Entretien E15 Roger

Age : 47 ans

Profession : IEN AIS

Diplômes : Ingénieur maître en informatique et mathématiques appliquées à l'informatique (88), DU 3ème cycle Formateurs d'adultes (89), Maîtrise Sciences de l'Education (90)

Roger : cursus professionnel (cf. légende profils de carrière A1 pp. 43-44)
Roger : cursus professionnel (cf. légende profils de carrière A1 pp. 43-44)

Lieu de l'entretien : centre de formation, salle très bruyante (à cause de la circulation extérieure)

Durée : 1 heure (ne voulait absolument pas dépasser cette durée à cause d'un autre rendez-vous)

La qualité de l'enregistrement laisse à désirer, la voix est souvent étouffée et les propos incompréhensibles.

Quels sont les 5 mots qu'évoque pour vous l'expression "enfants en difficulté " ?

Echec, fragilité, souffrance, apprentissages, remédiation.

Pouvez-vous expliquer le choix de chaque mot ?

Echec, c'est le mot plus important. L'échec de l'élève vient de problèmes par rapport à des apprentissages. Tout le reste en découle.

Vous pouvez en dire plus ?

...

Est-ce que vous pouvez retrouver le visage d'un enfant en difficulté scolaire que vous avez eu l'occasion de rencontrer et présenter brièvement la situation ?

C'était un enfant trisomique, il était à côté du fonctionnement du groupe, tout le temps à côté et le travail avec lui, c'était de le remettre dans la réalité du groupe. A chaque fois qu'on lui demandait de se remettre dans la réalité du groupe, il manifestait une certaine souffrance, il se repliait totalement sur lui. C'était une espèce de spirale sans fin pour le ramener dans le groupe puis le désinstaller de sa souffrance, puis le ramener dans le groupe etc...

Et qu'est-ce qui vous animait à ce moment-là ? Qu'est-ce que ça vous faisait ?

... ça m'agaçait. Profondément... ça allait de l'agacement à la pitié, le plaindre vraisemblablement.

Est-ce que vous pouvez retrouver un enseignant face à un enfant en difficulté ? Qu'est-ce qui se passait alors ?

Difficile...

En inspection par exemple...

... L'image des enseignants que je vois en IME par exemple, c'est des enseignants très souvent face à des enfants en difficulté... Mais c'est plutôt l'expression de leurs difficultés à eux, le fait de s'agiter beaucoup, de parler beaucoup, de bouger dans la classe. Je vois plus des enseignants en difficulté, eux, et le manifester que des enseignants en prise avec un enfant en difficulté en particulier. C'est l'image que j'ai, je ne sais pas si ma réponse peut vous convenir...

(...) Quels sont les cinq mots qu'évoque le sigle RASED, en dehors de la signification exclusive des lettres ?

Frais de déplacements... Discussion, échanges, concertation, projet.

Pouvez-vous expliquer davantage ?

Je me suis déjà bien expliqué là-dessus...

Vous pouvez préciser concertation et frais de déplacements ?

Discussion, échanges et concertation, c'est à propos des enfants en difficulté. On a l'espace pour discuter et échanger à leur sujet. Projet, c'est l'idée d'avancer ensemble dans la conduite d'un programme de travail commun concernant un enfant en difficulté. Donc, dit rapidement, c'est la prise en compte à plusieurs des difficultés d'un enfant dans la classe... Je rajouterai aussi lisibilité. En positif et en négatif. Le positif par exemple, c'est la réalisation d'une brochure d'information à destination de l'ensemble des élus... Le côté négatif des choses, c'est l'extrême confusion dont font preuve les personnels du réseau lorsqu'ils doivent expliquer et justifier leurs papiers, c'est-à-dire présenter par exemple un emploi du temps qui soit explicite, et revenir précisément sur leur activité pour légitimer avec un peu de rigueur leurs choix. Ils ne savent pas rendre compte de leur activité, ils se sentent mis en cause quand on les questionne.

Et frais de déplacements ?

Frais de déplacement, c'est pour évoquer le manque de moyens financiers et les choix d'intervention liés parfois à cette réalité.

Comment concevez-vous votre rôle au sein du RASED ?

Central, déterminant, essentiel... (dit sur le ton de la plaisanterie). Je crois que j'effectue plutôt un travail de régulation du déroulement. Il y a un travail important d'aide à l'explicitation de la place et de l'activité de chacun à l'intérieur du réseau. C'est à la fois un travail de pilotage avec tout ce que ça a d'institutionnel et un travail d'aide à la conscientisation de la place et du rôle de chacun au sein des écoles.

Ce travail représente combien d'heures en volume horaire annuel ?

En temps de réunion avec les personnels ?

Oui...

21 heures, hors stages et écriture de textes... Avec le réseau de ma circonscription, pas les réseaux du département, que je vois aussi et avec lesquels je fais un autre travail.

Vous pouvez expliquer ?

Je rencontre tous les réseaux de mon département deux jours par an.

Vous êtes chargé d'une mission particulière ?

De la coordination de l'ensemble des réseaux, au nom de l'Inspecteur d'Académie, comme conseiller technique de l'Inspecteur d'Académie, c'est-à-dire que je rencontre l'ensemble des personnels des réseaux du département. J'ai demandé à remplir cette fonction.

C'est important ?

Très.

Je veux dire quelle importance accordez-vous à cette fonction-là ?

L'importance que l'on peut accorder au fait de s'accorder au niveau départemental sur une politique et une idée de protection scolaire... ça me paraît capital.

Pouvez-vous raconter brièvement la dernière inspection de réseau que vous avez réalisée ?

La dernière inspection, c'est celle d'un maître E, de formation assez récente, maître E qui fait un peu référence dans la circonscription, pour lequel j'ai de la considération à travers différents points : le travail différencié, le discours sur les enfants... Je l'ai vu avec un groupe de cinq à six élèves en début d'année dans un travail d'explicitation des représentations par rapport à l'acte de lire. Il a agi à la demande des collègues : si l'enfant a besoin d'une aide est-ce qu'il n'a pas besoin de telle chose ? Est-ce qu'on peut traiter ça en classe ? Est-ce moi qui dois le prendre en charge ? De quelle façon ? Une fois l'indication posée, sa première tâche a été de montrer, d'expliciter leur représentation de l'acte de lire, et puis c'est très, très important... (incompréhensible) il a favorisé l'aide à la compréhension par le développement de stratégies cognitives (incompréhensible)...

Avez-vous d'autres souvenirs d'inspections de maîtres spécialisés ?

Davantage en établissement spécialisé, donc c'est différent.

S'ils sont E ou G, dans ce cadre-là, vous pouvez présenter une autre inspection...

Oui, je le regrette, on a beaucoup d'enseignants spécialisés option E en établissement spécialisé donc ils font un travail à forte composante pédagogique.

Vous pouvez en raconter une dans le détail d'une activité particulière ?

Dans le détail non, mais l'impression que j'ai en général en visitant, j'ai l'impression que les enseignants en établissement spécialisé ont bien oublié les préoccupations d'un maître de classe ordinaire plus encore que les maîtres de réseau qui s'y raccrochent d'une certaine façon et qui sont très, très, très loin des contenus qui permettent de rassembler des enfants d'une même catégorie d'âge à un moment donné dans leur scolarité. Donc ils font trop peu de scolaire, ils sont trop loin du scolaire, ils sont trop souvent hors du pédagogique, avec des supports de mauvaise qualité, des contenus mal identifiés, ils ne sont pas assez scolaires - ceux que j'ai vus - c'est le reproche que je peux leur faire.

Est-ce que vous avez le souvenir d'inspection de maîtres G ?

Non, je n'ai pas... la dernière inspection, ce n'était pas... je n'étais pas suffisamment outillé pour conduire une inspection... (incompréhensible)

Quand je dis maître E, quels sont les 5 mots qui vous viennent à l'esprit ?

Pédagogie, cognition, stratégie, réussite, équipe.

Est-ce que vous pouvez développer ?

Je verrais deux termes importants : stratégies parce que c'est du côté de l'élève de l'aide à la compréhension de ses fonctionnements et équipe parce que le maître E c'est vraiment l'interface entre le fonctionnement des équipes de maîtres de cycle et le fonctionnement de l'équipe du RASED. C'est celui qui est le plus proche des deux équipes.

Par rapport à ce que vous avez vu comment pouvez-vous définir le travail de maître E ?

Par rapport à ce que je vois et par rapport à ce que je sais aussi... La mission du maître E ? L'aide à la compréhension du fonctionnement de l'individu, plus sur le registre des stratégies cognitives, du fonctionnement cognitif de l'individu, avec les supports de son choix, pas obligatoirement proches du fonctionnement de la classe.

Quelles différences voyez-vous entre le maître E et le maître de la classe ?

Très certainement les supports, les lieux, le recours à des évaluations, plus systématiques, plus pointues par rapport à ce que fait le maître de la classe, une place plus privilégiée qu'en classe donnée au temps d'explicitation.

Est-ce qu'il y a des ressemblances ?

Certainement, on pourrait même aller jusqu'à des objectifs partagés sur le plan didactique. Le maître E est un maître qui a un souci pédagogique, objectifs pédagogiques, compétences à atteindre dans certains domaines disciplinaires pour tel ou tel enfant...

Je vais vous demander les cinq mots qu'évoque pour vous le maître G...

Ecoute, liberté, création, réussite... isolement.

Vous pouvez expliquer...

Je prendrais les deux derniers qui me semblent les plus pertinents : réussiteparce qu'un certain nombre d'enfants arrivent à réussir assez vite et assez fort grâce au maître G, j'ai pu le constater, oui assez vite et assez fort. Et puis isolement parce que je crois que ce sont les maîtres G qui sont... pas les moins reconnus, ils sont bien reconnus... mais les moins faciles à accepter par une équipe... peut-être parce que justement ils ne travaillent pas de la même façon que les enseignants.

Et le travail du maître G vous le définiriez comment ?

On va dire que le maître E, mais c'est très classique comme définition, s'adresse à un élève, le maître G à un enfant. Ce que je demanderais au maître G c'est d'organiser deux choses : de garantir aux enfants un espace où l'on puisse être écouté et un espace où on puisse créer, pour à un moment donné, être capable de mieux réinvestir le métier d'élève... ça me paraît essentiel... Ce qui me permet de défendre la place du maître E c'est qu'il tient à l'école, il en fait partie et qu'il institue un espace, le seul espace où l'on puisse parler et agir en toute liberté.

Maître E ?

Maître G pardon. Non le maître E, c'est un vilain mais qui est très gentil et qui va permettre à un élève de supporter son enseignant dans sa classe et de réussir... Maître G, c'est un gentil.

Quelles sont les différences entre les deux types d'aide, apportées par le maître E et par le maître G ?

Je l'ai déjà dit. Il faut repréciser ? Je vais essayer de le redire autrement. Le maître G fait davantage appel à tout ce qui est expression et création en dehors de l'obsession du cursus scolaire alors que l'objectif du maître E, c'est de rester au plus près du cursus scolaire tout en employant d'autres façons de travailler que le maître de la classe.

Est-ce qu'il y a des différence de public ou de "clientèle" entre maîtres E et G ?

Dans l'ensemble de la circonscription, les maîtres G prennent en charge des élèves reconnus comme plus difficiles, plus du côté des troubles de comportement, que les maîtres E qui sont plus sur des difficultés pédagogiques, des situations de non réussite.

Est-ce que le critère d'âge intervient ?

Les maîtres G prennent plutôt les enfants plus jeunes et ils répondent aussi à des besoins du cycle 3 prioritairement. Donc à la fois les plus jeunes et les plus âgés. (incompréhensible). Les maîtres E travaillent massivement sur le cycle 2.

Est-ce qu'il y a des ressemblances entre les deux conceptions d'aides spécialisées E et G ?

... D'une façon générale sans doute, la préoccupation de permettre la réussite d'un certain nombre d'apprentissages, je resterais sur ce plan général.

En quoi la différenciation E/G vous semble-t-elle pertinente ?

Il me semble important qu'il existe à l'école des professionnels qui travaillent sur autre chose que du pédagogique. En dehors du champ purement psychologique tenu par le psychologue scolaire. Donc il y a place à l'école pour des activités plus distanciées par rapport à tout ce qui est pédagogique.

Est-ce qu'il y a un type d'aide, E ou G, qui vous semble jouer un plus grand rôle ?

Tout dépend... Pour répondre rapidement en terme quantitatif, c'est l'aide E qui joue le plus grand rôle. En qualitatif pour moi, c'est l'aide G.

Est-ce qu'on pourrait imaginer une fonction qui allie les deux types d'aide ?

Pas à mon sens.

Vous pouvez expliquer pourquoi ?

Parce que ce ne sont pas les mêmes références. Le maître E, c'est quelqu'un qui a tout moment doit pouvoir repréciser ce qui est du domaine de la pédagogie ordinaire. A tout moment. Et donc être tout à fait au fait de la pédagogie conduite en classe, des supports utilisés, de ce qui se passe réellement en classe. Le maître G est quelqu'un qui presque nécessairement doit oublier ou prendre de la distance par rapport à ce qui se passe en classe sur le plan pédagogique... Moi, je le vois bien comme deux professions, deux travaux, deux approches de l'enfant répondant à deux catégories de difficultés.

Est-ce qu'il existe des glissements de pratique entre E et G ?

... Pas vraiment. Je n'en ai pas constaté dans la circonscription. Chacun est bien dans sa fonction. Dans la circonscription dont j'ai la charge et dans le département, on a des maîtres G qui sont vraiment des maîtres G, qui sont bien dans la corporation, qui participent à des réunions, avec leur vocabulaire... Je ne leur reproche rien, j'en suis très heureux. Et les maîtres E sont soit des anciens CAEI DI - donc ce sont de maîtres spécialisés qui sont restés très maîtres de classe, c'est-à-dire quand ils sont en classe d'adaptation, ils sont très, très bien d'avoir une classe toute l'année - soit des maîtres E "nouvelle vague" qui ont des formations très récentes, trois ans, quatre ans, donc des formations qui traitent des stratégies, de l'acte d'apprendre, des mécanismes de cognition etc., donc il n'y a pas de confusion... il n'y a pas de maître E qui développent le syndrome du maître G et qui se mettent à prendre des enfants tout seul, non.

Quelle est la typologie des tâches effectuées par le réseau ?

Dans la circonscription, il y a une première période où il ne conduit pas un programme d'aides spécialisées... C'est en gros les quatre à cinq semaines du début de l'année. Dans cette période-là, c'est le réajustement du projet annuel de fonctionnement du réseau et l'analyse du fonctionnement dans chacune des écoles... ça c'est la période de concertation de début d'année. Ensuite le réseau déroule un certain nombre de programmes d'aides pendant l'année, en gros un programme d'aides entre la période et le trimestre. Le réseau conduit trois programmes d'aides spécialisées qui sont suivis par tous les membres du réseau... ça c'est surtout pour les aides à dominante pédagogique. Les aides des maîtres G - là il y a une différence entre les deux - s'inscrivent soit dans des durées plus longues, soit dans des durées très courtes. Dans le déroulement des aides, on voit un différence importante apparaître selon les types d'aide. Trois programmes d'aides, entre chaque programme d'aide, une nouvelle période d'analyse et de concertation, ce qui ne veut pas dire qu'un certain nombre d'aides ne continue pas, mais celles-ci sont minimes pour les maîtres spécialisés à dominante pédagogique, beaucoup plus importantes pour les maîtres spécialisés à dominante rééducative, entrecoupées des réunions de concertations et bien sûr de synthèse. Donc concertations générales, réunions de synthèse régulières, concertation à la fin de chaque période et programme d'aides appropriées.

Vous ne parlez pas des rencontres avec les familles. Qu'existe-t-il à ce niveau ?

Il n'y a pas de réunions systématiques avec les familles : projection d'une vidéo, informations etc. Il y a des communications écrites... ça c'est quelque chose qui se prépare pendant les concertations de début ou de fin d'année, quand il faut faire la régulation, il y a une analyse du fonctionnement du réseau à partir des indicateurs du tableau de bord, donc il y aune communication écrite systématique, il y a un petit livret pour chaque enseignant. La rencontre avec les familles se fait dans le cadre du projet d'aide individualisé mis en place au cas par cas en fonction des prises en charge. C'est toujours un membre du réseau qui en est chargé, de préférence celui qui suit l'enfant. Les maîtres E rencontrent les familles à l'égal des maîtres G.

A votre avis le système d'aide, tel qu'il existe aujourd'hui, est-il satisfaisant ?

Plutôt oui.

Vous dites "plutôt oui". Quelles pourraient être alors les mesures qui l'amélioreraient?

Renforcer les dispositifs, mais c'est trop facile à dire. Les piloter mieux et on va dire installer mieux les personnels... aider mieux les personnels à réfléchir sur leurs pratiques, ce qui en gros veut dire que les IEN ne font pas leur travail et il faut peut-être qu'ils le fassent mieux et plus intelligemment et ce n'est pas facile.

Pourrait-il y avoir encore d'autres mesures à prendre ?

... Les groupes d'analyse de pratique...ça me paraît bien utile et bien intéressant.

Est-ce que ça existe déjà ?

Les interventions de professionnels spécialisés avec les personnels spécialisés du département, oui mais ça ne va pas très loin et ce n'est pas fait de façon suivie et régulière ni approfondie...

Pouvez-vous donner des exemples de documents retraçant l'ensemble du travail du RASED (envisagé ou effectif), transmis à l'IEN ?

Si cela vous intéresse un tableau presque mathématique de suivi des aides et la brochure départementale de référence sur le fonctionnement des réseaux, c'est-à-dire le cadre de travail départemental... ça va de la représentation pour l'ensemble du département de : "Qu'est-ce que c'est qu'un réseau ? Que fait chacun des enseignants spécialisés" jusqu'à : "Quels sont les indicateurs départementaux qui permettent de légitimer l'intervention d'un réseau dans tel territoire ?"

En ce qui concerne les départs en stage de préparation au CAPSAIS, quels sont les critères de sélection des candidats ?

... ça dépend des secteurs géographiques, ça n'est pas à l'ancienneté, l'appréciation de la qualité pédagogique des candidats rentre en ligne de compte. Par exemple pour ma part depuis que je suis dans ce département, je défends l'idée que les maîtres qui partent en formation G, parce qu'il n'en partait plus, ont tout à gagner à être déjà spécialisés. Je ne suis pas contre les sur spécialisations des enseignants et particulièrement pour les maîtres G. Il y a bien apparemment un plus de pratique professionnelle de leur côté... On ne laisse pas partir un maître qui serait dans sa deuxième année et qui n'aurait aucune connaissance de l'enseignement spécialisé. Pour les maîtres E, c'est un peu différent. Ceux qu'on laisse partir sont des personnels (incompréhensible)

Existe-t-il une différence professionnelle perceptible entre enseignants E formés en stage et candidats libres ? Si oui laquelle ?

Oui, la formation apporte une meilleure capacité à résister aux demandes de l'école en terme de prise en charge ou de soutien par exemple et à bien dire pourquoi, à bien le faire comprendre.

Et pour les G ?

Pour les G, la différence elle se voit bien entre les G qui reviennent actuellement et anciens rééducateurs de type RPP, RPM, crispés sur leurs spécificités, sur une approche étroite des supports utilisés, (...) beaucoup plus attachés aussi à un espace spécifique, avec un certain type de matériel nécessaire à chacune des voies. Les maîtres G semblent à l'intérieur de la spécialité actuellement formée beaucoup plus polyvalents, plus souples, moins raides quant à leurs orientations. C'est plutôt une qualité. La formation G actuelle, notamment sur Bordeaux, donne des "produits de bonne qualité"...

Pouvez-vous citer les 3 livres ou auteurs principaux recommandés lors de la formation E ?

Non.

Et de la formation G ?

Non plus.

Vous en avez une idée ?

...

Quels sont les cinq mots qu'évoque pour vous la réussite à l'école ?

... Collège, satisfaction... compréhension... compétences, connaissances.

Pouvez-vous les expliquer davantage ?

Collège, c'est la possibilité de poursuivre des études générales. Il y a déjà un premier niveau de réussite par rapport à l'école élémentaire avec la satisfaction d'avoir franchi un degré. Je n'ai pas grand-chose à mettre derrière ce concept de réussite à l'école. Troisième mot... Pour réussir, il faut bien comprendre quelles sont les exigences de l'école et il faut comprendre un certain nombre de concepts. C'est sans doute la notion de compréhension qui est la plus importante. Les connaissances, les compétences en découlent. (incompréhensible)

(rires) Comment voyez-vous l'avenir des RASED ?

Radieux.

(rires) C'est-à-dire ?

Est-ce qu'ils vont continuer à exister en l'état, avec la trinité psychologue, maître E, maître G... ? Moi à mon sentiment, les problèmes de l'adaptation et de l'intégration scolaire, le bout par lequel il faut les prendre, c'est le bout de l'intégration. Donc bien préciser les modalités de l'intégration, qu'elle soit individuelle ou collective dans les CLIS, contribue à mieux définir le rôle des RASED, et mieux définir le rôle des RASED contribue à mieux redéfinir le fonctionnement des cycles. Les RASED, je les vois toujours à leur place, dans une place plus importante par rapport à l'action des CLIS, c'est-à-dire que les RASED ont à prendre tous les élèves, tous ceux que les CLIS ne prennent pas comme handicapés, mais uniquement tous ceux qui ne peuvent pas être pris en charge par les maîtres normalement travaillant en cycle. Il faut remettre les RASED à leur place. Je crois vraiment que le nombre de maîtres en RASED diminuera quand les cycles fonctionneront parfaitement. Comme ce n'est pas demain la veille ils ont encore un bel avenir devant eux... Politiquement, à mon sentiment, on verra se développer le nombre de maîtres E au détriment des maîtres G.

Oui, pour quelle raison selon vous ?

Parce que les Inspecteurs de l'Education Nationale d'un côté, les maîtres non spécialisés de l'autre sont très demandeurs de maîtres E parce que c'est eux qui se tapent le boulot. Ils achètent beaucoup plus facilement la paix sociale que les maîtres G. Les maîtres E sont utiles... pour acheter la paix sociale des écoles donc pour gommer les difficultés, mais les gommer ça ne veut pas dire les résoudre... alors que les maîtres G, à mon sentiment, qui font un travail plus important, moins dans l'artifice et dans l'image, on peut s'en passer plus facilement. Ils n'achètent pas la paix sociale quand ils ne déclenchent pas la guerre...

Avez-vous d'autres remarques à formuler sur les aides spécialisées à l'école ?

Il serait intéressant sur un plan très technique qu'on soit aidé, soit par des réflexions de terrain du personnel soit par le ministère ou par la centrale, pour évaluer par rapport à un certain nombre d'indicateurs standards, l'impact des réseaux. Donc il serait important d'inscrire les dispositifs d'aides spécialisées dans une évaluation systématique et outillée et pour chacun des acteurs... ça me paraîtrait très intéressant, on serait tous beaucoup plus à l'aise, et les professionnels de terrain et les directeurs d'école etc. Très souvent aujourd'hui on dit "on arrête"... ça me semblerait intéressant de ne pas prendre de décisions impulsives ou hâtives (incompréhensible)

Une dernière question, facultative... Pour quelles raisons êtes-vous devenu inspecteur ?

C'est une question que je me pose beaucoup en ce moment. Je crois que j'avais l'impression que je pourrais plus facilement agir au sein du système éducatif en étant un inspecteur qu'en occupant chacune des fonctions dont je viens de vous parler précédemment... J'avais l'idée que je pourrais davantage faire avancer le système, davantage contribuer au bon fonctionnement du système éducatif...

Quelles sont vos conclusions aujourd'hui ?

Actuellement je ne pense pas que ce soit... ça ne permet pas de travailler vraiment dans ce sens. Mais une amie m'a dit tout à fait justement : "Pour être enchanté, il faut être désenchanté..." Voilà, je suis dans une phase de désenchantement avant de devenir enchanté...