Entretien E16 Fabien

Age : 54 ans

Profession : IEN Chargé de mission/IA/IG

Diplômes : Baccalauréat

Fabien : cursus p
Fabien : cursus professionnel (cf. légende profils de carrière A1 pp. 43-44)

Lieu de l'entretien : bureau de l'IEN

Durée : 1h 5mn

Quels sont les 5 mots qu'évoque pour vous l'expression "enfants en difficulté " ?

... Rejet, souffrance, angoisse par rapport à la famille, facilité par rapport à l'école et puis leitmotiv sur le plan politique...

Pouvez-vous expliquer le choix de chaque terme ?

Rejet et souffrance, je dirais que c'est par rapport à l'enfant, le sentiment qu'il doit certainement vivre... un sentiment d'exclusion encore que l'exclusion peut être bien vécue : les enfants gitans ne sont pas exclus parce qu'ils sont gitans... par contre d'autres peuvent se sentir exclus, parce qu'ils sont rejetés, parce qu'ils ne réussissent pas... ils sont dans un autre cadre... Angoisse par rapport aux familles... c'est un devenir... je ne pense pas que l'enfant l'ait déjà, ça peut arriver mais c'est par rapport aux familles que j'ai utilisé ce terme... Facilité par rapport à l'école parce que c'est une histoire... l'enfant en difficulté, c'est la sauvegarde de la démarche pédagogique... la réponse est ailleurs... Et puis j'ai dit leitmotiv par rapport au public de l'enfance en difficulté, c'est quelque chose que l'on utilise facilement et sans vraie réponse...

Est-ce que vous pouvez rechercher le visage d'un enfant en grave échec scolaire que vous avez eu l'occasion de rencontrer dans votre vie professionnelle et est-ce que vous pouvez expliquer ce qui se passait...

C'est quand-même très loin ce que vous me demandez là... ça fait vingt ans... (rires)...

En tant qu'IEN dans le cadre de vos inspections...

Oui... je peux retrouver des enfants en difficulté...

Et vous pouvez présenter brièvement une situation ?

Oui... Si vous voulez, je vais vous en citer un... qui d'ailleurs s'est tué me semble-t-il... Des enfants pas préparés à une culture d'école, dont le milieu familial secrétait une forme de violence et que l'école n'a pas su comprendre... ou ne peut pas comprendre... Après tout je ne veux pas renvoyer la faute à l'école... Des enfants qui très tôt apparaissent comme repérés, étiquetés et marginalisés et qui font un parcours scolaire abominable... un enfant en difficulté...

Et par rapport à cet enfant, quelles étaient les émotions qui vous animaient face à lui?

Les émotions ? Des émotions d'instituteur... c'est-à-dire à la fois : "Qu'est-ce que je peux faire pour lui ?" et puis : "Quand est-ce qu'il arrêtera de faire front contre moi ? C'est ça... Vous avez toujours cette balance entre une lutte de classe, le hic quand il perturbe, vous le comprenez mais vous n'arrivez pas : un toujours à l'assumer parfois ça peut être difficile et là c'était difficile - deux vous vous dites le soir "pauvre gosse" et trois toute la journée vous dites "ce n'est pas possible"...

Est-ce que vous pouvez présenter une action qui avait été conduite pour améliorer la situation ?

Non.

Maintenant je vais vous demander de retrouver un enseignant que vous avez eu l'occasion de rencontrer, face à un enfant en difficulté dans sa classe. Quels sentiments s'éveillaient en lui ?Et comment réagissait-il ?

C'est de l'introspection que vous faites là... Un enseignant face à un enfant en difficulté... Je ne vois pas d'image là-dessus... Parce que d'abord vous savez entre enseignants, on ne sait pas ce qui se passe chez l'autre... dans la classe de l'autre... C'est un fait qui est encore présent, commun aujourd'hui.. Ce qui se passe dans les classes, nul ne le sait... Alors ce que vous pouvez avoir, c'est parfois de vagues souvenirs, des discussions de récréation...

Je pensais à votre position d'inspecteur... lors d'une inspection... Avez-vous été témoin de choses particulières ?...

Oui, je vais vous en raconter une brève... Un jour, j'inspecte et puis, je vois dans une classe un enfant "à part". Je me dis : "Qu'est-ce qu'il fait là celui-là ? Pourquoi est-il à part ?". On me répond : "Oh, c'est un enfant de forain... d'habitude ils sont deux mais son acolyte aujourd'hui n'est pas là"... C'est vraiment l'exemple le plus noir... D'ailleurs je l'ai mis sur le rapport d'inspection... et on en a parlé cinq minutes... C'est l'exemple le plus noir, un peu violent peut-être... Ce sont des choses qui existent. Mais... généralement l'école a par rapport aux élèves en difficulté une sorte de tolérance dans la mesure où ils ne posent pas de problèmes à l'école... C'est simple... Et on voit bien en commission d'éducation spéciale, en CCPE ou autre chose, on voit bien que les élèves en difficulté qui surgissent sont des élèves qui se remarquent par leur comportement et j'ai pu m'apercevoir parfois et ça pose toujours un problème... que... on présentait en CCPE à l'âge de douze ans, un gamin ou une gamine pour la SES et la CCPE n'en avait encore jamais entendu parler... Pourquoi, parce qu'il ne posait pas de problèmes...

Quels sont les sentiments qui animent majoritairement les enseignants dans ces cas-là ?

Peut-être... parfois le sentiment que "ne pas réussir à l'école" n'est pas "échouer à l'école"... je ne dirais pas le droit à la non réussite mais le droit à ne pas atteindre la perfection ou la compétence scolaire attendue... il peut y avoir cela... je ne dirais pas de l'indifférence, je dirais une tolérance... qui est une tolérance historique... Tout le monde n'a pas toujours réussi à l'école et la non réussite aujourd'hui se transforme en échec du fait d'une situation économique et sociale... Mais quand-même il n'y a encore pas tellement longtemps, la non réussite à l'école n'enclenchait pas une non insertion sociale et professionnelle... Et puis pour finir les enseignants commencent à réaliser et tout le monde réalise que même la réussite scolaire ne conduit pas forcément à l'insertion sociale et professionnelle... Combien de diplômés sont au chômage ?... Donc je dirais plutôt une tolérance par rapport à certains enfants à condition qu'ils ne posent pas de problèmes de comportement c'est-à-dire que leur échec ou leur non réussite ne soit pas la... convergence de problèmes familiaux, de problèmes d'accueil, de problèmes de vie dans l'école... le dernier de la classe n'est pas forcément un problème et puis il en faut un...

Quels sont les 5 mots qu'évoque pour vous le sigle RASED ?

D'abord c'est un mot que je n'emploie jamais, ni RASED, ni RAS. Jamais. Que je n'écris jamais. Je me suis toujours refusé à utiliser ce mot, ce sigle. On a beaucoup discuté quand on a créé les réseaux, j'ai participé à la commission de création des réseaux d'aide... On a beaucoup discuté sur les termes qu'on allait utiliser et en pensant comment ça allait pouvoir se décliner en terme de sigle. On avait trouvé une expression, je ne sais plus exactement laquelle, qui faisait comme sigle RADAR. Je me souviens avoir dit moi-même que radar, ce n'était pas vraiment... judicieux. Donc on a fini avec quelque chose qui s'est décliné en RASED... RASED, qu'est-ce que cela peut signifier ? Dynamique... insertion... équipe... il en faut encore deux... j'allais dire marginalité mais ça ne va pas avec insertion pourtant je crois que les deux mots peuvent se balancer... Et puis j'ajouterais un terme volontiers... pas d'espoir mais de souhait... expertise.

Pouvez-vous expliquer davantage ?

Dynamique... une dynamique d'institution qui, face à une situation, essaie de modifier les choses... Insertion, vous saisissez tout de suite le terme, par rapport au GAPP, c'était une volonté et une nécessité d'insertion... Ensuite, j'ai dit équipe... Je crois que le RASED si on en reste au mot, a comme sens de créer une équipe et quand je dis équipe, c'est non seulement l'équipe du réseau lui-même mais l'équipe d'école etc... ça rejoint d'ailleurs insertion, c'est même une condition de l'insertion... Marginalité... parce que tout compte fait tout personnel spécialisé, et ce n'est pas forcément le personnel du réseau, tout personnel spécialisé n'est plus un instituteur ordinaire... Il se retrouve toujours quelque part en marge par son regard, sa lecture des problèmes, son approche par le traitement qu'il apporte... Je crois qu'il y a là une finalité inhérente, on peut dire marginalité, si... il y a de cet aspect là... Et le dernier mot, expertise... Je crois que c'est une attente... C'est un souhait de l'institution et aussi une attente de l'école...

Est-ce que vous pouvez raconter vos dernières inspections de maîtres spécialisés, si ce n'est pas trop loin pour vous ?

C'est trop loin...

Quand je dis maître E, quels sont les 5 mots qui vous viennent à l'esprit ?

Maître E... Là aussi je dirais que je n'aime pas l'expression "maître E" mais on n'en a pas d'autre... diversité... dispersion... demande... problème... Vous allez me demander d'expliquer... Diversité des rôles, des missions des tâches... dispersion

Vous pouvez préciser cette diversité de rôles et de tâches ?

Ne serait-ce que par rapport à la typologie des structures, la typologie de classes où ils peuvent être... Puisqu'on a encore les classes de perfectionnement, les CLIS, les classes d'adaptation, les regroupements d'adaptation et certainement que dans des lieux divers on en a inventé d'autres... On trouve parfois soutien d'intégration... Donc une diversité et une dispersion à cause de cette diversité... On attend tout de lui... une dispersion, je ne suis pas sûr que le maître E arrive toujours à trouver le sens de leur rôle dans l'école peut-être à cause de cette diversité d'ailleurs qui bien entendu rejaillit sur la formation, qui est complexe... La demande de l'école par rapport au maître E est une vraie demande, c'est SOS, c'est la roue de secours, c'est le recours... La demande, on le voit bien dans les cartes scolaires, et ainsi de suite, on voit bien ce qui se passe aujourd'hui, le maître E est le maître demandé. A mon avis c'est un petit peu... une démarche sécuritaire... Je ne pense pas que le maître E puisse répondre par sa simple présence et son action, bien entendu, à tous les problèmes qui peuvent se poser... Personne ne pourra répondre à tous les problèmes... Voilà pour le maître E.

Est-ce que vous pouvez définir son travail ?

Vous le savez, c'est le maître chargé des aides à dominante pédagogique. Lorsque le texte a été conçu, il faut quand même remonter dans les anées 89 /90, le maître E était un maître qui se situait au niveau essentiellement du non apprentissage de la lecture... C'est-à-dire le maître qui apporte le coup de pouce, la technicité particulière par rapport à certains enfants, à certaines difficultés ou le cadre nécessaire pour certains enfants à un apprentissage... C'était cela, c'est pour cela que j'ai parlé de dispersion parce qu'on en n'est plus toujours là d'ailleurs, on est rentré dans le cadre de maîtres qui sont un peu des maîtres de soutien, etc... les gammes offertes sont très différentes... Donc pour moi le maître E, c'est toujours dans mon esprit, mais j'ai beaucoup vieilli et je n'ai pas suivi les choses de très près, le maître qui donne le coup de pouce pour éviter qu'un enfant ne rentre en échec par rapport aux apprentissages...

Est-ce que vous pouvez faire une distinction entre ce maître E et le maître de la classe ?

Le maître E d'abord a une formation particulière, j'espère qu'elle lui sert à quelque chose, qu'elle lui donne une plus grande lisibilité de la difficulté de l'enfant... Ensuite sur le contexte de fonctionnement a priori avec des variations qui ne sont pas seulement saisonnières, le contexte de fonctionnement lui permet des démarches plus différenciées et plus précises - et puis sa formation aussi -... et de créer un environnement différent pour les apprentissages : le petit groupe, l'intervention, la discussion ou le débat, l'échange qui est plus facile en petit groupe qu'en classe classique, ordinaire... Tout cela permet à mon sens de compléter ou de différencier l'action du maître de la classe...

Est-ce qu'il y a des points de ressemblance ?

Le maître E est d'abord un maître... (rires)...

Quand je dis maître G, quels sont les 5 mots qui vous viennent spontanément ?

(rires)...

Vous avez toute liberté...

Il y a longtemps que je n'en ai pas vu... C'est vrai, il y a tout de même huit ans que j'ai quitté ma circonscription, donc les images que j'ai sont des images qui ont certainement évolué... Après ce qui me reste, ce sont des échanges que j'ai avec les uns ou les autres parce que ça m'arrive quand même... Mais quand on a des échanges de ce type, on parle toujours de cas extrêmes, de situations particulières et le trait s'en trouve toujours forcé... On ne s'attarde jamais sur ce qui va bien, sur ce qui fonctionne bien... On vous cite toujours l'extrême et parmi les maîtres G, on peut sans doute en citer pas mal, le rapport de l'Inspection Générale en cite aussi sans doute quelques unes... Donc voilà... Par rapport aux maîtres G, ce que je pourrais vous dire et je vais entrer dans le versant négatif, en ayant pris cette précaution au préalable... Marginalité... Manque de sens institutionnel... Suicidaire...

Vous pouvez expliquer ?

Marginalité, encore ce sont des images, parce que les maîtres G ou ce que j'en entends n'ont pas réussi à passer du GAPP au réseau et à s'inscrire... Je vous ai dit tout à l'heure que les maîtres spécialisés avaient tous une certaine marginalité de par leur action, de par leur formation... Mais là, c'est... de par leurs conceptions et de leur... j'allais dire égocentrisme, non pas égocentrisme, de leur image de leur fonction... Ils n'arrivent pas à se situer dans l'institution... En deux je vous ai dit ?

Manque de sens institutionnel

Oui, on peut le voir un peu moins aujourd'hui mais enfin ça doit encore exister... On l'a vu énormément dans les débats des années 92 par rapport au texte, au paragraphe de Jospin dans son introduction, que vous connaissez sans doute... où un corps, pas un corps parce que ce n'est pas un corps mais une typologie de personnel a voulu en venir à définir sa mission par rapport à l'institution et encore le débat sur la place, sur la définition de la rééducation existe toujours... où on a donc des personnels qui veulent définir leur propre mission, leur propre champ de compétence, leur propre champ d'intervention, indépendamment de ce que peut souhaiter, à tort ou à raison d'ailleurs, l'institution... Et enfin suicidaire parce que tout ça va finir à la perte, à la disparition des maîtres G...

Comment pourriez-vous définir la fonction de maître G... telle que vous la voyez ?

Je dirais que le maître G, et c'est peut-être là un des problèmes, parfois, pas toujours, a une fonction dans une institution... et avec une mission terminale qui est la réussite des élèves... Et quand je dis réussite des élèves, c'est-à-dire une réussite qui est scolaire. Donc, ça c'est l'objectif de tout un chacun et la finalité de notre mission d'enseignant quelle que soit notre fonction. Donc, il est au moins cela. Mais cette réussite scolaire peut passer par différentes étapes et il y a des enfants pour qui l'entrée, et je vous en ai cité un tout à l'heure, l'entrée dans l'école, l'entrée dans les apprentissages nécessite des médiations... Des médiations qui ne sont pas dans l'ordre de la description des divers types d'apprentissages scolaires ou de leur construction, qui peuvent être comportementales, qui peuvent être l'estime de soi, qui peuvent être ceci ou cela mais qui ont quand-même comme finalité la réussite scolaire, ce qui nous différencie d'ailleurs d'un CMPP. Le CMPP, la réussite scolaire, ce n'est pas son problème...

Est-ce qu'il y a des différences de "clientèle" ou de public suivi préférentiellement par les maîtres E ou les maîtres G ?

Oh... Je le souhaite parce que sinon, on n'a plus besoin que d'un seul maître... Unifions les formations ! Je crois que je vous ai déjà répondu à l'instant... Oui, il y a une différence de public... Il y a peut-être des différences en terme de niveau d'âge d'intervention... Pour moi, le maître G est un maître qui doit intervenir plus tôt qu'il ne l'a fait historiquement... Plus tôt... Le maître E dans la perspective de 89/90 est celui qui aide l'enfant à entrer dans les apprentissages premiers en terme qu'apprentissages, pour entrer dans les apprentissages certains ont besoin d'être un peu guidés, d'être un peu cadrés, d'être un peu... je ne vais pas dire "formatés" (rires)... mais vous comprenez mon expression... certains ont besoin de peut-être d'investir et de comprendre le cadre de l'école... Pour beaucoup d'enfants, ça se fait naturellement, pour d'autres c'est un petit peu plus difficile... Donc les différences entre le maître E et le maître G, d'abord il y a une différence de la définition de leur mission : "aide à dominante pédagogique", "aide à dominante rééducative"... Personnellement j'y verrais volontiers une différence dans les niveaux d'âge d'intervention... Je ne vois pas un maître E intervenir en moyenne section maternelle... et j'y vois très bien un maître G.

Est-ce que vous voyez des ressemblances entre le travail du maître E et celui du maître G ?

... ça dépend de leur situation professionnelle... Si vous avez un maître E en regroupement d'adaptation, les ressemblances sont évidentes, parce que la mise en oeuvre de projets avec des partenaires est évidentes... Le fait d'intervenir sur des enfants qui ne sont pas vos élèves, ça, ça implique un certain nombre de conséquences... Par contre si vous êtes dans une classe d'adaptation avec votre groupe d'élèves, qui peuvent parfois un peu circuler, mais dont vous avez la responsabilité, là, la ressemblance est beaucoup moins grande... Sinon dans certains modes de fonctionnement, il y a des ressemblances... Ces ressemblances de mode de fonctionnement aurait tendance à faire croire qu'il y a ressemblance dans les modes d'intervention et dans les finalités d'intervention... On voit parfois des glissements... On dit : "Bon on a un maître E itinérant, on n'a plus besoin de maître G", je crois que ce n'est pas tout à fait ce qu'avaient dessiné les textes... que ce sont des glissements qui existent, mais c'est comme quand le médecin d'un établissement s'occupe de la pédagogie qui soigne les enfants...

Est-ce qu'à votre avis il y a une fonction qui joue un plus grand rôle ?

Non. (catégorique)

Est-ce qu'on pourrait imaginer une seule fonction qui allie les deux types d'aide ?

Non. (catégorique)

Vous pouvez expliquer pour quelles raisons ?

Non... oui. Les deux types d'aide, non, je ne pense pas, parce que d'abord en terme de formation ça poserait des problèmes complexes et pas faciles à résoudre d'apporter aux personnels une formation qui soit, pour les maîtres E, une expertise pédagogique d'un élève "élève"... et pour les maîtres G, je ne dirais pas une expertise psychologique parce que là ça dépasserait tout à fait leur formation, mais une qualité d'écoute et de compréhension de la situation d'un élève "enfant" face à... une situation scolaire... Je crois que non, je ne vois pas...

Aucun avantage ?

Je ne vois pas d'avantage... ça ne veut pas dire que je ne puisse pas imaginer qu'une des deux fonctions puisse être supprimée... mais pas fusionnée...

Et laquelle risquerait d'être supprimée à votre avis ?

Eh bien l'option G... ou éteinte... pas supprimée...

Par manque de candidats formés ?

Par manque de candidats non, parce que des candidats, il y en a, par manque de stagiaires formés...

Pouvez-vous préciser pourquoi, d'un côté vous affirmez que les deux fonctions ont un rôle d'égale importance et de l'autre que la fonction G est menacée de disparaître ?

(...)

Quelle est la typologie des tâches effectuées par le RASED ?

Vaste question...

Je vous demande juste de situer les grandes lignes...

Oui... A mon sens, vous avez deux sortes de tâches, de grandes lignes... Un, les missions par rapport à l'enfant, par rapport à l'élève... Deux et je dirais même trois... et l'ordre n'est pas le bon, deux par rapport aux partenaires directs, les maîtres... et trois par rapport à la structure école... Et c'est peut-être là qu'il y a le plus de difficultés, en terme de formation peut-être aussi, la place du réseau dans la définition du projet d'école d'aide aux enfants en difficulté... C'est peut-être là aussi que les termes de marginalité que j'ai utilisés tout à l'heure gardent leur sens... Et ce n'est pas forcément de leur seule faute ou de leur responsabilité... il y a l'école... Je ne vais pas faire de jugement mais je dis que par rapport à l'école le réseau... n'est peut-être pas opérant comme il pourrait l'être...

Et à votre avis que faudrait-il mettre en place pour le rendre plus opérant ?

C'est tellement compliqué tout ça...

Vous avez une petite idée de la question quand-même ?

Petite idée de la question... Peut-être oui... Là, il y a le rôle des directeurs d'école, leur formation, la formation des maîtres... en IUFM aujourd'hui, en Ecole Normale avant... qui ne préparait pas ou ne prépare pas les maîtres à travailler avec leurs collègues... Je ne dirais pas qu'ils ne les informent pas, mais c'est presque parfois le cas, sur les problèmes d'enfants en difficulté et j'allais dire de "traitement", mais c'est un peu médical le terme "traitement" mais "prise en charge" c'est pareil... prise en compte... de prise en compte de la difficulté scolaire... Ce qui se traduit de leur part par l'appel à un spécialiste et quand vous appelez un spécialiste, vous allez faire autre chose pendant ce temps là... Donc, il y a de la part de l'école l'incapacité à utiliser pleinement les personnels... Alors on pourrait retourner le propos de l'autre côté. De la part des réseaux, il y a parfois leur souci à s'affirmer comme n'étant plus enseignants, instit ou prof des écoles mais étant autre chose... Je crois qu'on y va très fort sur l'utilisation des termes que l'on utilise pour désigner les personnels... je pense notamment aux psychologues scolaires et ainsi de suite... donc il y a une volonté de différenciation qui ne favorise pas l'insertion... Vous avez aussi des modes de fonctionnement des personnels des réseaux et là-dessus on en ajouté plein alentour... qu'ils passaient leur temps à se promener et ainsi de suite... ce qui pour l'instit qui a sa classe à plein temps... ne favorise pas sa disponibilité après pour travailler parce qu'il y a ce problème là, un problème de gestion du temps... Quand travaille-t-on ensemble ?... donc on reste dans le cadre de ses 27 heures, de ses 24 heures... et ça ne facilite pas les choses... Alors quelles solutions ? C'est infiniment difficile et je crois que là, la soumission institutionnelle n'existe pas... donner trois heures aux gens pour ceci ou pour cela, on se rend compte que... d'abord ça n'est pas généralisable à tous les personnels, ce n'est pas possible... augmenter le traitement, c'est un rêve... et que quand on fait des efforts de ce type là et ça a été fait dans le second degré par exemple où on a payé des heures "d'iso" aux profs... Les heures "d'iso" existent, elles sont payées mais personne ne va les faire... Donc c'est un problème extrêmement complexe... Mais je sais, je vois, j'entends dire que des réseaux fonctionnent très bien, où on trouve sous l'impulsion d'un IEN parfois, sous la responsabilité d'un directeur d'école et il y en a beaucoup qui travaillent très bien là-dessus, on trouve des formes qui permettent de se mettre autour d'une table à un moment ou à un autre, pas forcément longtemps, pas forcément de façon systématique... mais en tout cas qui permettent de se comprendre et même parfois de s'entendre... Ce n'est pas toujours le cas, mais ce n'est pas impossible...

Comment concevez-vous les évaluations de résultats des réseaux d'aide ?

... Je vous dirais en tant qu'inspecteur, je ne les concevrais pas par rapport à l'enfant individu. Ce n'est pas en tenant une comptabilité d'indices excessivement difficiles à apprécier... C'est excessivement difficile à apprécier... En tant qu'inspecteur j'apprécierais les résultats du réseau d'aide par rapport à l'attitude d'une école face à l'élève en difficulté... en terme de signalement par rapport à une CCPE, en terme de définition du projet d'école par rapport aux enfants en difficulté, en terme de demande d'intervention... C'est là que j'apprécierais le rôle d'un réseau d'aide...

Et quand vous étiez encore IEN est-ce que vous pouvez parler de votre rôle au sein du RASED ?

Certainement pas comme aujourd'hui... J'avais mis en place déjà en 89... J'avais demandé et obtenu que tous les signalements au réseau me soient transmis, non pas que j'en fasse un tri parce que ce n'était pas à moi de faire le tri... mais me soient transmis afin d'évaluer la demande de l'école... ça rejoint ce que j'ai dit... Ensuite, j'avais mis en place... alors là c'était un peu plus difficile, je leur avais demandé de me faire un tableau anonyme, seulement les prénoms, des interventions auprès des enfants, en m'indiquant la durée de ces interventions, si elles s'étendaient sur trois semaines, six semaines, deux ans, trois ans... Je me suis aperçu que parfois ça durait des années... Si au contraire certaines interventions étaient de l'ordre de la séance afin d'apprécier là aussi à la fois la demande de l'école et la forme de réponse du réseau... quand je dis forme de réponse, c'est-à-dire quelle était l'attitude d'un réseau vis à vis d'une demande de l'école et quelle est l'action d'un réseau sur une demande de l'école...

Est-ce que vous pouvez citer les 3 livres ou auteurs principaux recommandés lors de la formation E ?

Non.

Même question pour la formation G ?

En G trois : De la Monneraye, y'a bien un bouquin de Freud et le troisième Piaget, on n'ose plus le citer, en E peut-être mais en G pas. Non je vais rester à deux.

Que pensez-vous de la qualité actuelle de la formation E ?

Rien.

Et pour la formation G ?

Rien.

Pour quelles raisons n'avez-vous pas d'opinion là-dessus ?

Parce que la formation E, vous en avez vingt en France, la formation G il n'y en a pas vingt mais au moins dix, douze... Je ne saurais pas porter de regard, de jugement sur ce qui se fait partout...

Il n'y a pas d'harmonisation entre les centres ?

C'est une fausse question que vous posez, vous avez la réponse...

Quels sont les cinq mots qu'évoque pour vous la réussite à l'école ?

C'est encore pire que l'échec ça... La réussite à l'école... (rires)... Il ne faut pas écarter le mot satisfaction... légitimité... vanité...

Pouvez-vous expliquer davantage le choix de ces termes ?

Satisfaction... d'un enfant qui réussit... Légitimité de l'école parce que c'est son rôle de faire réussir les enfants... Vanité, la vanité parce que c'est bien de réussir à l'école mais n'est-ce pas parfois aussi une sorte de fausse poursuite, de leurre... En tout cas pour les familles parfois, c'est bien de la vanité... par rapport à ceux qui ne réussissent pas, par rapport au hasard, il suffit de voir ce qui ce passe lorsque sortent les classements... Il y a une part de vanité et puis une vanité par rapport à un devenir... parce que ... la réussite à l'école en soi favorise les choses bien sûr, mais est-ce qu'elle assure une réussite de vie ? Je ne dis pas seulement professionnelle, je dis "de vie"...

Et quelles sont à votre avis les raisons principales de la réussite scolaire ?

Les gènes...

Mais encore...

Non, les gènes ne sont pas la réussite à l'école, bon... Un sens social porté par l'école, une attente familiale, oui je crois que beaucoup de choses sont là... on ne va pas commencer à surligner l'acquis...

Comment voyez-vous l'avenir des RASED ?

Vous le préférez en noir ou en couleur ?

(rires)... ça m'est égal...

Comment je vois l'avenir des réseaux ?... ça peut perdurer... Il est incertain, mais je crois qu'il ne peut pas y avoir de grandes remises en cause, peut-être dans la composition du réseau, peut-être dans la typologie des personnels, leur définition, peut-être dans les formations... Mais en tout cas cette notion de réseau d'aide aux élèves en difficulté garde son sens et gardera son sens... L'école ne peut pas se priver de cet espace... parce que le réseau est aussi un espace... Un espace qui a par rapport à l'école la fonction... exutoire, pour évacuer un certain nombre de choses et on en a besoin... Un certain nombre d'enfants ont besoin d'un espace, soit dans le cadre de l'école mais qui n'en soit pas tout le cadre où... ils puissent cahoter parfois sans tomber et avancer toujours... pour rentrer dans l'école... Et il est important que cet espace soit un espace de l'école, pas un espace thérapeutique, médical ou autre... L'avenir des réseaux est incertain dans sa forme, pas dans son existence même...

Comment considérez-vous la place et le rôle des aides à l'école ?

Les aides ne sont pas en premier lieu des aides spécialisées... Bien, oui... Voyez la première circulaire de 77 sur les actions de soutien à l'école... Cette phrase essentielle du texte sur les réseaux : "le maître est le premier responsable"... C'est tout le sens du réseau... Quand-même le réseau arrive après la loi d'orientation de 89 qui place l'enfant au cœur du système éducatif, qui définit la pédagogie différenciée, qui introduit les cycles... Donc le réseau a sa place de façon complémentaire et non pas subsidiaire à ce qui se fait dans l'école... Le réseau ne doit pas être le SOS à tout venant... Je vous parlais dans la toute première question de rejet et d'exclusion... face à la difficulté... On a eu trop longtemps tendance, face à la difficulté, à dire : "Voilà un enfant qui n'entre pas dans la norme"... Quelle norme ? Il faut se rappeler qu'il y avait une circulaire de 69 je crois, qui parlant des classes de perfectionnement disait que dans chaque groupe scolaire de dix classes, il devait y avoir une classe de perfectionnement pour chaque niveau... C'est-à-dire que pour cinq classes, on mettait une classe de perf en place... Quand vous voyez le ratio que cela fait d'élèves en difficulté, c'est quelque chose d'énorme... Donc il s'agit de se sortir de cette histoire, de se dire que l'élève en difficulté, il n'est pas en difficulté, il y a un enfant qui apprend peut-être avec moins de facilités qu'un autre mais avant de lui mettre l'étiquette "élève en difficulté", il y a un effort considérable de l'institution, de la structure, de la classe, de la mise en oeuvre d'une démarche pédagogique qui puisse répondre... et ça n'est que le texte des réseaux... C'est quand tout a été mis en oeuvre qu'on fait appel au réseau... Et c'est pour ça d'ailleurs, en même temps qu'il n'a jamais été envisagé d'étendre les réseaux de façon considérable... parce que étendre les réseaux de façon considérable, c'était réinjecter dans l'école et dans son fonctionnement cette démarche ancienne...

Avez-vous d'autres remarques à formuler encore sur les aides spécialisées à l'école ?

... Non... Sur les aides spécialisées à l'école peut-être pas... Peut-être sur les attitudes de l'école par rapport à un certain nombre de difficultés... On reparle aujourd'hui de la dyslexie... Ne me demandez pas de la définir... On a passé beaucoup de temps à nier ce genre de difficultés... Aujourd'hui sous la pression des familles ou d'associations, des textes sont sortis et on se penche à nouveau sur la dyslexie... avec peut-être des attendus scientifiques un peu plus solides qu'auparavant... Bien que ça ne soit pas vraiment prouvé... Mais il semble qu'il y ait des attendus scientifiques... Là, c'est tout le problème de l'école qui s'est installée dans l'assurance de sa compétence par rapport à tous les problèmes... Et où un enfant qui n'entre pas dans la mise en oeuvre de cette compétence se trouve dans une sorte d'anormalité... Donc les aides spécialisées ont à mon sens deux missions, de permettre à l'enfant d'échapper à ce danger de rejet et d'aider l'école à assumer sa fonction... par rapport à tous les enfants. Il demeure que l'école en elle-même ne peut pas répondre à toutes les questions... Aujourd'hui avec l'intégration... il y a quand même des demandes particulières qui exigent une expertise... Donc je reviens sur le débat antérieur en quelque sorte, c'est sur la place des aides spécialisées à l'école... Jusqu'à quel point ? A partir de quand ? Quand sont-elles nécessaires ? Et jusqu'à quel point faut-il les mettre en place ?... C'est tout le problème des indications, sur lequel les enseignants ne sont pas non plus formés... On parle aujourd'hui de test avec les enfants de quatre ans, cinq ans, les tests de Mme Chevrier-Muller et ainsi de suite... qui sont intéressants si on ne les traduit pas aussitôt en étiquetage... si on les traduit en attentions, si on ne les traduit pas en prise en charge individuelle... si on les traduit en actions pédagogiques orientées... si l'enfant ne les traîne pas dans ses dossiers... Il y a là une sorte de déontologie difficile à construire avec un corps d'enseignant qui représente quand-même 300, 600 000 personnes, ce qui est considérable... Il y a là peut-être au niveau des formations une attention qui n'est pas assez... apportée... Où la formation n'est pas qu'une technicité... à dominante rééducative ou à dominante pédagogique elle est aussi autre et il manque peut-être dans les formations des temps de psychologie sociale, des choses comme cela...

Une dernière question facultative... Pour quelles raisons avez-vous choisi d'occuper votre poste actuel ?

Il n'y a pas de raisons... vous savez dans une carrière, il y a des opportunités... Vous les saisissez, vous ne les saisissez pas, on vous accepte, ou on ne vous accepte pas... En termes de raison, il y a des choses que vous avez faites et qui vous permettent de demander tel ou tel poste... mais ça ne répond pas à votre question... Pourquoi devenir médecin... Je peux vous dire les raisons pour lesquelles je reste ici... d'abord parce j'ai un beau bureau... je reçois de jolies femmes... j'ai un boulot qui est très, très diversifié, qui porte à la fois sur les formations, voyez j'ai des plans de formation sous le coude... ça c'est la formation à distance, là sur l'ordinateur j'étais en train de préparer le calendrier des actions de formation continue pour l'an prochain, donc ça permet de dessiner, d'orienter un certain nombre de choses... Après vous je vais passer une heure à parler du problème des sourds... C'est la diversité, les rencontres avec les gens, les stagiaires...