Entretien E19 Florence

Age : 45 ans

Profession : IEN Chargé de mission/IA/IG

Diplômes : CAFIMF (77), Maîtrise de psychologie, DEA de Sciences de l'Education, Doctorat en cours

Florence : cursus professionnel (cf. légende profils de carrière A1 pp. 43-44)
Florence : cursus professionnel (cf. légende profils de carrière A1 pp. 43-44)

Lieu de l'entretien : bureau de l'IEN

Durée : 1h 15mn

Quels sont les 5 mots qu'évoque pour vous l'expression "enfants en difficulté " ?

Echec, erreur, parce qu'échec c'est trop absolu et je ne trouve pas de mot, inquiétude, attente, besoin.

Pouvez-vous expliquer le choix de chaque terme ?

Echec, parce que c'est que quelque chose qui n'a pas marché, quelque chose qui a raté, parce que si l'école fonctionnait comme on dit qu'elle devrait fonctionner, je me demande si on devrait encore parler de ces questions-là, ou avec ces mots-là. Erreur parce qu'il faut bien que les difficultés se traduisent dans quelque chose, donc je fais l'hypothèse qu'il y a des erreurs soit dans le travail de l'enfant, soit dans son ajustement au comportement qu'on attend de lui... Il y a du décalage quelque part... Inquiétude parce que je ne pense pas qu'un enfant en difficulté soit serein et je pense que ça génère de l'inquiétude chez les instit et chez les parents tout autant... Attente c'est la même chose, c'est le versant peut-être positif de l'inquiétude... positif si on peut dire, ça veut dire qu'on pense que quelque chose n'est pas encore bloqué. Et besoin, besoin de l'enfant... ce à quoi il faut répondre.

Est-ce que vous pouvez chercher le visage d'un enfant en grave échec scolaire que vous avez eu l'occasion de rencontrer dans votre vie professionnelle.

Oui, beaucoup...

Vous en choisissez un. Pouvez-vous expliquer ce qui se passait, comment vous perceviez les choses à ce moment-là ?...

Je vais en prendre un quand j'étais instit. C'était une petite fille, au cours préparatoire, normale, âge normal je veux dire, normale par ailleurs, rien ne la distinguait des autres, milieu pour autant que je me rappelle, milieu ouvrier mais pas des gens qu'on dirait en détresse sociale aujourd'hui quoi, petit salaire, mais salaire régulier et... dans une classe où habituellement tous les enfants apprenaient à lire, c'est quelqu'un qui n'a rien(avec insistance) appris pendant un an et qui n'a rien appris pendant une deuxième année ou tout au moins ne restituait rien de ce qu'elle apprenait si elle apprenait quelque chose... ça reste pour moi, je ne dirais même pas un échec, mais une sorte d'énigme absolue...D'autant que cette année j'avais dans ma classe un enfant qui avait un handicap avéré lié à une maladie extrêmement rare puisqu'à l'époque on disait qu'il n'y avait que vingt cas au monde, qui entraînait disait-on une déficience intellectuelle très sévère... Et cet enfant vivait dans un milieu hyper favorisé, les parents étant dans le milieu médical, top niveau tous les deux. Cet enfant était suivi d'ailleurs à Paris par Françoise Dolto parce que c'était un cas. On n'en connaissait pas d'autres à l'époque en France qui ayant cette maladie ait à ce moment là ce niveau de développement. Le milieu y était pour quelque chose... Et cette enfant a appris à lire en moins d'un an... Il y avait comme un... hiatus dans cette classe, où par ailleurs il y avait des niveaux très différents, entre un enfant que tout distinguait parce que physiquement en plus il était très marqué par sa maladie, que tout distinguait et faisait passer pour un enfant anormal : il bavait, il avait une hypercalcémie, il tenait son crayon à bout de bras comme ça, il lui fallait une page pour écrire un mot... et avec l'aide de la famille, parce qu'il y avait d'autres raisons, lui a appris comme les autres. Et à côté alors qu'elle me demandait beaucoup plus d'effort, cette Séverine n'a rien appris et pour moi... Mais ça fait quoi, ça... J'ai abandonné l'enseignement il y a plus de vingt ans... Elle est très présente... Physiquement, je la revois très bien et ça reste quelque chose que je n'ai pas compris. C'est une enfant qui est allée en classe de perf et je ne sais pas ce qu'elle est devenue après... Mais rien, rien, rien, comme si tout passait à travers, que je n'arrivais pas à identifier...

Pouvez-vous évoquer maintenant un enseignant face à un enfant en difficulté dans sa classe ? Comment réagissait-il ? Que se passait-il entre cet enfant et cet enseignant-là ?

...

Dans votre expérience d'inspecteur par exemple...

Je pense plutôt à un enfant, à un cas quand j'étais psychologue scolaire. C'était peut-être aussi un cas de l'extrême, d'un enfant qui avait deux ans de retard au CM2 et... une institutrice très bienveillante, très maternante mais en même temps beaucoup de soutien aux élèves en difficulté etc. C'était un enfant qui était vraiment en échec et avec des, comment dire, des gros décalages d'acquisition par rapport au CM2 où il se trouvait, en français et en mathématiques et donc... elle pensait bien qu'il ne pouvait pas accéder à une sixième. Donc elle m'avait demandé de le voir pour une entrée en SES à l'époque. Il faut dire que les parents s'étaient toujours opposés à ce qu'il voit un psychologue. C'est-à-dire que sa scolarité s'était faite dans la difficulté depuis le début, il avait deux ans de retard et jamais ils n'avaient voulu. Là on arrivait à une sorte d'échéance et ils étaient un peu obligés... Et cette instit était complètement troublée parce qu'elle le trouvait très intelligent dans les disciplines qu'on disait d'éveil à l'époque. C'est vrai qu'il avait de l'intérêt pour l'histoire, pour la géographie, quand il écrivait en histoire et en géographie, c'était aussi mal écrit que quand c'était en français mais ça l'intéressait, il participait activement... Il était brillant en sciences disait-elle... Bon, je ne parle pas de l'EPS, il voulait faire une section sport/études, c'était son truc, être gardien de but... Et malheureusement, il savait qu'il ne le serait pas parce qu'il avait un déficit de vue et en sport/études, c'est incompatible, en tous cas pour les gardiens de but. Et lui, en dehors du foot, il n'avait aucun autre projet... Et cette instit qui était pourtant extrêmement bienveillante et le gosse, pour autant que je me rappelle, il avait plus de 130 en QI performance au WISC. Il était je crois effectivement très intelligent mais dans une sorte de dualité dans les disciplines instrumentales, je crois que lui-même en avait fait son deuil, il n'avait pas d'implication et l'instit s'échinait à colmater les brèches mais ça n'a pas marché... Et il n'est pas allé en SES mais en sixième où il a échoué...

Quels sont les 5 mots qu'évoque pour vous le sigle RASED ?

Oh là, là... Compte tenu du contexte de mon travail en ce moment je dirais ras-le-bol... Il est malvenu... Efficacité... Introuvable... Problèmes... Futur et dommage... Il faut vraiment se creuser pour répondre à un truc comme ça...

Pouvez-vous expliquer davantage le choix des termes ?

J'ai dit ras-le-bol... Il se trouve que dans le cadre de mon travail en ce moment, c'est un sujet qui revient souvent et qu'il y a beaucoup de débats entre nous sur ces questions-là... Efficacité parce que je crois à la fois que c'est un problème qui est mal posé. On voudrait qu'il soit efficace mais on ne sait pas dire ce que serait leur efficacité réelle, il me semble (...) Je crois qu'ils ne peuvent pas continuer à exister, s'ils ne se posent pas cette question de leur propre efficacité et s'ils ne savent pas en parler et démontrer qu'elle peut exister... Mais en même temps, je crois que c'est extrêmement difficile de le démontrer... Introuvable parce que j'ai l'impression que ça n'existe pas, c'est-à-dire qu'il y a des personnes, il n'y a pas de réseau. Ce n'est pas quelque chose qui me semble… que je saurais définir facilement de manière positive. Problème parce que c'est un problème pour l'institution. Je crois qu'on ne sait pas comment faire progresser les choses. Je pense aussi que c'est un problème pour certains enseignants, on identifie mal... ce qu'on peut leur demander... ce qu'on peut attendre d'eux. Ce qu'on peut leur demander, je crois que les enseignants le sentent, ce qu'ils peuvent légitimement attendre, je ne suis pas sûre.. . Futur parce que je ne pense pas qu'ils aient beaucoup d'avenir et dommage parce que je pense qu'ils ont complètement laissé passer leurs chances... Je crois que malheureusement trop de membres des RASED travaillent à leur propre perte et ils ne s'en rendent pas compte.

Vous pouvez expliquer ?

Je pense qu'ils se sont réfugiés dans une... prétendue spécialisation, je dis bien prétendue parce que je ne suis pas sûre qu'ils en aient tous les compétences et ils jouent sur cette spécialisation pour en faire un écart par rapport aux enseignants ordinaires... Ils travaillent à leur propre marginalisation. Or dans l'institution, ce dont on a besoin, et plus que jamais c'est d'une cohésion et de se rassembler pour résoudre les problèmes. Et aussi longtemps qu'ils voudront être dehors comme un maître G m'a dit récemment parlant d'un... dans un cas très précis où il y avait 25 % des élèves en grosse difficulté scolaire... Il m'a dit : "je ne vois pas pourquoi vous nous en parlez, ce n'est pas mon problème, c'est le problème de l'instituteur..." Aussi longtemps que des gens assumeront cette place-là... Je pense qu'ils travaillent à ce que les responsables de l'institution renforcent la très mauvaise image qu'ils ont d'eux... Et je ne suis pas sûre qu'ils le sentent... Mais moi, je ne connais personne dans le milieu où je travaille, qui ait vraiment une opinion positive...

Quand vous dites milieu, à quoi faites-vous allusion ?

Je dirais avec les inspecteurs avec qui j'ai des relations d'amitié ou de travail (et même au ministère...), y compris des gens qui ont tout fait pour que ces choses-là puissent exister... Et je crois, j'ai dit dommage, je pourrais dire déception, pour ceux qui étaient des gens de l'AIS, il y a beaucoup de déceptions quand-même... Je pense même à des gens qui encore aujourd'hui sont en situation de les défendre, les réseaux... parce qu'ils pensent qu'il y a quelque chose à gagner pour les enfants mais qui en même temps sont dans cette déploration, vis à vis de personnels... ça se focalise sur les G... Vous devez le savoir...

Pourriez-vous définir la notion d'aide à apporter à un enfant qui se trouve en difficulté ?

... Je crois que c'est une des difficultés, c'est qu'on ne sait pas ce que c'est réellement... Pour moi, ce que ce serait qu'aider un enfant, c'est à la fois lui témoigner qu'on a compris qu'on ne peut pas le laisser tout seul pour le laisser se dépatouiller tout seul de ce qui lui arrive, pardonnez-moi l'expression... mais c'est quand-même ça, je pense que l'enfant, qui est en difficulté à l'école, enfin ceux que vous êtes censés connaître, je ne pense pas qu'il comprenne bien ce qui lui arrive... Quand je dis "se dépatouiller de", c'est à la fois sortir de cette situation de "je ne réussis pas comme les autres mais pourquoi ça m'arrive à moi, qu'est-ce que je fais qui ne va pas ?", enfin l'aider à comprendre... enfin l'accompagner peut-être dans une prise de conscience de ce qu'il ne fait pas et qu'il devrait faire, de comment il pourrait le faire etc. et contribuer à lui fournir des outils pour contribuer à ce qu'il le fasse mieux... Mais... je ne suis pas sûre que ce soit l'enfant qui ait besoin d'être aidé... Ma conviction, c'est que dans beaucoup de cas, c'est les maîtres qu'il faudrait aider... Et là, il faudrait les aider à regarder autrement, mais je ne crois pas qu'on puisse refaire les lunettes qui les équipent dans la plupart des cas et les aider là de manière très technique, penser des dispositifs pour pouvoir s'occuper des enfants qui en ont le plus besoin... Mais je pense que c'est... enfin je n'ai jamais trouvé de définition bien satisfaisante de ce genre de choses..

Est-ce que vous pouvez raconter la dernière inspection de réseau que vous avez réalisée ?

Non, ce n'est pas possible (...)

Quand je dis maître E, quels sont les 5 mots qui vous viennent à l'esprit ?

Enseignant, pédagogie, soutien, évaluation, échange.

Pouvez-vous développer ces associations d'idées ?

Enseignant parce que je pense que les maîtres E se conçoivent dans beaucoup de cas encore comme appartenant à la catégorie des enseignants, spécialisés certes mais je pense qu'ils se pensent quand-même dans une certaine proximité avec leurs collègues. Pédagogie parce que ce n'est pas toujours mais ça devrait être pour moi des experts de la pédagogie au sens où elle travaille sur une relation avec une personne qui apprend... Soutien parce que je ne suis pas sûre qu'il y ait tellement d'écart entre ce qu'on a appelé une pédagogie de soutien à un certain moment et ce que font les maîtres E et je trouve que c'est un mot qui est tombé en désuétude et qu'on méprise bien à tort et je trouve au contraire que c'est un mot très positif, ce côté un peu aider un peu à tenir debout, j'aime autant ça que aide finalement... Evaluation, parce que je pense que le produit de leur travail est plus facilement cernable, évaluable que les autres acteurs et échange parce que je pense qu'ils sont encore dans cet entre-deux entre la classe et quelque chose qui serait le cabinet, qui est en dehors de la classe. Je crois qu'ils sont des gens de passage entre deux univers... comment on dirait ça... des interfaces si on parlait comme les techniciens d'aujourd'hui... Et je regrette qu'on n'ait pas prévu de participation aux synthèses, qu'ils n'aient pas exactement les mêmes attributions institutionnelles que les maîtres G et les psychologues. C'est vraiment une chose que je ne peux pas comprendre ça...

Est-ce que vous pouvez définir le travail particulier du maître E ?

On va forcément revenir un peu aux textes et c'est peut-être ennuyeux de faire de la paraphrase des textes mais... je dirais qu'il travaille sur l'apprentissage en train de se faire et qui ne se fait pas bien. Mais il travaille sur du savoir. Il travaille sur la relation des enfants à ce savoir et sur l'appropriation, la construction et l'appropriation que les enfants peuvent faire de ce savoir. Il travaille plutôt avec des groupes, il n'est pas dans le tête à tête avec l'enfant... Que dire d'autre ? Il a des outils un peu spécialisés mais je ne pense pas qu'il se caractérise par ses outils ou par ses techniques pédagogiques, je pense que c'est quelqu'un qui est, au contraire, peut-être idéalement, qui est capable de mettre en oeuvre un certain éclectisme pédagogique... Il est dans la recherche d'adaptation et il trouvera la solution pour que ça marche...Pour moi, c'est un peu ça le maître E...

Et quelle est la différence alors avec le maître généraliste de la classe ?

Pour moi, il y en a très peu, il y en a réellement très peu, sauf que... parce qu'il est formé et parce que, tout de même, il réserve beaucoup son temps à ça, il est plus pointu sans doute dans le diagnostic. Si je voyais un écart entre le maître de la classe et le maître E, c'est plutôt du côté du diagnostic que je le verrais, que du côté on va dire des techniques d'enseignement de pédagogie, de rééducation, de tout ce qu'on veut... C'est du côté du diagnostic et peut-être parce que par fonction, il a choisi de s'intéresser au fonctionnement de l'enfant.

Maintenant si je dis maître G, quels sont les 5 mots qui vous viennent spontanément ?

Libéral, marginal, ...je n'arrive pas à trouver, c'est soupape qui me vient mais vous pouvez marquer soupape, parce que ça renvoie à quelque chose... mystère... on va dire ailleurs. Libéral parce que beaucoup de maîtres G sont dans... l'idéal du cabinet, du praticien, du spécialiste, c'est libéral au sens de médecin libéral pour moi et comme les médecins libéraux, comme les libéraux en économie, en gros, ils n'ont pas trop de comptes à rendre... Marginal, ça renvoie à cette idée qu'ils sont porteurs sans doute de connaissances et d'une culture qui n'est pas rentrée dans l'école... peut-être parce qu'on a voulu rompre en particulier avec les RPM dont la culture elle-même n'était pas vraiment rentrée dans l'école... Au fond je ne suis pas sûre qu'on sache bien ce qui fait leur identité professionnelle. Ils sont à la marge... Soupape ce n'est pas le mot mais c'est cette idée que, souvent me semble-t-il, on s'en sert un peu comme ça. C'est pour faire baisser la pression ou sortir le trop plein d'excitation et que, au fond, on ne les crédite pas d'une grande utilité mais on est bien heureux de les trouver quand ça bouillonne un peu trop... Mystère, alors ça renvoie peut-être à mon passé professionnel... Il y a des activités dites de rééducation dont j'ai toujours pensé qu'on ne savait pas trop en quoi elles consistaient et ça m'évoque ce mot de Cocteau mais je ne vais pas savoir vous le dire exactement, ce n'est pas une citation exacte mais quelque chose comme : "puisque ces mystères nous échappent, feignons de les organiser"... Et en gros on ne sait pas ce sur quoi on travaille mais si ça s'arrange, on dira qu'on y a participé... Et je ne suis pas sûre qu'il n'y ait pas de ça assez souvent et ailleurs parce que je me demande si non pas leur fonction mais leur place est vraiment dans l'école. Je n'ai pas tellement de doutes, même si je peux penser et admettre leur utilité, je m'interroge quand-même sur la place de ce travail dans l'école.

Vous le verriez en dehors de l'école ?

Enfin, je pense qu'il serait mieux en dehors de l'école mais en même temps quand je dis ça, j'ai la conviction que beaucoup de familles n'iraient pas vers eux s'ils étaient en dehors de l'école parce qu'il faut se déplacer, parce que ce n'est pas sur le temps scolaire, parce que ça pathologise encore plus et c'est encore plus inquiétant...

Est-ce que vous pourriez définir (me coupe)

Le travail de maître G ?

Ou préciser l'absence de définition, expliquer le flou dont vous parlez ?

C'est une lacune qui n'est pas... Comment dire ? Ce qui est peut-être la preuve d'une résistance quelque part chez moi, mais qui n'est pas la preuve de mauvaise volonté parce que j'ai lu pas mal sur ces questions là, les Cahiers de Beaumont et autres revues professionnelles de ce genre là... Je n'arrive pas tout de même à me représenter clairement ce concept de rééducation. Et, alors tel que je le vois, il s'agit pour eux sans doute de créer des situations telles que les enfants qui leur sont confiés puissent à la fois libérer quelque chose et construire autre chose. Mais c'est dans créer ces situations... c'est vraiment dans le lien entre le besoin réel de l'enfant et la situation que je me demande s'ils sont réellement, comment dire, s'ils peuvent à tout coup fonder la relation entre "c'est parce qu'il est comme ça, c'est parce que je pense qu'il est comme ça que je fais comme ça". J'ai l'impression qu'il y a beaucoup d'aléatoire, beaucoup d'improvisation dans le travail du maître G et ce que je supporte très mal c'est qu'on veuille nous faire croire que tout cela est bien réglé. Je me demande souvent s'il n'y a pas très souvent une sorte de supercherie parce que je n'ai quand-même pas rencontré beaucoup de gens qui sont capables de définir positivement ce sur quoi ils travaillent. Je veux bien croire que comme ils ont quand-même des atouts dans la relation avec les enfants, au fond, ce qu'ils mettent en place peut marcher, peut avoir un effet. Je veux bien l'admettre parce que je pense que l'humain n'est pas suffisamment rationnel et réglé pour qu'on puisse toujours dire : "si j'appuie sur ce bouton, ça fait ça"... Je veux dire ce n'est pas une télécommande, c'est clair... Mais je ne suis pas sûre qu'ils maîtrisent au sens de "qu'ils puissent percevoir eux-mêmes quelquefois les problèmes qu'ils peuvent aussi créer". Je pense à un cas très précis d'un bon collègue et qui part à la retraite et qui me dit, il n'y a pas très longtemps : "Tu sais, moi, mon échec personnel - il a été inspecteur 24 ans - c'est l'AIS". Or c'est quelqu'un qui a été extrêmement novateur, qui a fait beaucoup de choses dans ses différentes circonscription et c'est un homme de dialogue et il me dit : "Il n'y qu'une catégorie avec laquelle je pense que je n'aurais jamais échangé, je ne les comprends pas, c'est les rééducateurs". Et il me raconte la dernière séance qu'il venait de voir dans le cadre d'une inspection de RASED et il a vu ceci : un rééducateur à quatre pattes parce que l'enfant était le maître et lui était le chien... à quatre pattes et exécutant ce que lui demandait d'exécuter l'enfant. Et l'argumentation qu'il a avec le collègue, c'est de lui dire : "pour que l'enfant puisse trouver sa place d'élève, il faut qu'il puisse s'identifier au maître, donc il faut que moi, je puisse m'identifier, en gros, à celui que le maître "manipule" entre guillemets parce qu'entre un chien et un élève, il y a quand-même quelques écarts. Bon, je me dis qu'il y a peut-être une démarche dans la fonction de cet individu qui m'échappe complètement... Mais est-ce qu'il sait ce qu'il fait quand il fait ça ? Est-ce qu'il est capable de contrôler les débordements pulsionnels... Qu'est-ce que ça induit chez l'enfant ? Et comment l'enfant raccroche ça avec le temps de classe qui vient avant et qui vient après ? Dans quoi on met l'enfant quand on fait ça ? Moi, ça... ça m'interroge beaucoup...

Est-ce qu'il existe, à votre connaissance, des glissements de pratiques entre E et G ?

Je ne sais pas et j'ai plutôt l'impression au contraire qu'il y a de la distance... Mais je ne sais pas, honnêtement je suis mal placée pour en juger... Je voudrais savoir s'il existe un seul cas de maître G qui envisage de devenir maître E... Je peux imaginer l'inverse, mais ça, je ne le vois pas... Je crois que les maîtres G sont partis, qu'ils ont décollé, dépouillé leur identité d'enseignant très souvent et je ne les vois pas faire le chemin de l'autre côté... En revanche, qu'un maître E puisse évoluer vers d'autres fonctions, ça ne me paraît pas complètement impossible... Alors quant à leur pratique, je fais l'hypothèse que ça doit être très variable selon les formations qu'ils ont reçues parce que ce que je crois savoir, c'est que ce n'est pas exactement la même chose partout et qu'il y a peut-être des formations qui écrasent un peu la distance plutôt que de l'accentuer mais je ne suis pas bien placée pour voir...

A votre avis est-ce qu'il y a une fonction qui joue un plus grand rôle ?

Spontanément je serais tentée de dire que je crois que l'école attend plus des maîtres E que des maîtres G. Je crois. Sauf que... Je vais vous dire une chose sans doute odieuse mais c'est l'exemple que je prends de temps en temps c'est qu'il y a des moments, quand on est extrêmement malade, où on a besoin d'être soulagé même si on sait qu'on ne peut pas être immédiatement guéri et je me dis que le maître G dans certains cas, il doit servir à ça et ça c'est peut-être aussi fondamental que de guérir tout de suite.

Vous pouvez préciser davantage ?

Tout à l'heure quand je parlais de soupape, c'est quand-même je crois les maîtres G qui reçoivent les enfants qui sont les plus embarrassants dans la classe et dans la compréhension qu'on en a. Et je me dis que pour cet enfant et même pour le maître, à ce moment là il y a peut-être quelque chose de positif qui se passe. Donc, ils ont peut-être une utilité mais qui n'est pas mesurable dans les termes où on voudrait la mesurer, c'est-à-dire efficacité en termes de résultats scolaires. Moi, je pense que c'est très hétérogène ce genre de choses. Je pense que la question est mal posée. Si on veut mesurer de l'efficacité d'abord un on n'y arrivera jamais et deux je ne suis pas sûre que ce soit ça qu'il faille en attendre. Alors que par un détour on y arrive à l'efficacité... Mais je ne suis pas sûre que la prise en charge par rapport à un maître G puisse déboucher immédiatement sur un plus de résultats. Je ne suis pas sûre du tout de ça. J'ai tendance à penser qu'on attend plus des E parce qu'on est très centré sur la réussite et sur les résultats et sur le pédagogique. Quant au devenir de la personne, je ne sais pas, je ne sais pas et je ne suis pas sûre que l'école aujourd'hui y soit très attentive...

A votre avis, est-ce que le système tel qu'il existe ou tel qu'il fonctionne aujourd'hui est satisfaisant ?

Pour moi, non. Pour moi, non, il n'est pas satisfaisant. D'abord parce qu'il est opaque et qu'il cultive son opacité. Donc rien que ça, ce n'est pas satisfaisant. Qu'aujourd'hui entre professionnels à l'école on ne puisse pas se dire exactement ce qu'on fait, ce qui bloque, ce qu'on sait faire, ce qu'on ne sait pas faire, ça me gêne... Mais je pourrais le dire de la même manière des maîtres qui ne veulent pas parler de leur pratique... Il y a aussi le fait quand-même à mon avis... on est trop éparpillé et du coup il manque de la densité pour qu'il y ait des effets visibles. Et ça ce n'est pas satisfaisant non plus. L'idée "il faut que toutes les écoles soient servies ", c'est pervers, moi ça ne me paraît vraiment pas pertinent, je crois qu'il faut se concentrer là où il y a des problèmes qui le méritent. Il n'est pas satisfaisant non plus parce qu'il n'a pas les bonnes conditions pour son fonctionnement, parce que d'après ce que je crois savoir, il y a beaucoup de postes qui ne sont pas pourvus par des titulaires. Donc en même temps on va imputer à un dispositif, qui n'aura jamais été mis en place dans la forme où on pensait le mettre en place, des effets non probants, alors que ce n'est pas ça qu'on évalue, on évalue un ersatz de RASED... Mais la formule telle qu'elle existe aujourd'hui ne me semble pas pertinente.

Selon, vous, quelles mesures faudrait-il prendre pour améliorer le fonctionnement actuel ?

... Je crois qu'il faudrait arriver qu'il y ait plus de véritables synthèses, il y ait plus de travail sur le problème même de la classe... Je défends le point de vue suivant : à vouloir sortir les enfants et se centrer sur les enfants, on fait comme si le problème était en eux d'une certaine manière. C'est eux que l'on traite. Or ma conviction, c'est qu'il y a des enseignants, je suis sévère mais je le pense vraiment, et il y a des situations qui sont génératrices de problèmes. Et je crois qu'aussi longtemps que les maîtres spécialisés quels qu'ils soient ne seront pas des bons experts d'une sorte d'analyse systémique, globale de la situation, ça ne servira à rien d'aller chercher un enfant pour essayer de faire ce qu'on peut avec lui et de le remettre dans une situation qui de toute façon va lui faire grief...

Si je prends un exemple en rapport avec ce que vous dites, si le réseau décèle que tel enseignant a un fonctionnement qui ne convient pas, que peut-il faire ?

Bon alors un c'est rare que ça ne convienne pas avec un enfant, généralement c'est plus global, mais il y en a. Et c'est là je crois qu'il faudrait qu'il y ait peut-être plus un travail d'explication justement, d'affinement de ces critères qu'ont les gens des réseaux avec l'inspecteur et qu'on travaille là-dessus avec les enseignants. Or moi, je ne pense pas que les gens des réseaux soient les mieux à même pour affronter directement leurs propres collègues sur ce genre de raisonnement. Il faut de la médiation institutionnelle, il faut quelqu'un qui prenne des coups et pour moi, celui qui prend les coups et l'agressivité, ça doit être l'inspecteur, très clairement. Mais je crois qu'il faut que ces analyses puissent se faire... C'est vrai qu'il y a aussi des phénomènes de bouc émissaire et de tête de turc. Il y a un enfant qui cristallise un peu l'opprobre dans une classe. Là je crois que ça doit pouvoir être parlé avec le maître et que si c'est sur un enfant, alors là je crois qu'il faut que les gens des réseaux soient capables de pouvoir discuter de ça et de dire ça au maître... parce que si c'est vraiment avec toute la classe, si c'est vraiment un problème de stratégie, de didactique, ça devient un problème professionnel. Si c'est avec un enfant, c'est un problème trop relationnel... ça peut se faire par d'autres biais, ça peut se faire par des réunions de synthèse auxquelles l'IEN assiste etc. Je ne suis pas sûre qu'il faille entrer dans ce phénomène qui pourrait passer pour de la délation. Je crois que si on est vraiment des professionnels on est capable de s'expliquer là-dessus... Et je crois qu'il faudrait que ça passe aussi par quelque chose en formation des enseignants, qu'ils aient des expériences et des lieux de parole et qu'ils puissent se sentir autorisés à dire, sans penser que ça aura des inconvénients majeurs pour eux et pour leur carrière, "ce môme-là, je ne le supporte pas"... Je crois aussi que ça aiderait... Quand je dis : "Est-ce que c'est toujours l'enfant qui a besoin d'aide ?", je ne suis pas sûre qu'il n'y a pas des moments, et en particulier je pense aux quartiers très difficiles, des moments où les enseignants doivent avoir besoin d'une écoute et d'un soutien - "Je ne supporte pas ça !" - pour ne pas le vivre comme une sorte de culpabilité ou au contraire s'en moquer complètement...

Est-ce qu'il faut maintenir les deux types d'aide tels qu'ils existent actuellement ?

Moi, je serais partisan d'une moindre distinction. Mais en même temps dans ce cas-là il faut bien se rendre compte que l'école ne traitera pas certains cas. Mais honnêtement, je crois que c'est une erreur qu'il y ait deux profils différents.

Vous seriez favorable à une fonction qu'on pourrait appeler E/G qui pourrait proposer, si j'ai bien compris, une aide soit à dominante pédagogique, soit à dominante rééducative selon les cas ou les moments ?

Je voudrais qu'on me définisse une bonne fois pour toutes et clairement une aide à dominante rééducative et j'attends de voir ça... J'attends de voir ça...

Ce serait alors la suppression des G, qui ne peuvent d'après vous apporter un matériau théorique satisfaisant et le maintien en réalité d'une seule aide ?

Le problème c'est le suivant, c'est que... Quand on regarde la définition, au fond, pour moi, il y a, c'est un peu à la serpe, il y a deux catégories d'enfants parmi ceux que les G prennent en charge. Il y a des enfants qui ont des difficultés sans doute inhérentes à d'autres, à ce qu'ils vivent dans la famille, à l'extérieur de l'école, qui ne peuvent pas ne pas avoir de répercussions dans l'école et il y a des enfants pour lesquels l'école a généré ces difficultés, y compris en termes de non motivation pour les apprentissages etc. Moi, je crois qu'il faudrait travailler plus avec les maîtres sur la qualité de ce qu'ils font avec tous les enfants pour essayer de résoudre certains problèmes qu'ils créent... mais ces enfants qui ont des difficultés qui se sont structurées autour de la petite enfance qui les prendra en charge dans ce cas-là s'il n'y a plus de personnel dans l'école ? Mais si on maintient les deux, il faut que le G ou le rééducateur puisse dire à qui il s'adresse, pourquoi et pourquoi faire... Mais je n'ai pas de point de vue complètement arrêté là-dessus. Mais je pense que la situation actuelle n'est pas complètement satisfaisante et je pense, ce qui m'inquiète beaucoup personnellement, c'est le profil qui a été écrit dans l'arrêté de 97 qui redéfinit le CAPSAIS, je trouve qu'il y a des choses très inquiétantes dans ce profil là.

Lesquelles par exemple ?

Je crois que ça confirme l'idée qu'il y a un processus rééducatif, je me dis s'il y a des gens qui se permettent d'écrire ça, eh bien qu'ils le décrivent, qu'ils nous le disent... J'attends encore de voir, d'entendre des choses pertinentes... Il y a des expressions comme "l'auto définition du rôle", c'est une chose qui me sidère... qu'on puisse poser le problème comme ça... Et puis il y a le fait que ce profil les confirme vraiment comme ce qu'ils veulent être c'est-à-dire des non-enseignants. Je pense qu'on leur a fait un très mauvais cadeau...

D'après vous les réseaux sont-ils de vrais réseaux ? et sinon à quelles conditions pourraient-ils le devenir ?

Moi, je pense qu'il y a des endroits où on tente à faire exister un réseau... D'abord un réseau, c'est quelque chose qui diffuse, c'est quelque chose... Enfin... ça bouge dans le réseau... la communication circule. C'est dans ce sens que ça se distingue d'un système hiérarchique. Je pense que si on veut en faire quelque chose qui maille absolument le territoire, on y perdra vite des forces. Si c'est ça qu'on voulait faire avec le réseau, pour moi ça n'a pas forcément de pertinence. Là où je dirais qu'il n'y a pas réseau, c'est quand les gens continuent à fonctionner plus dans leurs lieux et par rapport à leurs propres préoccupations, à leurs propres définitions - donc cette question d'auto définition m'agace fondamentalement - que sur le lieu des autres. Pour moi le réseau, c'était quelque chose qui était censé aller vers les maîtres et aller au plus près de leurs problèmes. Alors que j'ai l'impression qu'on prend des choses au maître, je ne dis pas qu'ils ne soient pas des complices tout à fait consentants, on prend quelque chose, mais on le ramène vers soi. Et je crois qu'il faudrait que le réseau s'incruste plus dans les écoles, encore faut-il qu'il soit accepté, demandé, toléré... C'est autre chose...

Pouvez-vous citer les 3 livres ou auteurs principaux recommandés lors de la formation E ?

Non...

Pouvez-vous citer les 3 livres ou auteurs principaux recommandés lors de la formation G ?

Non, je ne sais pas... J'imagine que dans la formation G on doit être plutôt du côté des références... mais je ne sais pas... évidemment à partir des cahiers de Beaumont etc. je pourrais retrouver, mais je ne sais pas... après tout, je me dis qu'on ne peut pas ne pas parler de Freud et de Dolto en formation G à un moment ou à un autre... je pense à des gens comme Guillarmé comme Aucouturier (...) Si je vais chercher du côté des grands penseurs, j'imagine que du côté des E, peut-être du côté des G, c'est moins exclu, on ne peut pas faire l'impasse sur Bruner et Vygotsky aujourd'hui, c'est l'hypothèse que je fais... J'espère qu'on ne parle pas de Meirieu... Mais je n'en suis pas sûre hélas... Mais je suis un peu prise au dépourvu, je ne vois pas bien...

Quels sont les cinq mots qu'évoque pour vous la réussite à l'école ?

Plaisir, avancer... Envie, non c'est trop lié à (incompréhensible)........ C'est intéressant d'avoir autant de mal... Epanouissement, défi, inquiétude. Plaisir parce que je crois que... réussir suppose qu'on a plaisir à faire ce que l'on fait et ça donne encore plus de plaisir à continuer à le faire... C'est ça... cette idée que l'on va y trouver son compte. Avancer, ça encourage à aller plus loin et puis quand on voit les enfants qui réussissent bien, on n'a pas besoin d'entretenir le moteur, il s'entretient de lui-même. Epanouissement parce que je pense qu'il y a un côté "ça roule", parce que ça peut déboucher sur une découverte de soi, "effectivement je suis capable de ça et ça rend plus fort". Défi, parce que je crois que pour beaucoup d'enfants l'école est un lieu de compétition et que réussir c'est réussir aussi contre les autres hélas, ils sont dans le défi comme ça en permanence et inquiétude, c'est aussi lié à ça parce que je crains que dans ce climat de compétition, une fois qu'on a réussi, on a peur d'échouer... et je pense qu'une des difficultés de l'école aujourd'hui qui ne sait pas différencier ses exigences c'est qu'hélas, elle laisse trop d'enfants dans le sentiment d'un échec, jamais en possibilité d'avoir le sentiment de réussir quelque chose et qu'inversement elle met quelques enfants en situation de toujours réussir et de ne pas s'affronter souvent à des obstacles et je me demande si c'est aussi sain pour le développement d'un individu de ne jamais trouver d'obstacle, je ne dis pas d'obstacle dans les autres, premier ou deuxième, mais d'obstacle dans le savoir, dans ce qu'on peut faire, dans ce qu'on peut comprendre, de continuer à avancer longtemps comme ça et... je trouve que c'est aussi dommage pour les uns que pour les autres, c'est-à-dire que ça fait du bien aussi de temps en temps de s'affronter à quelque chose qui résiste.

Plus généralement, en sortant du champ spécifique des spécialisations, comment considérez-vous la place et le rôle des aides à l'école ?

Moi, je rêve d'une école où il y aurait un lieu identifié, si possible pas à côté du bureau du directeur, un peu loin, où des enfants pourraient aller dire, "moi, j'ai peur dans la cour de récré parce qu'il y a des grands etc. et je ne veux plus ça...", "moi, je n'y comprends rien aux mathématiques", "moi je suis tout seul pour faire mes devoirs à la maison"... C'est-à-dire qu'il y ait un lieu où les enfants puissent dire ça et où on puisse leur répondre : "Comment on fait pour s'en sortir de ça ? Dans la cour de récré, tu ne vas quand-même pas toujours rester avec la maîtresse... Enfin, où on puisse raisonner avec l'enfant et à partir de là, lui dire : "si tu veux bien, untel va t'aider à avancer là-dessus ou untel va aller avec toi discuter avec les grands qui te font peur ou qui te battent ou je ne sais quoi ... Le système d'aide à l'école, dans l'idéal, je le verrais s'installer à partir d'un lieu de parole des enfants... parce que je n'ai pas l'impression qu'encore que tous les maîtres soient capables de concéder ça dans leur classe... L'idéal, ce serait ça aussi... Imaginez qu'en tant que maître E ou maître G vous ayez une demi-heure par semaine dans quelque classe où vous seriez un peu mieux connue qu'ailleurs et où pendant cette demi-heure qui pourrait être un jour la demi-heure des études dirigées, moi, ça ne me dérangerait pas d'enlever ça pour ce moment d'expression : "Dans ce qu'on a fait cette semaine qu'est-ce qu'on a fait ? Est-ce qu'on est capable de le dire à quelqu'un qui n'est pas toujours avec nous ? Qui n'a pas su faire ? Qui ne s'en souvient pas ? Alors ça c'est surtout vrai pour le scolaire, les enfants qui sont en souffrance personnelle, je ne suis pas sûrequ'ils aient les moyens de le dire... Mais nous, on a aussi les moyens de le détecter... Mais je verrais bien un système d'aide se mettre en place à partir d'une expression des enfants. Et puis l'aide, ça peut être aussi "il y a ton copain qui sait faire, donc tu vas travailler avec lui à tel moment... Enfin, je crois qu'on méconnaît ces systèmes d'aide... Alors quand on parle de citoyenneté, on pourrait parler aussi de solidarité à l'école... Je ne sais plus qui dit, Jacquart je crois : "laisser un enfant en difficulté ou en échec scolaire, c'est non assistance à personne en danger, c'est aussi grave que ça ", c'est un peu de cet ordre-là quand-même...

Peut-être avez-vous d'autres remarques à formuler sur les aides spécialisées à l'école?

Moi, je crois qu'il faut se pencher sur les aides spécialisées dont les maîtres ont besoin. (Le fait de m'être éloignée de la pratique professionnelle m'amène à déplacer mon regard...) Quand on pourra travailler avec des maîtres, discuter, travailler avec eux là-dessus, eux-mêmes n'auront plus le même regard sur les aides dont les autres ont besoin. J'ai plus l'impression qu'on fait encore comme si c'était les problèmes des enfants ou les problèmes des familles... Moi, je ne crois pas bien à ça... Si je voulais renforcer quelque chose... que les gens qui ont une spécialisation donc, pour moi la spécialisation, elle est plutôt du côté du diagnostic, je vous le disais tout à l'heure à propos du maître E, avoir d'autres outils pour comprendre parce qu'on est plus attiré peut-être par le fonctionnement humain que par le fonctionnement propre du savoir... mais qu'on puisse aider les enfants à s'installer quelque part dans une identité d'élève qui ne rejette pas l'école, qui ne rejette pas les autres et qui apprend normalement... réussir brillamment ça ne me paraît pas fondamental...

Une dernière question facultative... En quoi votre fonction actuelle est-elle importante pour vous ?

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