Entretien E33 Gaël

Age : 51 ans

Profession : Conseiller pédagogique AIS

Diplômes : CAFIMF arts plastiques (93), CAPSAIS option D (95)

Gaël : cursus professionnel (cf. légende profils de carrière A1 pp. 43-44)
Gaël : cursus professionnel (cf. légende profils de carrière A1 pp. 43-44)

Lieu : salle de réseau

Durée : 1 heure

Quels sont les cinq mots qu'évoque pour vous l'expression enfant en difficulté ?

Peur d'apprendre, manque de confiance, insuffisance de vigilance des enseignants... je veux dire vigilance et attention, peu de prise en compte des différents types d'intelligence... et puis une chose assez banale, je pense que la difficulté est normale, nécessaire même.

Pouvez-vous développer ce que vous entendez par les mots ou expressions proposées? Peur d'apprendre ?

Peur d'apprendre, c'est plutôt le fait qu'un enfant n'est pas dans une situation confortable pour affronter quelque chose de nouveau, soit il n'ose pas se lancer par manque de confiance, soit il reste accroché à ses anciens savoirs donc il a peur... manque de vigilance et d'attention des enseignants, ça peut vouloir dire qu'on n'accorde pas une attention suffisamment précise à ce que l'enfant sait déjà faire, à ses capacités qui existent réellement, ou à d'autres capacités qui ne seraient pas demandées en particulier.

Vous avez dit aussi peu de prise en compte des différents types d'intelligence...

Ça rejoint tout à fait ce que je viens de dire... je pense qu'il y a des enfants qui ont une intelligence musicale ou spatiale... toutes les intelligences qu'on a pu répertorier aujourd'hui... en utilisant uniquement les intelligences mises en valeur dans le domaine scolaire, langagières et logico-mathématiques, on ne valorise pas forcément le développement de cet élève.

Vous avez dit aussi normale même nécessaire en parlant de la difficulté. Pouvez-vous préciser ?

Oui, je pense que même un adulte n'apprend pas sans difficulté, il y a toujours des caps à franchir, une étape qui coûte. Il faut qu'il se lance parce qu'il y a toujours une difficulté quelque part, c'est peut-être même ce qui fait l'attrait de l'apprentissage.

Pouvez-vous présenter un enfant difficulté, un seul, que vous avez eu l'occasion de rencontrer dans votre vie professionnelle cette année ou dans les années antérieures? Pouvez-vous le présenter et raconter ce qui se passait avec lui ?...

C'était une adolescente de 18 ans quand j'étais dans un IMPro qui était supposée être assez gravement psychotique. En classe, elle avait un comportement très chaotique, sans aucune cohérence. Quand je suis arrivé, cette jeune fille là avait toujours eu des enseignants dans cette institution depuis toute petite. Ce que j'ai remarqué, c'est qu'on lui faisait surtout faire des activités répétitives, de l'ordre de savoir faire des traits sur les lignes, faire des jeux de rythme, reproduire des lettres etc.. Ça m'a surpris, parce que je trouvais que toutes ces activités qu'on lui faisait faire c'était pour faire semblant d'être à l'école et de montrer à ses parents qu'elle était capable de faire comme une enfant de maternelle. Quand je suis arrivé, mon approche était complètement différente, axée sur ce que j'ai dit auparavant, c'est-à-dire que j'ai observé ce qu'elle était capable de faire toute seule sur une feuille blanche, ce qu'elle savait dire, ce qu'elle savait faire toute seule, sa manière de se projeter... j'ai trouvé qu'elle avait des capacités en cuisine, qu'elle était capable de faire une recette parce qu'il y avait un atelier cuisine à côté, qu'elle pouvait lire de petites phrases, reconnaître certains mots, commencer à écrire son prénom, des choses comme ça. Je suis parti là-dessus, elle avait un cahier où elle avait le droit de s'essayer. Ça a provoqué chez les parents et même chez les éducateurs un petit remue-ménage. Ils se sont dit : « qu'est-ce que c'est que cet instituteur ? Elle n'a pas de cahier tout propre etc. ». Elle avait deux cahiers en fait, un cahier propre et un cahier où elle s'essayait. J'ai rencontré les parents, avec eux on a construit un contrat précis. Les parents étaient très ouverts, ils ont compris le sens de ma démarche. Leur première réaction, c'était d'être un peu choqué, mais ils ont bien compris qu'il valait mieux inscrire leur fille dans une vraie dynamique, un vrai contrat, où petit à petit elle pourrait peut-être construire quelque chose qui ait du sens, qu'elle pourrait utiliser dans sa vie d'adulte. Donc on a construit tout un travail en relation avec la cuisine : avec l'éducatrice en cuisine, ce qui se passait en classe et puis ce qu'elle faisait à la maison. Quand elle faisait par exemple une recette pendant la semaine, dans l'atelier d'art ménagers, elle devait être capable de la redire en classe verbalement, en écrire quelque parties en utilisant des étiquettes que j'avais fabriquées et puis le week-end , le contrat c'était qu'elle se débrouille toute seule à faire la recette qu'elle avait étudiée, sans l'aide de ses parents. Petit à petit, elle s'est remotivée, elle s'est mise à écrire... c'est un exemple que j'ai en tête aujourd'hui mais j'en ai d'autres...

Vous êtes-vous senti solitaire dans cette démarche-là ?

Non, je ne suis pas senti solitaire du tout, j'en ai discuté avec la directrice de l'établissement et le chef les éducateurs. On a eu une réunion, dans les IMPro il y a souvent des réunions de synthèse avec le psychiatre et puis la cohorte des partenaires éducatifs qui sont là donc non, j'étais bien soutenu.

Quels sont les cinq mots qu'évoque pour vous le sigle RASED ?

Vous voulez cinq mots... il y a le mot réseau qui évoque pour moi savoir travailler avec des partenaires c'est-à-dire écouter leur spécificité, les utiliser. Pour moi, les pratiques de partenariat que j'ai pu observer naissent de l'acceptation de poser des regards différents sur la difficulté.

Que dois-je garder ?

Réseau, partenariat, regards différents, réflexion commune... et puis le mot aide. C'est un terme qui m'interroge toujours beaucoup. Si on travaille avec un élève pour qu'il puisse s'aider lui-même, c'est intéressant. Sinon, si c'est une démarche d'aide vue comme «moi, je vais aider quelqu'un », je trouve ça contraire à l'objectif initial.

Comment voyez-vous alors les actions qui permettent à l'élève de s'aider lui-même ?

Ça rejoint ce que j'ai dit au début c'est-à-dire si on met à jour les compétences qui existent déjà, on va mettre l'enfant dans une dynamique plutôt valorisante et à partir de cette image de soi plus positive on va pouvoir contractualiser quelque chose avec lui. Je pense même que la recherche d'un contrat doit se faire doucement de façon à ce qu'elle se fasse vraiment avec, et que ce ne soit pas des adultes qui imposent une démarche ou un travail spécifique à des enfants.

Pouvez-vous aussi préciser regards différents et réflexion commune ?

Ça fait partie du métier de tout enseignant de savoir profiter des avis des autres, soit des collègues, soit des gens du réseau, soit d'autres personnes autour, parce qu'il n'y a que ça qui permette d'aborder les stratégies communes, par exemple pour savoir ce qu'on fait avec les enfants en difficulté dans une école etc... je pense que tout seul, on ne peut pas détenir la solution. (...) J'imagine que vous-même, à l'intérieur du réseau, quand vous avez vos réunions, c'est à peu près la même chose qu'il devrait y avoir dans une réunion de cycle. Chacun donne son avis, puis on essaie de trouver une solution qui convienne, soit fixer un contrat, soit fixer un nombre de séances etc.

Si on concentre le regard sur le réseau, pouvez-vous retenir cinq mots ou expressions pour maître E ?

Ça m'évoque la remédiation, le travail avec les collègues enseignants, le temps passé avec les enfants concernés... la nécessité d'inscrire ce travail en intégration avec la vie de la classe sans exclure les bons élèves, donc jouer la carte de l'interaction entre élèves, ça demande un développement (rires)... je pense qu'un maître E pourrait tout à fait travailler avec des élèves qui n'ont aucune difficulté, de manière à ce que ces élèves-là jouent l'interaction avec les autres qui sont plus en difficulté, à condition que ça apporte à tout le monde...

Dans ce cadre, quelle est la spécificité du maître E par rapport au maître généraliste?

Bonne question... (rires)... je ne sais pas répondre à ça. J'ai tendance à penser aujourd'hui que tous les enseignants devraient recevoir une formation très spécifique concernant la difficulté scolaire. Ça leur permettrait de régler beaucoup de problèmes. C'est pour ça que j'ai dit que je ne sais pas trop répondre, sachant que la spécificité des maîtres E c'est la possibilité de pouvoir travailler avec de petits groupes d'enfants.

La différence se situe plus au niveau du cadre d'intervention que du contenu alors ?

Non, je pense que c'est également au niveau du contenu. Mais ce contenu pourrait très bien faire partie des capacités de tous les enseignants, sur le plan de la souplesse pédagogique, de l'attention, de la pédagogie différenciée, de l'inventivité etc.

Quels sont les cinq mots ou expressions qu'évoque pour vous la dénomination maître G ?

Action sur le comportement, je ne sais pas trop, je ne sais pas comment répondre parce que je n'ai pas travaillé avec des formateurs de l'option G. Je n'ai pas une véritable connaissance de leur spécificité. Les maîtres G que j'ai rencontrés et connus étaient très variés...

Est-ce que je peux garder variété ?

Oui, variété des styles d'intervention et pas de véritable connaissance. En tant qu'enseignant j'ai travaillé avec une maîtresse G, mais je trouvais qu'elle travaillait comme une maîtresse E ou en fait comme les deux, E et G. Ce n'était pas très net.

De quelle façon travailliez-vous ensemble ?

On a beaucoup travaillé ensemble, c'était très positif. Ce que je peux dire, c'est l'efficacité de l'échange avec l'enseignant spécialiste, le regard différent, la faculté de cette personne de s'inscrire dans les projets d'école et puis sa participation aux conseils de cycle pour bâtir une stratégie avec les enfants en difficulté. Il n'y avait pas que la spécificité à un moment donné d'une personne qui prend des enfants, qui les emmène ailleurs. Je pense que ça doit exister dans la majorité des cas. Il faudrait que je vous interroge pour savoir (rires)...

De votre place de formateur occasionnel pour l'option E, comment jugez-vous la pertinence de l'existence des deux fonctions E et G ?

Quels sont les avantages et les inconvénients d'une séparation des aides en deux dominantes, E et G ?

... J'ai tendance à penser que si le maître G intervient sur le comportement, il y un gros travail à faire avec la famille, donc est-ce que c'est vraiment pertinent que ça se passe dans l'école ? Je m'interroge... Je n'ai pas de réponse, peut-être que oui, peut-être que non. Il faudrait que je réfléchisse à la question... la différence entre les deux, c'est difficile pour moi je l'ai déjà dit. J'aimerais savoir en fait comment les élèves la perçoivent. Ça m'intéresserait d'interroger des élèves...

A partir de votre expérience, comment voyez-vous le travail d'équipe au sein du réseau et entre le réseau et les équipes pédagogiques ?

(...) il y a une nécessité de travailler en équipe, la nécessité de prendre du temps pour discuter avec les enseignants, pour vivre en équipe avec eux, et puis d'avoir un retour au moment du bilan où on arrête le contrat... de bien éclaircir tout ça. Ce qui est intéressant dans les termes du contrat, c'est qu'il y ait quelque chose de très visible pour l'enfant, pour la famille, pour l'enseignant, pour les personnes du réseau... de l'évolution, de ce qui s'est passé. Chacun doit savoir où il va et où il en est...

Vous parlez de nécessité, de « il faut, il faudrait, on doit... », j'aimerais vous interroger sur ce dont vous avez été témoin dans la réalité...

Quand ça se passe bien, c'est tout ce qu'on a dit avant, si on est capable de travailler en partenaires, si on est professionnel pendant les temps de réunion, si l'enfant sent qu'il y a une dynamique, que les adultes réfléchissent ensemble, qu'il a eu la parole, que vraiment il y a une qualité d'écoute... dans les cas où ça se passe moins bien, certaines fois, ce sont des enfants qui n'ont pas été repérés suffisamment tôt, des enseignants qui n'ont rien dit, qui n'ont pas détecté quelque chose ou qui ne sont pas arrivés à régler un problème tout seul... dans les histoires des écoles, ou les représentations que les enseignants ou les parents se font du psychologue ou d'autres membres du réseau, il y a tout un travail à faire. Quelquefois, il faut faire bouger les mentalités. Les gens ont des représentations tellement rigides... ça se voit davantage dans certaines écoles. Ce que je trouve intéressant dans le projet d'aide du réseau d'aide de la circonscription où je travaille, c'est le fait d'impliquer directement les enseignants dans la recherche d'un outil avec les membres du réseau. L'outil mis au point cette année a été appelé projet personnalisé d'aide et de progrès. C'est une sorte de dossier de suivi pour les enfants en difficulté importante et qui implique l'enseignant de la classe, l'équipe pédagogique, les parents, l'enfant, éventuellement le réseau ou d'autres partenaires. C'est un outil qui est à perfectionner sans doute, mais il faut conserver cette dynamique entre tous, ça me paraît être une piste à maintenir... c'est-à-dire que ce ne soit pas uniquement un inspecteur ni un conseiller pédagogique ni des réseaux qui proposent un outil d'aide mais que les gens s'y mettent ensemble et que ça aboutisse à quelque chose...

Et comment cette chose là, ce travail, a-t-il pu jaillir ?

Déjà en permettant à ces gens-là de se rencontrer sur un thème précis... je ne sais pas comment ça s'est passé au début, qui a eu l'initiative... on a constaté des difficultés de comportement etc., les gens se sont exprimés, et on a dit : "il faut créer le cadre pour que la parole existe et que la réflexion se poursuive"...

Vous avez parlé tout à l'heure, à propos d'équipe qui fonctionne bien, de professionnalité durant les temps de réunion. Pouvez-vous préciser ?

Ça, c'est un signe qui ne trompe pas. Quand les enseignants sont capables, dans les conseils de cycle par exemple, d'établir un ordre du jour, de s'y tenir… Mais ça s'apprend ça, ça devrait s'apprendre… Vous comprenez, les réunions ne sont plus réduites à une contrainte institutionnelle ennuyeuse et improductive à laquelle il faut se soumettre. Elles peuvent devenir intéressantes quand il se dit des choses, quand il y a discussion, débat, décisions, quand les gens en retirent un sentiment d'utilité et de responsabilité. C'est usant les réunions où tout va dans tous les sens, où on papote, où la convivialité l'emporte sur la productivité. On n'attend rien en buvant le café… et en tuant le temps avec des propos aussitôt oubliés... ce qui ne veut pas dire que je n'apprécie pas la convivialité, bien au contraire, mais elle ne peut à elle seule être un critère d'efficacité.

D'après votre expérience, quel est le rôle de l'IEN dans le réseau ?

Ma façon de voir les choses, c'est un peu dans l'idéal aussi. Ça rejoint ce que j'ai dit en premier concernant les enfants en difficulté, c'est une équipe de professionnels, donc il me semble que la mission de l'inspecteur c'est de leur faire confiance au départ. Sa deuxième mission, c'est de trouver avec le réseau un outil qui permette d'évaluer... c'est là que les choses se compliquent... qu'est-ce que c'est qu'évaluer l'efficacité le réseau ? Soit on a des outils traditionnels de mesure, soit on invente un autre type d'évaluation mais je ne sais pas trop. Par exemple à travers ce projet personnalisé d'aide et de réussite, effectivement sur le long terme, si on pouvait suivre des parcours d'enfants en difficulté détectés en moyenne section par exemple, qui ont eu des contrats etc... il me semble que ça se serait un moyen d'évaluation peut-être pertinent. En même temps, je pense qu'il faudrait que les équipes d'enseignants disent : « nous, on a fait ça avec ces enfants-là, ça a marché », donc écrivent ce qui a marché... le moyen de l'évaluation ça devrait permettre de continuer les actions qui marchent bien. Je crois beaucoup à la pertinence de l'écrit pour ça. Si le réseau et les équipes enseignantes ont constaté des progrès, des comportements qui ont changé et s'ils disent comment ça s'est passé et que l'écrit reste, je pense que ça c'est un outil d'évaluation réel...

Quels sont les trois livres ou auteurs principaux recommandés lors de la formation E?

Britt Mari Barth L'apprentissage de l'abstraction, Bruner Savoir dire, savoir faire... et de Bruner aussi Comment l'enfant apprend à parler ?

Maintenant je vais vous poser la même question pour la formation G...

Là, je n'ai pas trop d'idées, je ne sais pas... si on va vers les psychanalystes... je n'ai jamais vu comment ça se passe les formations de type G. En ce moment, vu que j'ai relu Dolto, je trouve qu'elle reste très d'actualité. Elle a été mal comprise pendant un certain temps mais... j'aime bien ce qu'elle dit quand elle dit qu'il ne faut surtout pas l'écouter et que chacun doit réinventer son propre démarche. Il n'y a pas de gourou, il n'y a pas de vérité.

Je vais vous demander encore cinq mots pour la réussite à l'école...

Je dirais bien confiance, mais il faudrait expliquer... je crois en ce que si dans une classe il n'y a pas un vrai climat de confiance c'est-à-dire que les uns vont apporter aux autres mutuellement etc. c'est difficile d'avancer. Donc je mettrais la confiance tout au début. La confiance ça sous-entend qu'on a reconnu les qualités de l'autre, je mettrais la reconnaissance ensuite... projet, exigence, différence. Différence, dans le sens d'accepter que des élèves s'y prennent complètement différemment pour aboutir à des résultats identiques.

Pouvez-vous développer davantage confiance ?

Oui, parce que de la position d'un enseignant ou d'un maître de réseau ou d'un conseiller pédagogique, si d'emblée on ne fait pas confiance aux capacités des autres avec lesquels on va travailler, on ne peut pas se lancer dans un vrai projet qui permettra la réussite. Pour moi un vrai projet, c'est oser se lancer sans savoir, sans connaître à l'avance comment tout cela va se passer. Pour se lancer comme ça, il faut forcément avoir confiance, c'est un peu comme sur un navire, c'est bateau mais... c'est quand même ça. Je l'ai souvent éprouvé dans tous les projets que j'ai conduit. Ça c'est souvent passé comme ça, au début on avait peur parce que qu'on ne savait pas bien où on allait mettre les pieds. Finalement ça s'est bien passé parce qu'on s'est fait confiance. Donc pour l'apprentissage, je le vois aussi comme ça.

Vous avez parlé aussi de projet...

Oui, parce qu'il n'y a pas de vie sans projet. Ce n'est pas original. L'apprentissage étant difficile en lui-même, s'il n'y a pas un projet moteur, les enfants risquent de s'ennuyer.

Vous avez dit aussi exigence...

Oui, l'exigence est inhérente à tout ça parce que si on ne maintient pas le cadre d'une manière très rigoureuse, on reste dans l'à peu près, en deçà de ses possibilités. On n'est pas dans la fantaisie...

Et différence ?

Ça rejoint ce que je disais tout à l'heure sur les intelligences multiples, heureusement que toutes les personnes sont différentes, c'est aussi ce qui va motiver les apprentissages. Si l'apprentissage part d'un désir de connaître, on va bien faire quelque chose de différent, de nouveau, d'inconnu. Donc il y a à la fois le contenu de l'apprentissage qui est différent mais aussi le fait que ceux qui apprennent sont différents.

En quoi votre fonction de conseiller pédagogique est-elle importante pour vous ?

On va retrouver transversalement les réponses que je vous ai faites, peut-être que le conseiller pédagogique est celui qui permet aux gens de dire : « voilà, nous, on fait comme ci, comme ça... voici nos pratiques ». Déjà la capacité d'écoute en elle-même est déjà une action première. La faculté de pouvoir rebondir sur ce qu'on entend, c'est-à-dire de dire : « oui, c'est intéressant ce que vous faites, ça veut peut-être dire ça ou ça, leur renvoyer quelque chose de positif, ça c'est un travail qui m'intéresse beaucoup, que j'essaie de faire. Et aussi, dans la pratique, je crois pertinemment que les gens possèdent les solutions en eux-mêmes et en équipe donc, je ne vois pas pourquoi je mettrais à leur faire des théories : « faites comme ci, faites comme ça »... A la limite, même le terme de conseiller pédagogique, de conseiller ou de conseil me gêne quelquefois parce que je pense que je n'ai de conseil à donner à personne.

Et quel mot préfèreriez-vous pour désigner votre fonction ?

A une époque, j'avais pensé médiateur quand on m'avait interrogé là-dessus mais je pense que c'est tellement un mot qu'on retrouve à toutes les sauces qu'il en devient dangereux. Si c'est celui qui permet aux enseignants de se reconnaître comme ayant des compétences déjà là, fortes, et qui leur permet de se lancer dans des projets, je pense que ce n'est pas mal mais c'est un peu long comme titre... (rires)... ce n'est peut-être pas mal conseiller pédagogique...

J'ai terminé avec mes questions mais peut-être avez-vous d'autres remarques à ajouter ?

Ce que j'ai dit depuis très longtemps, c'est que je souhaiterais que l'école soit paternelle et non pas maternelle, dans le sens où s'il y a une coupure à faire avec la mère, autant qu'elle soit faite par ceux qui coupent le cordon. Je dis ça parce qu'il y a encore des réflexions d'institutrices qui aiment bien couver leurs enfants. Quand c'est une institutrice de CM2 qui me dit : « ils sont petits, je ne vais pas me lancer dans un projet comme ça etc. », ça me fait un peu mal pour eux... mais, j'espère que ce n'est qu'une petite frange du corps enseignant... c'est comme ça.

(...) On a suivi des élèves en grande section CP, quand on a pu et puis on raconte leur histoire dans un livre à travers différents regard, membres du réseau, instituteurs, orthophonistes... ce livre raconte le parcours d'un enfant en très grande difficulté, qui a beaucoup de capacités inventives et un enfant un peu moyen... avec des outils d'observation qu'on développe depuis dix ans avec des instituteurs. On invente des pratiques sur le terrain de manière à observer au plus près ce que les enfants laissent émerger par rapport à l'écrit. On avait fait un premier ouvrage déjà. Là c'est une ré- actualisation, à partir de regards croisés sur des parcours d'enfants qui s'expriment eux-mêmes. Dans cet ouvrage, je décrypte les dessins d'enfants par rapport à l'écrit, des liens dessins /écrits et puis j'ai fait un chapitre spécial selon le point de vue du conseiller pédagogique. (...)