Entretien E22 Anne-Lise

Age : 42 ans

Profession : Maître formateur en Centre de Formation (Unité de Formation pour l'Adaptation et l'Intégration Scolaire) pour l'option E

Diplômes : CAPE, CAPSAIS option E, CAFIMF, Maîtrise de Sciences de l'Education

Anne-Lise : cursus professionnel (cf. légende profils de carrière A1 pp. 43-44)
Anne-Lise : cursus professionnel (cf. légende profils de carrière A1 pp. 43-44)

Lieu : Centre de documentation

Durée : 1 heure 45 minutes (en deux fois)

Quels sont vos diplômes ?

CAP, CAPSAIS, CAFIMF en 90, maîtrise de Sciences de l'Education en 95, j'allais l'oublier, comme quoi, c'était vraiment formel pour moi...

Pour quelles raisons êtes-vous devenu formateur ?

Par hasard. J'étais en congé maternité quand il y a eu un appel d'offre et c'est une collègue de l'IUFM qui m'a appelée en me disant "tu as exactement le profil du poste, demande le"... Je n'ai pas fait la démarche volontairement parce que ça ne m'intéressait pas, mais elle devait vraiment penser que j'avais le profil du poste parce qu'elle m'a envoyé le dossier (...) et elle est venu le chercher et l'a mis sur le bureau du directeur de l'IUFM, voilà. J'ai été retenue comme ça et à la rentrée, j'ai démarré à l'IUFM.

De quelle façon avez-vous été formée à votre fonction ?

Je me suis formée comme d'habitude en autodidacte (rires)...et en interaction avec les situations que je rencontrais.

Quels sont les 5 mots qu'évoque pour vous l'expression "enfants en difficulté " ?

Apprentissage... communication, relation, rencontre... fragilité.

Pouvez-vous expliquer le choix de chaque terme ?

Apprentissage parce que je le situe dans le contexte scolaire, donc ce qui pose problème dans le contexte scolaire, c'est bien la difficulté à pouvoir apprendre et à répondre aux exigences de ce système là... Communication parce que pour moi le fait d'être en difficulté dans les apprentissages, c'est très souvent un problème d'interactions entre différentes données qui peuvent être celles de la communication entre des individus ou des interactions avec un milieu ou des rencontres ce qui m'amène au point suivant rencontre. La difficulté est souvent liée à... elle est contextualisée, elle est dépendante d'une histoire, donc de rencontres que peut faire l'enfant aussi bien dans son environnement qu'avec d'autres gens... dans un contexte différent peut-être n'aurait-il pas eu de difficultés... Fragilité parce que si dans les rencontres que l'enfant a fait, si dans son histoire, il n'a pas pu répondre autrement, c'est que peut-être il n'a pas pu trouver les ressources intérieures pour répondre positivement à un contexte plus ou moins difficile...

Pouvez-vous présenter un enfant en échec scolaire que vous avez eu l'occasion de rencontrer dans votre vie professionnelle et citer les émotions qui vous animaient face à lui...

J'en ai tellement rencontré...

Vous en choisissez un...

J'étais déroutée... C'était la curiosité qui dominait, c'était comprendre... Comment c'était possible que ce soit à ce point là bloqué...

Pouvez-vous retrouver une action particulière conduite pour tenter de remédier à cette situation...

Oui, accepter qu'il ne fasse pas... C'était le plus... J'ai réussi à débloquer la situation le jour où j'ai accepté de ne plus rechercher sa participation au travail et aux apprentissages.

A votre avis quelles étaient les causes principales de cet échec ?

Une difficulté des différents interlocuteurs à prendre en compte la réalité du terrain et la réalité des enfants ou des personnes, des situations.

Et comment avez-vous remédié à ça ?

En permettant à chaque acteur de donner du sens à ce qu'il fait, à se reconstruire lui-même pour pouvoir accepter que l'autre donne un autre sens. Je crois que si les gens sont si fermés à la logique des autres c'est d'abord parce qu'ils ont besoin de se rassurer sur leur propre logique... et leur propre fonctionnement. Quand ils seront suffisamment rassurés sur la validité et le sens de leur fonctionnement, ils pourront peut-être mieux accepter de comprendre un fonctionnement différent chez leurs élèves, chez leurs collègues et autres...

Quels sont les 5 mots qu'évoque pour vous le sigle RASED ?

En dehors de l'intitulé auquel ça correspond ?

Oui, oui...

Tentative... aide... camouflage, recherche... momentanéïté.

Pouvez-vous expliquer davantage ?

Tentative, parce que l'intention était intéressante... C'était nécessaire d'arrêter avec la logique des GAPP et de passer à autre chose... et la logique de travailler en réseau, de travailler en équipe, de mettre l'enfant au centre de l'aide, c'était autant d'intentions louables auxquelles j'adhère tout à fait... Aide parce qu'effectivement on n'est plus dans une logique instrumentale de réparation mais plus dans une logique d'accompagnement par rapport à l'enfant... Camouflage parce que je ne pense pas que ce soit en créant de nouvelles structures, confiées à des spécialistes, qu'on puisse résoudre le fond du problème... Donc ça permet certaines fois de suffisamment rassurer tout le monde pour qu'on continue à ne pas voir les vraies raisons des difficultés d'un trop grand nombre d'élèves... Recherche parce que malgré tout le réseau a des pratiques qui amènent les gens à réfléchir à autre chose et ça donne une impulsion peut-être... ça permettra d'innover, de trouver des pratiques innovantes du fait que ça crée de nouvelles interactions dans le système... Et puis momentanéïté parce qu'à mon avis ce n'est pas du tout la solution adéquate et ça ne peut qu'évoluer vers autre chose.

Pouvez-vous vous souvenir d'un enseignant en difficulté face à un enfant difficile dans sa classe. Quels sentiments s'éveillaient en lui ? Comment réagissait-il ?

Je vais prendre ce matin, ce sera le plus proche... C'est très difficile de parler à la place de quelqu'un d'autre mais je vais dire ce que j'ai cru comprendre de ses sentiments... Je vais forcément mettre les miens aussi... Je pense qu'il était sur un registre d'apitoiement, de pitié, sur le registre affectif et du coup ça le renvoyait à sa propre culpabilité de "ne pas arriver à".

Quand je dis maître E, quels sont les 5 mots qui vous viennent à l'esprit ?

Elève en difficulté, réparation... je remettrais recherche, et puis les mêmes que pour le RASED camouflage et momentanéïté... Enfant en difficulté parce qu'on est beaucoup plus centré sur l'apprentissage, j'aurais pu continuer enfant en difficulté d'apprentissage... Réparation parce que je constate que la plupart des maîtres qui demandent la formation sont toujours au départ dans une logique soit de réparation par rapport à quelque chose qu'ils n'ont pas su faire à un moment donné, soit par rapport à un désir... si c'est une réparation de quelque chose qui n'était pas possible, qu'ils n'ont pas réussi à faire avec leurs élèves... que ce soit pour des raisons affectives, intellectuelles ou autres, c'est quand-même une logique de réparation par rapport à eux-mêmes sur le plan pédagogique.

Pouvez-vous définir les caractéristiques actuelles du travail de maître E ?

C'est un travail d'analyse, de mise à distance, de médiation dans le sens de compréhension, de recherche permanente... et puis dans le travail, une dimension de rupture. Une fonction du travail, c'est de casser, d'éviter que s'intalle une sclérose... donc un travail de rupture.

Pouvez-vous préciser par rapport à qui ou à quoi ?

La rupture, parce que je pense que s'ils ont une attitude professionnelle satisfaisante, ils vont toujours questionner là où on avait fait l'impasse... questionner l'enfant sur une réalité qu'il n'avait pas prise en compte ou dont il n'avait pas pris conscience. De la même façon avec leurs collègues, leur questionnement doit permettre à leurs collègues d'accéder à une autre réalité, de se mettre à distance de leur vécu parce que souvent les gens ont un rapport fusionnel avec leur fonctionnement. Donc, ce travail de mise à distance, qu'ils doivent instaurer que ce soit du côté des adultes ou des enfants, introduit une rupture dans un fonctionnement existant.

Et le travail de médiation, vous l'entendez comment ?

La médiation pour moi c'est l'alternative à l'aide. Dans la fonction du maître E, pour moi, il y a l'aide et en alternative la médiation. Il est dans une logique d'aide chaque fois qu'il intervient pour accompagner un changement, mais pour accompagner un changement en ayant lui-même déterminé un objectif... par rapport à un projet. Il y a quand-même un projet, auquel il a lui-même participé, dont il est source. Donc là il est dans une logique d'aide pour accompagner ce changement. Or dans la logique de médiation, il n'y a pas de projet. Ce n'est pas lui qui est porteur d'un projet, ce sont les autres qui sont porteurs de leurs propres projets et sa fonction, c'est de permettre le changement et l'évolution de la situation... que chaque personne a par rapport à son propre projet.

Et ça concerne qui exactement ?

ça concerne l'enfant et ses parents ou plutôt l'enfant et son enseignant...

Est-ce que vous pourriez parler des références théoriques de la fonction E ?

Les références théoriques... Il y a d'une part tout le constructivisme... Piaget, Vygotsky, Bruner etc... les interactions sociales... En parallèle et en lien, la psychologie cognitive qui est très importante et en accompagnement de tout ça la psychologie clinique.

Est-ce qu'il y a des auteurs clés ?

Oui et non. Il y a des références clés. Je pense à Piaget par exemple. Ce n'est pas pensable de ne pas travailler à partir des travaux de Piaget, pour autant je n'exigerai pas d'un maître E en formation qu'il lise Piaget. En revanche, il me semble fondamental qu'il lise un ouvrage sur Piaget ou qu'il prenne connaissance des travaux de Piaget. C'est pour ça des auteurs non, plus une référence... qu'il connaisse... parce que ce n'est pas des études... même si c'est IUFM, je différencie la formation professionnelle d'une formation universitaire et ça me paraît fondamental que les gens accèdent à des références qui leur soient utiles sans pour autant faire des recherches théoriques de type universitaire. Donc c'est plus les références théoriques qui m'intéressent et je dirais que le déficit... ce qui manque dans nos référents théoriques, ce qui n'est pas assez travaillé, c'est tout l'aspect socioculturel, qui est pris en compte quand-même, mais sur quoi il faut qu'on travaille, c'est tout l'aspect de la neuro-psychologie qu'on n'a pas suffisamment pris en compte. Et qui est une ouverture en termes de référence... théorique.

A votre avis de quoi a hérité cette fonction ? D'où vient-elle et comment est-elle née ? Comment s'est-elle élaborée ?

Dans la volonté d'un système d'essayer de lutter contre l'échec scolaire... C'était inévitable à partir du moment où on mettait l'enseignement obligatoire qu'il y ait des difficultés, et que ces difficultés évoluent avec le niveau d'exigences sociales etc... Donc par rapport à ça, comme on est dans un système démocratique, il y a toujours cette volonté d'accompagnement ou de résorber l'échec scolaire... et bon, ça répond à une logique de tâtonnement historique où on a mis en place des dispositifs ou des fonctions qui avaient un sens à un moment donné mais qui devaient évoluer. Donc je crois qu'on est passé d'une logique qui au départ était beaucoup plus dans un souci de réparation cette fois par rapport à l'enfant, le réparer, le modéliser, le rendre... l'adapter à un système où maintenant, même si c'est pas dans les pratiques encore des maîtres E, je dirais que c'est en latence... où les textes ont officialisé le fait qu'il fallait prendre l'enfant en tant que sujet et s'intéresser à sa logique en tant que sujet et non pas à ses capacités et qu'on est dans ce temps de latence parce qu'il faut que ça passe dans les représentations... il faut arriver à modifier les représentations des enseignants, des praticiens, et que c'est loin, loin, loin d'être fait... On évolue vers ça. Mais je crois que ce qui fera qu'on évoluera plus vers ça, c'est la capacité des élèves à s'imposer en tant que sujet même par la violence ce qui fait qu'à un moment donné, les enseignants en face ne pourront plus faire comme s'ils n'étaient pas sujets. Donc là je fais confiance aux élèves...

Est-ce que vous pouvez reprendre son évolution au cours du temps ?

Du temps de la formation des classes d'adaptation dans les années 70, c'était totalement dans la logique de la prévention, donc comme je l'ai dit tout à l'heure, c'était une logique très, très, instrumentale qui cloisonnait bien... les comportements, les problèmes et les difficultés du gamin... et on était dans une logique que je nommerais moi maintenant de rattrapage ou de soutien scolaire. Et avant, quand il n'y avait pas encore de maître E et bien heureusement qu'il y a eu Freinet parce qu'il n'y aurait pas eu grand-chose d'autre parce qu'il y avait des tentatives non institutionnelles de mettre en place des aides aux élèves qui ont été par la suite récupérées mais il n'existait rien sur un plan institutionnel pour les élèves en difficulté. Il existait des choses pour les élèves handicapés mais au niveau de l'échec scolaire, c'était laissé sous la responsabilité de chaque enseignant donc aux initiatives personnelles de chacun. Ce qui fait qu'à une époque où je pense que l'enseignement était considéré comme une vocation, c'était concevable de laisser la responsabilité à l'initiative de chacun, le fait de pouvoir plus ou moins lutter contre l'échec scolaire et de garantir la réussite de chacun. Mais avec l'évolution de la profession et de la société, on ne pouvait plus s'en tenir à des initiatives personnelles et ça a évolué vers des réponses institutionnelles.

Quelles sont les différences entre le travail du maître généraliste et celui du maître E?

Le maître généraliste est chargé d'enseignement et d'aide... le maître E n'est chargé que de l'aide, pas de l'enseignement, donc c'est la première chose... Le maître E s'intéresse plus à... garantir la capacité de l'enfant à s'approprier le savoir que lui transmet le maître en classe... Il n'est pas chargé de cette transmission là... La différence aussi c'est que le maître est dans la réponse immédiate et en attente d'un résultat et d'une production alors que le maître E s'inscrit plus dans la durée et en recherche d'une compréhension de la logique de l'enfant et d'amélioration de sa propre situation, pas forcément des résultats...

Quand je dis maître G, quels sont les 5 mots qui vous viennent spontanément ?

Psychologie... une dimension beaucoup plus psychologique que pédagogique, relationnel, duel, marginalisation et puis recherche.

Pouvez-vous développer ?

Psychologie parce qu'il y a une approche beaucoup plus centrée sur la psychologie clinique que dans l'option E, bien que je ne pense pas du tout que ce soit une aide thérapeutique... mais au niveau des références théoriques... qui sont plus sur la psychologie clinique... Le relationnel parce que je pense que c'est une fonction qui touche beaucoup plus à la relation aussi bien de l'enfant à l'école, de l'enfant à ses enseignants que des maîtres G à leurs collègues et à l'équipe enseignante, donc un aspect très fort... Duel, c'est par rapport à la tendance de certains maîtres G de ne travailler qu'en relation duelle avec l'enfant et par rapport à toutes les questions que ça peut poser, l'intérêt que ça a et aussi les limites et le fait que ça s'inscrive toujours en restriction par rapport à un travail de groupe alors qu'on ne sait pas aménager les deux... Marginalisation parce que je constate de fait que les maîtres G ont le don de se marginaliser de l'équipe pédagogique... c'est par rapport à leurs collègues des cycles ordinaires, une grande difficulté à être, à gérer leur identité en étant en même temps à l'intérieur de l'équipe et en même temps à la marge... Et puis recherche parce que le fait même de leur présence et de leur fonctionnement introduit une rupture qui engage à des recherches, à des pratiques innovantes, à se questionner... et que ça va évoluer, pour moi, c'est en évolution.

Pouvez-vous définir les caractéristiques actuelles du travail de maître G ?

Je ne peux pas le définir... ou beaucoup plus difficilement parce que je le connais nettement moins bien... Les caractéristiques du métier ? La négociation... je ne voudrais pas revenir aux mêmes termes que précédemment... mais je pense que c'est les mêmes... isolement... je dirais plus isolés parce quand ils travaillent avec l'enfant, ils sont en vase clos, il n'y a pas de lien, ils ne restituent pas, il n'y a pas de liaison entre ce qu'ils font et la classe, c'est mis entre parenthèses, donc isolement dans le sens de parenthèses... Je dirais plutôt comme ça parenthèse... Insatisfaction, dans les caractéristiques du métier... beaucoup d'insatisfaction du fait de ces conditions de travail très particulières qui sont en marge et qui sont mal identifiées parfois... Inconfort... Et la nécessité empathique... encore plus que pour le maître E, je dirais problèmes identitaires...

Quelles sont les différences de pratiques entre maîtres E et maîtres G ?

Pour moi la différence de pratique fondamentale, c'est que la pratique du maître G passe par une prise en charge. Alors que la pratique du maître E ne passe pas forcément par une prise en charge, ce n'est qu'une petite dimension de son travail... Donc au niveau des pratiques, ça c'est... une grande divergence.

Est-ce que vous pouvez définir le terme prise en charge ?

J'entends par prise en charge le fait de sortir l'enfant de sa classe pour l'emmener dans un autre lieu pour travailler. Juste par ça. Donc effectivement le maître G sort toujours l'enfant de sa classe pour travailler avec lui ailleurs, alors que le maître E n'est pas du tout contraint à cette forme de travail, à cette pratique.

Y'a-t-il encore d'autres différences de pratiques entre E et G ?

Le fait qu'il puisse prendre un enfant individuellement parce que c'est contractualisé avec la famille – le maître G doit avoir leur l'autorisation, il est dans nécessité de passer par une rencontre et un contrat avec les familles... - alors que le maître E ne peut absolument pas travailler individuellement avec un enfant, ce n'est pas recevable ni sur un plan institutionnel, ni sur un plan éthique, ni philosophique, ni pédagogique... Une autre différence, l'absence de restitution des maîtres G aux collègues de cycle ordinaire du travail effectué avec l'enfant. C'est une pratique différente pour le maître E, avec restitution.

Est-ce qu'il y a des ressemblances entre ces deux fonctions ?

Oui dans la démarche et dans la façon de questionner la difficulté de l'enfant pour essayer d'accéder à sa logique, donc ça c'est une démarche qui est commune... Démarche commune aussi dans le travail qui devrait être normalement mis en place dans la relation aux collègues... dans l'analyse de la demande, le traitement de la demande, dans le... choix de la décision d'aide... Démarche commune aussi pour se situer en tant que partenaires... enfin membres d'un réseau et travailler donc en collaboration étroite... Intérêts communs aussi par rapport à la réussite de l'enfant mais c'est aussi commun aux enseignants.

A votre avis, y a-t-il une fonction qui joue un plus grand rôle ? Et si oui pourquoi ?

Je crois que le fait que l'une des fonctions joue un plus grand rôle, ça dépend d'abord du contexte, ce n'est pas généralisable à mon avis, c'est totalement dépendant du contexte, de la philosophie, de la façon de travailler, des problèmes du secteur et puis d'autre part de l'objectif visé. Si une fonction est plus importante... Non, pour moi ça dépend totalement du contexte. Si quand-même, ça dépend de quel point de vue on se place. D'un certain point de vue, je pense moi que le maître G - je ne pense pas que ça soit comme ça que ce soit ressenti dans les écoles - a une fonction plus importante que celle du maître E par rapport... et je dis ça uniquement en ce qui concerne le travail sur la conduite émotionnelle en relation individuelle avec l'enfant. Par rapport à ce type de prise en charge là, je pense qu'effectivement il y a des enfants qui ont absolument besoin d'une aide à ce niveau là et qu'il n'y a qu'un rééducateur qui peut leur apporter cette aide spécifique à un moment donné et que se priver de ça ce serait une déperdition pour... le système entier, pour les enfants... En revanche pour ce qui concerne tout le reste... je mettrais comme pour les maîtres E, je pense que ça serait bien qu'ils disparaissent. Je pense qu'il y a un tiers des pratiques de maîtres spécialisés, des réseaux qui est utile. Et deux tiers qui sont là uniquement par défaut... pour se substituer aux défauts du système... Une part infime... On pourrait beaucoup réduire...

Est-ce que vous pourriez préciser, identifier, caractériser les défauts du système ?

Eh bien, l'incapacité, comme je disais tout à l'heure, du système à véritablement prendre en compte la vérité des élèves, de leur situation, de leur difficulté d'apprentissage et de s'intéresser à ça... Si on était capable de vraiment s'intéresser aux élèves en tant que sujets apprenants et de les accompagner à la fois dans l'enseignement et dans l'aide en classe... il y aurait beaucoup moins besoin du réseau et des enseignants spécialisés (rires)... Et en ce qui concerne par exemple la fonction de médiateur, je pense que tout enseignant pourrait assurer cette fonction de médiateur... ça c'était ma recherche en maîtrise...

Quel est l'intérêt que présente la séparation des deux types aides E et G en deux fonctions différentes ?

L'intérêt, c'est de créer une dynamique... par opposition, nécessité de choix, nécessité d'engager une décision, ça oblige les gens à réfléchir... ne serait-ce que de ce point de vue là, je pense que c'est intéressant qu'il y ait deux fonctions autrement ce serait trop facile de ne pas se poser de questions... Quand il y a véritablement réunion de synthèse et démarche commune et recherche commune, le principal intérêt pour moi c'est de créer cette dynamique de questionnement et de recherche et puis l'autre intérêt c'est qu'on ne peut pas être... qu'on ne peut pas développer toutes les compétences dans tous les domaines et qu'à un moment donné il faut savoir faire un choix... Maître E ou maître G, ça renvoie à des compétences professionnelles et à des références différentes... et une même personne ne peut pas, à mon avis, développer toutes les compétences professionnelles requises pour faire face à toutes les situations. Donc c'est bien qu'on fasse des choix.

Et quelles sont les limites de ce fonctionnement là ?

Les limites, ce sont plutôt les dérives... c'est le fait du dysfonctionnement de certains réseaux qui ne sont pas capables de se centrer sur l'intérêt des enfants... et qui vont se répartir le travail par zones géographiques ou qui ne vont plus fonctionner dans la logique de réseau, telle qu'elle était initialement conçue et qui ne vont pas avoir des pratiques au service de l'intention initiale.

Savez-vous s'il existe-t-il sur le terrain des glissements de pratiques dans l'exercice ultérieur de la fonction ?

Oui... oui, oui... et dans les deux sens... Je connais des maîtres G qui sont d'anciens rééducateurs psychopédagogiques et qui ont des pratiques qui ne relèvent même plus de ce que doit faire un maître E maintenant et je connais des maîtres E qui dérapent complètement sur un travail relationnel avec l'enfant et une approche psy qui n'est absolument pas la leur... et des problèmes non pas auxquels ils n'ont pas à s'intéresser mais des pratiques qu'ils n'ont pas à avoir au niveau de ce qu'ils mettent en jeu dans la relation et les conduites émotionnelles des enfants... qui jouent avec le feu... Donc dans les deux sens... oui, j'en connais.

Est-ce que vous pourriez quand-même concevoir une fonction unique ?

Oui... mais qui ne serait ni l'une ni l'autre. Pour moi, ce serait la fonction de médiateur... qui pourrait être différente...

Si un jeune professeur des écoles intéressé par un poste en RASED vous demandait de parler des métiers de maître E et G, que lui diriez-vous spontanément ?

Je lui demanderais... je m'intéresserais d'abord à ce qui l'intéresse dans le travail avec les élèves, je le renverrais à la dominante de ses choix dans le travail avec ses élèves, dans ses centres d'intérêt et dans son histoire personnelle... qu'il essaie de voir par rapport à ce qu'il est et ce qu'il a envie de devenir quelle est la fonction qui lui correspondrait le mieux... j'essayerais de lui faire prendre conscience quand il analyse une situation d'enfant en difficulté ou une situation qui dysfonctionne à l'école quels sont les paramètres qu'il prend spontanément en compte.

Quelle est la typologie des tâches effectuées par un RASED, ou qui devraient l'être ?

La participation à la vie de l'équipe pédagogique au niveau de la réflexion concernant les pratiques quotidiennes, les actes de la vie ordinaire de l'école... La participation à l'élaboration des projets... L'élaboration d'une communication et d'une qualité relationnelle, l'établissement de codes de communication pour faciliter la communication au sein de l'équipe... L'information sur les rôles, les fonctions de chacun, les possibles, ce qui est faisable et ce qui n'est pas faisable... L'information sur la démarche à suivre pour travailler avec les gens du réseau... Ensuite la prise en compte de toutes les demandes quelles qu'elles soient avec un intérêt égal même si la réponse n'est pas la même...pas forcément suivie d'une aide... Une priorité c'est celle de l'accompagnement, l'entretien avec les maîtres, la concertation sur l'analyse des difficultés des élèves de façon à tenter de différer au maximum la prise en charge, qu'elle soit E ou G et à permettre au maître lui-même de retrouver les moyens d'agir avec l'élève donc un gros gros travail d'accompagnement... j'allais dire des pratiques métacognitives des enseignants... Donc une grosse dominante là... Ensuite quand ça n'a pas suffi un travail d'observation et de diagnostic... pédagogique pour le maître E et aussi le maître G et ensuite ou pendant parce que le diagnostic ne s'arrête jamais... ni l'observation... Bien entendu tout ce qui concerne l'élaboration du projet d'aide de l'enfant, la conduite de ce projet et l'évaluation de ce projet et puis la mise en place d'un lien école/famille et favoriser les espaces de parole et de circulation de la parole à l'intérieur de l'école... ça je le mettrais même au début dans les tâches prioritaires qui ne sont pas faites actuellement aussi bien les groupes de réflexion et de parole interne au niveau des elèves, au niveau des enseignants ou des familles, tout ce qui pourrait être de cet ordre là...

Quelle est la place de l'évaluation des résultats à la fois des enfants, du maître généraliste et du réseau ?

Pour moi, elle est fondamentale parce que c'est ce qui garantit une certaine objectivité... Maintenant, ça dépend de quelle évaluation on parle... L'évaluation des enfants... en ce qui concerne l'évaluation des compétences et des savoirs pour moi c'est du travail des maîtres. Le réseau n'a pas à s'immiscer dans ce type d'évaluation des enfants... ils ont à être informés mais c'est la tâche des collègues du cycle ordinaire... si nous il y a évaluation, ça va être évaluation de l'évolution donc plus dans une logique d'évaluation formative ou formatrice, c'est de mesurer l'évolution de la situation et pas forcément de l'enfant... et puis je parlerais d'évaluation par rapport aux objectifs spécifiques et aux critères de fin de prise en charge... plutôt que d'évaluation, je parle d'observation des indicateurs de changement qui conduisent à nos critères de fin de prise en charge... Si on observe des indicateurs de changement qui confirment qu'on a bien atteint nos critères de prise en charge, on peut dire qu'il y a eu une évaluation positive du projet d'aide mis en place pour le gamin mais elle ne porte pas directement sur les capacités de l'enfant... Et puis l'évaluation des projets ce qui me paraît essentiel aussi... Evaluation des actions des membres du réseau qui pour moi se traduit par des indicateurs externes au réseau.

Vous pouvez préciser ?

Par exemple, le fait que les enseignants demandent la plaquette... Généralement les réseaux font des très belles plaquettes qu'ils s'empressent de diffuser à tout le monde... et qui finissent au fond des poubelles et que personne ne lit... ce qui fait qu'un mois après et bien les enseignants reposent la question... Si ces plaquettes existaient et qu'elles soient présentées en conseil des maîtres ou en conseil d'école encore mieux pour dire à quoi elles servent et qu'elles soient photocopiées à disposition de chacun dans le bureau du directeur, dans le réseau et que les gens soient obligés de faire la démarche d'aller les chercher quand ils veulent les communiquer à une famille, à un enfant ou connaître une réponse, ça les rendrait déjà plus acteurs dans la recherche de cette information et le réseau pourrait quantifier combien de plaquettes chaque année il distribue... ça peut être un indicateur positif dans certains cas, négatif dans d'autres mais... à vérifier...ça peut être l'évolution de l'objet des signalements... l'acceptation, le volontariat des enseignants pour participer à des réunions de concertation, des rencontres avec le réseau... le fait de mettre en place des espaces de parole ou les gens viennent... Ce serait ça des indicateurs externes de l'action du réseau.

En ce qui concerne la formation au CAPSAIS, quels sont les critères de sélection des candidats pour les stages E et G ?

Nous, on les a fait passer hier en commission... La logique maintenant de la formation c'est de prévoir des entretiens de positionnement pour les gens qui demandent la formation. Hier par exemple on a eu les commissions qui se sont réunies toute la journée, on a reçu tous les candidats du département pour toutes les options... Le but de ces entretiens est d'aider chaque candidat à expliciter ses motivations et à se positionner par rapport à ce qu'on peut offrir en formation et ce qui est attendu de lui en tant que futur maître E ou futur maître G de façon à ce qu'il puisse lui-même vérifier son engagement... et que nous en tant que représentants de l'institution on puisse aussi reconnaître la validité du projet professionnel de la personne. Donc les critères c'est ça, c'est la capacité du candidat, dans un entretien de positionnement à expliciter ses choix, ses décisions, ses motivations et à essayer de faire le lien avec ce qui est attendu de lui en tant que futur professionnel ou futur stagiaire.

Et ces entretiens existent depuis quand ?

Ils doivent exister depuis... je peux me tromper... depuis... 5 ans. Depuis 4/5 ans, il y a ces commissions qui se réunissent... l'orientation aussi précise que je viens de donner, c'est cette année.

Quels sont les critères d'évaluation, en ce qui concerne l'année de stage et l'examen, pour les candidats E ?

Pendant l'année de stage, pour l'option E, il n'y a pas d'évaluation des stagiaires mais en revanche on contractualise la formation avec chaque stagiaire... par rapport à nos plans de formation et on a trois entretiens annuels, en septembre, en janvier et en fin d'année qui ppermettent de faire le point et de réajuster le projet de formation aussi bien du côté du stagiaire que du côté des formateurs... donc il y a cet accompagnement du projet pour chaque stagiaire qui est mis en place... Ceci dit, il y a des situations d'évaluation formatrice qui sont mises en place tout au long de l'année pour aider les candidats à réussir au CAPSAIS...

Et pour l'examen final, quels sont les critères d'évaluation ?

Pour l'examen final c'est totalement autre chose... Actuellement, il y a US1, US2. L'US1 (unité de spécialisation 1, c'est-à-dire qui réfère à tout ce qui est commun à tous les enseignants spécialisés) évalue les candidats par rapport à leurs compétences d'enseignants spécialisés... Là c'est une épreuve écrite avec trois questions, une question portant sur le domaine institutionnel, une question portant sur les notions, les concepts vus en cours, une question portant sur la réflexion personnelle et professionnelle du candidat par rapport à une situation pédagogique ou rééducative... Voilà c'est l'unique épreuve... Ce qui est attendu du candidat, c'est qu'il obtienne la moyenne à cette épreuve écrite... Toute note inférieure à la moyenne est éliminatoire... ça valide l'US1 qui est capitalisable avec l'US2... L'US2, c'est l'unité de spécialisation qui comprend une question orale portant sur l'option donc avec un entretien d'une demi-heure avec un jury... Là ce qui est attendu du candidat, c'est sa capacité à prendre en compte la question à la traiter, à argumenter et à avoir une pensée construite et argumentée... Et la deuxième épreuve de l'US2, c'est le mémoire professionnel avec un entretien oral.

Et pour les G ?

Pour les G, je crois mais il faudrait demander aux référentes de l'option G, ici, ils mettent en place des évaluations continues au cours de l'année... Il faudrait leur demander, mais je sais qu'il existe un système d'évaluation continue en cours de formation.

Il n'y a pas d'harmonisation entre les différentes options ?

Non, chaque option peut avoir des logiques de formation qui soient... c'est cohérent au niveau du projet, mais il peut y avoir des pratiques divergentes... Et puis au niveau de l'examen final, c'est pareil.

Pouvez-vous citer les 3 livres ou auteurs principaux à étudier lors de la formation E?

Principaux ? En articles oui mais en livres... Vous permettez que je regarde ma bibliographie... Je mettrais un livre de MERIEU soit "Apprendre oui mais comment?", soit "Enseigner, scénario pour un métier nouveau", je mettrais peut-être un de... sur l'intégration... je ne l'ai même pas dans ma bibliographie, c'est de Janet, je crois, c'est paru... donc un sur l'intégration des élèves handicapés et un... et le troisième... ça va dépendre du stagiaire... je pourrais mettre "L'école pour apprendre" d'Astolfi ou "La parole rééducatrice" de De La Monneraye par opposition... Vraiment c'est variable... Disons que je propose plutôt des catégories de livres qui sont à dominante et je demande à chaque stagiaire dans cette catégorie là de choisir mais je n'impose pas le choix de certains livres... Au niveau des articles, il y en a un qui pour moi est incontournable... c'est "Faut-il détruire le cours préparatoire pour protéger la maternelle et le cours préparatoire lui-même" de Jacques LEVINE et puis après il y en a plein d'autres qui sont importants...

Que pensez-vous de la qualité actuelle de la formation E ? Quelles en sont les insuffisances ? Les points forts ?

Avec toute la subjectivité de la réponse, je pense que c'était, je dis c'était parce qu'on arrête cette année, c'était satisfaisant et ce qui me permet de dire que c'était satisfaisant, au-delà du plaisir personnel que je pouvais avoir, c'est qu'on était plébiscité du côté des stagiaires, il y a eu un tollé du côté des stagiaires et des syndicats quand on a annnocé qu'on remettait en cause et qu'on changeait ce qu'on allait faire et la réaction ça a été : "mais c'est stupide, pourquoi changer quelque chose qui fonctionne aussi bien et qui est aussi satisfaisant..." Donc on est assez satisfait de ce qu'on a mis en place jusqu'à présent... et puis j'espère que les changements qu'on va apporter seront tout aussi satisfaisants...

Ils sont de quel ordre ces changements là ?

Nous depuis de nombreuses années, on est dans une logique d'alternance mais... la volonté nationale est de renforcer cette alternance et donc on va la renforcer différemment dans les modalités de fonctionnement selon les options et pour l'option E c'est le grand bouleversement parce que je passe d'une formation en un an où les gens sont stagiaires à une formation en deux ans où les gens feront fonction sur le terrain... Donc la condition maintenant pour entrer en formation, c'est d'accepter un poste de maître E et de faire fonction sur le terrain et ça sera sur deux ans avec un accompagnement sur deux années. Voilà on a fait ce choix là d'abord parce qu'il fallait résorber... Il y a énormément, il y a près de 25 postes qui sont tenus par des PE (professeurs d'ecole) faisant fonction mais qui ne sont pas formés, ce qui est catastrophique pour les élèves aussi bien que pour les collègues...

Cette situation, c'est dans quel secteur ?

Dans les Yvelines, et puis c'est pareil sur les autres départements, seulement c'est plus ou moins mis en évidence par les systèmes en place, mais il y a un déficit d'enseignants spécialisés, donc l'objectif n°1 c'est de résorber le plus vite possible le déficit d'enseignants spécialisés, et d'offrir aux enfants une véritable aide spécialisée et pas un substitut en termes de soutien... Ensuite on s'est rendu compte que si les gens faisaient fonction, on n'avait plus besoin de remplaçants pendant un an... Donc les autres années, pour vous donner l'exemple des Yvelines, le département débloquait trois à cinq postes budgétaires pour les postes E et cette année, ils en ont débloqué quinze... Pour donner une idée, l'an prochain, il y aura quinze personnes en formation au lieu de cinq cette année... C'est énorme... Et en plus comme les postes budgétaires en termes de remplacement pour l'option E ne sont pas utilisés, ils sont dispatchés sur les autres options... donc on peut également former plus de gens dans les autres options, donc c'est un gros gain de ce point de vue là... Et puis moi je fais le pari que ça peut être très intéressant de fonctionner comme ça parce que du coup je vais essayer de lancer des passerelles entre la formation initiale spécialisée et la formation continue des enseignants pour qu'au sein même de la formation que je propose aux stagiaires, il y ait un travail avec l'équipe pédagogique, le réseau et puis une véritable réflexion commune sur l'aide aux enfants en difficulté avec les collègues de l'école. Donc ça ça peut être intéressant et du fait que je vais devoir intervenir sur les terrains pour contractualiser les projets de pratique professionnelle des stagiaires, on va essayer de voir si on ne peut pas induire des pratiques innovantes comme les groupes de réflexion, les moments philosophiques à l'école, l'aide au travail personnel à l'intérieur des classes, l'aide à la mise en place de réseaux d'échanges, des choses de ce type là... donc on va voir si ce n'est pas une entrée pour travailler autrement et puis d'éviter justement cette siscion entre les enseignants du cycle ordinaire et les enseignants spécialisés, le fait que quand ils partent un an et quand ils reviennent, on dit "maintenant que tu es spécialisé, t'as plus qu'à" si ça se construit ensemble avec une équipe... ça ne sera peut-être plus le même vécu... tout le monde pourra peut-être en profiter...

(arrêt de l'entretien pour des raisons d'impératif professionnel et reprise quelques jours plus tard) Pourriez-vous préciser les ressemblances entre le travail du maître généraliste et celui du maître E ?

Les points communs, c'est que tous les deux ont pour visée les apprentissages. Ils travaillent sur les apprentissages scolaires. C'est sans doute ce qui les réunit. Ils ont donc un même objectif, ils sont centrés tous les deux sur l'apprentissage et sur la réussite de l'enfant dans ses apprentissages, sur les supports et les dispositifs et les supports utilisés parce qu'il n'y a pas de différence fondamentale, pas d'outils spécialisés pour le maître E, ce sont les mêmes supports, les mêmes démarches, ça peut être les situations problèmes, la pédagogie du projet, des dispositifs de ce type-là. Ils travaillent avec le même public, bien évidemment. Là ils ont une différenciation du territoire ou des lieux mais ce n'est pas toujours évident parce qu'il y a des maîtres E qui n'ont pas de local. En plus le maître E peut intervenir dans le même milieu, à l'intérieur de la classe, ça peut être là encore un point de convergence.

Pouvez-vous également revenir sur les formes de pratiques proposées par le maître E autres que les prises en charge ?

En dehors de la prise en charge ?... Ça peut être l'aide à l'intérieur de la classe, les interventions au sein de la classe, là il n'y a pas de prise en charge spécifique de l'enfant. ça peut être le travail de concertation et de médiation avec les maîtres dans le cadre des conseils de cycle ou d'autres réunions de travail. Là, la médiation s'effectue avec le maître et pas en présence des enfants. Ça peut aussi être dans la démarche de contrat, dans la mise en place de contrat personnalisé à l'élève pour l'amener à modifier son attitude et son comportement à l'intérieur même de la classe, sans qu'il y ait de prise en charge à l'extérieur. Le contrat tripartite engage l'élève, l'enseignant et le maître E, ce dernier étant médiateur dans l'élaboration de ce contrat tripartite mais les actions mises en place se faisant au sein de la classe et par le maître et par l'élève. Le maître E n'intervient pas au niveau des actions ni au niveau du choix des dispositifs.

A-t-il un regard de contrôle ?

Non, il a un rôle seulement dans l'élaboration, le suivi, la régulation. Enfin, contrôle pris en tant qu'instance de régulation, en tant qu'évaluation, non... pas de mesure. Ce n'est pas à lui de dire si ça a fonctionné ou pas. Mais en tant qu'instance de régulation oui, parce qu'il y a des rencontres quand il y a élaboration d'un contrat tripartite, le maître E assure ensuite un suivi. Il y a des rencontres régulières à la demande, généralement toutes les trois semaines, un mois...

Vous parliez la dernière fois de référents théoriques pour les E en particulier dans le champ de la psychologie clinique et de la psychologie cognitive. Pouvez-vous présenter les grands axes nécessaires à connaître ?

Du côté de la psychologie clinique, c'est au niveau de la démarche, de l'approche, être capable de se pencher sur la singularité de chaque cas et d'entrer dans une analyse clinique de la situation de chaque enfant et aussi d'être capable de se mettre soi-même sous contrôle d'un psy en analyse de la pratique pour bien rester dans cette démarche là. En ce qui concerne la psychologie cognitive, c'est quand même renvoyer à toutes les actions d'aides qui peuvent être mises en place pour permettre à l'enfant qui n'a pas eu suffisamment la possibilité d'explorer son environnement et de faire des liens de causalité, d'avoir la possibilité de le faire et de reconstruire ces liens de causalité dans le temps, dans l'action, dans l'identité, dans les relations etc...

Dans la comparaison quels sont les référents théoriques pour les G ?

Pour ce que je sais d'ici, la référence pour les G est beaucoup plus psychanalytique et psychologie clinique. Elle n'est pas du tout centrée sur la psychologie cognitive.

Jusqu'à être un champ totalement extérieur ?

Oui, c'est un choix. C'est comme ça que je perçois la différence, mais il n'y a qu'un formateur G qui peut répondre.

Connaissez-vous les ouvrages ou les auteurs clés proposés aux G ?

Non... Je sais qu'il y a de La Monneraye, Winnicott peut-être... Non, je ne me suis jamais posée la question. Je ne m'y suis jamais intéressée.

Quels sont les cinq mots ou expressions qu'évoque pour vous la réussite à l'école ?

Plaisir, richesse, variété, dynamique, interaction.

Pouvez-vous préciser chaque terme ?

Plaisir parce que je pense que réussir c'est d'abord un plaisir et c'est parce qu'on a du plaisir qu'on réussit. La réussite scolaire pour moi est liée à la capacité de chacun de se faire plaisir en étant à l'école (incompréhensible). Richesse parce qu'il faut un environnement riche pour que ce soit plaisant et dynamisant, riche donc varié, ça va ensemble, l'un étant plus quantitatif, l'autre qualitatif et il faut que les deux pôles soient respectés. Dynamique et interaction c'est par rapport à la position de l'enfant en tant que sujet. Pour qu'il y ait réussite scolaire, il faut que ce soit la réussite du sujet et non pas de l'élève en tant qu'objet donc ça nécessite un certain type d'interaction dans lequel l'enfant puisse agir. Dynamique, c'est parce que du coup dans cette logique-là, ça ne peut pas être une démarche linéaire.

Pouvez-vous revenir d'une façon un peu plus générale sur le rôle et la place des aides à l'école ?

Pour moi les aides sont indispensables. Dans la logique du sujet, il va bien falloir prendre en compte les composantes individuelles. Et puis la réussite ne peut se faire que dans l'exigence, pas dans la facilité. Pour qu'il y ait sentiment de réussite, il faut au départ une exigence... Et forcément, s'il y a exigence, l'enfant va rencontrer des obstacles, des difficultés qu'il va falloir surmonter. A partir de là, il va falloir accepter de mettre en place des aides personnalisées pour que chacun puisse les dépasser. Ça me paraît indispensable. La solution de facilité, ce serait de réduire le niveau d'exigence de façon à ce que tout le monde ait des résultats à peu près satisfaisants mais pour moi, ce ne serait plus la réussite scolaire. L'aide, elle va avec l'exigence. Si on a des exigences, il faut qu'on soit capable d'apporter un étayage suffisant pour que chacun puisse se construire. L'aide concerne tout le monde, pas seulement les élèves mais tous les acteurs du système. Je crois beaucoup à l'isomorphisme et je ne pense pas que ce soit possible pour les élèves d'accepter une aide si les enseignants eux-mêmes n'en acceptent pas une et inversement. La logique de l'aide ne devrait pas être centrée sur une personne qui a posteriori a des difficultés mais elle devrait être inhérente au système et être une possibilité offerte à chacun à un moment différent. Voilà, ça ne devrait pas être la spécificité des gens en difficulté.

Comment voyez-vous l'avenir des réseaux ?

Court (rires)… Je pense que… sur la forme ce sera peut-être long, d'un point de vue formel ou institutionnel. Peut-être que les réseaux tiendront à moyen terme. Maintenant au niveau des pratiques internes, du fonctionnement interne, il va y avoir des remises en cause fondamentales et rapides. Je ne pense pas qu'on puisse tenir dix ans avec le fonctionnement actuel…

Comment verriez-vous les réformes prévisibles ?

Sur le fait… déjà au niveau du public d'élèves, que tous les élèves de l'école préélementaire et élémentaire soient concernés, que ce soit moins ciblé sur le cycle 1 ou le cycle 2 mais étendu au cycle 3… Sur le fait de renforcer la collaboration entre le travail en classe et le travail des réseaux, là je pense qu'il y a un fort besoin pour renforcer la cohérence des actions… Dans une vision pessimiste, ça pourrait être une remise en cause des fonctions des maîtres spécialisés. Je pense que si la fonction des enseignants spécialisés est remise en cause, c'est qu'ils n'ont pas su modifier leurs pratiques pour faire reconnaître leur pertinence. Donc ce sera bien. Soit à un moment donné les enseignants sont, de la base, capables de faire valoir leurs actions soit ils ne se donnent pas les moyens de le faire auquel cas ils ne sont peut-être pas compétents pour le faire et ils n'ont peut-être rien à montrer, rien à prouver… Alors c'est bien que ça s'arrête… ça c'est la version pessimiste. Dans la version optimiste, ce sera une amélioration des moyens d'action des enseignants spécialisés sans disparition des aides.

J'ai épuisé mes questions mais vous avez peut-être encore des remarques à formuler au sujet des aides spécialisées à l'école…

Non, c'est assez complet, donc je redirais peut-être certaines choses, si par rapport des prises en charge, deux dispositifs dont je n'ai pas reparlé, c'est tout le travail sur les groupes de réflexion. Ce n'est pas des prises en charge d'élèves en difficulté mais l'accompagnement de groupes de réflexion, de moments philosophiques avec l'ensemble des élèves, ce qui permet des actions de prévention, dans la mesure où le but de ces groupes c'est la circulation et la structuration de la pensée… C'est plutôt dans les actions de la prévention et ce n'est pas des prises en charge spécifiques. Et puis en lien avec ces dispositifs-là toutes les aides devraient progressivement perdre leur statut de spécialisées. Pour moi l'idéal c'est qu'elles perdent ce statut pour entrer dans les pratiques du cycle ordinaire. Si effectivement elles entraient dans les pratiques du cycle ordinaire, il n'y aurait pas la même nécessité de procéder à des prises en charge ou à des signalements d'élève. L'avenir des aides, je le vois là, en réduisant la part spécialisée par une transformation des pratiques des enseignants. Pour moi, il faut beaucoup plus insister sur la formation initiale des professeurs d'école. C'est en améliorant leur formation qu'on réduira les besoins en maîtres spécialisés, donc en se centrant plus du côté de la formation initiale.(…) L'aide spécialisée est valable, pour moi, que si elle se fait vraiment de façon exceptionnelle donc que si auparavant on a développé un autre type d'aide. Il ne faudrait jamais qu'elle se fasse à défaut. Tant qu'elle se fera à défaut de pratiques pertinentes dans le cycle ordinaire, ce ne sera pas une spécificité, ce sera une aide de compensation. On a tout intérêt si on veut garantir la validité des aides spécialisées à empêcher tous les dysfonctionnements, ne pas se mettre des œillères en disant : "ce sont les enseignants ou c'est la hiérarchie qui ne comprend pas notre travail". Ce n'est pas par hasard que les enseignants ne comprennent pas le travail des gens du réseau, que la hiérarchie se rebelle ou déprécie ce qui se fait… Il y a toujours des fondements… Pour moi, on a intérêt à clarifier la situation et si on reprécise bien les rôles et les fonctions de chacun, on aura tout à y gagner. Mais ça veut dire aussi qu'on arrête d'être dans des conflits d'école… Il y a des procès d'intention de part et d'autre qui jouent au détriment de la formation : procès d'intention des enseignants des cycles ordinaires aux enseignants spécialisés, des enseignants spécialisés aux enseignants des cycles ordinaires, à la hiérarchie, aux deux etc… on ne peut pas fonctionner comme ça…