Entretien E18 Gabriel

Age : 57 ans

Profession : IEN Chargé de mission/IA/IG

Diplômes : licence de psychologie (71), maîtrise (72), DEA (81), doctorat de psychologie (85)

Gabriel : cursus professionnel (cf. légende profils de carrière A1 pp. 43-44)
Gabriel : cursus professionnel (cf. légende profils de carrière A1 pp. 43-44)

Lieu de l'entretien : bureau de l'IEN

Durée : 1h 35 mn

Quels sont les 5 mots qu'évoque pour vous l'expression "enfants en difficulté " ?

... Apprentissages difficiles, mauvais résultats scolaires, ennui scolaire, manque de perspectives, déception vis à vis de l'adulte...

Pouvez-vous développer chaque expression ?

Non... si vous voulez que je développe... Je ferais une sorte d'auto-analyse et d'autocritique... ça reste confidentiel n'est-ce pas ?.... c'est quelque chose que je fais assez souvent... et au fur et à mesure que les années passent, je crois que je n'étais pas un bon instituteur parce que justement après réflexion, je pense que je ne m'occupais pas bien des élèves en difficulté. Les élèves en difficulté, comme tout enseignant banal, j'allais dire, je les considérais non pas un peu responsables ou un peu porteurs de la difficulté mais comme étant des enfants... différents... et que je devais m'occuper surtout de l'ensemble et je retrouve beaucoup dans les expressions des enseignants des expressions qui font écho à ce que j'ai vécu... et quelquefois, j'ai envie de recommencer, je voudrais recommencer ma vie avec les classes et puis je regarderais les enfants en difficulté que j'ai eus... et dont je me souviens parfaitement... du visage, du regard et je m'en occuperais complètement autrement... C'est pour ça que je dis "déception vis à vis de l'adulte" c'est déception à mon égard parce que je pense que je devais décevoir les enfants qui étaient en difficulté... Quand j'ai été en classe 7 ans, 8 ans en classe, je pense que je n'ai pas été bon, même si par ailleurs l'inspecteur me faisait de bons rapports, même si les parents étaient contents etc... ça c'est le versant social, le versant extérieur, dans ma psychologie intime, je pense que c'était... que je ne me débrouillais pas bien...mais c'est peut-être aussi pour ça que je suis devenu psycho, parce qu'inconsciemment ou peut-être même consciemment, certainement consciemment d'ailleurs, je me suis dit progressivement "ça ne va pas, il faut faire quelque chose... il faut réfléchir pour changer de comportement ou trouver des solutions"... Je ne dis pas ça pour me racheter, mais c'est un petit peu ça... Je crois que c'est en fonction de ma problématique personnelle, en tant qu'enseignant, je crois que je n'ai pas suffisamment aidé les élèves que j'avais en classe... et je voyais des élèves qui s'ennuyaient... j'exprimais de la déception et de la rage à leur égard, je leur disais : "mais enfin, intéressez-vous, travaillez etc." comme le mauvais instituteur de maintenant... C'est-à-dire que je renvoyais sur eux la responsabilité de ce qu'ils me manifestaient... ça m'ennuie, vous êtes en train de faire ma psychanalyse... C'est très fort en moi et quand j'inspecte dans les classes (...), ça je le vois très bien dans les attitudes des enseignants...

Est-ce que vous pouvez retrouver un enseignant face à un enfant en difficulté dans sa classe, essayer d'appréhender ce qu'il pouvait ressentir... et puis parler de ce qu'il mettait en place...

C'est très difficile... Si d'abord, moi j'ai vu des enseignants formidables... D'abord des enseignants qui étaient extrêmement calmes... extrêmement mesurés, qui devant des élèves en difficulté, manifestaient, au lieu de manifester de la rage, manifestaient de la chaleur, de l'attention... ça c'est essentiel... et ils considéraient qu'ils devaient donner priorité à l'aide à ces enfants-là plutôt que de s'occuper des autres... J'ai vu quelquefois faire ça, notamment dans les classes spécialisées et je trouvais ça formidable...

Quels sont les 5 mots qu'évoque pour vous le sigle RASED ?

RASED ? Les déclinaisons des lettres bien sûr... On est en vraie psychanalyse là... (...). RASED ? Qu'est-ce que c'est que ça ? Pour moi ça rimait avec ras, ras et skinned... Bon, c'était l'époque où le mouvement commençait à se développer... Je me disais : "Qu'est-ce que c'est que ce sigle horrible qui associe à la fois le néant ras, ras, ras le bol, ras etc. et puis qui rime avec skinhead, c'est horrible, il va y avoir des tas de jeu de mots là-dessus... Mais ça c'est l'évocation passée lucide... Pour moi aujourd'hui, RASED, qu'est-ce que ça signifie ? Quelque chose qui est du domaine de la confusion, quelque chose qui échappe, qui brouille au lieu de clarifier... qui sécrète une dynamique en rupture avec la mission qui est donnée... C'est d'une certaine manière quelque chose qui relèverait non pas de l'inutilité mais du gâchis par rapport au produit. Bon, ça fait trois... Bon pour vous faire plaisir, non, non, pas pour vous faire plaisir, quelque chose qui potentiellement peut être intéressant, peut devenir intéressant... Et puis un sigle peu compris... par la communauté éducative, les acteurs... Que vous alliez n'importe où, les RASED, si on dit RASED pff...

J'ai noté comme termes : sigle horrible, confusion, gâchis, potentiellement intéressant et puis sigle peu compris. C'est bien ça, je ne trahis pas votre pensée ? Pouvez-vous les expliquer davantage ?

Je crois que ces mots comportent leur développement en eux-mêmes... confusion... Je pense quand même à une chose... c'est que la mission des réseaux, à mon sens a été très bien définie à partir de la circulaire de 90 parce qu'elle se calait sur une réorientation qui avait elle-même été définie, la mission des GAPP et donc à mon sens, elle me paraissait extrêmement novatrice, améliorée, affinée et on allait vers un modèle meilleur... Et ce modèle n'ayant pas été bien appliqué, on a l'impression qu'il y a une confusion... alors une confusion avec l'ancien modèle, alors ça, ça a été développé, il y a une confusion aussi dans ce qui se fait, dans ce que sont les personnes, dans ce qu'elles font, dans leur place dans l'école, dans leur place à l'égard des autres partenaires, des autres services... Vous avez des réseaux d'aides qui restent très enfermés dans leurs écoles et d'autres qui travaillent en très bonne relation avec les services partenaires... Tout ça c'est extrêmement peu rationnel, extrêmement confus... Et puis les missions en décalage... Les réseaux ont une mission et l'école attend que les réseaux prennent en charge, traitent les difficultés des élèves, et on se rend compte que les réseaux d'aides traitent seulement quelques difficultés de quelques élèves... Voilà le décalage, quelques difficultés qui ne sont pas forcément des difficultés scolaires, signalées par les enseignants...

Vous avez dit aussi "potentiellement intéressant"

Eh bien oui, parce que là, on possède un potentiel formidable de ressources, des personnes qualifiées, compétentes et qui ont une bonne disponibilité. Si tout cela est utilisé à meilleur escient dans un projet plus étayé, plus suivi, ça peut devenir un outil excellent dont ne disposent pas d'autres pays européens.

Est-ce que vous pouvez raconter brièvement la dernière inspection de réseau, soit le réseau dans son entier, soit un réseau, soit un maître E, soit un maître G...

(...) Non pas une inspection mais une animation de réseau, si ça vous convient...

Très bien...

(...) Ma collègue inspectrice a animé ses réseaux d'aide, douze personnes... ça a été extrêmement intéressant pour moi... évidemment (...) elle avait beaucoup travaillé le sujet... (...) et elle avait conçu son animation de telle sorte que les réseaux qu'elle avait déjà réunis, présentent des productions les amenant à intégrer le projet de réseau dans le projet de circonscription... Alors ce travail-là, l'inspectrice l'avait bien préparé et les réseaux avaient eu le temps de se réunir... alors il est intéressant de voir, mais c'était la faute de l'inspectrice, les maîtres E s'étaient réunis ensemble et les maîtres G et les psychologues s'étaient réunis ensemble... mais séparément... Et on a vu des productions faites par les maîtres E qui étaient très bonnes, dans une démarche très dynamique, de participation à la concrétisation du projet de circonscription... Et il a été révélateur de voir que les psychologues et les maîtres G d'abord de présenter une plate-forme revendicatrice, s'opposant à la démarche et puis disant qu'ils refusaient de s'engager dans cette démarche tant qu'ils n'avaient pas telle ou telle garantie, telle ou telle précision et donc il y a eu un débat tout à fait intéressant et en plus ça s'est doublé du fait que des psychologues avaient refusé au cours de leur inspection des dossiers d'élèves... Ce qui est prévu dans les modalités d'inspection... La collègue a très bien mené la réunion, elle a fait évoluer... elle a permis au personnel de s'exprimer, d'étayer leurs arguments et chaque fois elle a bien su montrer la relativité de ces arguments voire la faiblesse... (...) elle leur a montré qu'ils n'étaient pas dans une bonne position, ils avaient tort... et qu'ils étaient des fonctionnaires... (...) et ils sortaient, partaient, je ne vais pas dire contents mais sur des positions différentes, complètement différentes de celles avec lesquelles ils étaient venus... Donc vous voyez, il y a quand-même des problèmes de compréhension, de communication... il y a des présupposés, tout un ensemble d'éléments... qui rigidifient les positions... alors l'identité professionnelle, la singularité, tout cela... mais nous on travaille de façon singulière, on ne travaille pas sur l'ensemble... tout y est passé bien sûr... La collègue a eu une certaine facilité bien sûr à redresser des points qui étaient vraiment des points discutables...

Alors, à partir de votre expérience, de ce que vous avez vu dans la pratique et non pas à partir de la définition officielle des textes, pouvez-vous définir le travail du maître E ?

Oui, je vois où vous voulez m'amener... Vous savez le maître E, c'est l'héritier des classes d'adaptation... Maintenant, il est invité à travailler en regroupement d'adaptation, il n'est pas dans une position facile parce qu'il est invité à travailler sur un mode un peu identique à celui du maître G puisqu'il doit, la plupart du temps, prendre des groupes d'élèves... Donc sa position n'est pas très facile... pourtant il reste dans le domaine du scolaire, je ne vais pas dire pédagogique, il reste dans le domaine des activités scolaires alors sous forme de méthode de travail, tout ce qu'on voudra... mais on sent que ses objectifs sont bien clairs et s'il travaille en bonne relation avec les autres personnes du réseau et avec les maîtres des classes, il sait que son objectif est de faire en sorte que l'élève reste dans la classe et suive le mieux possible son cursus et... que lui le maître, n'ait pas à le suivre tout le temps... C'es donc bien une aide dans le domaine de la réussite scolaire... Je crois que pour eux c'est assez clair comme ça, comme ils l'expriment et comme ils agissent... parce qu'ils savent que si tel enfant est vraiment un cas trop lourd pour eux, alors bon, c'est soit l'enfant va en CLIS, soit c'est peut-être le maître G parce que lui... mais il sait bien je crois quelle est sa mission... En revanche ce qui lui pose problème, dans les cas qui lui sont soumis, ce sont des cas qui ne sont pas purement en échec scolaire... Et ce sont des cas qui présentent des difficultés très complexes, diverses et qui ne sont pas uniquement scolaires... (...) Il y a un maître E qui m'a dit : "dans ce que vous dites en parlant des G, c'est ce que je fais en E, c'est-à-dire que les enfants qui me sont confiés, sont des enfants qui ne sont pas seulement en échec scolaire mais qui ont d'autres problèmes que je ne peux pas ignorer"... Et ça c'est vrai (...) Le maître E ne peut pas ignorer d'autres facteurs qui peuvent influer sur la réussite scolaire... Alors voilà comment je vois le maître E, certainement assez bien clairement défini dans sa mission mais dans la réalité, en position plus difficile...

Pouvez-vous parler des différences entre le travail du maître généraliste et celui du maître E ?

Oui... Quand je vous dis oui, c'est comme si j'avais la clé... On sait que le maître généraliste, le maître de la classe doit intervenir prioritairement sur la différenciation pédagogique de telle sorte que les problèmes des enfants soient déjà pris en charge dans la classe... ça c'est de la prévention primaire... On sait très bien que d'une part le maître de la classe même s'il différencie sa pédagogie, ce qui est rare, ne peut pas le faire tout le temps... Alors j'ai envie de dire que le maître E est le maître qui prend en charge des enfants, des groupes d'enfants qui ont besoin d'une attention particulière que le maître ne peut pas assurer dans l'exercice courant de sa pédagogie... C'est un peu par la négative que je définis... mais si on veut parler de la spécialisation du maître E, à mon sens, c'est le maître qui, par une compétence acquise, une formation, etc... est à même de prendre en charge des groupes d'enfants, sous forme de classe éventuellement, qui ont besoin d'une attention continue dans les situations scolaires...

Alors si je dis maître E, quels sont les 5 mots qui vous viennent à l'esprit ?

Alors ça vous êtes dure... Attention, différenciation pédagogique, regard particulier sur les élèves, projet de réussite, devenir scolaire...

Et pour maître G ?

Maître G, quels ont les cinq mots qui me viennent ?... Les maîtres G tels que je les vois ou tels que je voudrais les voir ?

Au choix...

Ah non...

Si, parce que j'ai laissé le libre choix à chacun...

(...) Pour le maître G, je dirais... allez, psychothérapeute, anti-pédagogique, singularité... Vous êtes dure... idéalisation du modèle médical, enfermement.

Est-ce que vous pouvez développer un peu ?

Psychothérapeute ça rejoint l'attrait pour le modèle médical et puis il est vrai que ça a été confirmé, réaffirmé, reconfirmé que les maîtres G, sauf vous, définissent leur identité professionnelle en opposition à ce qui est le référent scolaire. Ils cherchent une spécificité en empruntant des modèles dans un autre modèle qui est le modèle psy, le modèle médical parce que la rééducation, c'est un concept qui est créé de toutes pièces, qui n'a pas existé, qu'on a créé et qui existe de manière extrêmement artificielle et qu'on étaie par des écrits. Les écrits ne sont qu'un effort de définition de cet acte qui n'est pas naturel, enfin qui n'a pas un sens obligé. Alors les maîtres G se situent un peu comme ça, dans la recherche permanente de la définition d'un modèle qui n'existe pas. Je suis sévère...

Vous avez parlé tout à l'heure aussi des maîtres G tels que vous les verriez... Est-ce que vous pouvez préciser ?...

(...) Les maîtres G tels que je les verrais... Je ne veux pas dire sur le modèle québécois... je ne sais même pas s'il existe des orthopédagogues, c'est-à-dire la personne ressource, la personne disponible, qui vient prendre en charge certes des enfants ou des groupes d'enfants signalés par le maître ou qui vient apporter sa contribution à l'action du maître pour des enfants en difficulté dans les classes de telle sorte que les enfants réussissent compte tenu du fait que ces difficultés sont plus complexes, plus globales, plus lourdes que celles qui sont prises en charge par le maître dans la classe ou par le maître E. C'est là que je verrais le maître G, il travaille sur les interactions entre les apprentissages et l'environnement des situations d'apprentissage... Ce n'est pas réducteur, ce n'est pas une réduction à la pédagogie, au contraire c'est un travail qui est beaucoup plus complexe... et qui nécessite que le maître G analyse les situations dans une approche un peu systémique, essaie de voir toutes les implications, ce qui influence, ce qui provoque, ce qui suscite les dysfonctionnements et donc lui, il intervient sur ces dysfonctionnements pour que l'enfant réussisse mieux... c'est-à-dire qu'il n'intervient pas sur la situation familiale parce qu'on ne va pas restructurer une famille ou on ne va pas créer un emploi pour le père qui n'a pas d'emploi, il ne vient pas se substituer à, mais compte tenu de cette situation là, qui peut peut-être déranger l'enfant mais qui ne le dérange peut-être pas... eh bien lui, il doit prendre ça en compte pour que l'enfant réussisse dans les situations que lui présente l'école...

A votre avis, entre E et G, est-ce qu'il y a une fonction qui joue un plus grand rôle ?

Je ne répondrais pas par oui ou par non, par l'une ou l'autre, parce que dans l'état actuel, ces deux fonctions telles qu'elles sont conçues se complètent, elles se complètent mal mais elles se complètent. Si on s'en réfère aux inspecteurs et aux instituteurs, le maître G (lapsus ) semble jouer un grand rôle parce que c'est lui qui est le plus souvent sollicité, c'est lui dont les actions sont les plus appréciées... alors que le maître G on a toujours des retours du style : "mais on ne sait pas ce qu'ils font, ce n'est pas du scolaire, mais l'enfant lorsqu'il revient, on ne sait pas si... il a été mieux pris en charge... C'est un faux débat parce que les maîtres G prennent des enfants qui sont en situation plus difficile donc... la réintégration de ces enfants-là dans la classe ou dans une dynamique scolaire est certainement plus difficile et si les maîtres traduisent ceci par une insuffisance des maîtres G, c'est une erreur... C'est d'ailleurs l'erreur du rapport Mingat... qui a fait beaucoup de mal mais qui pêche par erreur d'analyse... Moi, je dirais que les deux se complètent... Mais personnellement, vous les G, vous nous avez convaincu qu'il fallait maintenir cette séparation entre les deux... Moi, je pense peut-être qu'une bonne formation, pourrait faire l'économie d'une option, c'est-à-dire qu'à mon sens, les maîtres E et les maîtres G (...) pourraient constituer des maîtres spécialisés possédant une bonne spécialisation, une bonne formation... pouvant jouer le rôle de l'un ou de l'autre... Comme je vous ai dit que les maîtres E travaillaient de plus en plus sur des situations complexes, les maîtres G nous disent aussi, ceux qui sont sincères, qu'ils travaillent bien aussi sur des restaurations scolaires, sur des remédiations et certains réussissent bien... A mon sens, ce clivage, il a été créé par la circulaire de 90, et il est un peu artificiel... Donc, je ne suis pas sûr que ce soit bon...

Est-ce que vous verriez des inconvénients à cette fonction unique ?

Non, c'est un peu ce que je viens de vous dire...

Oui, vous venez de présenter les avantages d'une fonction unique, mais à l'inverse quels pourraient en être les inconvénients ?

Oui, il y aurait un inconvénient, si le nouveau maître glissait exclusivement vers les pratiques du maître G... Mais si le maître G restait dans les pratiques telles que je viens de vous les définir, c'est-à-dire travaillant sur les situations d'apprentissage avec ses compétences, ses spécialités plus multifactorielles, plus systémiques, et impliquant, d'abord une très bonne connaissance de la psychologie des apprentissages, des apprentissages scolaires, des troubles etc... à mon sens et ce n'est pas instrumentaliser la rééducation que de dire que ce maître-là pourrait être un très bon support pour le maître de la classe.

Est-ce que le fait d'introduire une fonction unique pourrait représenter un danger au niveau du fonctionnement des réseaux ?

Est-ce que les réseaux fonctionnent comme des réseaux ?

En ce moment peut-être que non, mais en quoi serait-ce un élément facilitateur ou au contraire un obstacle supplémentaire ?

A mon sens, je ne pense pas, j'idéalise, et puis j'essaie d'étayer le modèle que je vous présente, je pense qu'actuellement... regardez le psychologue, c'est du diagnostic, le maître E fait du pédago spécialisé et le maître G fait quelque chose qui est du psy non pédago... Je fais court... Mais finalement ces trois fonctions-là ne constituent pas une interaction fonctionnelle du réseau... Si, sur un secteur, le psychologue secondarise sa démarche de diagnostic et s'il travaille avec les maîtres sur l'analyse des situations difficiles, avec les maîtres et avec le maître G, ensemble, et c'est vraiment un concept que je voudrais mettre en oeuvre, ensemble, maître de la classe, psychologue et maître G, travaillent sur ces situations et trouvent des modèles d'actions, des modèles d'interventions pour que ces situations soient réglées et on est bien dans un fonctionnement en réseau... Dans tel secteur, ou dans telle école, le maître G interviendra de telle manière, le psychologue interviendra de telle manière pour telle action, dans telle autre école ou en milieu rural, les actions prendront des formes différentes etc... Mais je veux dire que travailler en réseau, c'est travailler sur le système, c'est travailler sur les organisations, sur les situations et c'est apporter un peu d'entropie aux situations... C'est ça que doit faire un réseau en principe...

Comment concevez-vous votre rôle en tant qu'inspecteur au sein des réseaux... ?

Ce que je peux vous dire, c'est ce que font aussi d'autres inspecteurs, c'est ce que je vous ai dit tout à l'heure... Ils commencent... On a vu, il y a une évolution très nette et à mon sens si les réseaux ne fonctionnent pas bien, c'est que les IEN ont failli à leur mission d'animation et d'inspection des réseaux... Et en revanche, les IEN qui s'engagent véritablement dans des animations de réseau sont quand-même de plus en plus nombreux et ils sont dans une dynamique très porteuse, très dynamique.(...)

Pouvez-vous citer les 3 livres ou auteurs principaux recommandés lors de la formation E ?

Non, je ne sais pas... On doit bien donner du Meirieu en masse... tous les bouquins de Meirieu... On peut donner aussi tous les livres concernant l'apprentissage de la lecture, il ne m'en vient pas... J'espère qu'on donne la maîtrise de la langue, le petit livre rouge du ministère qui est un ouvrage de base, le texte sur les cycles... l'organisation de l'école primaire en cycle, c'est fondamental... En pédagogie spécialisée, c'est vrai qu'il y a peu de publications spécifiques...

Pouvez-vous citer les 3 livres ou auteurs principaux recommandés lors de la formation G ?

Pour les G, il y a tous les écrits de Guillarmé, Darrault, de De la Monneraye, maintenant il y a Gillig qui se met à écrire beaucoup sur la rééducation... Bon, voilà...

Est-ce que vous pouvez isoler de grandes tendances par rapport aux divers centres de formation qui existent en France ?

Oh, non... Si vous voulez, je ne vais vous dire que ce que vous savez déjà... il y a une formation plus clinicienne, plus clinique c'est Auteuil avec Guillarmé, une composante plus analytique, c'est avec de la Monneraye... il y a une formation plus... à dominante linguistique et sémiologique, c'est Darrault et puis les autres n'ont pas de tendance forte... Si peut-être Aix en Provence, c'est peut-être aussi très clinicien... Je ne sais pas exactement, je ne pourrais pas spécifier les centres... Strasbourg, c'est peut-être psy aussi, Lyon c'était un peu psy...

Que pensez-vous de la qualité actuelle des formations proposées ?

Je vous dirais qu'elles sont inadaptées à ce qu'attend l'institution... Alors les formations ne sont pas complètement responsables parce que le texte de 90 a certainement... suggéré, généré les dérives qu'on observe... Mais à mon sens, je crois que malgré tout ces dérives ont été prises parce que les acteurs de la formation étaient tout près à cultiver ces dérives-là... Alors, je ne sais pas... Je crois qu'elles sont inadaptées... et en particulier inadaptées au point que je signale dans le rapport, à savoir on travaille beaucoup sur l'estime de soi, sur la restauration de l'image de soi, de la confiance, des conduites émotionnelles, corporelles mais on oublie de travailler sur la restauration de l'efficience dans les apprentissages, les situations proposées par l'école... Et ça, je crois qu'on est trop faible là-dessus et on oublie ce travail sur la psychologie des apprentissages scolaires... A mon sens, la psychologie des apprentissages scolaires est une psychologie qui est insuffisamment développée... il n'y a pas beaucoup de recherches dans ce domaine là et... il ne faut pas réduire mon propos au cognitivisme, parce que le cognitivisme, on en connaît bien la problématique, on en connaît les limites... C'est une psychologie qui développe bien tout ce qui tourne autour des processus cognitifs mais des apprentissages au sens maturation, au sens beaucoup plus global, au sens développemental... La psychologie génétique aussi, qui a été antérieure à la psychologie cognitive, mais aussi les autres courants psychologiques, la psychologie comportementale, la psychopathologie, la psycholinguistique, finalement, ont choisit, retenu un objet qui est bien spécifique, et n'ont pas... ont travaillé sur cet objet... mais n'ont pas fait le transfert des acquisitions dans le domaine des apprentissages scolaires... C'est cela qui me préoccupe et que je développe souvent, la psychologie des apprentissages scolaires ne me semble pour l'instant pas exister... Alors on me dit : "Oui, mais il y a la didactique"... La didactique, à mon sens, ce n'est pas la psychologie... parce que lorsque l'on étudie les travaux de didactique, que voit-on ?... La didactique, c'est le passage du savoir savant au savoir enseigner... Donc, il y a un gros travail sur ce domaine là, sur cet entre-deux... Mais dans le savoir enseigner l'enfant est pris dans son abstraction, et... même si on se place dans une perspective un peu génétique... c'est sûr que lorsqu'on fait de la didactique des maths à l'école primaire, c'est sûr que ce n'est pas la même chose que la didactique des maths en terminale... Il y a bien une perspective génétique, mais il n'y a jamais didactique des maths pour des élèves en difficulté... Alors s'il y avait ça, je dirais : "oui, il y a de la psychologie des apprentissages"... Mais si vous voulez, la didactique ne se penche pas sur la relation entre le savoir enseigné et l'enfant... l'enfant dans sa dynamique... Donc, je trouve que tout est à faire là...

Quels sont les cinq mots qu'évoque pour vous la réussite à l'école ?

A l'école primaire, à l'école en général ?...

Comme vous voulez...

... Bonheur... équilibre... épanouissement... connaissances... projet.

Pouvez-vous expliquer le choix de ces termes ?

... (rires) Vous voulez un discours philosophique ou un ressenti ?... Si je vous dis ce que c'est que réussir à l'école, je vais vous sortir la loi d'orientation...

C'est plutôt au niveau ressenti personnel... qu'est-ce que ça signifie, pour les enfants, selon vous ?

Quand j'ai dit bonheur, ça signifie qu'à mon sens les enfants à l'école devraient... être heureux de réussir, être heureux de ce qu'ils font... donc véritablement, se situer dans une dynamique de plaisir... Moi, je ne voudrais pas voir de classe triste, de classe où on s'ennuie, ça ce n'est pas nouveau mais je voudrais voir des classes où les élèves expriment de la joie, du plaisir, parce qu'ils sont en situation de découverte, de construction de leurs savoirs, d'acquisition, c'est le rêve... Equilibre... Oui, c'est quand-même important parce que ce plaisir, cette joie de réussir ne doit pas être l'expression de la joie par la compétition, par le gain, par la victoire... mais on est en pleine idéalisation, pour moi l'équilibre, c'est le fait que dans une classe des élèves expriment le plaisir d'être... de réussir même s'ils ne réussissent pas tous de la même manière... Donc ça exclut la référence à la notation, ça exclut la référence à des classements, évidemment à des choses comme cela où la référence à des sanctions, des punitions, ou simplement des indications lorsque les enfants ne sont pas au même niveau mais ça exclut aussi une valorisation de celui qui réussit... parce qu'on est dans une problématique de réussite, la valorisation de celui qui réussit... Ensuite épanouissement, c'est la continuité... Si on réussit de manière équilibrée on est beaucoup plus soi-même, quoi et on est dans un rayonnement personnel intérieur d'abord et extérieur si on en fait profiter les autres... Connaissances après, cela va de soi, je ne vois pas réussir à l'école quelque chose qui ne participe pas, non pas de l'accumulation, mais de l'acquisition, de la construction de savoirs nouveaux, de connaissances nouvelles, de... je ne vais pas parler de compétences mais enfin il est certain qu'on est dans une situation où l'on ne sait pas tout et il est des choses qui si on les connaît nous permettent d'avoir un meilleur positionnement personnel et un meilleur rayon d'action, une meilleure action sur l'environnement... Si je sais conduire, je peux conduire, si je ne sais pas conduire, je ne peux pas conduire... Donc, connaissances, c'est ça, c'est dans le prolongement de l'épanouissement, mais je ne vois pas de réussite sans augmentation, développement des connaissances qu'on a déjà... et accès vers des connaissances qu'on ignore... Mais ça, ça participe d'ailleurs du plaisir... mais pas le plaisir consommation, pas le plaisir jouissance, le plaisir exogène, qui vient de l'extérieur, mais plaisir qui vient de l'expression de soi dans la confrontation avec des situations qu'on ignore, qu'on veut s'approprier, qu'on construit, qu'on métabolise et qui nous enrichit...

Et projet ?

Tout cela va dans le même sens, tout cela ne peut pas se faire sans un itinéraire quand-même, cela ne peut pas se faire dans le vide, cela ne peut pas se faire sans signification, sans sens pris au double terme à savoir signification et direction... Le projet, c'est ce qui donne du sens à son évolution... Une évolution sans absence de direction et de signification...

J'aimerais maintenant qu'on sorte du champ fermé des aides spécialisées et je voudrais vous demander comment vous considérez le rôle et la place des aides à l'école...

L'aide de l'enseignant dans sa classe ou alors l'aide des intervenants extérieurs qui éventuellement font de la musique ou des choses comme cela ?

Oui, oui...

Moi, d'abord, (...) le concept d'aide ne me plait pas beaucoup... parce que dans le concept d'aide, il y a d'un côté un aidant et d'un autre côté un aidé... Donc, il y a une relation dissymétrique et l'aidé est toujours d'une manière ou d'une autre, intellectuellement, affectivement, socialement, philosophiquement dépendant de l'aidant et je voudrais bien trouver une substitution au terme d'aide, il n'y en a pas beaucoup... Bon, j'ai avancé quelquefois accompagnement, mais il est déjà très souvent utilisé notamment par la Santé je crois et l'accompagnement, on parle aussi d'accompagnement scolaire... Moi j'aimais bien pourtant ce concept là mais comme tout concept, il est galvaudé parce que l'accompagnement traduit le fait de marcher à côté de l'individu pour faire un chemin avec lui... ensemble... Ce n'est pas la même chose... Donc à mon sens je préférerais qu'on parle d'accompagnement y compris d'ailleurs dans le cadre des réseaux d'aides... ça me fait penser au rapport sur les CLIS, j'avais suggéré, mais ça n'a pas été retenu, qu'on remplace les classes de perfectionnement par des classes d'accompagnement scolaire... mais ça n'a pas été retenu, même dans le rapport mes collègues n'ont pas voulu : "on va recréer une structure parallèle etc..." ... L'aide, dans ce sens, je trouve que ça peut être intéressant mais la plupart du temps, ce sont des coups d'épée dans l'eau, ou des béquilles... Au fond l'aide ne devrait pas exister si l'enseignant suit bien les instructions qui lui sont données, a été bien formé, est compétent et tout... eh bien il devrait pouvoir adapter son enseignement à la diversité des élèves de telle sorte que certains élèves n'aient pas besoin d'une aide particulière, ça c'est le rêve... Alors tout ce qu'on fait à côté vient d'une certaine manière pallier les insuffisances du modèle idéal... ou d'ailleurs bien souvent les réseaux d'aides et ça a été écrit dans le rapport Gossot sont les complices objectifs des maîtres pour... la non application de la mise en place des cycles... parce que quand un maître vous signale des enfants en difficulté, qu'est-ce que vous faites ? Vous le particularisez, vous le prenez et puis pendant ce temps-là le maître peut continuer sa classe... Il signe ou il vous signifie qu'il ne peut pas prendre en charge la particularité ou les particularités de cet enfant là... Donc vous acceptez... pas vous (rires)... Quand on fait des aides d'une autre manière... Prenons par exemple les aides aux devoirs... ça existe, il y a des études le soir, il y a des associations qui s'appellent d'aide aux devoirs d'ailleurs... ces associations, elles viennent faire le travail des enseignants... elles viennent faire le travail que les enseignants devraient faire... D'ailleurs, les études dirigées avaient été mises en place au départ pour faire en sorte qu'il n'y ait pas de disparités, pour que tous les élèves dans le cadre du temps scolaire puissent bénéficier des aides... ça n'a pas supprimé l'aide aux devoirs... ça devait supprimer les devoirs en plus... Ensuite quelles sont les autres formes d'aides ? Ce sont les aides éducateurs... On en parle beaucoup actuellement... Là aussi on dit que ça vient pallier les manques mais quels manques ? S'ils viennent pour être l'assistant du maître, pour l'informatique, pour les études dirigées etc... J'ai envie de dire pourquoi n'y a-t-on pas pensé plus tôt à cette forme d'aide... mais dans ce cas-là ils aident plutôt les maîtres... Moi, je suis réservé sur toutes les aides que l'on peut apporter parce qu'elles sont tout autant de démarches, de béquilles qui viennent en substitution d'une action... Philosophiquement seulement elles sont bien pensées... Je sais bien que là on est dans le domaine du rêve...

Comment voyez-vous l'avenir des RASED ?

L'avenir des réseaux ? Il y a trois possibilités... Ou, on se rend compte que manifestement ils ne rendent pas les services qu'on leur demande... et on trouvera toujours un énarque qui le moment venu les supprimera... S' il y a besoin de postes... En Seine Saint Denis, ce n'est pas des réseaux que l'on demande, vous avez vu ? On demande des médecins scolaires, des infirmières scolaires, des enseignants... même des inspecteurs... ça c'est la première formule, le premier avenir qui est le plus sombre et qui n'est certainement pas souhaitable parce que comme je le disais pour les GAPP, si on supprimait les réseaux il faudrait créer quelque chose qui en tienne lieu... Ou les réseaux continuent comme actuellement... Alors la situation n'évoluera pas et on aura toujours des gens qui se plaindront des réseaux, que les réseaux ne répondent pas à leurs attentes et des gens des réseaux qui diront que l'école fonctionne mal, qu'ils ont trop de travail, qu'ils se dispersent... Donc ça c'est la deuxième formule qui est aussi une formule très mauvaise parce qu'on va perpétuer une situation insatisfaisante... Alors je sais bien que tout système a besoin d'avoir son petit mal quelque part pour pouvoir se plaindre... Mais je ne trouve pas que ce soit une bonne formule... La troisième solution, c'est qu'on amène les réseaux à travailler autrement, effectivement en réseau, dans le cadre d'une politique départementale et de circonscription pour des activités réelles de prise en charge du problème global des enfants en difficulté... Comme ça a été dit, comme ça a été écrit, le problème de l'école primaire actuellement, c'est les 20 % d'élèves qui entrent au collège en situation de... d'incapacité d'affronter les apprentissages au collège... Donc il faut qu'on voit ce qui a à faire au cycle 3, au cycle 2 et au cycle 1... Mais à mon sens c'est un problème de politique générale d'action pour réduire ces 20 % et là les réseaux ont toute leur place... (...) Je suis plutôt favorable aux réseaux et je leur dis quelquefois ceci : "la meilleure façon de vous défendre et d'exister, c'est de travailler mieux, donc de travailler autrement..." Il ne m'est jamais mais alors jamais venu à l'idée de vouloir supprimer les réseaux et en plus mon seul objectif est de rechercher une amélioration du fonctionnement des réseaux d'abord pour les élèves, pour réduire les 20 % et puis pour les réseaux eux-mêmes...

Peut-être avez-vous d'autres remarques à formuler sur les aides spécialisées à l'école?

Non...