Entretien E21 Patricia

Age : 51 ans

Profession : IEN Chargé de mission/IA/IG

Diplômes : CAFIMF(77)

Patricia : cursus professionnel (cf. légende profils de carrière A1 pp. 43-44)
Patricia : cursus professionnel (cf. légende profils de carrière A1 pp. 43-44)

Lieu de l'entretien : bureau de l'IEN

Durée : 1h 35mn. Longue conversation non enregistrée, à la demande de l'intéressé, après l'entretien officiel.

Quels sont les 5 mots qu'évoque pour vous l'expression "enfants en difficulté " ?

Apprentissages, norme, aide, soutien, pédagogie-différenciée

Pouvez-vous préciser le choix de chaque terme ?

Avant de préciser le choix de ces mots, je dirais que j'exècre l'expression "enfants en difficulté". Je préfère que l'on dise "les difficultés des enfants" parce que je crois que lorsqu'on dit "enfants en difficulté", on cible un individu. Comme on dit enfant handicapé... Excusez-moi de faire un petit détour... Avec une formule, c'est vrai, on a tendance à faire des raccourcis qui sont parfois dangereux. "Enfant handicapé" pour moi, c'est impropre. Le handicap, c'est l'aspect situationnel d'une déficience ou d'une incapacité. Donc dans ce situationnel, dans ce rapport d'un individu au monde qui l'entoure et à son environnement, il y a toujours une part de l'individu lui-même et il y a toujours une part de l'environnement. Et je dirais que je n'aime pas non plus l'expression "enfant handicapé", même si elle est couramment utilisée et c'est un peu de la même façon que je n'aime pas le terme d'enfant en difficulté parce que j'ai envie de dire que la difficulté elle se révèle dans une situation et qu'elle n'est pas forcément inhérente à l'individu. Donc, c'est beaucoup plus un faisceau d'éléments qui tiennent à la fois... enfin les difficultés d'un enfant elles se révèlent dans le cadre scolaire, elles se révèlent dans sa situation de classe... dans une situation où il est confronté aux apprentissages, c'est pour cela qu'il y a le mot apprentissages mais aussi dans un groupe, donc dans les relations qu'il peut avoir avec le groupe et la place qu'il peut y tenir et dans la relation qu'il a avec l'adulte et dans ce triptyque groupe/enfant/apprentissages/adulte/adulte médiateur ou pas médiateur, médiateur entre l'enfant et le groupe, médiateur entre l'enfant et l'apprentissage. Vous avez peut-être la justification d'un certain nombre de mots là-dedans...

Vous avez parlé aussi de soutien et de pédagogie différenciée. Est-ce que vous pouvez préciser ?

Là c'est plus institutionnel et plus dans le cadre de la définition habituelle du mot. Si je dis que les maîtres du réseau d'aides font du soutien, ils vont m'étriper, mais je crois que parfois il serait nécessaire qu'ils en fassent. En priorité ça devrait être le maître de la classe et que ça devrait être le souci prioritaire du maître de la classe de réfléchir aux apprentissages et aux situations d'apprentissage qu'il met en place, aux démarches et aux méthodes qu'il utilise et auxquelles il devrait nécessairement faire appel soi on veut quelque chose d'un peu fin, de la pédagogie différenciée et en cas de problèmes dans les apprentissages d'un enfant, à mettre en place des situations de soutien. (...) ça n'est qu'au delà, quand tout s'est avéré vain, quand on a été un maître qui sait faire fonctionner les situations d'apprentissage, qui sait faire de la pédagogie différenciée, qui sait faire du soutien, quand tout a échoué on essaie de voir si quelqu'un d'autre peut apporter son aide... ça c'est l'idéal... On a le droit quand-même? (rires)...

Pouvez-vous chercher le visage d'un enfant en difficulté scolaire que vous avez eu l'occasion de rencontrer dans votre vie professionnelle et présenter rapidement la situation.

Vous n'avez pas de tranche d'âge particulier ? (...) J'ai travaillé longtemps en petite section avec des enfants de 2/3 ans, on ne peut pas dire qu'on est dans l'aide ou la difficulté scolaire, on est plutôt dans la prévention... on est dans les signes d'alerte, c'est un peu marginal... J'ai le souvenir précis d'enfants en petite section pour lesquels je me suis inquiété...

Est-ce que vous pouvez parler de ce qui vous interpellait, des signes qui vous faisaient penser qu'il y avait quelque chose de particulier à mettre en place ?

Je pense à différents enfants parce qu'on ne peut pas cibler sur... Les signes d'alerte les plus forts, ça a toujours été le langage. Je pense que c'est un indicateur fort. Je crois que les précautions à prendre avec des enfants, compte-tenu des différences de développement interindividuelles, c'est de faire une bonne observation de ce qui se passe pour cet enfant-là, à savoir, il parle, il ne parle pas, il ne parle pas dans la classe mais parle-t-il ailleurs ? parle-t-il avec sa maman ? avec ses copains dans la cour ? jusqu'à ce qu'on se soit construit une sorte de conviction qu'il y a quelque chose qui ne va pas très bien et que cette conviction sans rien dire, on demande à un collègue RPM par exemple, c'était mon cas, de venir faire une observation générale, sans rien dire et de demander ce qu'il pense de la classe et s'il a repéré des enfants particuliers... Et quand on croise des regards et des observations, on peut se dire que peut-être que là on a des choses à faire... et donc d'en parler avec les parents, de voir effectivement si ce retard ou cette absence de langage est significative de quelque chose, si ça mérite d'être pris en charge par le GAPP ou pris en charge à l'extérieur pour élaborer quelque chose qui ressemblerait à un diagnostic... C'est un peu marginal, on n'est pas vraiment dans le champ de l'élève en difficulté, mais on est dans les prémices, dans l'évitement. Le gamin auquel je pense a fait une scolarité remarquable derrière. Il a été pris en charge à l'extérieur très tôt et il y a des choses qui se sont débloquées... Il avait trois ans... C'est dur de dire à trois ans, il y a quelque chose qui ne va pas... C'est plus du ressenti que des éléments objectifs...

Pouvez-vous vous souvenir d'un enseignant, cette fois, face à un enfant en difficulté dans sa classe. Quels sentiments s'éveillaient en lui ? Comment réagissait-il ?

... Je pense à quelqu'un en particulier, au CP. C'était quelqu'un de remarquable. C'était quelqu'un qui ne prenait pas les difficultés d'un enfant comme une faute personnelle ou comme une injure à sa façon d'enseigner et qui, - elle est devenue ma conseillère pédagogique après - essayait au contraire de démonter tout le mécanisme et de se dire : "s'il n'apprend pas là premièrement qu'est-ce que je peux faire pour l'aider sinon de voir s'il y a des détours, une autre façon d'approcher les choses, essayons de voir d'où il est parti, pourquoi ça bloque et comment on peut débloquer les choses ?"... Je crois que les difficultés majeures, me semble-t-il, des enseignants, c'est de prendre la difficulté d'un enfant comme un échec personnel. C'est souvent le drame et parfois ça cristallise les difficultés de l'enfant dans cet espèce de renvoi de l'échec personnel de l'adulte... l'acharnement qu'on voudrait mettre à dépasser cet échec personnel fait que parfois ça cristallise les difficultés de l'enfant. J'ai vu des situations de ce genre, c'est-à-dire qu'on ne supporte pas qu'un enfant soit en difficulté...

On parle beaucoup d'aide à l'enfant, est-ce que vous pourriez définir ce que c'est qu'aider un enfant ?

Il y a eu tout un colloque à Beaumont là-dessus... (rires) Je ne sais pas définir l'aide. Qu'est-ce qu'on mettrait sous le terme d'aide par rapport à soutien ? Qu'est-ce que c'est que venir en aide dans le langage courant par rapport à soutenir ? Je ne sais pas, à titre personnel, définir l'aide comme acte professionnel, même s'il y a eu des colloques là-dessus...

Quels sont les 5 mots qu'évoque pour vous le sigle RASED ?

(en chuchotant) J'ai horreur des sigles... Le sigle lui-même ou sa signification ?

Je ne précise pas, c'est comme vous l'entendez spontanément...

... Si je m'arrêtais à ce sigle, d'une certaine façon ça doit évoquer, pour des tas de gens, un "machin" dont on ne sait pas ce que c'est, si on est un peu plus sérieux, on va dire une structure, mais pour moi ce n'est pas une structure mais un dispositif alors je retiendrai dispositif... Si on veut entrer dans la signification de chacune des lettres du sigle, c'est sans doute le mot réseau qui m'intéresse le plus.

Si j'ai bien compté, ça fait quatre choses, est-ce que vous avez un cinquième élément à ajouter ?

Aide, encore.

Pouvez-vous expliquer davantage le choix des mots structure, dispositif, réseau ?

L'aspect structure, c'est l'aspect case, boîte, dans laquelle on met des gens qu'on ne sait pas toujours où mettre et on dit "oui finalement c'est bien dans cette case-là". Quelque chose d'un peu automatique, un organigramme... Le plus bel exemple d'écart qu'il peut y avoir entre structure et dispositif c'est entre classe et cycle. On n'est pas sorti des classes, pourtant les cycles c'est plus dispositif que structure... D'une certaine façon le GAPP était une structure, le réseau est un dispositif. Mais un dispositif tout seul, c'est insuffisant. Pour moi, un dispositif correspond à une chose à laquelle on peut faire appel en cas de besoin, mais pas d'une manière systématique et automatique qui permettrait de dire : "vous êtes blanc, vous allez là, vous êtes bleu, vous allez là, vous êtes rouge, vous allez là". Non, un dispositif, ce n'est pas faire coïncider de manière rigide une demande et une réponse... Un réseau, c'est un mode d'organisation non pyramidal, pas nécessairement hiérarchique, c'est une idée d'entraide, une idée d'échange, de croisement de fonctions, une idée d'approches différentes et je crois que dans la circulaire de 90 c'était ça qui était important. Quand on croise ce que je dis sur le réseau, ce que je dis sur le dispositif et ce que je voudrais dire sur les personnes qui le composent, d'abord c'est bien un dispositif, c'est bien un réseau mais on n'a jamais dit ce que c'était en terme de nombre, de nombre par qualité. On a dit, il y a des psy, il y a des G, il y a des E, on n'a pas dit c'est un psy... Moi j'entends dire les "réseaux pas complets". Je ne sais pas ce que c'est qu'un réseau pas complet ! On n'a jamais dit ce que c'est qu'un réseau complet... Il n'y a pas de définition. L'idée c'était bien... Je vais l'analyser comme cela : Un IEN est responsable d'une zone géographique donnée, il a la responsabilité des écoles qui sont dans cette zone géographique et la réussite maximale de tous les élèves qui fréquentent cette école. Il a à sa disposition un réseau, plusieurs - un ça serait mieux - et un réseau qui est fait de personnes ressources qui sont chargées de l'aider pour aider les élèves à réussir et que la politique qu'il a à conduire dans sa circonscription, c'est une politique à la fois pédagogique, c'est-à-dire qu'il doit connaître la situation du terrain et la situation des enfants au moment des évaluations nationales on a un certain nombre d'indicateurs, par ailleurs il doit s'occuper de l'intégration scolaire des enfants handicapés, mais ce n'est pas notre problème premier là... Il a à sa disposition des conseillers pédagogiques qui doivent l'aider dans la mise en oeuvre d'une pédagogie plus différenciée, plus adaptée, du soutien, des conseils de cycle, des projets d'école etc. et puis il a un groupe de personnes ressources un peu particulières qui sont les gens qui travaillent dans le réseau d'aide et auxquelles il doit faire appel dans l'analyse de la situation, dans les actions à mettre en œuvre, dans les choix prioritaires et les choix philosophiques d'une certaine façon... Est-ce qu'on intervient ? Est-ce qu'on n'intervient pas ? Voilà l'idée de réseau, c'est un peu ça. Pourquoi j'ai dit personnes ressources ? Parce que dans mon esprit même si l'IEN est le supérieur hiérarchique du conseiller pédagogique, de la secrétaire de CCPE, des personnels des réseaux d'aide, c'est un peu le même type de relations qui devraient se mettre en place, c'est-à-dire qu'on a autour de lui un réseau de savoir-faire et de compétences et de personnes différentes, qui peuvent aborder les problèmes de manière différente et échanger sur la façon de s'y prendre... Le regard d'un psychologue sur la difficulté d'un enfant à l'école n'est sans doute pas le même que celui du maître G ou du maître E ni même que celui du conseiller pédagogique. Je crois que c'est un peu ça qu'on a raté dans la mise en place des réseaux... par manque de sollicitations et d'accompagnement... à cause d'un texte un peu difficile à mettre en oeuvre. Je crois que le texte est excellent mais il n'est pas simple... enfin il ne s'impose pas ou il n'impose pas comme ça d'emblée un mode de fonctionnement quand on le lit. Il demande à ce qu'on pose un peu les choses...

Est-ce que vous pourriez raconter la dernière inspection de réseau que vous avez réalisée ?

Oui. D'abord, j'ai essayé de faire fonctionner le réseau sous la forme que je vous indique, donc c'est sans doute une inspection moins formelle qu'une inspection de GAPP quelques années auparavant... C'est-à-dire que c'était des gens que je connaissais, avec qui je travaillais très régulièrement et dont je savais et les modes de fonctionnement, et l'engagement, et le plan de travail...ça n'est plus un acte formel un jour donné, d'une situation qui est parfois traumatisante d'ailleurs pour les enseignants... C'était plus une action d'évaluation/régulation qu'une action ponctuelle mais ça n'empêche pas que j'ai pu... avec le psychologue, je n'ai pas assisté à un entretien psychologique, mais avec le maître G j'ai assisté à une séance de rééducation avec un enfant et on a pris toutes les précautions d'usage c'est-à-dire que l'enfant et le rééducateur en étaient d'accord...

Est-ce que vous pouvez relater le jugement que vous avez émis suite à cette inspection ?

Je ne sais pas si c'est un jugement...

Ou comment dire l'acte d'inspection, le bilan...

Le souvenir le plus... frais à ma mémoire, c'est l'inspection du maître G, ex RPM, dans une situation avec une enfant de grande section qui effectivement n'avait pas compris, et ça me paraissait tardif en grande section - ni ce qu'elle faisait à l'école, ni comment fonctionnait l'école, ni les enjeux des apprentissages, ni la façon de régler les situations, de conduire une action... J'ai un souvenir très prégnant de ça parce que je trouve que la rééducatrice en question a trouvé les angles d'attaque ludiques qui permettaient d'introduire une notion de règles, une notion de continuité d'action en vue d'un but, quelque chose qui permette à cette enfant de prendre des repères dans son action... et d'orienter l'action vers quelque chose. C'est vrai que pour certains collègues, je suis persuadé qu'on aurait trouvé qu'elle faisait "mumuse", pardonnez-moi l'expression, je crois que c'est toute la difficulté des actes d'inspection des gens qui font de l'aide rééducative, c'est de percevoir à travers un trait de surface qui peut paraître extrêmement ludique et totalement en dehors des apprentissages, en quoi ce qui est fait permet à l'enfant de se construire des stratégies d'apprentissages... parce qu'il y a une chose sur laquelle je suis intransigeante, on ne fait pas quelque chose qui ressemble à de la psychothérapie à l'école, d'abord les maîtres G ne sont pas qualifiés pour le faire et que le seul intérêt de les avoir dans l'école c'est d'amener les enfants à faire des apprentissages. Notre seul but c'est que les enfants fassent des apprentissage scolaires. Ce n'est pas... le mieux être de l'enfant qui nous intéresse, c'est en quoi ce qu'on va conduire comme action le rend élève... donc capable d'apprentissage. Même si c'est parfois par l'intermédiaire d'une stratégie de détour, c'est toujours centré sur l'apprentissage, de la lecture par exemple. Ce n'est pas le mieux-être de l'individu qui est visé, si ça vient avec, tant mieux... On n'est pas dans le soin. On n'est pas dans la sphère privée. L'école, ça ne s'occupe pas de la sphère privée de l'individu, ça s'occupe de sa sphère publique. Et c'est une frontière ténue et difficile...

Quand je dis maître E, quels sont les 5 mots qui vous viennent à l'esprit ?

Pédagogie... aide, je ne peux pas y couper... adaptation, j'expliquerai pourquoi... apprentissages... partenariat.

Est-ce que vous pouvez développer un peu ?

Aide, je n'ai pas besoin de préciser. Adaptation parce que je reviendrai à l'origine du texte. Les aides pédagogiques se mettent en place dans une classe ou dans un regroupement d'adaptation et je crois que c'est sans doute le seul mot malheureux de la circulaire.

Vous pouvez expliquer ?

Tout à fait. (...) Je crois que le fait d'avoir choisi le mot adaptation pour dire où se mettaient en place, dans quel cadre se mettaient en place les aides pédagogiques, immédiatement faisait référence à la circulaire de 70 et immédiatement référait au cycle 2. Or je crois que l'aide pédagogique ça ne réfère pas au cycle 2 et que ce n'était pas l'esprit des gens qui ont écrit le texte. L'idée c'était bien que des aides pédagogiques se développent à tous les niveaux de prévention, primaire, secondaire, tertiaire. Aussi bien on peut en faire en maternelle, on peut sans doute en faire au cycle 2 et loin de moi que ce n'est pas là qui faut les faire massivement, mais il faut sûrement en faire au cycle 3. Si on n'a pas la disparition des classes de perfectionnement avec les textes CLIS, c'est parce qu'on a utilisé le mot adaptation dans la circulaire. C'est-à-dire que plus personne n'a vu clair dans qu'est-ce qu'on faisait de cette population d'élèves en difficulté importante qui depuis des années était orientée vers les classes de perfectionnement qui en faisaient en fait des handicapés, orientés par les commissions d'orientation spéciale, alors que ces enfants relèvent simplement de la difficulté scolaire, même un peu massive et que du coup comme le terme adaptation réfère au cycle 2, on ne faisait plus d'aide pédagogique au cycle 3. C'est une adaptation en creux... Apprentissages parce que c'est leur mission première mais c'est la mission première de l'ensemble du réseau. .. Pédagogie par opposition sans doute à rééducatif, on n'est pas tout à fait dans le même champ... Les aides pédagogiques, elles restent plus proches du sens strict du programme d'enseignement. Certes, on va apprendre des démarches et de méthodes particulières, des façons de faire particulières mais on reste très accroché aux apprentissages définis dans le programme. On l'est moins du côté des aides rééducatives. On est toujours dans les apprentissages mais on est moins dans les contenus.

Vous avez dit également partenariat...

Partenariat, je pourrais le dire pour d'autres, parce que vous allez bien me poser la question du maître G tout à l'heure...

Bien sûr (rires...)

Je crois que quand on est dans un dispositif de ce genre, il ne peut pas ne pas y avoir de partenariat avec le maître de la classe... et je dirais que le meilleur partenariat que je pourrais imaginer, ce serait que le maître E intervienne dans la classe d'un collègue pour ne pas sortir l'enfant de sa situation, on en parlait tout à l'heure, qui est la situation dans laquelle il est le plus souvent et aux convergences de ces relations enfant/groupe, enfant/apprentissage, enfant/maître etc. et que c'est in situ que l'aide pédagogique devrait être donnée parce que... Vous êtes ou vous avez sûrement été confrontée, particulièrement en réunion de synthèse, dans des réunions des maîtres du cycle, on vous situe un enfant qui rencontre des difficultés et on demande au réseau d'aide de le prendre en charge, les choses se mettent en place, ce gamin a de l'aide et puis finalement quand on confronte les points de vue, c'est totalement divergent. Ce n'est pas étonnant que, pour certains enfants, ce soit divergent. Le maître voit l'enfant dans une situation de classe et en général, la personne du réseau qui le prend en charge le voit en situation individuelle, ça n'a rien à voir. Or la vraie situation de l'enfant, ce n'est pas la situation individuelle, c'est la situation dans la classe. Donc je pense que les aides ne prennent pas assez en compte... Elles sont trop individuelles et presque dans la sphère privée de la personne, et même quand elles se font avec un petit groupe d'enfants, on n'est pas dans une vraie situation de classe. La vraie situation d'apprentissage d'un écolier, c'est le groupe classe. Donc partenariat.

Est-ce que vous pourriez définir le travail du maître E à partir de ce que vous avez vu sur le terrain ?

Je vous ai déjà situé le contexte idéal... C'est l'intervention dans la classe...

Et en pratique vous l'avez vu faire ?

Très peu. J'ai vu fonctionner des classes d'adaptation fermées, des classes d'adaptation ouvertes, des groupes d'adaptation, parfois très parcellisés parce que quand c'est deux fois une demi-heure par semaine, il ne reste plus grand-chose de l'aide. J'ai vu un peu tous les cas de figures... le texte ne dit pas qu'il ne faut pas faire ceci ou cela... Je ne dis pas que les classes d'adaptation fermées n'ont pas rendu des services à un certain nombre d'enfants, mais elles en ont sans doute désadapté un certain nombre aussi, qui n'arrivent pas à se remettre dans le coup. Les seules chances réelles d'aider l'enfant - dans la mesure où ce qu'on vise par exemple dans les classes d'adaptation c'est le niveau CP -, c'est si le maître est persuadé qu'à la fin de l'année tous ses élèves vont passer en CE1. Sinon, on leur a fait perdre un demi-joker pour rien... D'où l'idée que le meilleur endroit pour apporter de l'aide à l'enfant c'est quand il est dans sa situation normale d'apprentissage. Il ne s'agit pas que le maître E intervienne en doublette avec le maître de la classe, mais qu'à certains moments et que pour certaines activités, il puisse prendre en charge deux ou trois enfants qui ont des difficultés pour travailler avec eux sur un apprentissage qui est en train de se faire.

A ce moment-là, comment pourriez-vous définir les différences entre le travail du maître généraliste et celui du maître spécialisé ?

Je crois que le maître spécialisé a un regard différent sur la difficulté de l'enfant. Quelque part, il est beaucoup mieux formé à analyser la difficulté de l'enfant, à analyser ses erreurs, à en analyser les causes que ne l'est d'une manière générale le maître de la classe. Il me semble que le réseau a aussi une fonction, je vais dire comme ça, de "conseiller en observation", de "conseiller en analyse", pas de conseiller pédagogique... d'aider un maître à éduquer son regard, à analyser les stratégies d'apprentissage de l'enfant, à analyser ses erreurs... ça il sait le faire, par contre là, il pose un certain nombre d'hypothèses dans cette difficulté et donc l'idéal c'est qu'il aide le maître à les résoudre et qu'il se "tire" (rires). Je travaille à la destruction des enseignants spécialisés...

Maintenant si je dis maître G, quels sont les 5 mots qui vous viennent spontanément ?

Surtout pas rééducation ! aide bien sûr, élèves, détour, partenariat.

Est-ce que vous pouvez définir ces mots ?

On est parasité par ce mot de rééducation qui est un mot extérieur à notre milieu et qui a donc référence aux soins. Lui aussi parasite. C'est comme le mot adaptation. Mais le mot rééducateur n'est pas utilisé dans la circulaire. Je crois que c'est un mot qui parasite, mais il existe toujours... Il y a une association... mais je leur dis souvent... (rires) L'idée, c'est de ne pas parasiter avec... des revendications corporatistes en référence à du soin.

Vous avez parlé aussi d'élèves...

Vous savez que les rééducateurs disent toujours que ce qui les intéressent c'est l'enfant. Je crois que ce qui doit les intéresser c'est l'élève. De même que le maître E en classe d'adaptation fermée doit viser pour ses élèves, si c'est un CP d'adaptation, un passage au CE1, le maître G doit toujours avoir comme point de mire l'élève plus que l'enfant, même si c'est quelque part avec l'enfant qu'il travaille, je l'ai dit tout à l'heure, ce n'est pas dans une perspective de mieux être de la personne c'est dans la perspective que cet enfant que l'on a en face de soi, on l'institue comme élève et donc on lui donne les clés de ce que c'est qu'un élève... C'est peut-être ça le plus important et ça demande un certain nombre de détours, par des choses qui sont plus ludiques et pourquoi pas par des apprentissages... Tout est individualisé, dans une relation plus privilégiée qui permet à l'enfant de se faire des passerelles vers le monde de l'école et vers ce que l'école attend de lui. Je crois que beaucoup d'enfants en difficulté ont construit cette difficulté dès leur première année d'école maternelle. Ils ont été plongés dans un monde dont ils ne comprennent rien, ni les règles, ni le fonctionnement, ni ce qu'on attend d'eux, ni "l'école mode d'emploi" et qui s'installent finalement sur des idées fausses, sur des simulacres. Il y a beaucoup d'enfants qui vivent dans le simulacre. Ils parlent parce qu'il faut bien parler dans l'école, ils s'agitent, ils font des choses mais ça n'a aucun sens pour eux. Ils ne voient pas comment on joue le jeu derrière, c'est la construction de savoirs... Rochex l'a dit pour des plus vieux mais je crois que ce décalage par rapport à l'enjeu des savoirs se construit très, très tôt. Il n'y a sans doute pas d'école plus implicite que l'école maternelle.

En vous appuyant sur ce que vous avez vu, pouvez-vous définir le travail du maître G?

C'est compliqué. Mais j'en ai déjà dit beaucoup là-dessus... Qu'il utilise un certain nombre de techniques, c'est une chose mais l'essentiel c'est bien l'institution de l'élève dans l'enfant. Je crois vraiment que ça doit être ça sa préoccupation. Il est dans une institution qui s'appelle Education Nationale et c'est peut-être une dérive actuelle d'ailleurs, elle s'occupe de la sphère publique de l'individu pas de sa sphère privée. Même si au détour d'un entretien avec un enfant, il apprend des choses sur cet enfant qui lui explique ce qu'il peut se passer, ce n'est pas là-dessus qu'il va travailler. C'est sur "comment dépasser ça", pour être un élève et pouvoir apprendre. Alors qu'à la limite ça ne me dérangerait pas qu'un enseignant de CMPP fasse autre chose... Je crois que c'est le lieu où l'on se situe... dans un CMPP on est sous contrôle médical, on a une équipe de synthèse, il y a un psychiatre, on peut travailler dans quelque chose qui est plus à la marge de la thérapie, encore que c'est le psychopédagogique, mais on voit bien qu'il y a un fil de rasoir beaucoup plus étroit... à l'école, non. On a une démarche qui est collective qui met en jeu une équipe de personnes dont le seul objectif c'est de faire réussir l'enfant et de lui faire acquérir, j'ai dû employer le mot norme à un moment donné, la norme oui. Il y a des enfants qu'on prend en charge pour des aides, c'est ceux qui n'arrivent pas à entrer dans la norme d'une certaine façon, c'est-à-dire qu'ils ne satisfont pas aux exigences de l'école. Il y a des écarts à la norme vraiment insupportables.

A votre avis le système d'aide actuel est-il satisfaisant ?

Sur le papier, oui.

Et sur le terrain ?

Je ne peux pas répondre ça serait trop subjectif.

En quoi la différenciation E/G vous semble-t-elle pertinente ?

Je crois qu'ils ne font pas le même travail. Je l'ai dit déjà. Le maître E colle plus au programme, pardonnez l'expression. Il est bien situé dans l'aide sur un apprentissage donné, dans l'acquisition d'une compétence donnée, avec des méthodes qui même si elles sont de détour assez proches de la classe ordinaire. Même si on est en classe d'adaptation, on a des cahiers, pas mal de choses qui font référence à la classe ordinaire. Je crois que le maître G... Je vais dire plusieurs choses qui vont peut-être vous surprendre. Pour moi, il a une fonction essentielle. Il prend en charge des enfants qui s'il n'était pas là ne seraient pris en charge nulle part... ça c'est une réalité. Je crois que, y compris le GAPP de 70, faire rentrer dans l'école des choses qui sont un peu à la marge de ce qui se passe d'habitude à l'école, c'était aussi ce souhait-là. Vous savez comme moi qu'aller dans un CMP ou un CMPP, ça dépend largement de la famille. Il y a des tas de familles qui n'ont ni la volonté, ni la possibilité de le faire, c'est trop loin de leurs préoccupations. Donc quelque part, on a là dans l'école quelqu'un qui peut être à l'écoute des enfants, mais toujours dans une perspective d'apprentissage - pas dans une perspective thérapeutique - quelqu'un qui permet à certains enfants de survivre, je vais dire comme ça, même si ça paraît énorme... survivre dans l'institution avec leur malaise, avec leurs difficultés. Le rôle de soupape. C'est un rôle primordial. Il n'y a qu'eux qui peuvent le faire. Et puis il y a tout ce que j'ai dit avant : instituer un élève, aider à se mettre en piste, faire le chemin nécessaire, passer de son monde d'enfant et de sa sphère privée à la sphère publique... (rires)

Je vais vous poser une question peut-être un peu simple : y a-t-il une fonction, E ou G, qui joue un plus grand rôle ?

Non. Non. A mon avis ça peut s'adresser soit à des enfants différents, soit au même enfant à des périodes différentes. On pourrait avoir une conjonction des choses. On pourrait imaginer que l'enfant qui est très, très loin de ce qu'est son statut d'élève, il est d'abord pris en aide rééducative et puis que la main passe à quelque chose qui est plus proche parce qu'on n'est pas sorti de l'aide... et c'est peut-être ça qui était intéressant dans l'option G. Vous savez bien que l'option RPM, c'était sans doute celle qui était la plus loin du scolaire... et que ce n'était pas les mêmes enfants... Moi je vois bien dans les populations d'enfant, le RPM, il s'occupait en gros des inhibés avec une valise au bout de chaque bras, des hyperactifs et puis tous ces enfants qui avaient du mal à se situer dans le ludique, le pas ludique, la fonction symbolique etc. C'était moins le cas du RPP, nettement, il était plus collé aux réalités scolaires, de par sa formation, de par le fait qu'il pouvait passer de "l'adapt" au GAPP. Le G a sa disposition un certain nombre de techniques parmi lesquelles il peut choisir... Il peut passer des actions de type RPM à des actions de type RPP parce qu'il a les deux à sa disposition.

Est-ce que vous pouvez concevoir une seule fonction qui allierait E et G conjointement ? Les deux aides seraient bien distinctes, resteraient différenciées dans les objectifs et la façon de procéder mais ça serait la même personne qui pourrait faire l'une ou l'autre ?

C'est-à-dire d'une intégration massive de RPP et RPM en G, vous voudriez qu'on passe à une intégration massive des types d'aide E et G ?

Oui, je vous demande si c'est concevable...

C'est sûrement concevable. Dans toute relation d'aide, il y a toujours une relation entre l'adulte et l'enfant. Le mode de relation n'est sûrement pas le même entre un maître E et un maître G. C'est vrai que les G sont plus proches de ce que vit l'individu... Je ne sais pas si les enfants se reconnaîtraient si on passait systématiquement d'un statut à l'autre, encore que moi je suis pour l'intervention du maître G dans la classe, c'est possible, ce n'est pas en contradiction... Je ne sais pas. Et je ne sais pas si sur l'équivalent d'une année de formation on arrivera à former à une telle fonction.

C'est une autre question... Avant de l'aborder, est-ce que vous pourriez présenter les avantages et les inconvénients de cette éventuelle fonction E/G?

Oui il y a beaucoup d'avantages, la possibilité par exemple de passer d'un type d'élèves à l'autre. Maintenant passer d'un type d'aide à l'autre ça exigerait me semble-t-il une grande maîtrise professionnelle et technique de la part de ce maître-là. Est-ce que c'est le passage d'un type d'aide à l'autre dans le temps, dans une série de séances successives ou de façon très rapprochée en quelque sorte ? Est-ce que ça serait la personne qui prendrait en charge l'individu sur un temps assez long et qui dirait pendant les quatre premières semaines, je fais du G et pendant les quatre semaines suivantes, je fais du E parce que je fais le pari qu'avec le projet rééducatif de cet enfant-là, tant de séances ce serait bien et je pourrais passer à la suite ? Il y aurait l'avantage en fait de l'unicité de la personne... Mais du coup est-ce que l'enfant s'y retrouverait ? Est-ce qu'il retrouverait la même personne en face de lui ? Je ne sais pas, c'est une question que je pose, je n'en sais rien... Ou au contraire en alternant en quelque sorte au gré de je ne sais pas quoi, une séance je fais du G, une séance je fais du E, au feeling... Je ne sais pas si ça serait si facile que ça...

Est-ce que vous y verriez des avantages ou des inconvénients au niveau du fonctionnement en réseau ?

Pas nécessairement. Le problème du fonctionnement en réseau, on sait bien que la difficulté - même si on part de l'hypothèse que c'est une équipe ressource auprès de l'IEN non a la réalité d'un terrain qui n'est pas le même sur l'ensemble du territoire. Ce n'est pas la même chose d'être réseau en zone rurale et réseau en zone urbaine. Je dirais qu'en zone urbaine, c'est relativement facile de dire qu'il y a une séparation des aides et qu'on peut passer... On a à disposition, sur un petit territoire tous les types d'aide possibles. C'est vrai qu'en zone rurale on puisse imaginer que ça puisse être un avantage. Il y a un danger : c'est la sectorisation absolue, c'est-à-dire qu'on met untel E/G à tel endroit et il est tout seul et du coup le réseau ne fonctionne plus. C'est un maître de plus avec des spécificités particulières. Je crois que l'intérêt du réseau, c'était ça, c'était l'échange de compétences entre des gens qui même s'ils étaient rééducateurs en GAPP, là je les distingue des rééducateurs en CMPP, faisaient à titre personnel un travail d'approfondissement d'un certain nombre de choses : il pouvait y avoir un spécialiste du langage, un spécialiste de tout ce qui touche au jeu de rôle, au jeu dramatique, un spécialiste de la rééducation des mathématiques, c'était ça la richesse d'une équipe. Du coup vous risquez de l'assécher. Le réseau, c'est aussi l'échange de compétences. Je ne sais pas dire s'il y a des avantages et des inconvénients, je ne sais pas dire non plus si ça serait réalisable...

Sur le terrain, on parle beaucoup d'une réforme... Quelle position soutenez-vous ? Etes-vous favorable à la poursuite de ce qui existe ou à un projet de modification ?

Là vous interrogez un fonctionnaire, donc il n'a pas d'état d'âme, je n'ai pas d'idée personnelle ou plutôt je n'ai que des idées personnelles là-dessus...

Alors vos idées personnelles ?

Je ne vous les dirai pas...

Vous parliez à l'instant des réseaux. Fonctionnent-ils actuellement comme de vrais réseaux ?

Il n'y a que ça qui peut vous le dire (montre le rapport de l'Inspection Générale dit rapport Gossot). Le seul corps qui peut dire si c'est des réseaux et comment ça fonctionne, c'est le corps qui par définition fait une évaluation du système éducatif, c'est-à-dire l'inspection générale. Je ne peux pas en dire plus.

J'aimerai également qu'on aborde l'aspect formation. Pouvez-vous citer les 3 livres ou auteurs principaux recommandés lors de la formation E ?

Non, parce que c'est tellement variable... J'ai reçu les bibliographies de plein de centres de formation, il n'y a en a pas deux qui se recoupent ou presque... donc non.

Est-ce que vous pouvez citer alors les grandes tendances des centres de formation, au vu des bibliographies ?

Non, sur le maître E, non.

Et sur le maître G ? Est-ce que vous pourriez les caractériser brièvement ?

Non, je ne suis pas suffisamment spécialiste. Je les pressens mais je ne saurai pas les caractériser plus que ça. Je suis capable de dire qu'on n'est pas formé de la même façon ni selon... l'approche qu'on fait de l'individu à qui on apporte de l'aide, ou selon son intervention, ça c'est clair... Mais les caractériser, non... C'est plus du ressenti...

Est-ce que vous avez une opinion sur la qualité actuelle des formations E et G ?

Non, je ne peux pas vous donner d'appréciation, ce que je peux vous dire, c'est qu'on avait des écarts importants en volume de formation et que la circulaire qui est sortie sur les formations tente d'harmoniser ces volumes mais il n'y avait jamais eu de circulaire sur les formations... Avec l'ensemble de la rénovation du CAPSAIS, c'est la première fois qu'il existe une circulaire qui donne un cadrage à l'action de formation elle-même. Il y aura donc sans doute une harmonisation en terme de volume. Maintenant en terme de contenu... il y a un référentiel de compétences... Il devrait servir de référence commune. Il y avait un programme, il n'a pas été supprimé mais complété par quelque chose qui définit les qualités professionnelles, ce qu'on doit se construire comme compétences pour devenir un maître E ou un maître G. On peut penser que les IUFM s'y conformeront...

Quels sont les cinq mots qu'évoque pour vous la réussite à l'école ?

Plaisir, savoirs... bien-être n'est pas le mot qui convient, relation et je m'en expliquerais... il en manque beaucoup... réalisation de soi, projet.

Pouvez-vous expliquer le choix de ces termes ?

Ils vont tous dans le même sens, le sens de l'individu... Je crois que je n'ai pas parlé de norme, mais c'est sciemment... Quand l'enfant trouve dans la découverte des savoirs et dans le fait de savoir qu'il sait, je crois que c'est ça aussi une part de la réussite, savoir qu'on sait des choses, une sorte de jubilation et de plaisir à avoir du pouvoir sur les choses, on sait qu'on sait, on est sûr de soi, on a confiance en soi... C'est souvent dû aux relations qu'on entretient avec les autres : le maître et les camarades. C'est souvent lié à un projet personnel ou des parents mais quelque part, il y a une projection dans le futur, dans quelque chose qui donne un chemin à suivre, qui permet d'envisager un avenir, qui permet d'imaginer des choses... Et je pense que ce sont des éléments très intriqués. Il y a du "avant" du "après" et ça rebondit sans arrêt.

Je voudrais aborder une question plus générale : Comment considérez-vous la place et le rôle des aides à l'école ?

Je dirais que si on veut répondre aux orientations de la loi d'orientation, c'était bien l'idée qu'on adaptait l'école à l'enfant, on célèbre l'élève au centre du système éducatif, c'était bien une certaine idée de la capacité de l'institution à prendre en charge la diversité des élèves. C'était ça l'idée, c'est-à-dire l'ensemble des textes qui découlent de la loi d'orientation vont dans ce sens. Il y a une cohérence dans les textes : l'idée de cycle, c'était l'idée de parcours diversifié, donc d'apprentissages pris en compte et l'idée pour la première fois qu'un groupe d'adulte qui prend en charge un groupe d'enfants et non pas un adulte dans une classe, il y a bien une idée de parcours à côté de l'enfant au travail d'équipe qui s'est traduit par une vingt-septième heure libérée pour qu'on puisse faire ce travail d'équipe, par des conseils de cycle, par un projet d'école qui doit prendre ne compte la situation d'une population à un endroit donné et de ses caractéristiques pour faire des actions plus spécifiques ; l'idée par ailleurs des aides, des classes d'intégration scolaire... On a une série de textes qui s'emboîtent et s'articulent pour faire en sorte d'assurer à tous les élèves quels qu'ils soient, malades, handicapés, rencontrant des difficultés, les conditions les plus favorables à leur réussite. Donc avec les aides, les dispositions ou les dispositifs ordinaires ou extraordinaires ou supplémentaires ou différents... mais le seul objectif, c'est la réussite des élèves...

Peut-être avez-vous d'autres remarques à formuler sur les aides spécialisées à l'école?

Non, mais on peut constater qu'il y a une montée en puissance régulière, ni massive, ni exponentielle comme à une certaine époque, du nombre d'emplois spécialisés consacrés aux ZEP... ça augmente chaque année, un peu au détriment des G... Il doit y avoir quelque chose pour les G, ils ne doivent pas bien se conduire... ou ils sont mal compris... Je ne sais pas pourquoi mes collègues ont du mal à percevoir ce qu'ils font ces gens-là... Mais à l'inverse ces gens-là ont parfois du mal à dire ce qu'ils font... J'ai toujours eu de bonnes relations avec les rééducateurs puis les maîtres G, j'ai traversé plusieurs circonscriptions, ils ont toujours fait état à certains moments de l'incompréhension des collègues qui ne voulaient pas comprendre que cet enfant était intelligent, mais toujours en situation duelle mais les maîtres s'attendaient à ce que tout d'un coup au bout de trois séances les gosses sachent lire ou faire les soustractions à retenue... Je leur ai souvent demandé : "Eh bien écrivez ce que vous faites" mais je ne l'ai jamais eu... Il y a quelque chose quand-même... C'est une réalité quand on demande d'écrire ce qu'ils font... à mon avis c'est pourtant un exercice nécessaire. (...) C'est spécifique aux G, les autres on s'y repère bien... En gros, ils font un peu pareil... Les G font autre chose. C'est quoi cet autre chose mystérieux, qu'on ne veut pas dire ? Quand on ne veut pas dire, c'est garder du pouvoir sur ce qu'on fait... C'est quoi ces gens qui prennent les gosses un par un, qui ne savent plus ce que c'est que la classe de 25 ou 30 toute la journée, qui n'ont plus de cahiers à corriger ? Les G provoquent tous les fantasmes... Et puis on n'a pas trop de déficit sur les maître G, ce n'est pas une option déficitaire... ça doit bien cacher quelque chose et puis on leur demande un service et puis ça traîne, ça fait six semaines qu'on leur a demandé et puis il ne se passe rien. De temps en temps quand ils sont honnêtes, au bout ils disent : "il a changé ce gosse..." Mais tout le monde ne le reconnaît pas. Et il y a vraiment un décalage. Et les IEN sont un peu pareils. Il faut avoir aussi un regard exercé. Il y a ceux qui disent : "je crois mes yeux, je veux voir une séance", sans prendre en considération qu'il faut prendre certaines précautions, justement on est toujours à la limite du privé et du public de l'enfant. On ne se donne pas forcément à voir à tout le monde. Se montrer à voir, ça exige une part de confiance réciproque et un individu inconnu qui arrive, ça va changer la relation... Mais je crois qu'il y a une certaine incompréhension que les G entretiennent eux-mêmes. Je ne veux pas dire qu'ils entretiennent de la parano mais il y a peut-être de ça... C'est bien d'être un mauvais objet... C'est confortable.

Une dernière question, facultative... En quoi la fonction que vous exercez actuellement est importante pour vous ?

Pas plus importante qu'une autre, parce que je pense que d'une certaine façon, dans le travail on se fait plaisir. J'ai toujours pris beaucoup de plaisir à faire ce que je faisais, quel que soit l'endroit, quel que soit le lieu et c'est plus le hasard des situations qui fait qu'à un moment donné on prend telle direction plutôt qu'une autre... En quoi c'est important, pas plus que ça... parce que j'ai une philosophie qui me fait penser que nul n'est indispensable... Quelque part c'est aussi l'idée qu'on peut être utile à un moment donné... C'est un tout dans la vie. Ce qui est important tout de même c'est l'idée que l'école a une part dans ce qu'elle peut faire au bénéfice des enfants à part. C'est quelque chose qui a traversé mon métier d'instit ou d'inspecteur... Mais je ne suis pas née dans l'AIS, je ne fais pas partie de la famille. Je n'ai pas le CAEI... L'idée forte de mon travail, c'est une certaine idée de l'école, au sens large de l'institution et tous les dispositifs qu'il peut y avoir autour. Elle peut jouer dans quelque chose qu'on pourrait appeler la démocratisation, l'égalisation des chances. On peut croire en l'humanité et dans ses potentialités... pour faire avancer les choses... J'ai fait beaucoup de formation, je crois que c'est un élément fort de l'évolution du système éducatif... et puis que ça doit accompagner les enseignants dans une meilleure approche professionnelle...