SEGPA auprès d’adolescents serait essentiel ". Il n’existe pas en tant que tel. Pourquoi je vous dis ça... pour moi effectivement il y a un rôle essentiellement différent. Et je lui disais : "Mais oui, moi je serais d’accord pour tenter une expérience, si j’avais les moyens de le faire et je vais essayer d’avoir les moyens de le faire, c’est-à-dire qu'elle rejoue un rôle de rééducateur ou d’écoute médiation auprès des adolescents dans les collèges... et je me disais : "Oui, mais pour moi on ne peut pas être à la fois maître G, médiateur écoute et enseignant aide pédagogique, ce n'est pas possible". On ne peut pas se faire repérer par les élèves de la même façon, c’est impossible. Le maître G est repéré d’une certaine façon par les élèves... il se situe dans un cadre rééducatif, face à l’élève. Il ne peut pas être une fois ça, une fois l’aide pédagogique, une fois celui qui va dire, une fois celui qui vous porte, ce n'est pas possible.

Le système d'aide actuel est-il efficace ?

C’est difficile à dire, très difficile. Efficace sans doute, pour moi, mais je pense qu’on ne lui demande pas tout ce qu’on pourrait lui demander. C’est à dire que je pense qu’on lui demande de faire, je reviens au premier, voyez c’est mon propos, on lui demande de faire des choses pour les familles mais pas, il n’est pas là pour faire ce qu’il a à faire. C’est-à-dire que je pense qu’on surexploite les maîtres E et les maîtres G dans les réseaux. C’est la dérive du réseau, souplesse du dispositif par rapport à un GAPP, est qui est une dérive qui ne passe plus par un contrôle de la CCPE, je ne suis pas pourtant pour un contrôle à tout coup... mais qui fait qu’on demande aux gens de prendre en aide énormément de gamins et on revient au non, positionnement et tout ça. Pour moi, ma réflexion elle se situe vraiment autour de ça.

Et qu’est ce qu’on pourrait mettre en place pour que justement ce système soit plus efficace, qu’on ne tombe pas dans les dérives dont vous parlez ?

...Je sais pas trop, mais il me semble que, ma réflexion à moi, c’est que les psychologues se situent beaucoup trop en tant que contrôleurs ou directeurs ou chefs, je ne sais pas, des réseaux. Il me semble que le coordinateur ne devrait pas être interne au réseau. Je ne dis pas contrôleur, je dis coordinateur, peut-être, mais c’est vraiment en vrac, parce que je ne sais pas.

Comment concevez-vous votre rôle au sein du RASED ? Quel temps y consacrez-vous? Quelle importance y attachez-vous ?

Si j’en avais, je ne peux pas dire si j’en avais, parce que j’ai eu l’occasion très intéressante de travailler en collaboration très étroite avec un IEN premier degré sur les réseaux de sa circonscription. On a mis en place un protocole non seulement d’analyse qualitative, quantitative, de ce qui se passait et maintenant d’évaluation vraiment externe, à deux, intégrant une analyse individuelle et puis une évaluation de ce qui se passe, je crois que le rôle c’est de... il est là le rôle, aider les gens à faire le point sur leur propre pratique.

Et quelle importance attacheriez-vous à cette tache là par rapport à l’ensemble des tâches d’un IEN ?

Je ne vais pas être très objective en fait, je ne peux pas être très objective dans cette situation parce que pour moi mon rôle par rapport aux IEN du premier degré serait celui là particulièrement, moi j’y attache beaucoup d’importance parce que j’ai fait un mémoire il y a quelques années de ça, un mémoire en formation d’IEN sur l’évaluation des réseaux d’aide. Donc je disais que le réseau pour moi c’est la plaque tournante de l’école. On m’a dit que j’étais un petit peu outrancière, bon peut-être, pour moi le réseau c’est la plaque tournante, si le réseau fonctionne comme il le faut, enfin comme il le faut, comme il le faudrait en terme de positionnement, de relais, de repérage, de vie "cheap"... (incompréhensible)

Quelle est la typologie des tâches effectuées par le RASED ?

La typologie des tâches, qu’est ce que vous entendez par tâche ?

C’est à dire les types d’action qu’ils sont amenés à conduire

Pour moi typologie des tâches ou orientation qu’ils se donnent ?

Non, je ne pensais pas orientation, enfin forcément ça en découle puisqu’ils vont accorder plus d’importance ou plus de temps à une chose ou à une autre...

Parce que je pense qu’il y a des tâches qui sont liées à la communication avec tous les partenaires, il y a des tâches qui sont liées à l’action auprès des élèves bien entendu et il y a des tâches qui sont liées à la coordination. Communication et coordination n’étant pas pour moi complètement liées, c’est-à-dire que pour moi un réseau, s’il veut bien fonctionner, a un système de communication des informations qui lui permet d’agir. Alors, peut-être que dans la première page pour moi c’est d’établir une communication, des modes de communication et des modes de positionnement de chacun dans ce système de communication. Comment on signale un enfant, comment on analyse la situation en réseau, comment on l’analyse dans l’équipe éducative, peut être avant, je ne sais pas, ça dépend du fonctionnement, comment on répond à la demande et comment on fait un bilan... Et puis entre tout ça, il y a l’aide objective à l’élève, concrètement les heures qu’on passe auprès des gamins.

Y a-t-il des évaluations de résultats pour le maître généraliste, pour le maître E ou G?

Pour moi non, je crois que ce n’est pas possible, et c’est ça qui est un petit peu pervers, c’est que à la fois, on le dit de façon très abrupte, on peut dire dans tel endroit, en prenant les indicateurs de prolongation de cycle, d’orientation de départ, d’indicateurs qu’on peut avoir très facilement (dossier de CCPE etc.) et on dirait, il n'y en a pas beaucoup. Donc le réseau d’aide n’a plus lieu d’être. On peut transporter les moyens ailleurs, là où il y a de moins bons résultats. Mais on peut aussi dire que c’est parce que le réseau d’aide est là qu’il y a pas trop de difficultés Donc, je crois que là on est dans une problématique très difficile.

En ce qui concerne les départs en stage de préparation au CAPSAIS, quels sont les critères de sélection des candidats ?

Vaste problème. Vaste problème, moi j’ai demandé cette année à ce que les départs en stage ne soient pas strictement sur un barème d’ancienneté, de carrière logique, mais qu’ils soient aussi bien... cibler les ventilations. Là, on se heurte à des pratiques de fonctionnement, de représentants du personnel qui ne sont pas tout à fait d’accord. Ce n’est pas très simple à résoudre ça.

Et à votre avis qu’est ce qu’il serait souhaitable de mettre en place ?

Pour moi, le système, mais il faut le construire, il faut l’inventer, moi je ne l’ai pas, un système qui soit beaucoup plus basé sur les actions antérieures sans doute... oui bien sur, la motivation réelle sans doute aussi, et un système qui soit aussi complètement allié à une politique départementale. Comme vous le savez, on a tellement de déficit en maîtres spécialisés qu’il faut permettre à quelqu’un qui veut se spécialiser dans une zone particulièrement défavorisée de garder son poste. C’est aussi souvent ça quand même. Et puis on a envie de garder le poste. Il faut le laisser là où il a envie d’être pour exercer sa fonction de spécialisé avec une théorie supplémentaire, avec une pratique professionnelle affirmée.

Pouvez-vous citer les 3 livres ou auteurs principaux recommandés lors de la formation E ?

Non.

Pouvez-vous citer les 3 livres ou auteurs principaux recommandés lors de la formation G ?

Non plus.

Avez vous une idée de ce qui se fait en formation ?

Alors j’en ai une idée mais très parcellaire et très partielle à la fois. C’est que moi, j’interviens personnellement dans la formation sur le centre IUFM d'Angers dans l’UF1 sur la législation et la connaissance de l’institution. Donc je sais que ça à priori c'est fait.

Vous n’avez pas d’idée sur les orientations des centres de formation ?

Non.

Existe-t-il une différence professionnelle perceptible entre enseignants E et G formés en stage et candidats libres ? Laquelle ?

Pour les E, je l’ai repéré de façon très caricaturale entre quelqu’un qui était en candidat libre et quelqu’un qui ne l’était pas et donc avec une bascule de théorie qui soit tellement forte que ça n’a pas de valeur. Entre les G en candidats libres, je n’en ai pas connu.

Que pensez-vous de la qualité actuelle de la formation E ? Quelles en sont les insuffisances ? Les points forts ?

J’ai un avis de la qualité de la formation sur le centre que je connais. Je n’ai pas d’avis sur les autres. Moi je crois qu’un énorme problème actuellement c’est qu’on donne beaucoup d’informations qui sont parcellaires ou moins parcellaires et qui ne sont pas réellement en terme de formation,  je pense qu’on ne responsabilise pas assez chacun sur un parcours en fonction de son passé ou de son avenir sur la formation. Il me semble.

Quels sont les cinq mots qu'évoque pour vous la réussite à l'école ?

Le plaisir, l’avenir, la culture, l’ouverture.

Pouvez-vous expliquer le choix de ces termes ?

Pour moi, quelqu’un qui réussit à l’école actuellement, c’est quelqu’un qui a le plaisir d’y venir, le plaisir d’y participer, le plaisir d’avoir une ouverture culturelle sur les esprits sur tout ce qu’on peut imaginer qui ne soit pas directement lié à l’insertion professionnelle. Pour moi la difficulté scolaire. .. un des gros soucis c’est que "échec à l’école" ça veut dire exclusion et non "insertion professionnelle". Donc, s’il y a une réussite à l’école, ça veut dire que l'avenir n'est pas noir, qu’on a beaucoup plus d’ouverture, on n'est pas figé sur un objectif qui est l’insertion professionnelle. C’est quand même très réducteur. A la fois c’est essentiel mais c’est réducteur l’insertion professionnelle. Donc ça veut dire qu’on tient à l’école et qu’on a du plaisir à participer, du plaisir à apprendre, de la motivation et qu’on est pas figé sur quelque chose qui soit : il faut que je gagne le SMIC à la fin du compte, en fait c’est ça... C’est : "Qu’est-ce qu’on peut leur donner de plus que l’idée du SMIC à la fin?"

Comment voyez-vous l'avenir des RASED ?

A mon avis, il n’est pas compromis. Je ne le vois pas compromis mais l’avenir des réseaux se construira avec eux. Les RASED ne pourront survivre que s’ils prennent effectivement en compte et en charge leur propre évaluation de travail avec toutes les difficultés. Vous avez dit tout à l’heure, "Est-ce qu’on peut évaluer les résultats ?" On peut évaluer le fonctionnement, on peut évaluer ce qui va quand même aller un petit peu mieux. On ne peut pas vraiment évaluer les faits, à mon avis. Je me suis confrontée à ça pendant 1 an, à mon avis ce n’est pas possible. Mais l’avenir des RASED se joue avec les acteurs, il ne se joue pas de l’extérieur.

Comment considérez-vous la place et le rôle des aides à l'école ?

Je les place vraiment comme aides, c’est-à-dire pas substituts, surtout pas. Le rôle de l’enseignant c’est d’abord d’enseigner, d’enseigner pour qu’ils apprennent. L’aide, elle vient parce qu'en collaboration on peut essayer de trouver des solutions.

Avez-vous d'autres remarques à formuler sur les aides spécialisées à l'école ?

Le gros questionnement, c’est : "Aide spécialisée, soutien, identité professionnelle... comment faire pour qu’on n’ait pas une dérive extraordinaire vers le renvoi vers l’aide spécialisée de ce qui relève du maître ordinaire de la classe ?". Et c’est ça qui me soucie beaucoup, quand j’entends des jeunes qui sortent de formation ou même en formation qui au bout de deux jours hurlent en disant : "Il y a 45 % des élèves de la classe qui relèvent de l’aide spécialisée"... moi ça me fait frémir. Quelque part l’effet pervers de l’aide spécialisée c’est que le discernement se fait strictement par la courbe de Gauss. Les 20 % de la classe, qu’on soit en centre ville huppé ou en ZEP on a toujours 20% qui relève de celui qui peut faire, moi je ne peux pas faire et toi tu es formé pour ça et en gros tu n’as pas grand chose à faire. Je pense qu’on demande beaucoup au RASED et que certains collègues de RASED ne sont pas en situation de pouvoir dire non, c’est ça qui me soucie le plus.

Pour quelle raison êtes vous devenue inspecteur ?

Il y a beaucoup de raisons. J’ai eu l’occasion dans ma carrière de rencontrer un IEN qui était formidable, un homme extraordinaire avec un charisme fort, qui m’a fait passer à l’époque le CAEA de maître formateur pour devenir conseillère pédagogique, avec qui j’ai travaillé et qui m’a poussée à devenir IEN, chose que je n’aurais jamais imaginé dans ma carrière parce que j’étais bien à l’école, peut-être. Et puis quand on est directeur d’école ça va, quand on est conseiller pédagogique, on est un petit peu à un rôle charnière, un peu entre deux chaises. Il m’a poussée beaucoup et je me suis dit, je peux prendre des responsabilités et j’y vais. Mais ce n’est pas une motivation de départ... ça arrive comme ça, c’est des rencontres. Pour moi, c’est une rencontre avec quelqu’un.