Entretien E30 Serge

Age : 43 ans

Profession : IEN AIS Responsable du Centre de Formation pour toutes les options

Diplômes : 3ème cycle universitaire en Sciences de l'Education

Serge : cursus professionnel (cf. légende profils de carrière A1 pp. 43-44)
Serge : cursus professionnel (cf. légende profils de carrière A1 pp. 43-44)

Lieu de l'entretien : bureau du responsable

Durée : 1h 10 mn

Quels sont les 5 mots qu'évoque pour vous l'expression "enfants en difficulté " ?

Difficultés, enfants.... je ne sais pas répondre à ce genre de question...

Qu'est-ce que ça vous évoque ? Quels sont les points associés à cette expression ?

aide, partenariat, remédiation...

Pouvez-vous expliquer le choix de ces termes ?

...

Quand vous dites "difficultés", de quoi s'agit-il ? Comment se manifestent-elles ?

... Vous m'avez posé la question par rapport à l'élève ou à l'enfant ?

J'ai dit "enfants en difficulté"...

... J'ai pensé mais c'est sûrement induit, à... l'écolier, à l'élève... Ce que je peux expliquer, c'est qu'il faut les repérer, les identifier, il faut diagnostiquer et puis voir comment en partenariat on peut tenter d'apporter des éléments de solution... essayer d'en trouver l'origine, peut-être la cause, si on peut.

Est-ce que vous pouvez retrouver le visage d'un enfant en grave difficulté scolaire que vous avez eu l'occasion de rencontrer dans votre vie professionnelle et raconter ce qui se passait à ce moment là...

... D'un enfant mutique en classe de perfectionnement. Qu'est-ce qui se passait ?... Non plutôt un autre qui était en classe de perf... qui est arrivé dans ma classe parce qu'il avait été rejeté d'autres groupes scolaires parce qu'il... il avait menacé son enseignante avec un couteau. Il n'était pas idiot... A mon avis il avait... on se serait peut-être aperçu maintenant qu'il souffrait peut-être de troubles organiques, qu'on n'était peut-être pas bien capable de déceler au départ... Donc là le travail avec lui, c'était plus un travail de contenant... de le contenir et l'aider dans d'éventuels moments de crise à pouvoir rester là...

Vous pouvez citer les émotions qui vous animaient face à lui ?

Je n'en avais pas... je ne sais pas... Je n'ai aucune idée...

Et comment pouvez-vous caractériser votre attitude par rapport à lui ?

Contenant, accueillant, respectueux... des lois, du cadre...

Pouvez-vous maintenant évoquer un enseignant face à un enfant en difficulté dans sa classe. Quels sentiments s'éveillaient en lui ? Comment réagissait-il ?...

Non...

Quels sont les 5 mots qu'évoque pour vous le sigle RASED ? En dehors de la stricte signification des lettres...

J'allais dire pourtant réseau parce que ça me paraît important. Je suis désolé (rires)... c'est ce que me paraît important, la quête de réseau et le travail de partenariat... Voilà.

Est-ce qu'il y a d'autres choses qui vous semblent importantes, en référence aux réseaux ?

Certainement... (rires)... Définition des rôles... Flou et boussole. Je verrais l'impérieuse nécessité de définir des rôles pour éviter... de laisser les gens dans le flou... Ils sont un peu dans le flou les enseignants des réseaux actuellement... ne sachant plus très bien ce que l'Institution attend d'eux... en particulier les professionnels sur lesquels vous travaillez, mais il n'y a pas qu'eux, il y a les psychologues scolaires aussi... qu'on a un peu laissé comme ça, tout à la fois encadrant leur travail mais sans le cadrer vraiment... parce que c'est une zone intermédiaire, leur champ d'intervention, entre l'enfant et l'élève, entre l'intérieur et l'extérieur, entre l'école et la classe, donc ils mettent peut-être à mal le confort intellectuel dans lequel on est, lorsqu'on est professionnel de l'éducation ou de l'enseignement... Je crois qu'il y aurait vraiment une nécessité de cadrer, d'expliciter, de donner des éléments qui permettraient à ces gens de se diriger... Une boussole peut-être. Voilà.

Est-ce que vous pouvez raconter brièvement les dernières inspections de RASED ?

Alors une dernière inspection de RASED... selon un protocole qu'on a tenté de mettre en place dans le département de la Creuse, qui s'est fait en plusieurs temps... avec le collègue de la circonscription puisque que moi, je suis conseiller technique de l'inspecteur de l'Education nationale chargé de circonscription ordinaire... donc on a expérimenté un protocole de travail en commun qui allie à la fois l'observation du travail, pour chacun des membres du réseau, y compris le psychologue puisqu'on peut très bien le voir travailler en animation de réunion de synthèse ou... lors de réunions d'information... évitant l'observation de situations plus "cliniques"... Mais il faut être prudent avec ce terme parce qu'il est parfois un peu galvaudé et mal utilisé et donc on a un protocole qui permet de voir chacun des membres des réseaux séparément, de préparer avant ce que sera l'inspection... donc de voir ces gens et de les réunir ensuite en équipe avec les partenaires, y compris le directeur de l'école et puis.... ça ressemblerait peut-être plus à de l'audit... ce dernier temps... en tout cas, se projeter dans l'avenir pour tenter d'améliorer ici telle intervention, ici tel moyen d'information et de communication en lien avec le travail à conduire avec les élèves, avec les parents, avec les enseignants etc...

Et que pouvez-vous dire du fonctionnement observé pour les maîtres E et les maîtres G ?

Ce que j'ai pu observer ?... Peut-être on aurait à redéfinir l'aide spécialisée et le soutien... On a peut-être à retravailler sur... le pivot central, c'est-à-dire que la première aide aux élèves en difficulté, ça doit être celle de la classe... On aurait peut-être à redéfinir et expliciter davantage la pédagogie et la mise en place des cycles et que peut-être ça nous aiderait à mieux définir le rôle des maîtres E et des rééducateurs... Ce que j'ai constaté aussi c'est que les professionnels de l'éducation, de l'inspection, de l'apprentissage, étaient plus à l'aise avec les maîtres E parce que les représentations qu'ils ont de leur travail est moins éloigné de leurs pratiques, comme ils travaillent sur l'apprentissage et sur des disciplines chacun peut dire "moi je sais comment il faut faire pour faire apprendre un élève" alors que le rééducateur, qui n'a pas à faire de rattrapage scolaire, est beaucoup plus critiqué et malmené parce que sa fonction, ses missions... bon, sont explicitées, mais sa fonction et les outils qu'il utilise sont moins... confortables pour l'observateur peu aguerri ou qui ne fait pas toujours l'effort pour des raisons légitimes parce qu'il y a plein d'autres choses à faire... ou qui ne ferait pas suffisamment d'effort pour rentrer dans la démarche rééducative... parce que les ouvrages sur la question sont parfois un peu difficiles... Les deux tomes du dernier ouvrage de J.J.Guillarmé, je ne suis pas certain qu'ils aident à vulgariser le travail du rééducateur... (rires)...

Est-ce que vous pourriez définir le travail de maître E ?

Aider un élève en difficulté passagère à réintégrer le plus rapidement possible sa classe en travaillant à partir de supports... que je qualifierais de scolaire en lien étroit et en partenariat avec l'enseignant de la classe... ce qui doit lui permettre de pouvoir travailler dans la classe, avec le maître en tout petit groupe hors de la classe, pourquoi pas en relation individuelle pour conduire en entretien, toute chose qui peut aider à... pratiquer ce qu'on peut appeler la métacognition pour l'élève... étant entendu que l'enfant est élève et qu'il n'a pas de difficultés personnelles à comprendre ce que l'école attend de lui.

A votre avis quelles sont les différences entre le travail du maître généraliste et celui du maître E ?

Les outils ne sont pas tout à fait les mêmes puisque le maître E travaille... Enfin le travail du maître E est en direction de l'adulte et en direction de l'enfant... Il a des petits groupes, ce n'est pas la seule différence, mais ses outils sont forcément différents... Il a peut-être une formation plus importante pour proposer un diagnostic, faire des hypothèses et proposer des palettes d'éléments de réponse possible plus vastes, à expérimenter peut-être de manière plus souple et plus rapide que le maître de la clase... qui lui, quoiqu'on en dise, a quand-même la gestion d'un groupe classe important... et donc forcément ça influence sa pratique au quotidien.

Si je dis maître E, quels sont les cinq termes que vous retiendriez pour caractériser cette fonction ?

Observation, analyse, réflexion, hypothèses, protocole.

Vous pouvez développer un peu ?

Le maître E doit être capable d'observer, il faut qu'il définisse un champ d'observationprécis, en sachant aussi qu'il doit être ouvert, qu'il doit accepter, l'imprévu, l'inattendu... comme un enseignant ordinaire, peut-être plus, c'est-à-dire qu'il soit capable de faire des hypothèses... puisqu'il n'est pas collé à la classe, c'est ça, c'est la distance qui est la sienne qui doit lui permettre de... faire des hypothèses que l'enseignant ne peut plus faire parce qu'il a le nez dans le guidon, si je peux m'autoriser cette expression... Analyse, réflexion, c'est en lien avec le premier terme... Et puis protocole, c'est le protocole d'intervention, pensé par lui et proposé pour l'élève dans une classe avec un enseignant... donc un travail de réseau et de partenariat... Il ne peut pas travailler tout seul... sans ses collègues, le directeur de l'école, et les collègues du réseau...

Si je dis maintenant maître G, quels sont les termes que vous proposeriez ?

Il peut y avoir les mêmes, simplement, ce ne sont pas les mêmes outils... ni les mêmes difficultés... Par rapport à ce que je disais tout à l'heure, le rééducateur, à mon avis, il a complètement à se péoccuper de la réussite de l'enfant, mais d'un enfant qui a des difficultés énormes et qui ne sait même pas ce que c'est qu'être élève, donc forcément il y a les mêmes... Mais ces termes pourraient aussi être utilisés... enfin doivent être utilisés pour les enseignants, simplement que leurs outils... les démarches, les démarches rééducatives, les démarches pédagogiques, les démarches d'aides spécialisées ne sont pas les mêmes... mais la finalité est bien la même : c'est bien la réussite... de l'élève, au delà de la seule réussite scolaire.

Est-ce que vous pourriez définir le travail particulier du maître G ?

Oui... je ne sais pas... comme ça, je dirais volontiers que le rééducateur... doit être capable, à partir d'observations, d'entretiens, d'outils dont il se sera doté de remettre un enfant en situation d'être élève et qu'à partir du moment où il l'a remis en situation d'être élève, si... il y a besoin de... s'il a pris du retard, ce n'est plus lui qui sera chargé de ce travail là mais ce sera le maître de la classe... ou un maître E éventuellement ou l'équipe de cycle...

Comment définiriez-vous les différences entre les fonctions de maître E et de maître G ?

Le maître E travaille avec des élèves et le maître G avec des enfants qui sont capables d'être élèves et qui peuvent l'être mais qui ont des difficultés à avoir des résultats corrects, à organiser leur pensée etc... alors que le rééducateur travaille avec des enfants qui doivent être élèves mais qui n'ont... pas encore cette possibilité de... qui n'ont pas compris le sens de l'école mais pas du tout... ils ne peuvent pas... apprendre leur fait peur ou... apprendre ce n'est pas possible parce qu'ils n'ont pas compris ce que c'était... mais ce n'est pas les mots, c'est le sens profond de l'apprentissage... Ils n'ont pas compris non plus peut-être ce que pouvait être la vie d'un écolier à l'école...

Vous présentez un public différent pour le maître E et le maître G... Est-ce qu'il existe encoore d'autres critères pour les différencier ?

Je ne sais pas...

Je pensais à l'âge par exemple...

Ah oui... On dit que les rééducateurs n'ont pas à travailler avec des très grands, au cycle 3 parce qu'ils auraient dû s'en apercevoir avant... ou alors si... leur action n'a pas produit d'effet, c'est peut-être que le problème est différent donc éventuellement doit être traité à l'extérieur de l'école...

Est-ce que ça vous semble pertinent de travailler avec eux dans certains cas ?

Ce n'est peut-être pas... Si on parvenait à définir bien les rôles de chacun, peut-être que justement on saurait comment passer la main... ça, ça me paraîtrait assez pertinent...

En quoi la différenciation E/G vous semble-t-elle pertinente ?

C'est que les rééducateurs sont des professionnels en décalage... justement parce qu'ils sont dedans mais qu'ils ont une certaine extériorité, ça devrait permettre à l'institution d'être plus capable d'observer, d'analyser ce qui se passe dans l'école... S'ils avaient ce rôle là, ce serait bien...

Avez-vous observé des glissements de pratiques, sur le terrain, entre E et G ?

Oh, oui... oui bien sûr...

Est-ce qu'il y a des explications à ces glissements ?

Oui, oui, je pense... Il y a... utiliser sa fonction pour tenter des expérimentations... personnelles... J'ai en tête une rééducatrice qui fait de l'entretien, de la remédiation cognitive par exemple et au cours d'un entretien elle m'a expliqué que quand on lui présentait des élèves après bilan, après travail des membres du réseau, les élèves étaient orientés soit auprès de son collègue rééducateur, soit auprès d'elle soit auprès du maître E... C'est notre système qui autorise ça aussi... D'autres dérives, c'est ne sachant pas très bien... C'est un travail difficile donc parfois on se plante... Il y a des dérives peut-être du côté de l'instrumentalisation, du côté des RPM qui ne sont pas rééducateurs mais psychomotriciens, peut-être qu'il y en a d'autres qui se verraient plus psychologues et qui ne parviennent pas toujours à savoir où est cette différence entre un entretien rééducatif et un entretien thérapeutique... Si on parvient à les pointer et à définir des critères, des indicateurs... on pourra peut-être dépasser le sentiment d'attaque corporatiste... Pour le moment les rééducateurs sont un peu "parano"... (rires) mais l'institution l'est aussi à leur encontre parce que l'institution croit qu'ils lui veulent du mal... C'est complexe...

A votre avis, y a-t-il une fonction, E ou G, qui joue un plus grand rôle ? Et pourquoi?

Je ne comprends pas.

C'est-à-dire est-ce qu'il y aurait une fonction plus efficace que l'autre ou qui apporterait davantage au système ?

On a fait une enquête, il faudrait que je vous la communique... ça répond à votre question et puis on comprend bien pourquoi on ne s'entend pas dans l'institution les uns avec les autres... On a posé la question : "Quel était le rôle des membres du réseau ?" aux membres des réseaux, aux directeurs d'école, aux enseignants des classes ordinaires, aux parents, aux IEN... Et puis on a dit : "Face à un enfant en difficulté qui peut apporter de l'aide en premier ou qui doit apporter de l'aide ?" Et les réponses des IEN, des membres des réseaux et des enseignants sont complètement différentes... Donc on comprend bien déjà pourquoi ils ne peuvent pas s'entendre dans la réalité sur le terrain. Il faut que je vous communique cette enquête, elle est bien intéressante... A l'évidence l'enquête montre qu'il y en a qui sembleraient plus importants que d'autres... En particulier il me semble que les rééducateurs ne sont jamais notés. Le maître E est souvent noté, c'est peut-être en lien avec ce que je vous disais tout à l'heure sur les apprentissages parce qu'on voit bien, il travaille sur les apprentissages, il va apprendre à l'élève à faire une addition etc... C'est caricatural mais enfin bon... le psy rarement, parce que c'est le psy et qu'il est un peu à part dans sa bulle, le rééducateur, je crois qu'il n'est jamais noté...

A votre avis, faut-il maintenir les deux types d'aide ?

... C'est utile oui je crois... mais il faudrait bien les définir...

Et est-ce qu'on pourrait concevoir une fonction unique qui pourrait proposer les deux types d'aide ?

Je n'y ai pas réfléchi... C'est deux logiques ça... c'est soit on fait deux fonctions, deux types différents pour éviter la confusion, soit pour les mêmes raisons avec les mêmes finalités, on peut dire, on va le mettre au même en disant qu'on aura un superman un superprofessionnel qui pourra dire : "je vais travailler... etc "... Je ne sais pas... Je serais plutôt partisan, pour éviter la confusion, de définir... de bien définir des champs d'intervention... même s'il y a des interzones...

Lors de la passation de la partie pratique des CAPSAIS E et G, quels sont les critères d'évaluation des candidats ?

On a le référentiel en ce moment, donc on s'appuie dessus...

Est-ce que vous avez des points auxquels vous êtes plus sensible, des choses particulières soient qui appartiennent à ce référentiel, soient qui soient en dehors ?

Non, rien d'autre, qui ne soit sur le référentiel mais par exemple, c'est ce qu'on dit peut-être aux stagiaires CAPSAIS, c'est intéressant quand il y a une commission qui arrive dans leur local, qu'ils expliquent avant peut-être avec quel groupe ils vont travailler, dans quelle continuité, dans quelle programmation ça s'inscrit, ce qui n'apparaît pas dans le guide de passation de cette épreuve de l'US3... puisqu'on est maintenant sur les épreuves du CAPSAIS rénové...

Si un jeune était intéressé par un poste en Réseau et vous demandait de parler des métiers de maîtres E et G, qu'est-ce que vous lui diriez spontanément ?

Qu'il vienne vite le 29 mai, parce qu'on a une super journée avec nos stagiaires qui vont présenter leur métier...

A votre avis, est-ce que le système d'aide actuel est efficace ?

C'est ce que dit le rapport de l'Inspection Générale... Les conclusions du rapport de l'Inspection Générale disent que c'est efficace... Les élèves redoublent moins... Donc moi je crois le rapport de L'IG mais dans le même temps, il critique beaucoup... Je ne sais pas... Enfin, c'est ça qui est intéressant... efficace... est-ce que... La conviction que j'ai, c'est qu'on ne peut pas tenir les enseignants comptables des résultats de leurs élèves et qu'on aurait plutôt intérêt à travailler en termes d'effets : "Quels sont les effets que l'on observe ?", plutôt que de ramener chaque fois sur l'efficacité et sur le résultat. Si on n'observe que le résultat, on ne sait jamais comment il a été obtenu et si la compétence mise en oeuvre pour obtenir ce résultat, c'est celle qui a été visée par la séquence d'apprentissage... Donc, il faut prendre du recul, me semble-t-il, par rapport aux résultats.

A quelles conditions le système d'aide actuel pourrait-il fonctionner davantage ?

Vous ne trouvez pas qu'on a assez de boulot ? Davantage ? Non pas davantage... mieux peut-être mais pas davantage...

Mieux alors, comment pourrait-il mieux fonctionner ?

(rires)... Certains disent qu'il y a une certaine importance... d'élaborer des projets, de travailler en équipe... peut-être qu'on pourrait mettre effectivement cette élaboration de projet non pas comme but lointain à atteindre mais comme guide et boussole ou fondement du travail et puis le travail en commun, enfin les équipes comme fondement... Mais comme c'est l'évaluation qui pilote l'action, si on n'évalue pas les gens et leurs capacités à travailler en équipe, on fait l'hypothèse qu'on va continuer comme ça très longtemps... il n'y a aucune raison que spontanément ça change sauf nécessité absolue… C'est pour ça que dans l'AIS il y a plus d'équipes, c'est parce que c'est une contrainte puisque chacun des partenaires est détenteur d'une information. Dans l'AIS, les partenaires, quand ils sont ensemble, pensent qu'une information donnée, ce n'est pas une information perdue, c'est une information multipliée et partagée, utile à la décision d'action... alors qu'il me semble parfois, mais peut-être a-t-on fait des erreurs... que des enseignants, des médecins scolaires, des psychologues, des rééducateurs, des maîtres E, des directeurs d'école, des inspecteurs pensent peut-être qu'une information partagée, donnée, c'est une information perdue... peut-être y a-t-il eu des abus, des récupérations d'information, des informations mal comprises qui ont été détournées... C'est pourtant dans la circulation d'informations et dans leur traitement, c'est-à-dire dans ce qu'on en fait, qu'il faut gratter plus...

Quelle est la typologie des tâches effectuées par le réseau tout au long de l'année ?

J'ai écrit tout ça déjà plein de fois... Je vous donnerai les documents... même faits par les maîtres E et les rééducateurs...

Y a-t-il des évaluations de résultats pour le maître E, le maître...

(me coupe) Vous l'avez eu le rapport de l'inspection générale ?

Oui, mais je veux parler de votre circonscription...

Mais moi je n'ai pas de réseau, j'ai seulement une circonscription AIS. Je travaille avec les gens des réseaux uniquement en formation et quand on me demande de travailler... Donc là j'étais à Chartres, il n'y a pas longtemps avec les rééducateurs de ce département... Et puis en inspection avec mes collègues pour lesquels je suis conseiller technique mais c'est tout, je n'ai pas de réseau...

Alors si vous en aviez un, comment concevriez-vous votre rôle ?

(rires)... Comme c'est tout bien écrit, animateur, tout, tout, au top, je serais formidable...

Est-ce que vous pouvez citer les 3 livres ou auteurs principaux recommandés lors de la formation E ?

Il faut regarder la bibliographie...

Mais de mémoire est-ce que vous pouvez dire des choses à ce propos ? A votre avis quels sont les référents essentiels actuellement ?

J'ose espérer... Il y a Vermersch pour l'entretien d'explicitation à mon avis... Sur le diagnostic pédagogique il n'y a encore rien d'écrit mais ça va peut-être venir... il y a Astolfi... et je pense forcément Develay, Meirieu, peut-être Reboul pour l'évaluation ou Hadji...

Et pour les G ?

Alors parmi les écrits... il y avait De la Monneraye, Gillig et puis Guillarmé qui ont écrit. Il y a aussi Darrault qui a tenté d'écrire et puis il y a tous les gens qui ont fait des conférences, ce ne sont pas des gens qui ont écrit, il y a Lévine, bien sûr... enfin nos rééducateurs utilisent ces textes là... Et tous les gens qui ont écrit sur la systémique et puis toute une série d'articles qui sont... Pour les rééducateurs, ce qu'on avait constaté, c'est qu'à un moment donné, avant, quand c'était l'Ecole Normale, il y avait des directeurs de CRFMAIS (centres régionaux de formation des maîtres pour l'AIS), il semble que les directeurs s'étaient emparés de la rééducation. Nantes : De la Monneraye, il a écrit sur la parole rééducative, Tours : le patron c'était Darrault, il a écrit sur la rééducation, Paris : c'était Guillarmé, Il n'y a peut-être qu'à Strasbourg où Gillig n'a jamais été directeur de centre, mais il a écrit beaucoup... Millet à Bordeaux, il a écrit... Alors moi, je m'étais promis en étant responsable de l'AIS et le l'unité de ne jamais rien dire ni faire pour ou sur les rééducateurs parce que je ne sais pas d'où ça vient ça...

Une espèce de tradition ?

Vous m'obligez de répondre à vos questions... Je vais perdre mon pari... Non, je ne sais pas... Je l'ai remarqué, je l'ai constaté... Hoel à Versailles... ou dans la région parisienne, pareil, il a beaucoup écrit aussi... C'est étonnant quand-même non ? Gossot qui a été directeur lui aussi, bon il n'avait rien écrit à l'époque mais depuis qu'il est inspecteur général, c'est lui qui fait ces rapports sur les réseaux... et enfin je trouve ça fabuleux et étonnant... Je crois quand-même que l'institution est questionnée par les membres du réseau et en particulier les rééducateurs... Vous êtes quand-même... une catégorie à part, une grosse part...

Quels sont les cinq mots qu'évoque pour vous la réussite à l'école ?

La communauté de pensée, un véritable statut social pour l'élève, la reconnaissance, être considéré comme interlocuteur valable...

Vous pouvez préciser davantage ?

On est en train de conduire un travail que je trouve admirable... On... enfin des enseignants sont en train de mettre en place ce qu'on appelle... une réflexion et un travail et une pratique pour une communauté de chercheurs philosophes de la maternelle au collège... Donc créer dans la classe avec les tout-petits, cycle 1, cycle 2, cycle 3, des espaces de parole qui permettent aux élèves d'élaborer de la pensée collective, de créer, de fabriquer de la pensée sur les questions... toutes bêtes... qui n'ont pas d'intérêt..." Qu'est-ce que c'est d'être adulte ?", "Qu'est-ce qu'une injustice ?" "Est-ce qu'on est tous pareils ?", "Pourquoi est-ce qu'on a envie de se moquer ?", "Qu'est-ce que c'est que la honte ?", "Est-ce qu'on est tout le temps obligé de réussir tout la première fois ?", voilà des questions existentielles... que les élèves se posent... Et l'expérience que l'on conduit montre qu'il se passe des choses.... Donc ces espaces de parole, cet atelier de philo, ce moment philo, qui n'est ni le "quoi de neuf" de la pédagogie institutionnelle, ni le "conseil", qui est complètement différent de l'expérience... Justement on était avec Palaccio qui est un prof québéquois qui travaille sur la philososphie à l'école dans la tradition de... enfin c'est Lipman, qui est prof dans le New Jersey aux Etats-Unis, qui travaille là-dessus, mais ils ont un objectif complètement différent : c'est aider à penser mais à partir de romans, de textes donc à partir d'un objet scolaire... un texte dans lequel sont introduits des concepts philosophiques, c'est Lipman qui a rédigé ces romans... on se différencie complètement... Nous on part de l'élève et on le met face à des énigmes... Ce serait ça... C'était la réussite scolaire... c'est donner la possibilité à l'élève de se trouver face à des énigmes et d'être co-fabriquant de pensée...

Vous avez dit aussi "véritable statut"...

Oui, on s'aperçoit que grâce à ça... Je crois qu'on est confronté actuellement... enfin c'est ce que ma recherche tente de me montrer actuellement... à l'hétérogénéité à laquelle on n'était pas trop habitué... On en a parlé, on a parlé de différenciation pédagogique mais toujours, toujours dans un... avec l'objectif que c'était possible de faire apprendre les élèves... Alors que je trouve qu'il semblerait qu'on soit confronté à un autre type d'hétérogénéité là, avec des gens qui sont en énorme difficulté et qui se fichent pas mal de rentrer dans nos modèles de la réussite scolaire, de réussir des examens etc... mais qui veulent malgré tout quels que soient leurs résultats, quelles que soient leurs difficultés être reconnus... Ils ne supportent plus cette différence... Et donc on est confronté à cette autre gestion de l'hétérogénéité... Un aspect du dysfonctionnement scolaire aujourd'hui c'est cela, ne pas tenir compte de leur besoin de trouver un lieu où ils aient un véritable statut d'interlocuteur. Et je crois que l'outil de l'atelier philosophique permet de reconnaître, donc d'offrir un statut social nouveau à l'élève, à l'enfant, dans la classe, quels que soient ses résultats parce que sa parole est entendue, elle est reprise, sa pensée dès lors qu'il l'exprime est reprise et il est considéré d'emblée comme un interlocuteur valable... Je crois qu'on est en quête de nouveaux modèles de pédagogie... Alors ce serait ça, si ces modèles de pédagogie étaient mis en place comme ils devraient l'être dans le circuit dit ordinaire, ce serait peut-être ça qui pourrait être la fin des enseignants spécialisés... On a le temps jusqu'à demain...

Comment considérez-vous la place et le rôle des aides à l'école ?

A l'école (rires)... Que ce soit inscrit dans le projet d'école...

Vous venez de parler de la fin des aides spécialisées, comment considérez-vous plus précisémment l'ensemble des aides non spécialisées ?

Ce serait ça, ce travail, cette prise de conscience, cette réflexion qui pourraient conduire à des actions pour une gestion différente de l'hétérogénéité... "Pourquoi ? Comment ça se fait qu'il n'apprend pas ? D'où elle vient cette difficulté là ?" Je travaille beaucoup avec J. Lévine, Ph. Meirieu et M. Develay, donc c'est : "Quelle est sa sphère d'appartenance ? Il vient de quel groupe ? Il vient de quelle famille, de quel groupe ? C'est un groupe, une famille dans laquelle ce qu'on reconnaît c'est la séduction ? C'est la lecture ? le concept ? C'est la violence ? le fait de fabriquer, de construire ? C'est le fait d'élaborer de la pensée ? Si on ne fait pas attention à ça, on reste dans ce fonctionnement... C'est ce qu'explique bien mieux que je ne le ferai J. Lévine quand il parle de l'école des quatre langages... Voilà, je crois que les gens maintenant, ils ne veulent plus... Ils veulent exister, ils veulent de l'égalité en dépit de résultats qui ne sont pas bons... Ils veulent être reconnus... Ce n'est pas non plus parce qu'ils n'ont pas de fric, qu'ils ne veulent pas être reconnus non plus dans la société... Le mouvement des chômeurs, c'est fabuleux pour ça... cette prise en mains... Ils existent en tant que citoyens, bon ils n'ont pas de boulot... mais ils n'y sont pour rien... Je ne vais pas me lancer dans des procès d'intention... mais quand les gens disent : "Oui, oui, les chômeurs ne bossent pas parce qu'ils ne veulent pas bosser" non... "Ces élèves n'ont pas leur place à l'école parce qu'ils viennent juste pour faire toucher les allocations familiales à leurs parents", non... Mais on n'est pas tous d'accord là-dessus...

Comment voyez-vous l'avenir des RASED ?

Devant eux. (incompréhensible)... L'avenir, il en sera aussi ce qu'ils vont être capables de faire, les membres des réseaux... A un moment donné, si on continue à travailler... Enfin il y a l'association des psychologues, il y a la FNAREN, vient de se monter l'association nationale des maîtres E. Bon. Alors si ces trois associations aident à définir, à créer des liens, à tisser des ponts, à travailler en réseau, c'est bien... Mais si elles aident à séparer, à faire du corporatisme etc... Là effectivement il faut qu'il y en ait un qui fasse tout... parce que ce sera plus facile...

Avez-vous d'autres remarques à ajouter sur les aides spécialisées à l'école ?

A jeter ? (rires)...

A ajouter ?

Non, je ne vois pas...

Une dernière question facultative... Pour quelles raisons êtes-vous devenu inspecteur?

J'ai été poussé un petit peu... ça faisait un moment que je bossais en Sciences de l'Edu, j'avais entrepris un cursus que je vais peut-être bientôt finir... j'espère... et j'avais rencontré un des profs que je connais depuis tellement longtemps... qui m'a dit : "allez maintenant, il faudrait peut-être que tu arrêtes d'être adolescent, il faut tenter le concours et puis voilà"... Je l'ai tenté et puis comme je l'ai gagné... je me suis dit pourquoi pas ? Et je ne regrette pas, voilà...