Entretien E13 Guy

Age : 53 ans

Profession : IEN AIS

Diplômes : DEUG de philosophie, licence de lettres (73)

Guy : cursus professionnel (cf. légende profils de carrière A1 pp. 43-44)
Guy : cursus professionnel (cf. légende profils de carrière A1 pp. 43-44)

Lieu : salle dans un Centre de formation

Durée de l'entretien : 1h 25 mn

La qualité de l'enregistrement laisse à désirer. Guy se tenait loin du micro et parlait trop doucement pour être aisément audible.

Quels sont les 5 mots qu'évoque pour vous l'expression "enfants en difficulté " ?

Réussite, évaluation, confiance... intérêt et motivation.

Pouvez-vous expliquer davantage ?

L'idée, c'est qu'un enfant en difficulté, c'est un enfant qui n'est pas forcément en situation d'échec mais dont les capacités à réussir n'apparaissent pas d'emblée probablement parce qu'il ne trouve pas d'intérêt dans l'activité qu'on lui propose, que l'enseignant n'a pas su lui proposer une activité qui soit porteuse de motivation et donc il finit par ne pas avoir confiance en lui.

Est-ce que vous pouvez chercher le visage d'un enfant en difficulté scolaire que vous avez eu l'occasion de rencontrer dans votre vie professionnelle et présenter rapidement la situation.

Ce n'est pas marqué sur le visage. Il y a des enfants qui sont radieux et qui sont en échec total...

Mais quand je dis chercher le visage, c'est pour vous remettre dans la situation, que vous ayez un exemple présent à l'esprit pour mieux retrouver les souvenirs, les émotions...

Ah, identifier un enfant ? J'ai du mal à associer l'échec à un individu. Je n'ai pas d'emblée d'images fixées d'enfant en difficulté.

Et avez-vous des souvenirs à propos d'un enseignant face à un enfant en difficulté dans sa classe ?

Oui...

Et comment réagissait-il ?

Soit par la panique, soit par l'indifférence soit par une attitude tout à fait adaptée, fondée sur la motivation, l'intérêt, l'adaptation à la situation qui permettent à l'enfant de s'exprimer, de trouver des occasions de réussir... Ce sont les trois types d'enseignants que j'ai pu rencontrer dans ma carrière.

Quels sont les 5 mots qu'évoque pour vous le sigle RASED ?

En dehors de la signification des lettres ? Enigmatique, difficultés... opportunité de dynamisation, résultats positifs.

Pouvez-vous préciser ?

C'est quelque chose pour moi d'énigmatique, de difficile à cerner, de difficile à faire fonctionner. En même temps, quand on a affaire à des membres des réseaux qui sont bien pénétrés de l'intérêt qu'il y a à fonctionner en réseau, tous les obstacles tombent et à ce moment-là on a une dynamique nouvelle qui s'exprime. Donc difficultés d'un côté mais opportunité de dynamisation d'un dispositif qui peut donner des résultats positifs fort intéressants.

Pouvez-vous présenter brièvement la dernière inspection de réseau que vous avez réalisée ?

Oui, j'ai vu un maître E dans une classe d'adaptation avec un groupe d'élèves... réussissant parfaitement, remotivant les élèves suffisamment pour que les quelques obstacles qu'ils rencontraient dans le cadre de leurs apprentissages tombent assez facilement. Je peux dire que ça allait d'élèves qui passaient quelques heures avec ce maître E à des élèves qui passaient éventuellement plusieurs semaines voire plusieurs mois. La plasticité du projet, l'adaptabilité de cet enseignant lui permettaient de faire face aussi bien à des situations très ponctuelles qu'à des difficultés qui avaient tendance à s'enraciner. Maître G, j'en ai vu une, pas dans ma circonscription, mais dans celle d'un autre collègue qui m'avait demandé de faire une double inspection vu la difficulté. Donc je suis allé la voir, parce que c'est comme ça que je procède, je suis allé la voir avec la plus grande... disons d'emblée j'avais d'elle une vision très positive. C'était une enseignante très motivée par son métier, par son travail, qui voulait poursuivre des études supérieures, qui était en DEA... et qui avait des choix qui ne correspondaient pas tout à fait à ce qui était attendu... mais qui avait été tolérés pendant des années par son inspecteur sans qu'il n'ait jamais rien trouvé à redire, notamment des prises en charge individuelles d'enfant. Et donc même ayant trouvé dans l'attitude de son inspecteur un encouragement à procéder de cette façon elle avait même eu l'occasion de participer à des animations pédagogiques - elle vivait dans un contexte de conflit avec son inspecteur, avec des résonances affectives très fortes. Elle avait contesté une première inspection et donc j'ai préparé avec elle l'inspection en écrivant et en passant en revue avec elle les différents indicateurs à partir desquels il faudrait vérifier le travail qu'elle faisait, puisqu'elle avait souhaité une nouvelle inspection. C'était une dame qui sur le plan intellectuel avait une valeur certaine et sur le plan professionnel était tout à fait capable de répondre aux attentes de l'institution mais qui en même temps, du fait de certaines carences dans le domaine de l'évaluation notamment, avait fini par s'installer dans la dérive et même par considérer que l'orthodoxie c'était la vérité. Au cours de l'entretien, je lui ai fait quelques observations à ce sujet tout en reconnaissant ce qu'il y avait de positif dans sa conception de la pratique de rééducation, en soulignant tout simplement qu'il serait nécessaire qu'elle trouve un certain équilibre entre des prises en charge individuelles - en évitant de se laisser entraîner sur le versant de la médicalisation - et des prises en charge collectives d'enfants qui avaient besoin également de retrouver des occasions de construire des apprentissages dans des contextes ou l'interactivité et la communication pouvaient être déclencheurs au niveau de la construction des apprentissages. Je suis persuadé qu'elle l'avait bien compris mais elle avait une pratique assez solitaire de son métier et elle avait du mal à accepter qu'on puisse procéder autrement que de la façon dont elle le faisait. Je lui ai même augmenté sa note mais elle a encore contesté le rapport... Voilà les deux dernières expériences que j'ai eues... J'en ai quand-même gardé le souvenir d'une personne de qualité et dont les insuffisances étaient davantage dues aux négligences de l'administration au niveau de l'encadrement et de l'accompagnement qu'à... une volonté propre de l'individu, une volonté indépendante ou rebelle... qui la poussait à faire comme elle l'entendait. Si on lui avait dit dès le départ : "Ce n'est pas comme ça que l'on doit procéder", elle l'aurait accepté très probablement. L'administration, l'ayant même encouragée à procéder de cette façon, était mal venue ensuite de lui faire des reproches qu'elle ne comprenait pas. C'était ça son problème. Et puis j'ai rencontré d'autres G dans d'autres lieux, ils avaient des revendications très fortes en ce qui concerne leur identité professionnelle et leurs préoccupations étaient davantage de l'ordre de la singularisation par rapport aux autres que de l'ordre de l'inscription de leur action dans un travail d'équipe. Alors évidemment, je ne me suis pas contenté de constater... et chaque fois que je leur ai proposé une action de formation, au moment où je discutais avec eux des thèmes, je leur ai indiqué que je ferais en sorte, sur les quelques années qui viennent, de recycler tous les enseignants spécialisés à l'école, précisément pour aller vers d'autres conceptions du travail avec les enfants.

Quand je dis maître G, quels sont les 5 mots qui vous viennent spontanément ?

Un petit inconvénient, c'est curieux, c'est d'être une femme... parce que beaucoup d'enfants en difficulté gagneraient à travailler avec des hommes. C'est ensuite un enseignant curieux, travailleur mais un peu en dehors et cultivant la singularité.

Et quand je dis maître E, quels sont les 5 mots qui vous viennent à l'esprit ?

C'est disponibilité, adaptation, inventivité, difficultés et ouverture.

Pouvez-vous développer un peu ?

Le maître E est toujours beaucoup sollicité et de manière extrêmement variée. Il doit faire preuve de souplesse et d'inventivité face aux multiples problèmes auxquels il est confronté.

Pouvez-vous préciser la différence que vous voyez entre maître E et maître G ?

La différence, elle est simple. Le maître E essaie d'apporter de l'aide à des élèves en difficulté au niveau des apprentissages. Le maître G est censé ramener dans les apprentissages l'élève qui a décroché par rapport aux apprentissages. Mais peut-on faire une distinction aussi caricaturale ? Non. C'est la raison pour laquelle il n'y a pas de frontière entre les stratégies et les élèves qui relèvent d'une prise en charge par les maîtres E ou les maîtres G. Il y a une zone de recouvrement plus ou moins importante et dont l'importance à mon avis est fonction de la capacité des membres du réseau à travailler en projet. L'impression que j'ai c'est que, quand un réseau travaille en projet, il y a beaucoup plus d'enfants qui voient aussi bien le maître E que le maître G. Ce qu'on dit dans le domaine de l'aide, c'est que personne n'est sûr de ce qu'il fait, personne n'a la recette miracle qui permet de réussir. Quand les gens sont suffisamment modestes pour considérer qu'ils n'ont pas à eux seuls la réponse, eh bien, ils se mettent tous autour d'une table pour la chercher ensemble. Et donc la zone de recouvrement, disons d'intersection, va d'epsilon à un recouvrement presque total des deux aires de spécificités, de spécialités, les mêmes élèves pouvant être alternativement confiés au maître E ou au maître G, selon la qualité de la relation, avec des variations dans le temps, pour qu'ils reviennent le plus rapidement dans les apprentissages et qu'ils retournent dans la classe ordinaire à temps plein.

Est-ce qu'il pourrait y avoir des critères de différenciation de la "clientèle" E ou G ?

...ça dépend des équipes d'enseignants, ça dépend de la personnalité des maîtres, pas seulement de la nature des difficultés. Vous aurez par exemple un maître G ayant poursuivi des études, s'intéressant particulièrement à la psychanalyse, il va inscrire son action sur un versant qui sera très nettement, disons, psychanalysant ou psychiatrisant... Mais ce n'est pas forcément ceux qui ont fait des études... D'autres ont fait des études très poussées également et ont toujours choisi de rester avant tout des enseignants. Ce sont ceux-là dont l'action est la plus efficace à mes yeux. Il y a des élèves qui ne sont pas dans les apprentissages et qui réussissent avec le maître E... ça dépend de la personnalité du maître, davantage que du profil de spécialité pour moi. Ce sont des enseignants. Donc chacun a à sa disposition toute une panoplie de dispositions, de stratégies auxquelles ils peuvent avoir recours. Ce n'est pas interdit pour un maître G d'avoir recours à des stratégies de maître ordinaire. La distinction est davantage de l'ordre des stratégies que se donne l'enseignant que de l'ordre de la spécialité propre.

Est-ce que l'âge peut intervenir ?

Oui... les effets de l'action du maître G sont assez facilement visibles au niveau du cycle 1. Quand ils interviennent au niveau du cycle 3 c'est beaucoup moins perceptible, à mes yeux. Le succès de la prise en charge est inversement proportionnel à l'âge des enfants souvent...

Vous mettez en valeur la personnalité de l'enseignant, est-ce qu'au sein d'une même fonction (me coupe)

La personnalité, disons son niveau de professionnalisation, ce n'est pas tellement sa personnalité ni son charisme, mais plutôt sa capacité à utiliser et à maîtriser la panoplie d'outils que l'enseignant spécialisé a à son actif, qu'il soit maître E ou maître G.

Est-ce qu'il y a des glissements de pratiques au sein d'une même fonction ? Par exemple des E qui fonctionnent comme des G ou inversement ?

...ça dépend des centres de formation dans lesquels ils sont passés. Quand ils sont passés par des centres de formation très ouverts, les glissements se font très facilement. Bordeaux est un centre par exemple très ouvert. D'autres centres, me dit-on, guident les enseignants vers des pratiques très spécifiques, faisant même de l'oubli de la classe le préalable obligé à l'acquisition des compétences que l'on doit maîtriser en sortant du centre.

Que pensez-vous de cette position ?

Dire à un enseignant : "Tu n'as rien à faire de mieux que d'oublier la classe", c'est une absurdité. Qu'il ait une autre vision de la classe, bien. Qu'on change sa perception de la classe, oui, mais qu'on lui dise d'oublier, d'abord premièrement l'oubli ne se décrète pas dans ce domaine, et deuxièmement on crée toutes les conditions pour que les enseignants spécialisés aient des comportements de distanciation par rapport aux problématiques de la classe. Ils finissent par croire qu'ils n'ont pas à se préoccuper de ce qui se passe en classe, c'est-à-dire de ne pas se préoccuper de ce pour quoi l'enfant qu'ils doivent prendre en charge est là. C'est ce qui explique les nombreux différends... Voilà.

Est-ce que vous pouvez imaginer une fonction unique qui serait susceptible de mettre en oeuvre les deux types d'aide ?

Oui, à mon avis... mais ça passe par un certain nombre de conditions. Cette répartition en deux dominantes vient du fait que l'on n'a pas donné partout les moyens matériels de fonctionner : les locaux, le matériel, les moyens de se déplacer... Peut-être aussi parce qu'on a un recrutement de professeurs des écoles qui ne les incite pas à aller en formation, bref travailler dans le champ de la difficulté scolaire, à mon avis, pour qu'on ait quelque chance de voir les dispositifs de réseau fonctionner correctement, passe davantage par la mobilisation de moyens concrets que par la spécialisation dans tel ou tel domaine. (...) En France on a le personnel qui convient en terme de nombre d'emplois mais il manque un cadre porteur pour les enseignants qui interviennent dans le champ de la difficulté scolaire.

Qu'est-ce qu'on pourrait imaginer pour que cette situation s'améliore ?

A mon avis, si on donne aux gens une meilleure rémunération, des moyens convenables en locaux, en mobilier, en matériel, on peut postuler qu'ils pourront trouver des moyens pour se réunir autour des enfants et se partager des projets et pour aménager des modes d'intervention auprès de ces enfants-là. Pourquoi a-t-on retenu deux spécialités en dehors de celle de psychologue ? A mon avis, c'était pour se garantir d'un minimum de diversité au niveau des stratégies à mettre en oeuvre. C'est le seul intérêt que je vois au maintien de deux spécificités. Un niveau qui est très proche de la classe, un niveau d'intervention qui se préoccupe de l'élève, hors de ce qui peut se passer en classe, mais avec l'obligation de l'y ramener le plus rapidement possible. Or le détour pratiqué dans la rééducation a tendance quelquefois à s'éterniser. C'est ça le danger. Je serais assez surpris d'une formation apportant à un maître G autant que le maître E a pu recevoir... ça dure maintenant... trois ans la formation... disons que rééquilibrer les deux spécificités devrait donner également des résultats à terme, dans six ans au moins... parce qu'un maître doit attendre trois ans avant d'être effectivement opérationnel... Vous vous rendez compte ! ça permet de faire des économies, ça permet de répondre au manque de motivation des personnels qui trouvaient que le fait de s'éloigner de leur domicile pour aller dans un centre de formation n'était pas du tout à la hauteur du gain que ça pouvait représenter pour eux. Tout ça, c'est très bien, mais il faut trois ans pour avoir un maître... C'est l'une des rares professions où l'on est censé devenir opérationnel après trois ans de formation... C'est considérable... Pour une reconversion, dans la même administration, il faut qu'il attende trois ans avant de pouvoir changer de spécialité, de discipline ! C'est considérable... Et on commence déjà à s'apercevoir des insuffisances du dispositif actuel...

Et comment se résument ces insuffisances ?

A mesure que les départs à la retraite se multiplient, et on a du mal à les appréhender parce que les enseignants partent entre 55 et 65 ans, on a du mal à faire les projections, on verra des impatiences remonter du terrain, parce que la possibilité de pourvoir les postes libérés par les départs à la retraite sera insuffisante... ça va commencer à apparaître dans deux ou trois ans. Il aurait mieux valu à mon avis - à moyens financiers constants évidemment - densifier et unifier la formation.

Donc une seule fonction ?

Une seule fonction avec une formation sur un an. Et avec une meilleure rémunération et des moyens appropriés mis à la disposition des enseignants, des moyens en déplacement, des moyens matériels accordés en concertation avec les collectivités locales.

Y a-t-il une aide joue un plus grand rôle que ce soit l'aide à dominante rééducative ou l'aide à dominante pédagogique ? Faut-il en privilégier une à votre avis ?

Je ne crois pas. Il faut maintenir les deux. Il faut travailler dans ces deux champs. Il faut maintenir au moins ces deux pôles. Mais si vous voulez, l'éducation spécialisée en France se caractérise par des catégorisations excessives. C'est une vaste nébuleuse où l'on a des nœuds de complexification considérables. En rajouter n'est pas aller forcément dans le sens de l'efficacité. On a des établissements de toute sorte, les CMPP, les centres divers, les SESSAD, et à l'intérieur du système les classes d'intégration... On a des intégrations individuelles, des maîtres A, B, C, D qui s'occupent de ces enfants malvoyants, malentendants dont on ne sait pas s'ils sont tous malentendants... ça fait déjà beaucoup de choses compliquées... Donc si on veut essayer d'avancer, il me semble qu'il faudrait aller vers des choses plus simples que les différents partenaires pourraient appréhender de façon plus claire... Quand des parents doivent rencontrer le secrétaire de CCPE, le psychologue, parfois le psychiatre, le directeur d'un CMPP qui peut être un ancien enseignant, quelquefois l'orthophoniste, le maître G, le maître E, ce n'est pas de nature à aider à comprendre les difficultés de son enfant. Or tout ça c'est un tout... La difficulté est aussi à traiter avec les parents et la plupart des parents ne comprennent pas ce que nous faisons quand on leur présente des choses aussi compliquées... On a également des parents qui deviennent les spécialistes de ce genre de choses... Et quand on voit les enseignants eux-mêmes avec des enfants en difficulté, ils refusent tout ça... Il y a un problème de lisibilité de ce qu'on fait... C'est beaucoup trop compliqué...

Quelle est la typologie des tâches effectuées par le RASED ?

Ils font des choses assez variées, ils prennent part à l'élaboration du projet d'école, ils prennent en charge les enfants en difficulté, certains se livrent à la passation de tests quasi généralisés d'autres au contraire aident les enseignants à repérer les difficultés des élèves en le faisant eux-mêmes dans un premier temps au niveau de la classe - ça ils le font très bien - et puis... les enseignants des réseaux dans le meilleur des cas mettent au point leur projet et réalisent leur contrat c'est-à-dire prennent en charge les élèves en difficulté (...) en acceptant de se déplacer, d'aller dans la classe avec le maître pour préparer avec lui, évaluer avec lui, l'aider à cerner les difficultés. S'ils procèdent de cette façon, ils ont quelque chance de bâtir un projet et d'arriver à organiser leur action autour d'interventions qui soient convaincantes pour les différents partenaires.

Existe-t-il des évaluations de leurs résultats ?

On est en train de prendre des dispositions pour que ça se fasse... L'an dernier j'ai conduit une évaluation des réseaux conformément aux textes. J'ai profité du fait que j'arrivais pour le faire. Je ne sais pas si mon collègue qui était là précédemment aurait pu le faire s'il était resté... parce qu'on est encore sur des conceptions assez territoriales des fonctionnements. Chaque IEN censé faire l'évaluation n'accepte pas forcément que l'IEN AIS vienne interroger les enseignants de ses réseaux. Là j'arrivais... L'inspecteur d'académie était tout à fait décidé à y voir clair lui-même, un peu. Et on a, à partir d'un questionnaire ordinaire, essayé d'appréhender le nombre d'élèves pris en charge, la durée, l'efficacité, les modalités d'évaluation. On a essayé d'obtenir des éléments d'information qui permettent, au niveau du département, d'avoir une petite idée du fonctionnement des réseaux. On leur a rappelé précisément qu'il serait souhaitable, pour eux-mêmes et tout un chacun, que leur action soit rendue visible. Le premier élément de visibilité, c'est l'évaluation de ce qu'on fait. Pour évaluer ce qu'on fait, il faut pouvoir se donner un projet, des objectifs et donc mesurer le niveau d'atteinte des objectifs. Ce n'est pas en terme de "C'est bien" ou "Ce n'est pas bien", mais "Est-ce que ce qu'on fait nous permet d'avoir une efficacité plus grande ?"... ça c'était un peu parachuté mais dans le texte que j'ai mis au point, il était clairement indiqué qu'il serait souhaitable qu'une équipe d'enseignants spécialisés et non spécialisés soit constituée pour travailler à l'élaboration d'un outil d'évaluation des réseaux, de manière qu'à la fin de l'année on essaie de voir si les réseaux sont en mesure d'évaluer leurs propres pratiques. (...)

Comment concevez-vous votre rôle au sein du RASED ?

Mon rôle est simple. C'est un rôle d'incitateur qui veille à la définition des objectifs, au repérage des priorités et puis une fonction d'aide ou plutôt d'harmonisation du fonctionnement des réseaux... et d'évaluation. En même temps, je prends toujours la précaution de dire aux gens que toute liberté leur est laissée pour l'organisation de leur travail. Je ne chercherais pas à savoir si telle personne, qui aurait dû être là à neuf heures et demie dans telle école, ne l'est pas... C'est probablement parce qu'elle a prolongé son intervention dans une autre école... Le sentiment qu'on a c'est que le contrôle tatillon, sur ces personnels qui bénéficient d'une certaine liberté de mouvement par rapport au maître qui est assigné à résidence dans sa classe, n'est pas un facteur de valorisation. Si on se met à être tatillon et rigide : "Monsieur Untel voulez-vous me remettre votre emploi du temps ?" on a moins de chance d'avoir un bon niveau d'efficacité. On sait qu'il est difficile de se tenir à un tel emploi du temps, un projet c'est forcément fait pour évoluer, l'emploi du temps d'une quinzaine peut changer la quinzaine suivante si on travaille effectivement en projet, puisque c'est un outil dont la particularité est de se transformer pour permettre d'agir sur la réalité... c'est ce qui fait l'intérêt de cet outil. La confiance à mon avis est profitable à tous... (...)

Quel temps consacrez-vous au réseau ?

Je les vois une fois par mois et puis au téléphone on règle parfois des problèmes très pratiques... Par trimestre ça doit faire six heures. A mon avis un bon rythme, quand ça fonctionne bien, ça devrait être une fois par trimestre, en dehors des rencontres ponctuelles. Si le réseau fonctionne en projet, une réunion par trimestre est suffisante. Si on les voit trop souvent, c'est qu'il y a quelque chose qui ne va pas... (...)

Est-ce que vous pouvez relater une action exemplaire du réseau, positive ou négative?

Ce qui est exemplaire pour moi, c'est l'inscription de l'action du réseau dans ce qu'il y a de plus ordinaire, c'est-à-dire dans le projet d'école. Quand le réseau s'associe à la réalisation du projet d'école, c'est à la fois exemplaire et très ordinaire... (...) Moins le réseau est extraordinaire dans ses modes d'intervention plus c'est exemplaire.

En ce qui concerne les départs en stage de préparation au CAPSAIS, quels sont les critères de sélection des candidats ?

...ça dépend des situations. Quand on a moins de demandes de départ en stage que de places offertes, je ne sais pas si on a l'occasion de faire la fine bouche... (rires) ça a été le cas dans ce département... mais pas cette année. Il a fallu faire un choix et on s'est heurté à une difficulté d'ordre syndical. On a senti que le syndicat brandirait le sacro-saint barème comme critère de recrutement. Et donc on s'est dit qu'on pourrait tenter notre chance, croiser ces critères d'ancienneté avec d'autres critères s'il y avait eu quelques risques. Mais comme ce n'était pas le cas, on s'est dit que ce n'était pas la peine d'aller chatouiller les syndicats. Dans d'autres départements c'est l'IUFM qui fait le tri. L'IUFM a été chargé par le département voisin de départager les candidats. Après tout, ça peut être une démarche intéressante.

Quels sont les critères d'évaluation des candidats au CAPSAIS qui passent leur partie pratique ?

J'essaie de voir avec l'enseignant... à partir des référentiels selon la nomenclature des nouvelles compétences par spécialité comment il répond à ce qui est attendu d'eux, comment il est en mesure d'y répondre.

Est-ce qu'il y a quelque chose qui vous paraît essentiel ?

... Non, pas forcément, ça dépend de la spécialité, ça dépend de la personnalité du maître... Ce qui me paraît intéressant, c'est de voir comment le maître se situe par rapport à la multiplicité des compétences, s'il fait l'impasse sur telle ou telle. Je n'ai pas d'à priori sur une compétence prioritaire. S'il y en a tant c'est que très probablement, il y a des caractéristiques multiples. (...)

Pouvez-vous citer les 3 livres ou auteurs principaux recommandés lors de la formation E ?

Je n'interviens pas dans la formation.

Est-ce que vous pouvez les supposer ?

Non.

Pouvez-vous citer les 3 livres ou auteurs principaux recommandés lors de la formation G ?

Non plus.

Existe-t-il une différence professionnelle perceptible entre enseignants E et G formés en stage et candidats libres ? Si oui, laquelle ?

Non, c'est une question qui a inquiété les formateurs... Certains candidats libres sont tout à fait bien formés. C'est ce que je vous disais : une formation d'un an suffit très largement et devrait pouvoir permettre de sortir des enseignants compétents, qui ne seront jamais parfaits bien sûr, avec peut-être une semaine ou deux de stage relais sur les deux années suivantes, ça devrait suffire... On est dans un système où on a l'impression que la formation est davantage faite pour maintenir en place des formateurs qui veulent sauver leur petite place, c'est évident et c'est même scandaleux... Il faudrait les chasser des IUFM, il n'y a peut-être pas d'autre chose à faire...(...) La formation continue pourrait y trouver son compte s'ils étaient moins mobilisés sur la formation initiale. (...) Le ministère n'a pas fait le choix des candidats libres parce que les syndicats commençaient à montrer le bout de leur nez...

Que pensez-vous de la qualité actuelle de la formation E ?

La formation en alternance ? ça vient de commencer, il est trop tôt...

Quels sont les cinq mots qu'évoque pour vous la réussite à l'école ?

La réussite des élèves ? C'est maîtrise des connaissances et adaptation à des situations, savoir-être, c'est l'envie d'aller à l'école, c'est l'intérêt qu'on trouve à y aller. Il y a réussite scolaire à partir du moment où il y a... Je vais prendre un exemple : un élève de SEGPA peut très bien vivre sa scolarité comme une scolarité réussie, à partir du moment où il a réalisé son projet individuel dans un trajet de formation qui lui est proposé et qui paraît convenir à ce qu'il souhaite.

Comment voyez-vous l'avenir des RASED ?

A mon avis, on va pouvoir en parler quand on se sera éloigné du rivage du système GAPP (rires)... On en est loin. Je crois que l'avenir des RASED est dans la mise en oeuvre des circulaires. On est loin d'atteindre le niveau de mise en oeuvre qu'on aurait pu espérer... Pas seulement les membres du réseau. Ce ne sont pas seulement ceux-là qui sont en cause. Nous-mêmes nous n'avons probablement pas eu, en tant qu'IEN AIS, le rôle souhaitable... Peut-être que nous n'avons pas été suffisamment insistants auprès de nos collègues, auprès des l'Inspecteurs d'académie pour que cette nouvelle politique puisse connaître autre chose qu'un ripolinage des GAPP. Pour l'instant on a eu un changement de sigle, on a eu des évolutions superficielles, mais le changement radical des méthodes de travail, on ne l'a pas vu apparaître partout. Ce sont des choses qui se font lentement. Probablement du fait qu'on a affaire à un système trop centralisé et qui fait reposer les évolutions sur des strates de décision qui existent en trop grand nombre... Entre ce qui part du rectorat, qui est censé être organisé par le Recteur au niveau de l'académie, relayé par l'Inspecteur d'académie et ce qui arrive dans les écoles avec des partenaires aussi divers que nous l'avons vu, forcément il y a de la déperdition d'énergie. Vous avez lu le rapport Gossot...

De façon plus générale, comment considérez-vous la place et le rôle des aides à l'école ?

Le rôle des aides... C'est une conception qui est très simple. C'est une façon d'apporter aux enseignants, comme aux élèves en difficulté, des ressources dont ils ne disposent pas forcément d'eux-mêmes... Je ne vois pas d'autre définition des aides...

Avez-vous d'autres remarques à formuler sur les aides spécialisées à l'école ?

Non pas vraiment... On est quelquefois pessimiste sur les évolutions quand on considère la facilité avec laquelle la tyrannie du statut quo est génératrice d'ennui. Au ministère il y a des initiatives qui sont prises. Ces initiatives souvent sont prises sans moyen et sur le terrain c'est un peu la débrouille. Donc, c'est ça. Je sais que je ne suis pas très à l'aise quand je tiens des discours très savants sur des choses qu'on pourrait faire et qu'on me dit : "Oui mais comment nous déplacerons-nous ? Je ne suis pas sûr pour autant que si les problèmes de déplacement étaient réglés que les choses iraient plus vite... parce que d'un autre côté je vois - c'est ce qui met du baume au cœur et qui fait qu'on peut trouver que ce qu'on fait est malgré tout intéressant parce qu'il y a des gens qui malgré tous les obstacles s'investissent considérablement parce qu'ils aiment leur métier... - Donc ça c'est encourageant, quand on voit des gens s'éloigner malgré tout de leur foyer pour aller suivre une formation, soit à Paris soit dans un centre régional, sans que cela leur apporte des points d'indice supplémentaires considérables, je pense qu'ils aiment ce à quoi ils se préparent, ça c'est encourageant. C'est ce qui permet d'avancer mais ce sont des avancées ponctuelles, localisées et qu'on a du mal à généraliser.

Une toute dernière question à laquelle vous êtes libre de répondre ou non... Pour quelles raisons êtes-vous devenu inspecteur ?

Parce qu'un inspecteur m'avait dit de passer le concours... (rires) Non, parce que je m'intéressais à la formation. Je trouvais que l'action pédagogique et la formation, c'était quelque chose d'intéressant et après j'ai découvert le métier et la distance qui séparait ce que je pensais et ce que c'est vraiment. C'est un métier que j'aime...