Entretien E12 Armand

Age : 48 ans

Profession : IEN AIS

Diplômes : CAEA, CAFIMF(82)

Armand : cursus professionnel (cf. légende profils de carrière A1 pp. 43-44):
Armand : cursus professionnel (cf. légende profils de carrière A1 pp. 43-44):

Lieu : salle dans un centre de formation

Durée de l'entretien : 1h 20

(...)

Au niveau de la circonscription nous proposons qu'un poste G soit transformé en poste E. alors nous profitons bien évidemment pour ne pas créer de soubresaut, de malaise, nous profitons de départs à la retraite pour opérer ces changements, cela va de soi...

Quel a été le volume horaire de formation concernant les RASED lors de votre formation initiale d'IEN ?

C'est très, très faible... moins de 20 heures. Je suis peut-être un peu juste dans mes appréciations, disons pas plus de la valeur d'une semaine.

Quels sont les 5 mots qu'évoque pour vous l'expression "enfants en difficulté " ?

Problèmes d'adaptation, difficultés pour aller vers l'autre, difficulté d'entrer en relation. Alors une petite parenthèse. Il faut dire que je ne traite pas l'AIS - ce n'est pas une critique envers qui que ce soit - avec ce qui pourrait être une certaine froideur administrative dans la mesure ou non seulement j'ai étudié l'AIS et tout ce qui touche à l'enseignement spécialisé mais je suis moi-même père d'un enfant handicapé. Voilà. Je poursuis par rapport à ce que vous m'indiquiez... Souvent une difficulté d'expression et de compréhension.

Pouvez-vous expliquer davantage chaque terme ?

Problèmes d'adaptation. On peut se poser la question : "Est-ce que c'est l'enfant en difficulté qui a sans nul doute des problèmes d'adaptation mais est-ce que notre système a tout mis en oeuvre pour s'adapter à ses besoins ?" Ce serait la première réflexion et nous essayons de tendre à une amélioration dans ce sens. A ce niveau-là, au niveau de cette adaptation, dans un va et vient... Je crois que nous avons beaucoup à faire au niveau des adultes enseignants, pour en avoir côtoyé beaucoup et durant de longues années, le handicap est souvent mal perçu, mal compris, mal interprété. Là je sors bien sûr du champ de l'enseignement spécial et des maîtres spécialisés. Je parle des maîtres qui sont dans le circuit tout à fait normal et de leur perception de la difficulté assez profonde sévère et de leurs réactions. Donc une incompréhension et peut-être au-delà un refus de compréhension. C'est ce qui m'a le plus choqué. J'ai vécu par exemple des demandes de parents d'enfant en difficulté ou présentant un réel handicap et j'ai vécu la réaction des équipes enseignantes. Elles sont souvent réticentes parce qu'elles ne perçoivent pas bien ce qu'on leur demande. Alors cette réticence s'exprime parfois très maladroitement... ça peut être véritablement la peur de mal faire, la méconnaissance mais de toutes façons je perçois aussi malheureusement pour un bon nombre un refus d'investissement. Alors quand on parle de la difficulté d'adaptation, c'est vrai dans les deux sens. Maintenant si on développe ce sujet par rapport aux réactions des enfants de la classe et même de l'école, là c'est tout à fait différent. Je crois que nous avançons beaucoup plus facilement et beaucoup plus rapidement vers le chemin que l'on a retenu. J'ai vécu une expérience en tant qu'enseignant mais aussi en tant que père. Ma fille, qui est sourde profonde, a vécu deux années l'expérience scolaire suivante : elle a été intégrée au niveau de la sixième et de la cinquième dans un établissement qui opérait l'intégration à 10 %. Dans l'établissement qu'elle fréquentait il devait y avoir 460 élèves et le dixième présentait un handicap... ça pouvait être un handicap moteur, un handicap sensoriel par exemple et dans la structure établissement tout ceux qui faisaient partie de l'espace médical ou paramédical pouvaient intervenir en fonction des besoins des enfants et d'un certain planning. Les enfants faisant partie des 90 % ne présentant pas de difficultés particulières acceptaient fort bien l'intégration et venaient en aide à leurs camarades en fonction de leurs besoins. Je dirais - et ce n'est pas une nouveauté - que l'enfant accepte beaucoup mieux la difficulté, le handicap, que l'adulte. Au niveau de l'adulte, je vous ai parlé de la réaction de certaines équipes enseignantes que j'ai vécue, il y aussi la réaction des autres parents. Et là, les enseignants ont un rôle primordial à jouer, faire comprendre l'intérêt de l'intégration.

Vous avez dit aussi : "difficultés pour aller vers l'autre, difficulté d'entrer en relation, difficultés d'expression et de compréhension". Est-ce que vous pouvez préciser ?

Pour aller vers l'autre, c'est là aussi à double sens. L'enfant handicapé ne vit pas bien son handicap. C'est une histoire de personnalité, une histoire aussi de passé par rapport à ce handicap. J'ai eu l'occasion de côtoyer des enfants handicapés qui acceptaient ou semblaient mieux accepter leur handicap que d'autres. Ma fille qui est handicapée depuis 17 ans ne vit pas bien du tout son handicap alors que nous nous comportons tout à fait naturellement, j'allais presque dire comme si de rien n'était. Si elle vit tout à fait naturellement elle aussi avec nous, dès qu'elle est en dehors, elle ne veut pas reconnaître les difficultés qui se présentent à elle et elle n'entrera jamais en relation avec quelqu'un en commençant par lui dire : "Je vous préviens, je suis sourde" et en fonction de cela il faut que vous soyez face à moi, la lecture labiale m'aidera... Elle n'en est pas à ce stade-là. Difficulté d'aller vers l'autre, ça sera très variable d'une personne à l'autre. Cette difficulté, je crois aussi qu'on peut l'apercevoir de l'autre côté, du côté des enfants et des adultes qui ne présentent pas un handicap particulier. Je ne veux bien sûr pas tout rapporter à l'expérience de ma fille mais vous avez de nombreuses personnes pour lesquelles le handicap constaté met très mal à l'aise. J'ai connu un bon nombre d'enseignants réagissant ainsi, j'ai connu d'autres adultes non enseignants et là encore j'ai pu constater durant de nombreuses années qu'en définitive c'est l'enfant qui accepte le mieux le handicap qu'il constate et c'est presque lui qui fera aller l'adulte vers les autres. La difficulté de compréhension, c'est la même chose, elle se situe à plusieurs niveaux. Je crois qu'il faut se montrer suffisamment ouvert pour essayer de comprendre le handicap et comprendre la personne qui vit avec ce handicap. Je pense qu'on ne peut pas, si on est enseignant et si on s'est engagé vers une aide véritable, je ne pense pas qu'on puisse avoir une action bénéfique et profitable si on n'a pas tenté d'approfondir cette question-là, si on n'a pas essayé de comprendre ce que peut ressentir la personne handicapée, ce qu'elle peut attendre de nous et comment on peut véritablement l'aider. Il m'est arrivé à plusieurs reprises, Président par exemple de CCPE, de sentir des réactions de certains membres qui me gênaient un peu. Très régulièrement, j'ai rappelé que derrière un dossier, il y avait un enfant qui souffrait et bien évidemment des parents qui souffraient. Je ne prétends pas réagir différemment des autres mais peut-être y a-t-il une sensibilité supplémentaire due à mon expérience personnelle.

Quels sont les 5 mots qu'évoque pour vous le sigle RASED ?

(...) Le mot aides ressort inévitablement. Je mets aussi derrière ce sigle de RASED la notion d'équipe, de spécialistes, de personnes spécialisées qui sont aussides collègues et qui de ce fait vont créer l'articulation avec le milieu enseignant de base, et favoriser les liens nécessaires entre l'école et l'extérieur, je pense aux familles et plus largement aux acteurs sociaux, au secteur de la Santé.

Pouvez-vous expliquer davantage ?

Le premier mot évoqué, " aides"...

Les aides... oui, si je peux, j'associerai plusieurs mots. Je vous ai parlé de la notion d'équipe et de collaboration. Je n'ai jamais imaginé le travail d'un RASED qui pourrait s'apparenter à des interventions individuelles juxtaposées. Mais il doit y avoir une réflexion collective autour du cas d'un enfant pour que chaque spécialiste constituant le RASED apporte ses compétences, son expérience pour essayer de cibler au mieux les aides, les soutiens, les démarches qui seront mises en oeuvre pour apporter tout ce que l'Education Nationale peut mettre au service de l'enfant et de ses parents.

Pouvez-vous présenter brièvement la dernière inspection de réseau que vous avez réalisée ?

Brièvement, voyons... Je vais vous parler de deux inspections, un maître E et un maître G par exemple. Déjà dans mon organisation, les enseignants des RASED ne me découvrent pas au moment de l'inspection. J'ai entamé un travail de réflexion avec mon RASED, c'est pour cela que je préfère ne pas parler d'harmonisation départementale pour le moment. J'installe bien les choses intra muros, au niveau de ma circonscription, avant de faire un certain nombre de propositions pour une harmonisation avec mes collègues, bien qu'il y ait déjà eu des tentatives... Et qu'il y ait déjà eu des échos favorables de la part de Monsieur l'Inspecteur d'académie et de mes collègues... En ce qui concerne donc le travail entamé, là même chose, je pense qu'il y a besoin d'un IEN dans une circonscription pour conduire un certain nombre de pilotages et donner les grandes lignes d'une politique et qu'il a besoin, à mon sens, d'être très à l'écoute de tous les spécialistes qui sont auprès de lui, qu'il s'agisse des conseillers, qu'il s'agisse des maîtres spécialisés ainsi qu'un certain nombre de personnes ressources. Et nous avons donc rapidement mis en place une réflexion collective qui nous permet de nous pencher sur la situation de la circonscription, de mettre en place aussi un échange au niveau des constats que nous pouvons faire au niveau équipe de circonscription et que peuvent faire nos collègues du RASED et à partir de cela, en fonction de la politique de circonscription qui a été définie, nous montons ensemble, je dis bien ensemble, le projet du RASED. Ce projet s'oriente sur l'aide nécessaire à apporter aux enfants qui ont été signalés et pour lesquels nous estimons que la mise en place d'une telle action est nécessaire - ce qui est le côté traditionnel - mais nous avons aussi mis en place tout ce qui touche à ce que nous appelons l'observation, la prévention et le suivi dès l'école maternelle, c'est-à-dire qu'en fonction du projet d'école les directeurs et leurs équipes nous font savoir s'il y a une réelle attente en fonction des constats qui ont été établis à l'échelon local, une réelle attente de l'action approfondie du RASED. Et nous essayons de "détecter" entre guillemets les besoins d'un certain nombre d'enfants et dès leur plus jeune âge nous mettons en place les actions en fonction de ces constats. Ce qui occasionne bien évidemment de multiples rencontres avec le psychologue et les maîtres spécialisés et en fonction de ça, j'en arrive aux inspections, quand je rencontre un maître E ou un maître G, il ne me découvre pas mais qu'il rencontre un IEN avec lequel il a l'habitude d'échanger, de converser et avec lequel il a mis en place un projet. En ce qui concerne le maître E, je dirais que pour ce maître qui a une CLIS ouverte, j'ai eu l'occasion d'avoir une idée précise de la situation bien avant d'arriver dans sa classe. Toutes ses interventions, tous les travaux qu'il a pu me fournir avant cette rencontre assez classique m'ont mis sur la voie. Ensuite j'ai eu l'occasion de conduire un certain nombre d'observations en classe avec un petit groupe d'enfants qu'il avait auprès de lui et puis il y a eu surtout la qualité de l'échange. Et ce que j'ai souhaité percevoir et que j'ai perçu c'est la façon dont ce maître s'intégrait à l'équipe auprès de laquelle il intervenait, et quelle était aussi sa faculté d'adaptation et l'aisance avec laquelle il abordait les questions délicates qu'il a à traiter, non seulement vis à vis des enseignants qui sont ses principaux interlocuteurs puisqu'il y a un "partage" du temps scolaire, puisque les élèves circulent assez librement en fonction d'un emploi du temps, mais aussi son ouverture d'esprit pour aller à la rencontre des parents et leur faire comprendre tout ce qu'il mettait en oeuvre, ce qu'ils pouvaient attendre de lui, ce qu'il attendait d'eux. Et puis bien sûr la place qu'il occupait au sein du réseau. En ce qui concerne le maître G, un des maîtres G que j'ai pu rencontrer dernièrement, lui je l'ai vu intervenir auprès d'un enfant. Ce que l'on peut par certains côtés regretter, mais après tout je crois qu'il faut accepter certaines adaptations qui sont presque inévitables, j'en parlais à un de mes collègues qui faisait à peu près le même constat, je vous ai annoncé dans un premier temps que nous avions plus de maîtres G que de maîtres E. En fin de compte nous constatons que certains maîtres G ne sont vraiment pas loin du tout de l'action du maître E. Ce maître G, c'est ce que je lui ai fait remarquer, j'étais tout à fait satisfait de la relation qu'il établissait entre l'enfant et lui, la mise en confiance, la qualité de l'échange mais lors de l'entretien je lui ai fait remarquer que nous n'étions vraiment pas loin de cette frontière avec le maître E, ce qu'il a tout à fait accepté. Alors je crois qu'au niveau de l'inspection, je me place toujours comme l'IEN qui va aller vers un collègue, qui va conduire un certain nombre d'observations et qui va surtout favoriser un peu plus encore la relation pour éventuellement ouvrir d'autres pistes. Ce que j'essaie aussi de faire, je ne parle pas d'une réelle inspection ou de réseau dans sa globalité ou d'une inspection d'école là, je débord un peu du sujet mais je crois que la démarche est intéressante : lorsque je rencontre plusieurs enseignants d'une même école, je réunis toute l'équipe, sans faire le moindre constat individuel, ce qui pourrait mettre les gens mal à l'aise, j'essaie de faire le point sur l'actualité, jusqu'où l'équipe a pu aller dans son projet, quels sont les écueils rencontrés, les écueils qui paraissent infranchissables et en portant une observation globale sur ce que j'ai pu voir, parce qu'il y a un certain nombre de recoupements, j'essaie là aussi d'aider l'équipe à éventuellement ouvrir d'autres pistes.

Quand je dis maître E, quels sont les 5 mots qui vous viennent à l'esprit ?

Pédagogue... enseignant qui assurera l'articulation nécessaire entre le milieu normal et le milieu spécialisé, enseignant qui favorisera l'ouverture de l'école vers l'extérieur et en particulier les parents, spécialiste

Pouvez-vous développer ces associations d'idées ? Vous avez commencé par pédagogue...

Je crois qu'il faut le reconnaître... J'ai découvert l'AIS assez récemment, je n'étais pas un spécialiste de l'AIS, mon grand regret ça a été de constater qu'hormis les maîtres E, les enseignants spécialisés - est-ce que c'est le fait qu'ils soient avancés en âge dans ma circonscription et que bon nombre d'entre eux a entre 48 et 50 ans - j'ai fait le triste constat qu'on perdait peut-être un peu trop de vue l'acte pédagogique. Bien sûr en ce qui concerne les maîtres E, il serait impossible qu'il en soit ainsi, c'est pour ça que je les mets en opposition avec l'ensemble des autres maîtres spécialisés.

Vous avez parlé aussi d'articulation entre le milieu généraliste et le milieu spécialisé...

Tout à fait. Est-ce que c'est une particularité, une spécificité rencontrée dans ma circonscription ? J'ai trouvé que les maîtres E entretenaient particulièrement d'excellentes relations entre les enseignants classiques du milieu normal et puis enseignants spécialisés et que véritablement grâce à eux, on favorisait largement cette collaboration et cette articulation. Il y a le fait que le maître E passe un temps relativement important avec les élèves et a besoin de collaborer quotidiennement avec ses autres collègues. Je ne dis pas par ailleurs que les maîtres G ne collaborent pas mais ce n'est pas forcément aussi marqué.

En vous appuyant sur des exemples concrets vus en inspection pouvez-vous définir le travail du maître E ?

Là évidemment ça ne peut porter que sur quelques-uns uns en ce qui me concerne. Je dirais que c'est une affaire de personnalité aussi. Vous avez des gens bien qu'ils soient spécialisés, bien qu'ils aient choisi un poste sensible vont entrer plus facilement entrer en relation que d'autres. Mais si je pense à l'enseignant que j'ai inspecté dernièrement, cet enseignant est vraiment très à l'écoute de tout ce que l'enseignant non spécialisé va lui fournir pour essayer de cerner au mieux l'action qui sera la plus profitable pour l'enfant. Et ce que j'apprécie aussi particulièrement c'est qu'il a cette qualité d'écoute mais aussi cette modestie qui fait qu'il est très bien accepté... ça c'est une qualité qu'il ne faut pas perdre de vue, qu'on soit IEN maître spécialisé, IMF etc. Quand on s'est spécialisé d'une façon ou d'une autre, je crois qu'il faut toujours partir du principe que l'autre va pouvoir nous apporter beaucoup.

Si je dis maître G, quels sont les mots qui vous viennent spontanément ?

Fonction mal définie, mal perçue, qui génère de l'incompréhension et ne facilite pas l'intégration.Un petit développement pour ces mots. J'ai été très étonné quand je me suis perfectionné pour mieux connaître l'AIS de constater qu'en règle générale le maître G n'est pas formidablement perçu... Je trouve que son action est souvent moins bien définie que l'action du maître E. Les remarques que je fais peuvent paraître négatives mais je mets presque en opposition le maître E et le maître G. Le maître G n'est pas aussi bien perçu que le maître E par l'équipe. Son action n'est pas forcément aussi bien comprise. Sait-il l'expliquer aussi précisément qu'il le faudrait? Je crois aussi qu'il est plus difficile pour lui de s'intégrer à une équipe.

Vous pouvez expliquer pourquoi ?

Là même chose, est-ce une spécificité de ma circonscription ? Le maître G est quelqu'un qui suit l'évolution d'un enfant mais qui ne fait pratiquement que passer. Il est moins intégré à l'équipe donc pas aussi bien perçu qu'un maître E. Et puis il représente aussi une spécialité qui échappe parfois un peu aux équipes enseignantes qui elles ne sont pas spécialisées.

En vous appuyant sur des exemples concrets vus en inspection pouvez-vous définir le travail du maître G ?

Je ne vais pas vous raconter d'histoires mais vous dire simplement ce que j'ai pu constater... Je n'ai pas hésité à vous le répéter c'est que souvent faute de moyens tout simplement matériels, n'ayant pas à disposition et les locaux et le matériel nécessaire, le maître E (lapsus) s'investit autant qu'il peut le faire mais a une action qui souvent tend à se rapprocher de ce qu'on pourrait pratiquement attendre d'un maître E. Par ailleurs, il y a une moins bonne perception par les équipes du maître G et de son action qui paraît, je ne dirais pas dérisoire, mais mal perçue.

En quoi la différenciation E/G vous semble-t-elle pertinente ?

... Là c'est un peu délicat parce que je vous l'ai déjà dit, il y a un net rapprochement du G vers le E en ce qui me concerne. Pour en terminer, si je devais faire un choix très rapide je vous dirais que je renverserais volontiers la vapeur par rapport aux chiffres que je vous ai donnés. C'est clair et j'attendrais beaucoup plus des E que des G.

Et pourquoi cette fonction E vous semble-t-elle jouer un plus grand rôle ?

Déjà par rapport aux difficultés que nous avons perçues, vu les constats que nous avons fait et vu les études que nous avons menées les maîtres E sont souvent beaucoup plus concernés par l'aide nécessaire que les G. Le fait aussi que souvent les maîtres G interviennent sur de très petits effectifs pour ne pas dire auprès d'un enfant, on peut se poser un certain nombre de questions par rapport à l'aide que l'on apporte à l'enfant. La prise en charge individuelle est parfois tout à fait indispensable. J'estime qu'il ne faut pas qu'elle soit exagérée et je pense qu'en fonction d'un certain profil, on peut avoir tout intérêt à regrouper plusieurs enfants autour d'un maître G. Le grand problème des maîtres G, c'est la difficulté qu'ils ont d'agir véritablement comme ils le souhaiteraient, faute de moyens.

A votre avis faut-il maintenir les deux types d'aide ?

Ma réponse ne vous étonnera pas puisque je l'ai pratiquement faite, si j'avais à privilégier une option, je privilégierais la E. C'est clair.

Jusqu'à faire disparaître l'autre ?

Non, sûrement pas. Pas faire disparaître l'autre qui me paraît tout à fait indispensable. Maintenant je crois que nous avons tous, je dis bien tous - et quand je dis cela je pense aux maîtres G eux-mêmes et aux équipes de circonscription et à l'IEN AIS - nous avons tous à mener une campagne d'explication auprès des équipes sur le terrain pour rappeler très précisément le rôle et l'action que peut conduire un maître G. Il n'est pas question, bien sûr je n'envisagerais jamais de supprimer cette spécialité que représente le maître G par contre vu les constats que j'ai pu faire renverser la vapeur conviendrait très bien.

Est-ce qu'on pourrait concevoir une seule fonction qui comprendrait les deux types d'aide, c'est-à-dire une fonction qui deviendrait E/G ?

Je pense que certains enseignants spécialisés en seraient tout à fait capables. Je crois que ça apporterait beaucoup à tous. Quand je vous disais tout à l'heure que le premier étonnement pour moi ça a été de constater que dans un certain nombre de cas les enseignants spécialisés de longue date, des gens qui sont en poste dans l'AIS depuis 25 ans ou plus, ont perdu un peu trop de vue l'acte pédagogique, la qualité du message pédagogique sous prétexte qu'on s'attarde beaucoup sur la difficulté, la déficience, le handicap et je me dis que si on imaginait cet espèce de regroupement ça rapprocherait très certainement le maître G au moment où il aurait cette casquette de l'équipe et la compréhension n'en serait que facilitée.

S'il n'y avait qu'une seule fonction quels en seraient les inconvénients ?

Je pense que sans vouloir critiquer quoi que ce soit certains auraient du mal à cumuler ces deux fonctions. Je crois par contre que ça pourrait véritablement aider à faire comprendre toute l'action d'un réseau auprès des équipes. Autre difficulté que ça pourrait générer : je pense que personne n'a un emploi du temps élastique et j'essaie d'imaginer le changement continuel de casquette, ça pourrait être difficile à gérer pour un certain nombre d'enseignants.

Est-ce que vous avez constaté des différences de public pris par le maître E et le maître G ?

Tout à fait, de façon très classique. L'enfant qui connaît simplement, le mot est mal choisi, des difficultés scolaires et puis l'enfant au contraire qui doit retrouver une certaine confiance en lui et se retrouver avant de retrouver le monde scolaire que nous connaissons.

Est-ce qu'il y a une notion d'âge qui intervient ?

Je n'en ai pas perçu.

A votre avis, qu'est-ce qui pourrait être utile pour que le système d'aide actuel soit plus satisfaisant ?

Je mise beaucoup sur ce dont nous avons parlé cet après-midi, à savoir la réforme des CAPSAIS. Vous savez mieux que personne que les CAPSAIS sont rénovés à partir de maintenant. Je ne prétends pas que les IEN AIS et leurs conseillers pédagogiques apportent la bonne nouvelle partout et qu'il faille la prendre in extenso mais je crois quand-même que cette rénovation va permettre de toucher du doigt, j'allais dire continuellement, les réalités du terrain. Dans l'organisation des nouveaux CAPSAIS, il va y avoir une collaboration étroite avec des maîtres d'accueil, il va y avoir un suivi grâce à la formation en alternance par l'équipe AIS de circonscription et là je crois que ça va apporter, du moins je l'espère, une dimension nouvelle au stagiaire pour qu'il s'adapte aussi vite que possible aux réalités du terrain qu'il connaîtra et qu'il doit connaître très rapidement.

Quelle est la typologie des tâches effectuées par le RASED ?

J'en ai déjà dit quelques mots. Le réseau va avoir à assurer un suivi par rapport à tous les signalements qui vont être faits de façon très naturelle en fonction des constats établis. Le réseau va conduire aussi une opération de plus grande envergure concernant l'observation d'un groupe d'enfants relativement important pour sensibiliser les équipes enseignantes à l'action entreprise, à la demande de ces équipes, mais aussi affiner les démarches en direction des enfants qui peuvent présenter quelques particularités. Pour moi, ce seront les deux grandes actions.

Existe-t-il des évaluations de résultats ?

Oui tout à fait. Il y avait jusqu'à la fin de l'année dernière des résultats qui présentaient surtout l'aspect quantitatif : le nombre de prises en charge, la durée de ces prises en charge, des aspects très classiques. Et puis nous allons essayer d'aller un petit peu plus loin cette année et de toucher du doigt l'évaluation qualitative et de voir justement le devenir de ces enfants. A partir du moment où un suivi va être suspendu, on ne perd pas de vue l'enfant. Que va-t-il devenir sur les quatre ou cinq ans qui vont suivre ?...Toute la qualité au niveau de la perception du travail du RASED par rapport aux équipes, les réactions des parents, tout ce qui va toucher à l'aspect relationnel aussi, les difficultés que l'on va rencontrer dans ce domaine-là, comment faire pour pallier ces difficultés ?...

Vous avez déjà présenté votre rôle au sein du RASED et entre les circonscriptions, est-ce que vous pouvez estimer le volume horaire annuel que vous y consacrez ?

Je dirais une trentaine d'heures.

Pouvez-vous citer les 3 livres ou auteurs principaux recommandés lors de la formation E ?

Non.

Même question pour la formation G ?

Non.

Est-ce que vous en avez une petite idée ?

Non. Je vous le dis franchement l'AIS est pour moi une nouvelle spécialité et je n'ai pas de formation de maître E, G etc. Je me suis beaucoup penché jusqu'à maintenant sur la constitution des modules de formation mais d'emblée je ne peux pas répondre.

Est-ce que vous avez un avis sur la qualité de ces formations ?

Ces formations E et G, je ne les connais que par les textes. Je n'ai pas vécu même un temps de formation pour suivre ce qui se passe auprès des stagiaires. Je craindrais par rapport à la formation classique actuelle qu'il n'y ait pas suffisamment de retours sur le terrain et que l'on ne perçoive pas suffisamment la réalité de ce terrain. Je crains que ce soit trop théorique, pas assez pratique. Je ne dis pas qu'il faille oublier la théorie mais je pense qu'il faut qu'il y ait une complémentarité. La perspective de formation en alternance me plaît beaucoup pour la raison suivante : c'est à mes yeux l'idéal que de vivre au sein d'une classe et que d'être en échange continuel avec des formateurs.

Quels sont les cinq mots qu'évoque pour vous la réussite à l'école ?

Succès, réussite face à l'intégration dans le monde professionnel, qualité de vie. Réussite personnelle aussi. Facilité très certainement d'adaptation face au monde actuel. Là aussi un petit développement : je prêche beaucoup lors de mes interventions et de mes inspections pour dire que pour moi réussite scolaire ne signifie pas essentiellement être bon en maths et en français, à quelque niveau que ce soit. J'attends de chaque enseignant qu'il mette très sérieusement l'accent sur les compétences transversales et je dis, je répète, j'écris et je signe qu'à partir du moment où ces compétences transversales sont soit acquises, soit en cours d'acquisition, en fonction du cycle dans lequel on évolue je pense que les lendemains sont forcément prometteurs pour l'enfant et qu'à partir de ce moment aussi il aura de véritables facultés d'adaptation, d'intégration et qu'il sera très certainement sur le chemin de la réussite.

Comment considérez-vous la place et le rôle des aides à l'école ?

De toute forme d'aide ? Je peux reprendre mes propos de l'instant. Pour moi aider un enfant ce n'est pas reprendre indéfiniment une théorie ou une démonstration par rapport à une difficulté qu'il éprouve. C'est essayer d'approfondir les choses et de tenter d'expliquer les raisons de la difficulté. C'est à partir de ce moment-là qu'à mes yeux on pourra véritablement mettre en place une action efficace. Ce n'est pas du tout pour être au goût du jour mais je dirais par rapport à cela que je crois beaucoup aux études dirigées. Je ne sais pas si nous sommes nombreux dans ce cas mais moi j'y crois beaucoup et je demande aux enseignants de ma circonscription de véritablement approfondir cet aspect des choses et je crois que celui qui perçoit bien le texte en vigueur par rapport aux études dirigées apporte une aide véritable à l'enfant, comme j'estime devoir la concevoir.

Comment voyez-vous l'avenir des RASED ?

En ce qui concerne les RASED, je crois pouvoir pratiquement généraliser qu'il faut qu'il se fasse une place au sein des équipes. Ils sont parfois, je ne parle pas du mien, mais je crois percevoir qu'ils se situent parfois en marge. Je pense que les RASED n'en vivront que mieux s'ils arrivent à véritablement s'intégrer aux équipes du terrain. Moi, j'y crois, je suis persuadé de leur efficacité... Je crois que les qualités relationnelles conjuguées aux qualités professionnelles ne pourront qu'améliorer les choses.

Avez-vous d'autres remarques à formuler sur les aides spécialisées à l'école ?

Non, nous avons fait me semble-t-il un tour assez complet de la situation. Je pense que vous l'avez perçu, je tiens beaucoup, encore une fois ce n'est pas pour être dans la note ou au goût du jour, à ce que notre premier souci ce soit l'enfant, qu'il soit en difficulté ou non. Comme je vous le disais en début d'entretien, ma perception des choses est un peu exacerbée par en raison de cette situation particulière que je connais en tant que père mais je ne reçois jamais une famille qui a un enfant en difficulté sans tenter de percevoir ce qu'elle ressent...

Une dernière question, facultative... Pour quelles raisons êtes-vous devenu inspecteur ? En quoi cette fonction est-elle importante pour vous ?

Je vous l'ai dit, j'ai évolué dans le premier degré pendant trente ans. J'ai connu tous les stades, j'ai été instituteur, j'ai été conseiller, j'ai le diplôme de professeur des écoles, directeur de petites unités, de quelques classes jusqu'à l'école dont je vous parlais et ce qui m'intéressait particulièrement c'était de sortir de l'espace école pour avoir une vue d'ensemble de la situation scolaire, ça se limite pour l'instant à une circonscription quoique je vous dirais en deux mots quelles sont mes responsabilités départementales, c'était à mes yeux une solution pour avoir cette vue globale des choses. Maintenant pour un certain nombre de dossiers - AIS, formation continue, les projets éducatifs européens et la préparation du concours de recrutement des PE pour tout ce qui concerne les langues étrangères - avec ces dossiers, que Monsieur l'Inspecteur d'académie m'a confiés, j'ai une vue à l'échelon du département. (...)